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VOL_4/VOL116
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE LXIV
1744
AU MÊME
Ceux qui sont nés sous un monarque 8 a
Font tous semblant de l'adorer ; 8 b
Sa majesté, qui le remarque, 8 a
Fait semblant de les honorer ; 8 b
5 Et de cette fausse monnoie 8 a
Que le courtisan donne au roi, 8 b
Et que le prince lui renvoie, 8 a
Chacun vit, ne songeant qu'à soi. 8 b
Mais lorsque la philosophie, 8 a
10 La séduisante poésie, 8 a
Le goût, l'esprit, l'amour des arts, 8 a
Rejoignent sous leurs étendards, 8 a
À trois cents milles de distance, 8 a
Votre très-royale éloquence, 8 a
15 Et mon goût pour tous vos talents ; 8 a
Quand, sans crainte et sans espérance, 8 b
Je sens en moi tous vos penchants ; 8 a
Et lorsqu'un peu de confidence 8 b
Resserre encor ces nœuds charmants ; 8 a
20 Enfin lorsque Berlin attire 8 a
Tous mes sens à Cirey séduits, 8 b
Alors ne pouvez-vous pas dire : 8 a
On m'aime, tout roi que je suis ? 8 b
Enfin l'océan germanique, 8 a
25 Qui toujours des bons hambourgeois 8 b
Servit si bien la république, 8 a
Vers Embden sera sous vos lois, 8 b
Avec garnison batavique. 8 a
Un tel mélange me confond ; 8 a
30 Je m'attendais peu, je vous jure, 8 b
De voir de l'or avec du plomb ; 8 a
Mais votre creuset me rassure : 8 b
À votre feu, qui tout épure, 8 c
Bientôt le vil métal se fond, 8 a
35 Et l'or vous demeure en nature. 8 c
Partout que de prospérités ! 8 a
Vous conquérez, vous héritez 8 a
Des ports de mer et des provinces ; 8 a
Vous mariez à de grands princes 8 a
40 De très-adorables beautés ; 8 a
Vous faites noce, et vous chantez 8 a
Sur votre lyre enchanteresse 8 b
Tantôt de Mars les cruautés, 8 a
Et tantôt la douce mollesse. 8 b
45 Vos sujets, au sein du loisir, 8 a
Goûtent les fruits de la victoire ; 8 b
Vous avez et fortune et gloire ; 8 b
Vous avez surtout du plaisir ; 8 a
Et cependant le roi mon maître, 8 a
50 Si digne avec vous de paraître 8 a
Dans la liste des meilleurs rois, 8 a
S'amuse à faire dans la Flandre 8 b
Ce que vous faisiez autrefois 8 a
Quand trente canons à la fois 8 a
55 Mettaient des bastions en cendre. 8 b
C'est lui qui, secouru du ciel, 8 a
Et surtout d'une armée entière, 8 b
A brisé la forte barrière 8 b
Qu'à notre nation guerrière 8 b
60 Mettait le bon greffier Fagel. 8 a
De Flandre il court en Allemagne 8 a
Défendre les rives du Rhin ; 8 b
Sans quoi le pandoure inhumain 8 b
Viendrait s'enivrer de ce vin 8 b
65 Qu'on a cuvé dans la Champagne. 8 a
Grand roi, je vous l'avais bien dit 8 a
Que mon souverain magnanime 8 b
Dans l'Europe aurait du crédit, 8 a
Et de grands droits à votre estime. 8 b
70 Son beau feu, dont un vieux prélat 8 a
Avait caché les étincelles, 8 b
À de ses flammes immortelles 8 b
Tout d'un coup répandu l'éclat. 8 a
Ainsi la brillante fusée 8 a
75 Est tranquille jusqu'au moment 8 b
Où, par son amorce embrasée, 8 a
Elle éclaire le firmament, 8 b
Et, perçant dans les sombres voiles, 8 c
Semble se mêler aux étoiles, 8 c
80 Qu'elle efface par son brillant. 8 b
C'est ainsi que vous enflammâtes 8 a
Tout l'horizon d'un nouveau ciel, 8 b
Lorsqu'à Berlin vous commençâtes 8 a
À prendre ce vol immortel 8 b
85 Devers la gloire, où vous volâtes. 8 a
Tout du plus loin que je vous vis, 8 a
Je m'écriai, je vous prédis 8 a
À l'Europe tout incertaine. 8 a
Vous parûtes : vingt potentats 8 b
90 Se troublèrent dans leurs états, 8 b
En voyant ce grand phénomène. 8 a
Il brille, il donne de beaux jours : 8 c
J'admire, je bénis son cours ; 8 c
Mais c'est de loin : voilà ma peine. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
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