Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_1/VER56
Paul VERLAINE
POÈMES SATURNIENS
1866
Épilogue
I
Le soleil, moins ardent, luit clair au ciel moins dense. 6+6 a
Balancés par un vent automnal et berceur, 6+6 b
Les rosiers du jardin s'inclinent en cadence. 6+6 a
L'atmosphère ambiante a des baisers de sœur. 6+6 b
5 La Nature a quitté pour cette fois son trône 6+6 a
De splendeur, d'ironie et de sérénité : 6+6 b
Clémente, elle descend, par l'ampleur de l'air jaune, 6+6 a
Vers l'homme, son sujet pervers et révolté. 6+6 b
Du pan de son manteau que l'abîme constelle, 6+6 a
10 Elle daigne essuyer les moiteurs de nos fronts, 6+6 b
Et son âme éternelle et sa forme immortelle 6+6 a
Donnent calme et vigueur à nos cœurs mous et prompts. 6+6 b
Le frais balancement des ramures chenues, 6+6 a
L'horizon élargi plein de vagues chansons, 6+6 b
15 Tout, jusqu'au vol joyeux des oiseaux et des nues, 6+6 a
Tout, aujourd'hui, console et délivre. – Pensons. 6+6 b
II
Donc, c'en est fait. Ce livre est clos. Chères Idées 6+6 a
Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu 6+6 b
Dont le vent caressait mes tempes obsédées, 6+6 a
20 Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu ! 6+6 b
Et toi, Vers qui tintais, et toi, Rime sonore, 6+6 a
Et vous, Rythmes chanteurs, et vous, délicieux, 6+6 b
Ressouvenirs, et vous, Rêves, et vous encore, 6+6 a
Images qu'évoquaient mes désirs anxieux, 6+6 b
25 Il faut nous séparer. Jusqu'aux jours plus propices 6+6 a
Où nous réunira l'Art, notre maître, adieu, 6+6 b
Adieu, doux compagnons, adieu, charmants complices ! 6+6 a
Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu. 6+6 b
Aussi bien, nous avons fourni notre carrière, 6+6 a
30 Et le jeune étalon de notre bon plaisir, 6+6 b
Tout affolé qu'il est de sa course première, 6+6 a
A besoin d'un peu d'ombre et de quelque loisir. 6+6 b
– Car toujours nous t'avons fixée, ô Poésie, 6+6 a
Notre astre unique et notre unique passion, 6−6 b
35 T'ayant seule pour guide et compagne choisie, 6+6 a
Mère, et nous méfiant de l'Inspiration. 6+6 b
III
Ah ! l'Inspiration superbe et souveraine, 6+6 a
L'Égérie aux regards lumineux et profonds, 6+6 b
Le Genium commode et l'Erato soudaine, 6+6 a
40 L'Ange des vieux tableaux avec des ors au fond, 6+6 b
La Muse, dont la voix est puissante sans doute, 6+6 a
Puisqu'elle fait d'un coup dans les premiers cerveaux, 6+6 b
Comme ces pissenlits dont s'émaille la route, 6+6 a
Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux, 6+6 b
45 La Colombe, le Saint-Esprit, le saint Délire, 6−6 a
Les Troubles opportuns, les Transports complaisants, 6+6 b
Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre, 6+6 a
Ah ! l'Inspiration, on l'invoque à seize ans ! 6+6 b
Ce qu'il nous faut à nous, les Suprêmes Poètes 6+6 a
50 Qui vénérons les Dieux et qui n'y croyons pas, 6+6 b
À nous dont nul rayon n'auréola les têtes, 6+6 a
Dont nulle Béatrix n'a dirigé les pas, 6+6 b
À nous qui ciselons les mots comme des coupes 6+6 a
Et qui faisons des vers émus très froidement, 6+6 b
55 À nous qu'on ne voit point les soirs aller par groupes 6+6 a
Harmonieux au bord des lacs et nous pâmant, 6+6 b
Ce qu'il nous faut à nous, c'est, aux lueurs des lampes, 6+6 a
La science conquise et le sommeil dompté, 6+6 b
C'est le front dans les mains du vieux Faust des estampes, 6+6 a
60 C'est l'Obstination et c'est la Volonté ! 6+6 b
C'est la Volonté sainte, absolue, éternelle, 6+6 a
Cramponnée au projet comme un noble condor 6+6 b
Aux flancs fumants de peur d'un buffle, et d'un coup d'aile 6+6 a
Emportant son trophée à travers les cieux d'or ! 6+6 b
65 Ce qu'il nous faut à nous, c'est l'étude sans trêve, 6+6 a
C'est l'effort inouï, le combat nonpareil, 6+6 b
C'est la nuit, l'âpre nuit du travail, d'où se lève 6+6 a
Lentement, lentement, l'Œuvre, ainsi qu'un soleil ! 6+6 b
Libre à nos Inspirés, cœurs qu'une oeillade enflamme, 6+6 a
70 D'abandonner leur être aux vents comme un bouleau ; 6+6 b
Pauvres gens ! l'Art n'est pas d'éparpiller son âme : 6+6 a
Est-elle en marbre, ou non, la Vénus de Milo ? 6+6 b
Nous donc, sculptons avec le ciseau des Pensées 6+6 a
Le bloc vierge du Beau, Paros immaculé, 6+6 b
75 Et faisons-en surgir sous nos mains empressées 6+6 a
Quelque pure statue au péplos étoilé, 6+6 b
Afin qu'un jour, frappant de rayons gris et roses 6+6 a
Le chef-d'œuvre serein, comme un nouveau Memnon, 6+6 b
L'Aube-Postérité, fille des Temps moroses, 6+6 a
80 Fasse dans l'air futur retentir notre nom ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
logo du CRISCO logo de l'université