Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MUS_2/MUS44
Alfred de MUSSET
POÉSIES NOUVELLES
1836-1852
L'ESPOIR EN DIEU
Tant que mon faible cœur,encor plein de jeunesse, 6+6 a
A ses illusionsn'aura pas dit adieu, 6+6 b
Je voudrais m'en tenirà l'antique sagesse 6+6 a
Qui du sobre Épicurea fait un demi-dieu. 6+6 b
5 Je voudrais vivre, aimer,m'accoutumer aux hommes, 6+6 a
Chercher un peu de joieet n'y pas trop compter, 6+6 b
Faire ce qu'on a fait,être ce que nous sommes, 6+6 a
Et regarder le cielsans m'en inquiéter. 6+6 b
Je ne puis ; — malgré moil'infini me tourmente. 6+6 a
10 Je n'y saurais songersans crainte et sans espoir ; 6+6 b
Et, quoi qu'on en ait dit,ma raison s'épouvante 6+6 a
De ne pas le comprendre,et pourtant de le voir. 6+6 b
Qu'est-ce donc que ce monde,et qu'y venons-nous faire, 6+6 a
Si, pour qu'on vive en paix,il faut voiler les cieux ? 6+6 b
15 Passer comme un troupeaules yeux fixés à terre, 6+6 a
Et renier le reste,est-ce donc être heureux ? 6+6 b
Non, c'est cesser d'être homme,et dégrader son âme. 6+6 a
Dans la créationle hasard m'a jeté ; 6+6 b
Heureux ou malheureux,je suis né d'une femme, 6+6 a
20 Et je ne puis m'enfuirhors de l'humanité. 6+6 b
Que faire donc ? — Jouis,dit la raison païenne ; 6+6 a
Jouis et meurs ; les dieuxno songent qu'à dormir. 6+6 b
Espère seulement,répond la foi chrétienne ; 6+6 a
Le ciel veille sans cesse,et tu ne peux mourir. 6+6 b
25 Entre ces deux cheminsj'hésite et je m'arrête. 6+6 a
Je voudrais, à l'écart,suivre un plus doux sentier. 6+6 b
Il n'en existe pas,dit une voix secrète ; 6+6 a
En présence du cielil faut croire ou nier. 6+6 b
Je le pense en effet ;les âmes tourmentées 6+6 a
30 Dans l'un et l'autre excèsse jettent tour à tour, 6+6 b
Mais les indifférentsne sont que des athées ; 6+6 a
Ils ne dormiraient pluss'ils doutaient un seul jour. 6+6 b
Je me résigne donc,et puisque la matière 6+6 a
Me laisse dans le cœurun désir plein d'effroi, 6+6 b
35 Mes genoux fléchiront ;je veux croire, et j'espère. 6+6 a
Que vais-je devenir,et que veut-on de moi ? 6+6 b
Me voilà dans les mainsd'un Dieu plus redoutable 6+6 a
Que ne sont à la foistous les maux d'ici-bas ; 6+6 b
Me voilà seul, errant,fragile et misérable, 6+6 a
40 Sous les yeux d'un témoinqui ne me quitte pas. 6+6 b
Il m'observe, il me suit.Si mon cœur bat trop vite, 6+6 a
J'offense sa grandeuret sa divinité. 6+6 b
Un gouffre est sous mes pas ;si je m'y précipite, 6+6 a
Pour expier une heureil faut l'éternité. 6+6 b
45 Mon juge est un bourreauqui trompe sa victime. 6+6 a
Pour moi tout devient piège,et tout change de nom. 6+6 b
L'amour est un péché,le bonheur est un crime, 6+6 a
Et l'œuvre des sept joursn'est que tentation. 6+6 b
Je ne garde plus riende la nature humaine ; 6+6 a
50 Il n'existe pour moini vertu ni remord. 6+6 b
J'attends la récompenseet j'évite la peine ; 6+6 a
Mon seul guide est la peur,et mon seul but, la mort. 6+6 b
On me dit cependantqu'une joie infinie 6+6 a
