Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL38
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT XVII
Argument
Comment Charles VII, Agnès, Jeanne, Dunois, La Trimouille, etc., devinrent tous fous ; et comment ils revinrent à leur bon sens par les exorcismes du R.P. Bonifoux, confesseur ordinaire du roi.
Oh ! que ce monde | est rempli d'enchanteurs ! 4+6 a
Je ne dirai | rien des enchanteresses. 4+6 b
Je t'ai passé, | temps heureux des faiblesses, 4+6 b
Printemps des fous, | bel âge des erreurs ; 4+6 a
5 Mais à tout âge | on trouve des trompeurs, 4+6 a
De vrais sorciers, | tout-puissants séducteurs, 4+6 a
Vêtus de pourpre, | et rayonnants de gloire. 4+6 c
Au haut des cieux | ils vous mènent d'abord, 4+6 d
Puis on vous plonge | au fond de l'onde noire , 4+6 c
10 Et vous buvez | l'amertume et la mort. 4+6 d
Gardez-vous tous, | gens de bien que vous êtes, 4+6 f
De vous frotter | à de tels nécromants ; 4+6 g
Et s'il vous faut | quelques enchantements, 4+6 g
Aux plus grands rois | préférez vos grisettes. 4+6 f
15 Hermaphrodix | a bâti tout exprès 4+6 h
Le beau château | qui retenait Agnès, 4+6 h
Pour se venger | des belles de la France, 4+6 i
Des chevaliers, | des ânes et des saints, 4+6 j
Dont la pudeur | et les exploits divins 4+6 j
20 Avaient bravé | sa magique puissance. 4+6 i
Quiconque entrait | en ce maudit logis 4+6 k
Méconnaissait | sur-le-champ ses amis, 4+6 k
Perdait le sens, | l'esprit, et la mémoire. 4+6 c
L'eau du Léthé | que les morts allaient boire, 4+6 c
25 Les mauvais vins, | funestes aux vivants, 4+6 g
Ont des effets | bien moins extravagants. 4+6 g
Sous les grands arcs | d'un immense portique, 4+6 l
Amas confus | de moderne et d'antique, 4+6 l
Se promenait | un fantôme brillant, 4+6 m
30 Au pied léger, | à l'œil étincelant, 4+6 m
Au geste vif, | à la marche égarée, 4+6 n
La tête haute, | et de clinquants parée. 4+6 n
On voit son corps | toujours en action ; 4+6 o
Et son nom est | l'imagination : 4+6 o
35 Non cette belle | et charmante déesse 4+6 p
Qui présida, | dans Rome et dans la Grèce, 4+6 p
Aux beaux travaux | de tant de grands auteurs, 4+6 a
Qui répandit | l'éclat de ses couleurs, 4+6 a
Ses diamants, | ses immortelles fleurs, 4+6 a
40 Sur plus d'un chant | du grand peintre d'Achille, 4+6 q
Sur la Didon | que célébra Virgile, 4+6 q
Et qui d'Ovide | anima les accents ; 4+6 g
Mais celle-là | qu'abjure le bon sens, 4+6 g
Cette étourdie, | effarée, insipide, 4+6 r
45 Que tant d'auteurs | approchent de si près, 4+6 h
Qui les inspire, | et qui servit de guide 4+6 r
Aux Scudéri, | Lemoine, Desmarets. 4+6 h
Elle répand | ses faveurs les plus chères 4+6 s
Sur nos romans, | nos nouveaux opéra ; 4+6 t
50 Et son empire | assez longtemps dura 4+6 t
Sur le théâtre, | au barreau, dans les chaires. 4+6 s
Près d'elle était | le Galimatias, 4+6 u
Monstre bavard | caressé dans ses bras, 4+6 u
Nommé jadis | le docteur séraphique, 4+6 l
55 Subtil, profond, | énergique, angélique, 4+6 l
Commentateur | d'imagination, 4+6 o
Et créateur | de la confusion, 4+6 o
Qui depuis peu | fit Marie Alacoque. 4+6 v
