Métrique en Ligne
VER_7/VER272
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
THERE
A ÉMILE LE BRUN
« ANGELS ! » seul coin luisant dans ce Londres du soir, 12
Où flambe un peu de gaz et jase quelque foule, 12
C’est drôle que, semblable à tel très dur espoir, 12
Ton souvenir m’obsède et puissamment enroule 12
5 Autour de mon esprit un regret rouge et noir : 12
Devantures, chansons, omnibus et les danses 12
Dans le demi-brouillard où flue un goût de rhum, 12
Décence, toutefois, le souci des cadences, 12
Et même dans l’ivresse un certain décorum. 12
10 Jusqu’à l’heure où la brume et la nuit se font denses. 12
« Angels ! » jours déjà loin, soleils morts, flots taris ; 12
Mes vieux péchés longtemps ont rôdé par tes voies, 12
Tout soudain rougissant, misère ! et tout surpris 12
De se plaire vraiment à tes honnêtes joies, 12
15 Eux pour tout le contraire arrivés de Paris ! 12
Souvent l’incompressible Enfance ainsi se joue, 12
Fût-ce dans ce rapport infinitésimal, 12
Du monstre intérieur qui nous crispe la joue 12
Au froid ricanement de la haine et du mal, 12
20 On gonfle notre lèvre amère en lourde moue. 12
L’Enfance baptismale émerge du pécheur, 12
Inattendue, alerte, et nargue ce farouche 12
D’un sourire non sans franchise ou sans fraîcheur, 12
Qui vient, quoiqu’il en ait, se poser sur sa bouche 12
25 A lui, par un prodige exquisement vengeur. 12
C’est la Grâce qui passe aimable et nous fait signe. 12
O la simplicité primitive, elle encor ! 12
Cher recommencement bien humble ! Fuite insigne 12
De l’heure vers l’azur mûrisseur de fruits d’or ! 12
30 « Angels ! » ô nom revu, calme et frais comme un cygne ! 12
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