Attend quelques élus. sont-ils, ces heureux ? 6+6 b
55 Si vous m'avez trompé,me rendrez-vous la vie ? 6+6 a
Si vous m'avez dit vrai,m'ouvrirez-vous les cieux ? 6+6 b
Hélas ! ce beau paysdont parlaient vos prophètes, 6+6 a
S'il existe là-haut,ce doit être un désert. 6+6 b
Vous les voulez trop purs,les heureux que vous faites, 6+6 a
60 Et quand leur joie arrive,ils en ont trop souffert. 6+6 b
Je suis seulement homme,et ne veux pas moins être, 6+6 a
Ni tenter davantage.A quoi donc m'arrêter ? 6+6 b
Puisque je ne puis croireaux promesses du prêtre, 6+6 a
Est-ce l'indifférentque je vais consulter ? 6+6 b
65 Si mon cœur, fatiguédu rêve qui l'obsède, 6+6 a
A la réalitérevient pour s'assouvir, 6+6 b
Au fond des vains plaisirsque j'appelle à mon aide 6+6 a
Je trouve un tel dégt,que je me sens mourir. 6+6 b
Aux jours même parfoisla pensée est impie, 6+6 a
70 l'on voudrait nierpour cesser de douter, 6+6 b
Quand je posséderaistout ce qu'en cette vie 6+6 a
Dans ses vastes désirsl'homme peut convoiter ; 6+6 b
Donnez-moi le pouvoir,la santé, la richesse, 6+6 a
L'amour même, l'amour,le seul bien d'ici-bas ! 6+6 b
75 Que la blonde Astarté,qu'idolâtrait la Grèce, 6+6 a
De ses îles d'azursorte en m'ouvrant les bras ; 6+6 b
Quand je pourrais saisirdans le sein de la terre 6+6 a
Les secrets élémentsde sa fécondité, 6+6 b
Transformer à mon gréla vivace matière, 6+6 a
80 Et créer pour moi seulune unique beauté ; 6+6 b
Quand Horace, Lucrèce,et le vieil Épicure, 6+6 a
Assis à mes côtés,m'appelleraient heureux, 6+6 b
Et quand ces grands amantsde l'antique nature 6+6 a
Me chanteraient la joieet le mépris des dieux, 6+6 b
85 Je leur dirais à tous :— Quoi que nous puissions faire, 6+6 a
Je souffre, il est trop tard ;le monde s'est fait vieux. 6+6 b
Une immense espérancea traversé la terre ; 6+6 a
Malgré nous vers le cielil faut lever les yeux ! 6+6 b
Que me reste-t-il donc ?Ma raison révoltée 6+6 a
90 Essaye en vain de croire,et mon cœur de douter. 6+6 b
Le chrétien m'épouvante,et ce que dit l'athée, 6+6 a
En dépit de mes sens,je ne puis l'écouter. 6+6 b
Les vrais religieuxme trouveront impie, 6+6 a
Et les indifférentsme croiront insensé. 6+6 b
95 A qui m'adresserai-je,et quelle voix amie 6+6 a
Consolera ce cœurque le doute a blessé ? 6+6 b
Il existe, dit-on,une philosophie 6+6 a
Qui nous explique toutsans révélation, 6+6 b
Et qui peut nous guiderà travers cette vie 6+6 a
100 Entre l'indifférenceet la religion. 6+6 b
J'y consens. — sont-ils,ces faiseurs de systèmes 6+6 a
Qui savent, sans la foi,trouver la vérité ? 6+6 b
Sophistes impuissantsqui ne croient qu'en eux-mêmes, 6+6 a
Quels sont leurs argumentset leur autorité ? 6+6 b
105 L'un me montre ici-basdeux principes en guerre 6+6 a
Qui, vaincus tour à tour,sont tous deux immortels 1 ; 6+6 b
L'autre découvre au loin,dans le ciel solitaire, 6+6 a
Un inutile Dieuqui ne veut pas d'autels 2. 6+6 b
Je vois rêver Platonet penser Aristote ; 6+6 a