Autour de lui | voltigent l'Équivoque, 4+6 v
60 La louche Énigme, | et les mauvais Bons Mots, 4+6 w
A double sens, | qui font l'esprit des sots ; 4+6 w
Les Préjugés, | les Méprises, les Songes, 4+6 x
Les Contre-Sens, | les absurdes Mensonges, 4+6 x
Ainsi qu'on voit | aux murs d'un vieux logis 4+6 k
65 Les chats-huants | et les chauves-souris. 4+6 k
Quoi qu'il en soit, | ce damnable édifice 4+6 y
Fut fabriqué | par un tel artifice, 4+6 y
Que tout mortel | qui dans ces lieux viendra 4+6 t
Perdra l'esprit | tant qu'il y restera. 4+6 t
70 A peine Agnès, | avec sa douce escorte, 4+6 z
De ce palais | avait touché la porte, 4+6 z
Que Bonifoux, | ce grave confesseur, 4+6 a
Devint l'objet | de sa fidèle ardeur ; 4+6 a
Elle le prend | pour son cher roi de France 4+6 i
75 « O mon héros ! | ô ma seule espérance ! 4+6 i
Le juste ciel | vous rend à mes souhaits. 4+6 h
Ces fiers Bretons | sont-ils par vous défaits ? 4+6 h
N'auriez-vous point | reçu quelque blessure ? 4+6 b
Ah ! laissez-moi | détacher votre armure. » 4+6 b
80 Lors elle veut, | d'un effort tendre et doux, 4+6 c
Oter le froc | du père Bonifoux, 4+6 c
Et, dans ses bras | bientôt abandonnée, 4+6 n
L'œil enflammé, | la cou vers lui tendu, 4+6 d
Cherche un baiser | qui soit pris et rendu. 4+6 d
85 Charmante Agnès, | que tu fus consternée, 4+6 n
Lorsque, cherchant | un menton frais tondu, 4+6 d
Tu ne sentis | qu'une barbe tannée, 4+6 n
Longue, piquante, | et rude, et mal peignée ! 4+6 n
Le confesseur | tout effaré s'enfuit, 4+6 e
90 Méconnaissant | la belle qui le suit. 4+6 e
La tendre Agnès, | se voyant dédaignée, 4+6 n
Court après lui, | de pleurs toute baignée. 4+6 n
Comme ils couraient | dans ce vaste pourpris, 4+6 k
L'un se signant, | et l'autre tout en larmes, 4+6 f
95 Ils sont frappés | des plus lugubres cris. 4+6 k
Un jeune objet, | touchant, rempli de charmes, 4+6 f
Avec frayeur | embrassait les genoux 4+6 c
D'un chevalier | qui, couvert de ses armes, 4+6 f
L'allait bientôt | immoler sous ses coups. 4+6 c
100 Peut-on connaître | à cette barbarie 4+6 h
Ce La Trimouille, | et ce parfait amant 4+6 m
Qui de grand cœur, | en tout autre moment, 4+6 m
Pour Dorothée | aurait donné sa vie ? 4+6 h
Il la prenait | pour le fier Tirconel : 4+6 i
105 Elle n'avait | nul trait en son visage 4+6 j
Qui ressemblât | à cet Anglais cruel ; 4+6 i
Elle cherchait | le héros qui l'engage, 4+6 j
Le cher objet | d'un amour immortel ; 4+6 i
Et, lui parlant | sans pouvoir le connaître, 4+6 k
110 Elle lui dit : | « Ne l'avez-vous point vu, 4+6 d
Ce chevalier | qui de mon cœur est maître, 4+6 k
Qui près de moi | dans ces lieux est venu ? 4+6 d
Mon La Trimouille, | hélas ! est disparu. 4+6 d
Que fait-il donc ? | de grâce, où peut-il être ? » 4+6 k
115 Le Poitevin, | à ces touchants discours, 4+6 l
Ne connut point | ses fidèles amours. 4+6 l
Il croit entendre | un Anglais implacable, 4+6
Qui vient sur lui | prêt à trancher ses jours. 4+6 l
Le fer en main | il se met en défense, 4+6 i
120 Vers Dorothée | en mesure il avance. 4+6 i
« Je te ferai, | dit-il changer de ton, 4+6 o
Fier, dédaigneux, | triste, arrogant Breton. 4+6 o
