MÉTRIQUE EN LIGNE

VOL_4/VOL60

VOLTAIRE

(François-Marie Arouet)

LES ÉPÎTRES

1706-1778

ÉPÎTRE VIII

1716

À MONSIEUR LE PRINCE EUGÈNE

	Grand prince, qui, dans cette cour	8
	Où la justice était éteinte,	8
	Sûtes inspirer de l'amour,	8
	Même en nous donnant de la crainte ;	8
5	Vous que Rousseau si dignement	8
	A, dit-on, chanté sur sa lyre,	8
	Eugène, je ne sais comment	8
	Je m'y prendrai pour vous écrire.	8
	Oh ! Que nos français sont contents	8
10	De votre dernière victoire !	8
	Et qu'ils chérissent votre gloire,	8
	Quand ce n'est pas à leurs dépens !	8
	Poursuivez ; des musulmans	7
	Rompez bientôt la barrière ;	7
15	Faites mordre la poussière	7
	Aux circoncis insolents ;	7
	Et, plein d'une ardeur guerrière,	7
	Foulant aux pieds les turbans,	7
	Achevez cette carrière	7
20	Au sérail des ottomans :	7
	Des chrétiens et des amants	7
	Arborez-y la bannière,	7
	Vénus et le dieu des combats	8
	Vont vous en ouvrir la porte ;	7
25	Les grâces vous servent d'escorte,	8
	Et l'amour vous tend les bras.	7
	Voyez-vous déjà paraître	7
	Tout ce peuple de beautés,	7
	Esclaves des voluptés	7
30	D'un amant qui parle en maître ?	7
	Faites vite du mouchoir	7
	La faveur impérieuse	7
	À la beauté la plus heureuse,	8
	Qui saura délasser le soir	8
35	Votre altesse victorieuse.	8
	Du séminaire des amours,	8
	À la France votre patrie,	8
	Daignez envoyer pour secours	8
	Quelques belles de Circassie.	8
40	Le saint-père, de son côté,	8
	Attend beaucoup de votre zèle,	8
	Et prétend qu'avec charité	8
	Sous le joug de la vérité	8
	Vous rangiez ce peuple infidèle.	8
45	Par vous mis dans le bon chemin,	8
	On verra bientôt ces infâmes,	8
	Ainsi que vous, boire du vin,	8
	Et ne plus renfermer leurs femmes.	8
	Adieu, grand prince, heureux guerrier !	8
50	Paré de myrte et de laurier,	8
	Allez asservir le Bosphore :	8
	Déjà le grand turc est vaincu ;	8
	Mais vous n'avez rien fait encore	8
	Si vous ne le faites cocu.	8