Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VER_1/VER55
Paul VERLAINE
POÈMES SATURNIENS
1866
La Mort de Philippe II
À Louis-Xavier de Ricard
Le coucher d'un soleilde septembre ensanglante 6+6 a
La plaine morne et l'âprearête des sierras 6+6 b
Et de la brume au loinl'installation lente. 6+6 a
Le Guadarrama pousseentre les sables ras 6+6 b
5 Son flot hâtif qui varéfléchissant par places 6+6 c
Quelques oliviers nainstordant leurs maigres bras. 6+6 b
Le grand vol anguleuxdes éperviers rapaces 6+6 c
Raye à l'ouest le ciel matet rouge qui brunit, 6+6 a
Et leur cri rauque grinceà travers les espaces. 6+6 c
10 Despotique, et dressantau-devant du zénith 6+6 a
L'entassement brutalde ses tours octogones, 6+6 b
L'Escurial étendson orgueil de granit. 6+6 a
Les murs carrés, percésde vitraux monotones, 6+6 b
Montent droits, blancs et nus,sans autres ornements 6+6 c
15 Que quelques grils sculptésqu'alternent des couronnes. 6+6 b
Avec des bruits pareilsaux rudes hurlements 6+6 c
D'un ours que des bergersnavrent de coups de pioches 6+6 a
Et dont l'écho reditles râles alarmants, 6+6 c
Torrent de cris roulantses ondes sur les roches, 6+6 a
20 Et puis s'évaporanten des murmures longs, 6+6 b
Sinistrement dans l'airdu soir tintent les cloches. 6+6 a
Par les cours du palais, l'ombre met ses plombs, 6+6 b
Circule – tortueuxserpent hiératique 6+6 c
Une processionde moines aux frocs blonds 6+6 b
25 Qui marchent un par un,suivant l'ordre ascétique, 6+6 c
Et qui, pieds nus, la cordeaux reins, un cierge en main, 6+6 a
Ululent d'une voixformidable un cantique. 6+6 c
– Qui donc ici se meurt ?Pour qui sur le chemin 6+6 a
Cette paille épandueet ces croix long-voilées 6+6 b
30 Selon le rituelcatholique romain ? – 6+6 a
La chambre est haute, vasteet sombre. Niellées, 6+6 b
Les portes d'acajoumassif tournent sans bruit, 6+6 c
Leurs serrures étant,comme leurs gonds, huilées. 6+6 b
Une vague rougeurplus triste que la nuit 6+6 c
35 Filtre à rais indécispar les plis des tentures 6+6 a
À travers les vitraux le couchant reluit, 6+6 c
Et fait papillotersur les architectures, 6+6 a
À l'angle des objets,dans l'ombre du plafond, 6+6 b
Ce halo singulierqu'on voit dans les peintures. 6+6 a
40 Parmi le clair-obscurtransparent et profond 6+6 b
S'agitent effarésdes hommes et des femmes 6+6 c
À pas furtifs, ainsique les hyènes font. 6+6 b
Riches, les vêtementsdes seigneurs et des dames, 6+6 c
Velours, panne, satin,soie, hermine et brocart, 6+6 a
45 Chantent l'ode du luxeen chatoyantes gammes, 6+6 c
Et, trouant par éclairsdistancés avec art 6+6 a
L'opaque demi-jour,les cuirasses de cuivre 6+6 b
Des gardes alignésscintillent de trois quart. 6+6 a
Un homme en robe noire,à visage de guivre, 6+6 b
50 Se penche, en caressantde la main ses fémurs, 6+6 c
Sur un lit, comme l'onse penche sur un livre. 6+6 b
Des rideaux de drap d'orroides comme des murs 6+6 c
Tombent d'un dais de boisd'ébène en droite ligne, 6+6 a
Dardant à temps égauxl'œil des diamants durs. 6+6 c
55 Dans le lit, un vieillardd'une maigreur insigne 6+6 a
Égrène un chapelet,qu'il baise par moment, 6+6 b
Entre ses doigts crochuscomme des brins de vigne. 6+6 a
Ses lèvres font ce sourdet long marmottement, 6+6 b
Dernier signe de vieet premier d'agonie, 6+6 c
60 Et son haleine pueépouvantablement. 6+6 b
Dans sa barbe couleurd'amarante ternie, 6+6 c
Parmi ses cheveux blancs luisent des tons roux, 6+6 a
Sous son linge bordéde dentelle jaunie, 6+6 c
Avides, empressés,fourmillants, et jaloux 6+6 a
65 De pomper tout le sangmalsain du mourant fauve 6+6 b
En bataillons serrésvont et viennent les poux. 6+6 a
C'est le Roi, ce mourantqu'assiste un mire chauve, 6+6 b
Le Roi Philippe Deuxd'Espagne, – saluez ! – 6+6 c
Et l'aigle autrichiens'effare dans l'alcôve, 6+6 b
70 Et de grands écussons,aux murailles cloués, 6+6 c
Brillent, et maints drapeaux l'oiseau noir s'étale 6+6 a
Pendent de çà de là,vaguement remués !… 6+6 c
– La porte s'ouvre. Un flotde lumière brutale 6+6 a
Jaillit soudain, déferleet bientôt s'établit 6+6 b