Dur insulaire, | ivre de bière forte, 4+6 z
C'est bien à toi | de parler de la sorte, 4+6 z
125 De menacer | un homme de mon nom ! 4+6 o
Moi petit-fils | des Poitevins célèbres 4+6 m
Dont les exploits, | au séjour des ténèbres, 4+6 m
Ont fait passer | tant d'Anglais valeureux, 4+6 n
Plus fiers que toi, | plus grands, plus généreux. 4+6 n
130 Eh quoi ! ta main | ne tire pas l'épée ! 4+6 n
De quel effroi | ta vile âme est frappée ! 4+6 n
Fier en discours, | et lâche en action, 4+6 o
Chevreuil anglais, | Thersite d'Albion, 4+6 o
Fait pour brailler | chez tes parlementaires, 4+6 s
135 Vite, essayons | tous deux nos cimeterres ; 4+6 s
Çà, qu'on dégaine, | ou je vais de ma main 4+6 o
Signer ton front, | des fronts le plus vilain, 4+6 o
Et t'appliquer | sur ton large derrière, 4+6 p
A mon plaisir, | deux cents coups d'étrivière. » 4+6 p
140 A ce discours | qu'il prononce en fureur, 4+6 a
Pâle, éperdue, | et mourante de peur : 4+6 a
« Je ne suis point | Anglais, dit Dorothée ; 4+6 n
J'en suis bien loin : | comment, pourquoi, par où, 4+6 q
Me vois-je ici | par vous si maltraitée ? 4+6 n
145 Dans quel danger | je suis précipitée ! 4+6 n
Je cherche ici | le héros du Poitou ; 4+6 q
C'est une fille, | hélas ! bien tourmentée, 4+6 n
Qui baise en pleurs | votre noble genou. » 4+6 q
Elle parlait, | mais sans être écoutée ; 4+6 n
150 Et La Trimouille, | étant tout à fait fou, 4+6 q
Allait déjà | la prendre par le cou. 4+6 q
Le confesseur, | qui dans sa prompte fuite 4+6 r
D'Agnès Sorel | évitait la poursuite, 4+6 r
Bronche en courant, | et tombe au milieu d'eux ; 4+6 n
155 Le Poitevin | veut le prendre aux cheveux, 4+6 n
N'en trouve point, | roule avec lui par terre ; 4+6 p
La belle Agnès, | qui le suit et le serre, 4+6 p
Sur lui trébuche, | en poussant des clameurs 4+6 a
Et des sanglots | qu'interrompent ses pleurs. 4+6 a
160 Et sous eux tous | se débat Dorothée, 4+6 n
Très en désordre | et fort mal ajustée. 4+6 n
Tout au milieu | de ce conflit nouveau, 4+6 s
Le bon roi Charle, | escorté de Bonneau, 4+6 s
Avec Dunois | et la fière Pucelle, 4+6 t
165 Entre à la fois | dans ce fatal château, 4+6 s
Pour y chercher | sa maîtresse fidèle. 4+6 t
O grand pouvoir ! | ô merveille nouvelle ! 4+6 t
A peine ils sont | de cheval descendus, 4+6 u
Sous le portique | à peine ils sont rendus, 4+6 u
170 Incontinent | ils perdent la cervelle. 4+6 t
Tels dans Paris | tous ces docteurs fourrés, 4+6 v
Pleins d'arguments | sous leurs bonnets carrés, 4+6 v
Vont gravement | vers la Sorbonne antique, 4+6 l
Séjour de noise, | antre théologique, 4+6 l
175 Où la Dispute | et la Confusion 4+6 o
Ont établi | leur sacré domicile, 4+6 q
Et dont jamais | n'approcha la Raison. 4+6 o
Nos révérends | arrivent à la file : 4+6 q
Ils avaient l'air | d'être de sens rassis ; 4+6 k
180 Chacun passait | pour sage en son logis ; 4+6 k
On les prendrait | pour des gens fort honnêtes, 4+6 f
Point querelleurs | et point extravagants, 4+6 g
Quelques-uns même | étaient de bonnes têtes : 4+6 f
Ils sont tous fous | quand ils sont sur les bancs. 4+6 g
185 Charle, enivré | de joie et de tendresse, 4+6 p
