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LAM_7/LAM109
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE X
SUITE DE JÉHOVAH
L'HUMANITÉ
A de plus hauts degrés│ de l'échelle de l'être, 6+6 a
En traits plus éclatants│ Jéhovah va paraître, 6+6 a
La nuit qui le voilait│ ici s'évanouit ! 6+6 b
Voyez aux purs rayons│ de l'amour qui va naître 6+6 a
5 La vierge qui s'épanouit ! 8 b
Elle n'éblouit pas encore 8 a
L'œil fasciné qu'elle suspend, 8 b
On voit qu'elle-même elle ignore 8 a
La volupté qu'elle répand ; 8 b
10 Pareille, en sa fleur virginale, 8 c
A l'heure pure et matinale 8 c
Qui suit l'ombre et que le jour suit, 8 a
Doublement belle à la paupière, 8 b
Et des splendeurs de la lumière 8 b
15 Et des mystères de la nuit ! 8 a
Son front léger s'élève et plane 8 a
Sur un cou flexible, élancé, 8 b
Comme sur le flot diaphane 8 a
Un cygne mollement bercé ; 8 b
20 Sous la voûte à peine décrite 8 c
De ce temple où son âme habite, 8 c
On voit le sourcil s'ébaucher, 8 b
Arc onduleux d'or et d'ébène 8 d
Que craint d'effacer une haleine. 8 d
25 Ou le pinceau de retoucher ! 8 b
Là jaillissent deux étincelles 8 a
Que voile et rouvre à chaque instant, 8 b
Comme un oiseau qui bat des ailes, 8 a
La paupière au cil palpitant ! 8 b
30 Sur la narine transparente 8 c
Les veines où le sang serpente 8 c
S'entrelacent comme à dessein, 8 d
Et de sa lèvre qui respire 8 e
Se répand avec le sourire 8 e
35 Le souffle embaumé de son sein ! 8 d
Comme un mélodieux génie 8 a
De sons épars fait des concerts. 8 b
Une sympathique harmonie 8 a
Accorde entre eux ces traits divers ; 8 b
40 De cet accord, charme de charmes, 8 c
Dans le sourire ou dans les larmes 8 c
Naissent la grâce et la beauté ; 8 d
La beauté, mystère suprême 8 e
Qui ne se révèle lui-même 8 e
45 Que par désir et volupté ! 8 d
Sur ces traits dont le doux ovale 8 a
Borne l'ensemble gracieux, 8 b
Les couleurs que la nue étale 8 a
Se fondent pour charmer les yeux ; 8 b
50 A la pourpre qui teint sa joue, 8 c
On dirait que l'aube s'y joue. 8 c
Ou qu'elle a fixé pour toujours, 8 d
Au moment qui la voit éclore, 8 e
Un rayon glissant de l'aurore 8 e
55 Sur un marbre aux divins contours ! 8 d
Sa chevelure qui s'épanche 8 a
Au gré du vent prend son essor, 8 b
Glisse en ondes jusqu'à sa hanche, 8 a
Et là s'effile en franges d'or ; 8 b
60 Autour du cou blanc qu'elle embrasse, 8 c
Comme un collier elle s'enlace, 8 c
Descend, serpente et vient rouler 8 d
Sur un sein où s'enflent à peine 8 e
Deux sources d'où la vie humaine 8 e
65 En ruisseaux d'amour doit couler ! 8 d
Noble et légère, elle folâtre. 8 a
Et l'herbe que foulent ses pas 8 b
Sous le poids de son pied d'albâtre 8 a
Se courbe et ne se brise pas ! 8 b
70 Sa taille en marchant se balance, 8 c
Comme la nacelle, qui danse 8 c
Lorsque la voile s'arrondit 8 d
Sous son mât que berce l'aurore, 8 e
Balance son flanc vide encore 8 e
75 Sur la vague qui rebondit ! 8 d
Son âme n'est rien que tendresse, 8 a
Son corps qu'harmonieux contour, 8 b
Tout son être que l'œil caresse 8 a
N'est qu'un pressentiment d'amour ! 8 b
80 Elle plaint tout ce qui soupire ; 8 c
Elle aime l'air qu'elle respire, 8 c
Rêve ou pleure, ou chante à l'écart, 8 d
Et sans savoir ce qu'il implore 8 e
D'une volupté qu'elle ignore 8 e
85 Elle rougit sous un regard ! 8 d
Mais déjà sa beauté plus mûre 8 a
Fleurit à son quinzième été ; 8 b
A ses yeux toute la nature 8 a
N'est qu'innocence et volupté ! 8 b
90 Aux feux des étoiles brillantes 8 c
Au doux bruit des eaux ruisselantes, 8 c
Sa pensée erre avec amour ; 8 d
Et toutes les fleurs des prairies 8 e
Viennent entre ses doigts flétries 8 e
95 Sur son char sécher tour à tour ! 8 d
L'oiseau, pour tout autre sauvage, 8 a
Sous ses fenêtres vient nicher, 8 b
Ou, charmé de son esclavage, 8 a
Sur ses épaules se percher ; 8 b
100 Elle nourrit les tourterelles. 8 c
Sur le blanc salin de leurs ailes 8 c
Promène ses doigts caressants, 8 d
Ou, dans un amoureux caprice, 8 e
Elle aime que leur cou frémisse 8 e
105 Sous ses baisers retentissants ! 8 d
Elle paraît, et tout soupire, 8 a
Tout se trouble sous son regard ; 8 b
Sa beauté répand un délire 8 a
