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| = césure
VRM_1/VRM9
corpus Pamela Puntel
Louis-Lucien VERMEIL
LES DOULEURS DE LA GUERRE
1870
IX
LES VAINQUEURS
Les vainqueurs sont les fils | de la grande Allemagne, 6+6 a
Héros dignes des preux | du temps de Charlemagne, 6+6 a
Illustres descendants | des chevaliers teutons, 6+6 b
Ces rivaux des Gaulois | et des anciens Bretons. 6+6 b
5 Leur auguste monarque | est un vieillard fragile, 6+6 a
Qui joue au Josué, | malgré son évangile. 6+6 a
Car parfois ce grand prince | et ce roi paternel 6+6 b
S'en va, le casque au front, | pour servir l’Éternel ! 6+6 b
Il croit exterminer | de vrais Amalécites, 6+6 a
10 Ou bien des Philistins, | sur l'ordre des lévites. 6+6 a
Les Français sont battus ; | dès qu'il les culbuta, 6+6 b
Vite un pieux message | à la reine Augusta !!! 6+6 b
Modère-toi, vainqueur ! | Où donc est ta clémence ? 6+6 a
Ignores-tu, grand roi, | les malheurs de la France ? 6+6 a
15 Ce pauvre peuple, hélas ! | trop longtemps opprimé, 6+6 b
Sous un sabre rougi, | n'est-il pas décimé ? 6+6 b
Ah ! devant tes succès, | ta valeur trop Vantée, 6+6 a
La génération | recule épouvantée. 6+6 a
Devant chaque cité | que ta foudre brûla, 6+6 b
20 On put se souvenir | des hordes d'Attila ! 6+6 b
O grand roi, grand monarque, | il faudrait que tu vinsses 6+6 a
Parcourir aujourd'hui | tes plus belles provinces. 6+6 a
Quitte donc ton château, | Versailles, les lambris : 6+6 b
Un grand spectacle attend | tes regards attendris. 6+6 b
25 Tout le long du chemin, | et les pieds dans la neige, 6+6 a
Des veuves par milliers | préparent ton cortège. 6+6 a
Tu verras leurs enfants | amaigris par la faim ; 6+6 b
Tous crîront vers ton char : | « Du pain ! du pain ! du pain ! » 6+6 b
Viens donc accompagné | de ton premier ministre ; 6+6 a
30 Qu'il repaisse ses yeux ! | — C'est lui, l'homme sinistre ! 6+6 a
Il est encor couvert | du sang du Danemarck, 6+6 b
L'ambitieux cruel, | le comte de Bismarck ! — 6+6 b
Nouveau Machiavel, | ô maître en argutie, 6+6 a
Tu recueilles les fruits | de ta diplomatie ! 6+6 a
35 Allemands et Français | s'égorgent sans pitié ; 6+6 b
Mais à toi d'applaudir | à leur inimitié ! 6+6 b
Car tu veux restaurer | l'empire germanique, 6+6 a
Et pour le marche-pied | d'un trône tyrannique, 6+6 a
Il faut une hétacombe, | une mare de sang, 6+6 b
40 D'où monte l'empereur | livide et frémissant ! 6+6 b
Bismarck ! — Quand à Sédan, | après une victoire 6+6 a
Inespérée, immense, | unique dans l'histoire, 6+6 a
On vit alors joyeux, | au ciel levant les mains 6+6 b
Et même s'embrassant, | les bons soldats germains ; 6+6 b
45 Oui, quand dans les transports | d'une indicible ivresse, 6+6 a
Ils dansaient, ils chantaient | dans leur folle allégresse ; 6+6 a
Quand là des aumôniers | montés sur des fourgons, 6+6 b
A tous les fantassins, | comme à tous les dragons, 6+6 b
Disaient : « Nos plus doux chants, | la campagne est finie ; 6+6 a
50 « Nous avons des lauriers, | maintenant l'harmonie ! 6+6 a
« Tous nous pourrons bientôt | rentrer dans nos maisons ; 6+6 b
« Soldats, à Dieu nos cœurs ! | à Lui nos oraisons ! » 6+6 b
Alors sur son cheval | passa l'homme sinistre, 6+6 a
Le chancelier du roi, | son mentor, son ministre. 6+6 a
55 « Braves guerriers, » dit-il, | « je suis content de vous ; 6+6 b
« Pourtant vous n'avez pas | apaisé mon courroux. 6+6 b
« Nous porterons ailleurs | la terreur, l'épouvante : 6+6 a
« Que la France à vos pieds | se débatte sanglante ! 6+6 a
« En avant, mes amis, | courage, mes enfants ; 6+6 b
60 « Croyez-moi, jusqu'au bout | vous serez triomphants ! » 6+6 b
Sous les murs de Sédan, | la brillante épopée 6+6 a
Devait se terminer. | Mais levant son épée, 6+6 a
Dominant les soldats, | Bismarck a crié : Non ! 6+6 b
Et de Moltke a rendu | la parole au canon. 6+6 b
65 Et l'on n'a pas crié | tout haut en Allemagne : 6+6 a
Rentre donc au fourreau, | glaive de Charlemagne ! 6+6 a
C'est assez de lauriers, | c'est assez de combats ! 6+6 b
Vous tuez nos enfants ; | nous ne le voulons pas ! 6+6 b
Un peuple est-il donc fait | pour des rois, pour des princes. 6+6 a
70 Qui répandent le deuil | dans toutes les provinces ? 6+6 a
Et s'il proteste, enfin, | sera-t-il impuissant ? 6+6 b
Ce qui coule là-bas ; | mais n'est-ce pas son sang ? 6+6 b
Voyons les grands rêveurs, | les nuageux poètes, 6+6 a
Vous faudrait-il aussi | de nouvelles conquêtes ? 6+6 a
75 La gloire militaire | et son masque trompeur : 6+6 b
Les plumets, les tambours, | les barbes de sapeur, 6+6 b
Vous les faut-il aussi, | professeurs de génie, 6+6 a
Philosophes, savants, | fils de la Germanie ? ? ? 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Eh quoi ! demandez-vous | tous ces vieux oripeaux, 6+6 b
80 Ces grands jouets d'enfants | et ces petits drapeaux ? 6+6 b
Oubliez-vous qu'il est | une gloire plus belle, 6+6 a
Une grandeur plus pure, | une palme immortelle ? 6+6 a
Celle de la sagesse | et du riche savoir, 6+6 b
La palme du chrétien | et du noble devoir ? 6+6 b
85 On délire à Berlin, | — savante capitale, — 6+6 a
Devant tous les exploits | de la force brutale. 6+6 a
Qu'il s'écroule aujourd'hui | ce culte de Moloch, 6+6 b
Idole monstrueuse | et qu'on taille en un bloc. 6+6 b
Vous, les fils de Luther, | enfants de la Réforme, 6+6 a
90 Protestez, protestez | contre ce Dieu difforme. 6+6 a
Ce Dieu de la mitraille | et ce Dieu des combats, 6+6 b
Savants, restez debout, | oh ! ne l'adorez pas !!! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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