Les yeux mouillés, | tout pétillant d'ardeur, 4+6 a
Et ressentant | un battement de cœur, 4+6 a
Disait, d'un ton | d'amour et de langueur : 4+6 a
« Ma chère Agnès, | ma pudique maîtresse, 4+6 p
190 Mon paradis, | précis de tous les biens, 4+6 j
Combien de fois, | hélas ! fus-tu perdue ! 4+6 w
A mes désirs | te voilà donc rendue ! 4+6 w
Perle d'amour, | je te vois, je te tiens ; 4+6 j
Oh ! que tu fais | une charmante mine ! 4+6 x
195 Mais tu n'as plus | cette taille si fine 4+6 x
Que je pouvais | embrasser autrefois, 4+6 y
En la serrant | du bout de mes dix doigts. 4+6 y
Quel embonpoint ! | quel ventre ! quelles fesses ! 4+6 b
Voilà le fruit | de nos tendres caresses : 4+6 b
200 Agnès est grosse, | Agnès me donnera 4+6 t
Un beau bâtard | qui pour nous combattra. 4+6 t
Je veux greffer, | dans l'ardeur qui m'emporte, 4+6 z
Ce fruit nouveau | sur l'arbre qui le porte. 4+6 z
Amour le veut ; | il faut que dans l'instant 4+6 m
205 J'aille au-devant | de cet aimable enfant. » 4+6 m
A qui le roi | se faisait-il entendre ? 4+6 z
A qui tient-il | ce discours noble et tendre ? 4+6 z
Qui tenait-il | dans ses bras amoureux ? 4+6 n
C'était Bonneau, | soufflant, suant, poudreux ; 4+6 n
210 C'était Bonneau ; | jamais homme en sa vie 4+6 h
Ne se sentit | l'âme plus ébahie. 4+6 h
Charles, pressé | d'un désir violent, 4+6 m
D'un bras nerveux | le pousse tendrement ; 4+6 m
Il le renverse ; | et Bonneau pesamment 4+6 g
215 S'en va tomber | sur la troupe mêlée, 4+6 n
Qui de son poids | se sentit accablée. 4+6 n
Ciel ! que de cris | et que de hurlements ! 4+6 g
Le confesseur | reprit un peu ses sens ; 4+6 g
Sa grosse panse | était juste portée 4+6 n
220 Dessus Agnès | et dessous Dorothée ; 4+6 n
Il se relève, | il marche, il court, il fuit ; 4+6 e
Tout haletant | le bon Bonneau le suit. 4+6 e
Mais La Trimouille | à l'instant s'imagine 4+6 x
Que sa beauté, | sa maîtresse divine, 4+6 x
225 Sa Dorothée | était entre les bras 4+6 u
Du Tourangeau | qui fuyait à grands pas. 4+6 u
Il court après, | il le presse, il lui crie : 4+6 h
« Rends-moi mon cœur, | bourreau, rends-moi ma vie, 4+6 h
Attends, arrête. | » En prononçant ces mots, 4+6 w
230 D'un large sabre | il frappe son gros dos. 4+6 w
Bonneau portait | une épaisse cuirasse, 4+6 a
Et ressemblait | à la pesante masse 4+6 a
Qui dans la forge | à grand bruit retentit 4+6 e
Sous le marteau | qui frappe et rebondit. 4+6 e
235 La peur hâtait | sa marche écarquillée. 4+6 n
Jeanne, voyant | le Bonneau qui trottait, 4+6 b
Et les grands coups | que l'autre lui portait, 4+6 b
Jeanne casquée, | et de fer habillée, 4+6 n
Suit à grands pas | La Trimouille, et lui rend 4+6 m
240 Tout ce qu'il donne | au royal confident. 4+6 m
Dunois, la fleur | de la chevalerie, 4+6 h
Ne souffre pas | qu'on attente à la vie 4+6 h
De La Trimouille, | il est son cher appui ; 4+6 d
C'est son destin | de combattre pour lui : 4+6 d
245 Il le connaît ; | mais il prend la Pucelle 4+6 t
Pour un Anglais ; | il vous tombe sur elle, 4+6 t
Il vous l'étrille | ainsi qu'elle étrillait 4+6 b
Le Poitevin, | qui toujours chatouillait 4+6 b
