Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL22
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT PREMIER
Argument
Amours honnêtes de Charles VII et d'Agnès Sorel. Siège d'Orléans par les Anglais. Apparition de saint Denys, etc.
Vous m'ordonnez | de célébrer des saints : 4+6 a
Ma voix est faible, | et même un peu profane. 4+6 b
Il faut pourtant | vous chanter cette Jeanne 4+6 b
Qui fit, dit-on, | des prodiges divins. 4+6 a
5 Elle affermit, | de ses pucelles mains, 4+6 a
Des fleurs de lys | la tige gallicane, 4+6 b
Sauva son roi | de la rage anglicane, 4+6 b
Et le fit oindre | au maître-autel de Reims. 4+6 a
Jeanne montra | sous féminin visage, 4+6 c
10 Sous le corset | et sous le cotillon, 4+6 d
D'un vrai Roland | le vigoureux courage. 4+6 c
J'aimerais mieux, | le soir pour mon usage, 4+6 c
Une beauté | douce comme un mouton ; 4+6 d
Mais Jeanne d'Arc | eut un cœur de lion : 4+6 d
15 Vous le verrez, | si lisez cet ouvrage. 4+6 c
Vous tremblerez | de ses exploits nouveaux ; 4+6 e
Et le plus grand | de ses rares travaux 4+6 e
Fut de garder | un an son pucelage. 4+6 c
O Chapelain, | toi dont le violon, 4+6 d
20 De discordante | et gothique mémoire, 4+6 f
Sous un archet | maudit par Apollon, 4+6 d
D'un ton si dur | a raclé son histoire ; 4+6 f
Vieux Chapelain, | pour l'honneur de ton art, 4+6 g
Tu voudrais bien | me prêter ton génie : 4+6 h
25 Je n'en veux point ; | c'est pour la Motte-Houdart, 4+6 g
Quand l'Iliade | est par lui travestie. 4+6 h
Le bon roi Charle, | au printemps de ses jours, 4+6 i
Au temps de Pâque, | en la cité de Tours, 4+6 i
A certain bal | (ce prince aimait la danse) 4+6 j
30 Avait trouvé, | pour le bien de la France, 4+6 j
Une beauté | nommée Agnès Sorel. 4+6 k
Jamais l'Amour | ne forma rien de tel. 4+6 k
Imaginez | de Flore la jeunesse, 4+6 l
La taille et l'air | de la nymphe des bois, 4+6 m
35 Et de Vénus | la grâce enchanteresse, 4+6 l
Et de l'Amour | le séduisant minois, 4+6 m
L'art d'Arachné, | le doux chant des sirènes : 4+6 n
Elle avait tout ; | elle aurait dans ses chaînes 4+6 n
Mis les héros, | les sages, et les rois. 4+6 m
40 La voir, l'aimer, | sentir l'ardeur naissante 4+6 o
Des doux désirs, | et leur chaleur brûlante, 4+6 o
Lorgner Agnès, | soupirer et trembler, 4+6 p
Perdre la voix | en voulant lui parler, 4+6 p
Presser ses mains | d'une main caressante, 4+6 o
45 Laisser briller | sa flamme impatiente, 4+6 o
Montrer son trouble, | en causer à son tour, 4+6 q
Lui plaire enfin, | fut l'affaire d'un jour. 4+6 q
Princes et rois | vont très-vite en amour. 4+6 q
Agnès voulut, | savante en l'art de plaire, 4+6 r
50 Couvrir le tout | des voiles du mystère, 4+6 r
Voiles de gaze, | et que les courtisans 4+6 s
Percent toujours | de leurs yeux malfaisants. 4+6 s
Pour colorer | comme on put cette affaire, 4+6 r
Le roi fit choix | du conseiller Bonneau, 4+6 t
55 Confident sûr, | et très-bon Tourangeau : 4+6 t
Il eut l'emploi | qui certes n'est pas mince, 4+6 u
Et qu'à la cour, | où tout se peint en beau, 4+6 t
Nous appelons | être l'ami du prince, 4+6 u
Mais qu'à la ville, | et surtout en province, 4+6 u
60 Les gens grossiers | ont nommé maquereau. 4+6 t
Monsieur Bonneau, | sur le bord de la Loire, 4+6 f
Était seigneur | d'un fort joli château. 4+6 t
Agnès un soir | s'y rendit en bateau, 4+6 t
Et le roi Charle | y vint à la nuit noire. 4+6 f
65 On y soupa ; | Bonneau servit à boire ; 4+6 f
Tout fut sans faste, | et non pas sans apprêts. 4+6 v
Festins des Dieux, | vous n'êtes rien auprès ! 4+6 v
Nos deux amants, | pleins de trouble et de joie, 4+6 w
Ivres d'amour, | à leurs désirs en proie, 4+6 w
70 Se renvoyaient | des regards enchanteurs, 4+6 x
De leurs plaisirs | brûlants avant-coureurs. 4+6 x