110 J'écoute, j'applaudis,et poursuis mon chemin. 6+6 b
Sous les rois absolusje trouve un Dieu despote ; 6+6 a
On nous parle aujourd'huid'un Dieu républicain. 6+6 b
Pythagore et Leibnitztransfigurent mon être. 6+6 a
Descartes m'abandonneau sein des tourbillons. 6+6 b
115 Montaigne s'examine,et ne peut se conntre. 6+6 a
Pascal fuit en tremblantses propres visions. 6+6 b
Pyrrhon me rend aveugle,et Zénon insensible ; 6+6 a
Voltaire jette à bastout ce qu'il voit debout. 6+6 b
Spinosa, fatiguéde tenter l'impossible, 6+6 a
120 Cherchant en vain son Dieu,croit le trouver partout. 6+6 b
Pour le sophiste anglaisl'homme est une machine 3. 6+6 a
Enfin sort des brouillardsun rhéteur allemand 4 6+6 b
Qui, du philosophismeachevant la ruine, 6+6 a
Déclare le ciel vide,et conclut au néant. 6+6 b
125 Voilà donc les' débrisde l'humaine science ! 6+6 a
Et depuis cinq mille ansqu'on a toujours douté, 6+6 b
Après tant de fatigueet de persévérance, 6+6 a
C'est là le dernier motqui nous en est resté ! 6+6 b
Ah ! pauvres insensés,misérables cervelles, 6+6 a
130 Qui de tant de façonsavez tout expliqué, 6+6 b
Pour aller jusqu'aux cieuxil vous fallait des ailes ; 6+6 a
Vous aviez le désir,la foi vous a manqué. 6+6 b
Je vous plains ; votre orgueilpart d'une âme blessée. 6+6 a
Vous sentiez les tourmentsdont mon cœur est rempli. 6+6 b
135 El vous la connaissiez,cette amère pensée 6+6 a
Qui fait frissonner l'hommeen voyant l'infini. 6+6 b
Eh bien ! prions ensemble,abjurons la misère 6+6 a
De vos calculs d'enfants,de tant de vains travaux. 6+6 b
Maintenant que vos corpssont réduits en poussière, 6+6 a
140 J'irai m'agenouillerpour vous, sur vos tombeaux. 6+6 b
Venez, rhéteurs païens,mtres de la science, 6+6 a
Chrétiens des temps passéset rêveurs d'aujourd'hui ; 6+6 b
Croyez-moi, la prièreest un cri d'espérance ! 6+6 a
Pour que Dieu nous réponde,adressons-nous à lui. 6+6 b
145 Il est juste, il est bon ;sans doute il vous pardonne. 6+6 a
Tous vous avez souffert,le reste est oublié. 6+6 b
Si le ciel est désert,nous n'offensons personne ; 6+6 a
Si quelqu'un nous entend,qu'il nous prenne en pitié ! 6+6 b
 O toi que nul n'a pu conntre, 8 a
150  Et n'a renié sans mentir, 8 b
 Réponds-moi, toi qui m'as fait ntre, 8 a
 Et demain me feras mourir ! 8 b
 Puisque lu le laisses comprendre, 8 a
 Pourquoi fais-tu douter de toi ? 8 b
155  Quel triste plaisir peux-tu prendre 8 a
 A tenter notre bonne foi ? 8 b
 Dès que l'homme lève la tête, 8 a
 Il croit l'entrevoir dans les cieux ; 8 b
 La création, sa conquête, 8 a
160  N'est qu'un vaste temple à ses yeux. 8 b
 Dès qu'il redescend en lui-même, 8 a
 Il l'y trouve ; tu vis en lui. 8 b
 S'il souffre, s'il pleure, s'il aime, 8 a
 C'est son Dieu qui le veut ainsi. 8 b
165  De la plus noble intelligence 8 a
 La plus sublime ambition 8 b
 Est de prouver ton existence, 8 a
 Et de faire épeler ton nom. 8 b
 De quelque façon qu'on t'appelle, 8 a
170  Bramah, Jupiter ou Jésus, 8 b
 Vérité, Justice éternelle, 8 a