L'ami Bonneau, | qui lourdement fuyait. 4+6 b
250 Le bon roi Charle, | en ce désordre extrême, 4+6 e
Dans son Bonneau | voit toujours ce qu'il aime ; 4+6 e
Il voit Agnès. | Quel état pour un roi, 4+6 f
Pour un amant | des amants le plus tendre ! 4+6 z
Nul ennemi | ne lui cause d'effroi ; 4+6 f
255 Contre une armée | il voudrait la défendre. 4+6 z
Tous ces guerriers | après Bonneau courants 4+6 g
Sont à ses yeux | des ravisseurs sanglants. 4+6 g
L'épée au poing | sur Dunois il s'élance ; 4+6 i
Le beau bâtard | se retourne, et lui rend 4+6 m
260 Sur la visière | un énorme fendant. 4+6 m
Ah ! s'il savait | que c'est le roi de France, 4+6 i
Qu'il se verrait | avec un œil d'horreur ! 4+6 a
Il périrait | de honte et de douleur. 4+6 a
En même temps | Jeanne, par lui frappée, 4+6 n
265 Lui répondit | de sa puissante épée ; 4+6 n
Et le bâtard, | incapable d'effroi, 4+6 f
Frappe à la fois | sa maîtresse et son roi ; 4+6 f
A droite, à gauche, | il lance sur leurs têtes 4+6 f
De mille coups | les rapides tempêtes. 4+6 f
270 Charmant Dunois, | belle Jeanne, arrêtez ; 4+6 g
Ciel ! quels seront | vos regrets et vos larmes, 4+6 f
Quand vous saurez | qui poursuivent vos armes, 4+6 f
Et qui vous frotte, | et qui vous combattez ! 4+6 g
Le Poitevin, | dans l'horrible mêlée, 4+6 n
275 De temps en temps | appesantit son bras 4+6 u
Sur la Pucelle, | et rosse ses appas. 4+6 u
L'ami Bonneau | ne les imite pas ; 4+6 u
Sa grosse tête | était la moins troublée. 4+6 n
Il recevait, | mais il ne rendait point. 4+6 h
280 Il court toujours ; | Bonifoux le précède, 4+6 i
Aiguillonné | de la peur qui le point. 4+6 h
Le tourbillon | que la rage possède, 4+6 i
Tous contre tous, | assaillants, assaillis, 4+6 k
Battants, battus, | dans ce grand chamaillis, 4+6 k
285 Criant, hurlant, | parcourent le logis. 4+6 k
Agnès en pleurs, | Dorothée éperdue, 4+6 w
Crie : « Au secours ! | on m'égorge, on me tue. » 4+6 w
Le confesseur, | plein de contrition, 4+6 o
Menait toujours | cette procession. 4+6 o
290 Il aperçoit | à certaine fenêtre 4+6 k
De ce logis | le redoutable maître, 4+6 k
Hermaphrodix, | qui contemplait gaiement 4+6 m
Des bons Français | le barbare tourment, 4+6 m
Et se tenait | les deux côtés de rire. 4+6 j
295 Bonifoux vit | que ce fatal empire 4+6 j
Était, sans doute, | une œuvre du démon. 4+6 o
Il conservait | un reste de raison ; 4+6 o
Son long capuce | et sa large tonsure 4+6 b
A sa cervelle | avaient servi d'armure. 4+6 b
300 Il se souvint | que notre ami Bonneau 4+6 s
Suivait toujours | l'usage antique et beau, 4+6 s
Très-sagement | établi par nos pères, 4+6 s
D'avoir sur soi | les choses nécessaires, 4+6 s
Muscade, clou, | poivre, girofle et sel. 4+6 i
305 Pour Bonifoux, | il avait son missel. 4+6 i
Il aperçut | une fontaine claire, 4+6 p
Il y courut, | sel et missel en main, 4+6 o
Bien résolu | d'attraper le malin. 4+6 o
Le voilà donc | qui travaille au mystère ; 4+6 p
310 Il dit tout bas : | Sanctam Catholicam, 4+6 k
Papam, Romam, | aquam benedictam ; 4+6 k
Puis de Bonneau | prend la tasse, et va vite 4+6 r
Adroitement | asperger d'eau bénite 4+6 r