Qui donne une ivresse au vieillard ! 8 b
110 Et comme on voit l'humble poussière 8 c
Tourbillonner à la lumière 8 c
Qui la fascine à son insu. 8 d
Partout où ce beau front rayonne, 8 e
Un souffle d'amour environne 8 e
115 Celle par qui l'homme est conçu ! 8 d
Un homme ! un fils, un roi│ de la nature entière ! 6+6 a
Insecte né de boue│ et qui vit de lumière ! 6+6 a
Qui n'occupe qu'un point,│ qui n'a que deux instants, 6+6 b
Mais qui de l'Infini│ par la pensée est maître, 6+6 c
120 Et reculant sans fin│ les bornes de son être, 6+6 c
S'étend dans tout l'espace│ et vit dans tous les temps ! 6+6 b
Il naît, et d'un coup d'œil│ il s'empare du monde, 6+6 a
Chacun de ses besoins│ soumet un élément ; 6+6 b
Pour lui germe l'épi,│ pour lui s'épanche l'onde, 6+6 a
125 Et le feu, fils du jour,│ descend du firmament ! 6+6 b
L'instinct de sa faiblesse│ est sa toute-puissance ; 6+6 a
Pour lui l'insecte même│ est un objet d'effroi. 6+6 b
Mais le sceptre du globe│ est à l'intelligence ; 6+6 a
L'homme s'unit à l'homme,│ et la terre a son roi ! 6+6 b
130 Il regarde, et le jour│ se peint dans sa paupière ; 6+6 a
Il pense, et l'univers│ dans son âme apparaît ! 6+6 b
Il parle, et son accent,│ comme une autre lumière, 6+6 a
Va dans l'âme d'autrui│ se peindre trait pour trait ! 6+6 b
Il se donne des sens│ qu'oublia la nature, 6+6 a
135 Jette un frein sur la vague│ au vent capricieux, 6+6 b
Lance la mort au but│ que son calcul mesure, 6+6 a
Sonde avec un cristal│ les abîmes des cieux ! 6+6 b
Il écrit, et les vents│ emportent sa pensée, 6+6 a
Oui va dans tous les lieux│ vivre et s'entretenir ! 6+6 b
140 Et son âme invisible│ en traits vivants tracée 6+6 a
Écoute le passé│ qui parle à l'avenir ! 6+6 b
Il fonde les cités,│ familles immortelles, 6+6 a
Et pour les soutenir│ il élève les lois. 6+6 b
Qui, de ces monuments│ colonnes éternelles, 6+6 a
145 Du temple social│ se divisent le poids ! 6+6 b
Après avoir conquis│ la nature, il soupire ; 6+6 a
Pour un plus noble prix│ sa vie a combattu ; 6+6 b
Et son cœur vide encor│ dédaignant son empire, 6+6 a
Pour s'égaler aux dieux│ inventa la vertu ! 6+6 b
150 Il offre en souriant│ sa vie en sacrifice. 6+6 a
Il se confie au Dieu│ que son œil ne voit pas ; 6+6 b
Coupable, a le remords│ qui venge la justice, 6+6 a
Vertueux, une voix│ qui l'applaudit tout bas ! 6+6 b
Plus grand que son destin,│ plus grand que la nature, 6+6 a
155 Ses besoins satisfaits│ ne lui suffisent pas. 6+6 b
Son âme a des destins│ qu'aucun œil ne mesure, 6+6 a
El des regards portant│ plus loin que le trépas ! 6+6 b
Il lui faut l'espérance,│ et l'empire et la gloire, 6+6 a
L'avenir à son nom,│ à sa foi des autels, 6+6 b
160 Des dieux à supplier,│ des vérités à croire, 6+6 a
Des cieux et des enfers,│ et des jours immortels ! 6+6 b
Mais le temps tout à coup│ manque à sa vie usée. 6+6 a
L'horizon raccourci│ s'abaisse devant lui, 6+6 b
Il sent tarir ses jours│ comme une onde épuisée, 6+6 a
165 Et son dernier soleil a lui ! 8 b
Regardez-le mourir !│… Assis sur le rivage 6+6 a
Que vient battre la vague│ où sa nef doit partir, 6+6 b
Le pilote qui sait│ le but de son voyage 6+6 a
D'un cœur plus rassuré│ n'attend pas le zéphyr ! 6+6 b
170 On dirait que son œil,│ qu'éclaire l'espérance, 6+6 a
Voit l'immortalité│ luire sur l'autre bord, 6+6 b
Au delà du tombeau│ sa vertu le devance, 6+6 a
Et, certain du réveil,│ le jour baisse, il s'endort ! 6+6 b
Et les astres n'ont plus│ d'assez pure lumière. 6+6 a
175 Et l'Infini n'a plus│ d'assez vaste séjour, 6+6 b
Et les siècles divins│ d'assez longue carrière 6+6 a
Pour l'âme de celui│ qui n'était que poussière 6+6 a
Et qui n'avait qu'un jour ! 6 b
Voilà cet instinct qui l'annonce 8 a
180 Plus haut que l'aurore et la nuit. 8 b
Voilà l'éternelle réponse 8 a
Au doute qui se reproduit ! 8 b
Du grand livre de la nature . 8 c
Si la lettre, à vos yeux obscure. 8 c
185 Ne le trahit pas en tout lieu, 8 d
Ah ! l'homme est le livre suprême : 8 e
Dans les fibres de son cœur même 8 e
Lisez, mortels : Il est un Dieu ! 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6, (6)
forme globale type : suite périodique
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