 Vers toi tous les bras sont tendus. 8 b
 Le dernier des fils de la terre 8 a
 Te rend grâce du fond du cœur, 8 b
175  Dès qu'il se mêle à sa misère 8 a
 Une apparence de bonheur. 8 b
 Le monde entier le glorifie ; 8 a
 L'oiseau le chante sur son nid ; 8 b
 Et pour une goutte de pluie 8 a
180  Des milliers d'êtres t'ont béni. 8 b
 Tu n'as rien fait qu'on ne l'admire ; 8 a
 Rien de loi n'est perdu pour nous ; 8 b
 Tout prie, et tu ne peux sourire 8 a
 Que nous ne tombions à genoux. 8 b
185  Pourquoi donc, ô mtre suprême, 8 a
 As-tu créé le mal si grand, 8 b
 Que la raison, la vertu même, 8 a
 S'épouvantent en le voyant ? 8 b
 Lorsque tant de choses sur terre 8 a
190  Proclament la Divinité, 8 b
 El semblent attester d'un père 8 a
 L'amour, la force et la bonté, 8 b
 Comment, sous la sainte lumière, 8 a
 Voit-on des actes si hideux, 8 b
195  Qu'ils font expirer la prière 8 a
 Sur les lèvres du malheureux ? 8 b
 Pourquoi, dans ton œuvre céleste, 8 a
 Tant d'éléments si peu d'accord ? 8 b
 A quoi bon le crime et la peste ? 8 a
200  O Dieu juste, pourquoi la mort ? 8 b
 Ta pitié dut être profonde, 8 a
 Lorsqu'avec ses biens et ses maux, 8 b
 Cet admirable et pauvre monde 8 a
 Sortit en pleurant du chaos ! 8 b
205  Puisque lu voulais le soumettre 8 a
 Aux douleurs dont il est rempli, 8 b
 Tu n'aurais pas dû lui permettre 8 a
 De l'entrevoir dans l'infini. 8 b
 Pourquoi laisser notre misère 8 a
210  Rêver et deviner un Dieu ? 8 b
 Le doute a désolé la terre ; 8 a
 Nous en voyons, trop ou trop peu. 8 b
 Si ta chétive créature 8 a
 Est indigne de t'approcher, 8 b
215  Il fallait laisser la nature 8 a
 T'envelopper et te cacher. 8 b
 Il le resterait ta puissance, 8 a
 Et nous en sentirions les coups ; 8 b
 Mais le repos et l'ignorance 8 a
220  Auraient rendu nos maux plus doux. 8 b
 Si la souffrance et la prière 8 a
 N'atteignent pas ta majesté, 8 b
 Garde ta grandeur solitaire, 8 a
 Ferme à jamais l'immensité. 8 b
225  Mais si nos angoisses mortelles 8 a
 Jusqu'à toi peuvent parvenir ; 8 b
 Si, dans les plaines éternelles, 8 a
 Parfois tu nous entends gémir ; 8 b
 Brise cette vte profonde 8 a
230  Qui couvre la création ; 8 b
 Soulève les voiles du monde 8 a
 Et montre-toi, Dieu juste et bon ! 8 b
 Tu n'apercevras sur la terre 8 a
 Qu'un ardent amour de la foi. 8 b
235  Et l'humanité tout entière 8 a
 Se prosternera devant loi. 8 b
 Les larmes qui l'ont épuisée 8 a
 Et qui ruissellent de ses yeux, 8 b
 Comme une légère rosée 8 a
240  S'évanouiront dans les cieux ; 8 b
 Tu n'entendras que tes louanges, 8 a
 Qu'un concert de joie et d'amour, 8 b
 Pareil à celui dont tes anges 8 a
 Remplissent l'éternel séjour ; 8 b
245  Et, dans cet hosanna suprême, 8 a
 Tu verras, au bruit de nos chants, 8 b
 S'enfuir le doute et le blasphème, 8 a
 Tandis que la Mort elle-même 8 a
 Y joindra ses derniers accents. 8 b
Système des Manichéens.
Le théisme.
Locke.
Kant
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