Le farfadet | né de la belle Alix. 4+6 l
315 Chez les païens | l'eau brûlante du Styx 4+6 l
Fut moins fatale | aux âmes criminelles. 4+6 m
Son cuir tanné | fut couvert d'étincelles ; 4+6 m
Un gros nuage, | enfumé, noir, épais, 4+6 h
Enveloppa | le maître et le palais. 4+6 h
320 Les combattants, | couverts d'une nuit sombre, 4+6 n
Couraient encore | et se cherchaient dans l'ombre. 4+6 n
Tout aussitôt | le palais disparut ; 4+6 o
Plus de combat, | d'erreur ni de méprise ; 4+6 y
Chacun se vit, | chacun se reconnut ; 4+6 o
325 Chaque cervelle | en son lieu fut remise. 4+6 y
A nos héros | un seul moment rendit 4+6 e
Le peu de sens | qu'un seul moment perdit : 4+6 e
Car la folie, | hélas ! ou la sagesse, 4+6 p
Ne tient à rien | dans notre pauvre espèce. 4+6 p
330 C'était alors | un grand plaisir de voir 4+6 p
Ces paladins | aux pieds du moine noir, 4+6 p
Le bénissant, | chantant des litanies, 4+6 q
Se demandant | pardon de leurs folies. 4+6 q
O La Trimouille ! | ô vous, royal amant ! 4+6 m
335 Qui me peindra | votre ravissement ? 4+6 m
On n'entendait | que ces mots : « Ah ! ma belle, 4+6 t
Mon tout, mon roi, | mon ange, ma fidèle, 4+6 t
C'est vous ! c'est toi ! | jour heureux ! doux moments ! » 4+6 g
Et des baisers, | et des embrassements, 4+6 g
340 Cent questions, | cent réponses pressées ; 4+6 r
Leur voix ne peut | suffire à leurs pensées. 4+6 r
Le confesseur, | d'un paternel regard, 4+6 s
Les lorgnait tous, | et priait à l'écart. 4+6 s
Le grand bâtard | et sa fière maîtresse 4+6 p
345 Modestement | s'expliquaient leur tendresse. 4+6 p
De leurs amours | le rare compagnon 4+6 o
Élève alors | la tête avec le ton ; 4+6 o
Il entonna | l'octave discordante 4+6 u
De son gosier | de cornet à bouquin. 4+6 o
350 A cette octave, | à ce bruit tout divin, 4+6 o
Tout fut ému : | la nature tremblante 4+6 u
Frémit d'horreur ; | et Jeanne vit soudain 4+6 o
Tomber les murs | de ce palais magique, 4+6 l
Cent tours d'acier | et cent portes d'airain ; 4+6 o
355 Comme autrefois | la horde mosaïque 4+6 l
Fit voir, au son | de sa trompe hébraïque, 4+6 l
De Jéricho | le rempart écroulé. 4+6 g
Réduit en poudre, | à la terre égalé : 4+6 g
Le temps n'est plus | de semblable pratique. 4+6 l
360 Alors, alors | ce superbe palais, 4+6 h
Si brillant d'or, | si noirci de forfaits, 4+6 h
Devint un ample | et sacré monastère. 4+6 p
Le salon fut | en chapelle changé. 4+6 g
Le cabinet | où ce maître enragé 4+6 g
365 Avait dormi | dans le vice plongé 4+6 g
Transmué fut | en un beau sanctuaire. 4+6 p
L'ordre de Dieu, | qui préside aux destins, 4+6 j
Ne changea point | la salle des festins ; 4+6 j
Mais elle prit | le nom de réfectoire ; 4+6 c
370 On y bénit | le manger et le boire. 4+6 c
Jeanne, le cœur | élevé vers les saints, 4+6 j
Vers Orléans, | vers le sacre de Reims, 4+6 j
Dit à Dunois : | « Tous nous est favorable 4+6 v
Dans nos amours | et dans nos grands desseins : 4+6 j
375 Espérons tout ; | soyez sûr que le diable 4+6 v
A contre nous | fait son dernier effort. » 4+6 e
Parlant ainsi, | Jeanne se trompait fort. 4+6 e
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