75 Par l'ampleur de la chambreen nappe horizontale ; 6+6 a
Porteurs de torches, roux,et que l'extase emplit, 6+6 b
Entrent dix capucinsqui restent en prière : 6+6 c
Un d'entre eux se détacheet marche droit au lit. 6+6 b
Il est grand, jeune et maigre,et son pas est de pierre, 6+6 c
80 Et les élancementsfarouches de la Foi 6+6 a
Rayonnent à traversles cils de sa paupière ; 6+6 c
Son pied ferme et pesantet lourd, comme la Loi, 6+6 a
Sonne sur les tapis,régulier, emphatique : 6+6 b
Les yeux baissés en terre,il marche droit au Roi. 6+6 a
85 Et tous sur son trajetdans un geste extatique 6+6 b
S'agenouillent, frappanttrois fois du poing leur sein, 6+6 c
Car il porte avec luile sacré Viatique. 6+6 b
Du lit s'écarte avecrespect le matassin, 6+6 c
Le médecin du corps,en pareille occurrence, 6+6 a
90 Devant céder la place,Âme, à ton médecin. 6+6 c
La figure du Roi,qu'étire la souffrance, 6+6 a
À l'approche du frayse rassérène un peu, 6+6 b
Tant la religionest grosse d'espérance ! 6+6 a
Le moine cette foisouvrant son œil de feu, 6+6 b
95 Tout brillant de pardonsmêlés à des reproches, 6+6 c
S'arrête, messagerdes justices de Dieu. 6+6 b
– Sinistrement dans l'airdu soir tintent les cloches. 6+6 c
Et la Confessioncommence. Sur le flanc 6+6 a
Se retournant, le Roi,d'un ton sourd, bas et grêle, 6+6 c
100 Parle de feux, de juifs,de bûchers et de sang. 6+6 a
– « Vous repentiriez-vouspar hasard de ce zèle ? 6+6 b
Brûler des juifs, mais c'estune dilection ! 6+6 a
Vous fûtes, ce faisant,orthodoxe et fidèle. » – 6+6 b
Et, se pétrifiantdans l'exaltation, 6+6 c
105 Le Révérend, les brasen croix, tête baissée, 6+6 b
Semble l'esprit sculptéde l'Inquisition. 6+6 c
Ayant repris haleine,et d'une voix cassée, 6+6 a
Péniblement, et commearrachant par lambeaux 6+6 c
Un remords douloureuxdu fond de sa pensée, 6+6 a
110 Le Roi, dont la lueurtragique des flambeaux 6+6 b
Éclaire le visageosseux et le front blême, 6+6 a
Prononce ces mots : Flandre,Albe, morts, sacs, tombeaux. 6+6 b
– « Les Flamands, révoltéscontre l'Église même, 6+6 c
Furent très justementpunis, à votre los, 6+6 b
115 Et je m'étonne, ô Roi,de ce doute suprême. 6+6 c
« Poursuivez. » Et le Roiparla de don Carlos. 6+6 a
Et deux larmes coulaienttremblantes sur sa joue 6+6 c
Palpitante et colléeaffreusement à l'os. 6+6 a
– « Vous déplorez cet acte,et moi je vous en loue ! 6+6 b
120 L'Infant, certes, étaitcoupable au dernier point, 6+6 a
Ayant voulu tirerl'Espagne dans la boue 6+6 b
De l'hérésie anglaise,et de plus n'ayant point 6+6 c
Frémi de conspirerô ruses abhorrées ! – 6+6 b
Et contre un Père, et contreun Mtre, et contre un Oint ! » 6−6 c
125 Le moine ensuite ditles formules sacrées 6+6 a
Par quoi tous nos péchésnous sont remis, et puis, 6+6 c
Prenant l'Hostie avecses deux mains timorées, 6+6 a
Sur la langue du Roila déposa. Tous bruits 6+6 b
Se sont tus, et la Cour,pliant dans la détresse, 6+6 a
130 Pria, muette et pâle,et nul n'a su depuis 6+6 b
Si sa prière futsincère ou bien trtresse. 6+6 c
– Qui dira les pensersobscurs que protégea 6+6 b
Ce silence, brouillardcomplice qui se dresse ? 6+6 c
Ayant communié,le Roi se replongea 6+6 a
135 Dans l'ampleur des coussins,et la béatitude 6+6 c
De l'Absolutionreçue ouvrant déjà 6+6 a
L'œil de son âme au jourclair de la certitude, 6+6 b
Épanouit ses traitsen un sourire exquis 6+6 a
Qui tenait de la fièvreet de la quiétude. 6+6 b
140 Et tandis qu'alentourducs, comtes et marquis, 6+6 c
Pleins d'angoisses, fichaientleurs yeux sous la courtine, 6+6 b
L'âme du Roi mourantmontait aux cieux conquis, 6+6 c
Puis le râle des mortshurla dans la poitrine 6+6 a
De l'auguste maladeavec des sursauts fous : 6+6 c
145 Tel l'ouragan passe àtravers une ruine. 6−6 a
Et puis plus rien ; et puis,sortant par mille trous, 6+6 b
Ainsi que des serpentsfrileux de leur repaire, 6+6 a
Sur le corps froid les versse mêlèrent aux poux. 6+6 b
– Philippe Deux étaità la droite du Père. 6+6 c
mètre profil métrique : 6−6
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