Les doux propos, | libres sans indécence, 4+6 j
Aiguillonnaient | leur vive impatience. 4+6 j
Le prince en feu | des yeux la dévorait ; 4+6 y
75 Contes d'amour | d'un air tendre il faisait, 4+6 y
Et du genou | le genou lui serrait. 4+6 y
Le souper fait, | on eut une musique 4+6 z
Italienne, | en genre chromatique ; 4+6 z
On y mêla | trois différentes voix 4+6 m
80 Aux violons, | aux flûtes, aux hautbois. 4+6 m
Elles chantaient | l'allégorique histoire 4+6 f
De ces héros | qu'Amour avait domptés, 4+6 b
Et qui, pour plaire | à de tendres beautés, 4+6 b
Avaient quitté | les fureurs de la gloire. 4+6 f
85 Dans un réduit | cette musique était, 4+6 y
Près de la chambre | où le bon roi soupait. 4+6 y
La belle Agnès, | discrète et retenue, 4+6 c
Entendait tout, | et d'aucuns n'était vue. 4+6 c
Déjà la lune | est au haut de son cours : 4+6 i
90 Voilà minuit ; | c'est l'heure des amours. 4+6 i
Dans une alcôve | artistement dorée, 4+6 d
Point trop obscure, | et point trop éclairée, 4+6 d
Entre deux draps | que la Frise a tissus, 4+6 e
D'Agnès Sorel | les charmes sont reçus. 4+6 e
95 Près de l'alcôve | une porte est ouverte, 4+6 f
Que dame Alix, | suivante très-experte, 4+6 f
En s'en allant | oublia de fermer. 4+6 p
O vous, amants, | vous qui savez aimer, 4+6 p
Vous voyez bien | l'extrême impatience 4+6 j
100 Dont pétillait | notre bon roi de France ! 4+6 j
Sur ses cheveux, | en tresse retenus, 4+6 e
Parfums exquis | sont déjà répandus. 4+6 e
Il vient, il entre | au lit de sa maîtresse ; 4+6 l
Moment divin | de joie et de tendresse ! 4+6 l
105 Le cœur leur bat ; | l'amour et la pudeur 4+6 g
Au front d'Agnès | font monter la rougeur. 4+6 g
La pudeur passe, | et l'amour seul demeure. 4+6 h
Son tendre amant | l'embrasse tout à l'heure. 4+6 h
Ses yeux ardents, | éblouis, enchantés, 4+6 b
110 Avidement | parcourent ses beautés. 4+6 b
Qui n'en serait | en effet idolâtre ? 4+6 i
Sous un cou blanc | qui fait honte à l'albâtre 4+6 i
Sont deux tetons | séparés, faits au tour, 4+6 q
Allant, venant, | arrondis par l'Amour ; 4+6 q
115 Leur boutonnet | a la couleur des roses. 4+6 j
Téton charmant, | qui jamais ne reposes, 4+6 j
Vous invitiez | les mains à vous presser, 4+6 p
L'œil à vous voir, | la bouche à vous baiser. 4+6 p
Pour mes lecteurs | tout plein de complaisance, 4+6 j
120 J'allais montrer | à leurs yeux ébaudis 4+6 k
De ce beau corps | les contours arrondis ; 4+6 k
Mais la vertu | qu'on nomme bienséance 4+6 j
Vient arrêter | mes pinceaux trop hardis. 4+6 k
Tout est beauté, | tout est charme dans elle. 4+6 l
125 La volupté, | dont Agnès a sa part, 4+6 g
Lui donne encore | une grâce nouvelle ; 4+6 l
Elle l'anime : | amour est un grand fard, 4+6 g
Et le plaisir | embellit toute belle. 4+6 l
Trois mois entiers, | nos deux jeunes amants 4+6 s
130 Furent livrés | à ces ravissements. 4+6 s
Du lit d'amour | ils vont droit à la table. 4+6 n
Un déjeuner, | restaurant délectable, 4+6 n
Rend à leurs sens | leur première vigueur ; 4+6 g
Puis pour la chasse | épris de même ardeur, 4+6 g
135 Ils vont tous deux, | sur des chevaux d'Espagne, 4+6 o
Suivre cent chiens | jappant dans la campagne. 4+6 o
A leur retour, | on les conduit aux bains. 4+6 a
Pâtes, parfums, | odeurs de l'Arabie, 4+6 h
Qui font la peau | douce, fraîche et polie, 4+6 h
140 Sont prodigués | sur eux à pleines mains. 4+6 a
Le dîner vient : | la délicate chère, 4+6 r
L'oiseau du Phase | et le coq de bruyère, 4+6 r
De vingt ragoûts | l'apprêt délicieux, 4+6 p
Charment le nez, | le palais et les yeux. 4+6 p
145 Du vin d'Aï | la mousse pétillante, 4+6 o
Et du Tokai | la liqueur jaunissante, 4+6 o
En chatouillant | les fibres des cerveaux, 4+6 e
Y porte un feu | qui s'exhale en bons mots 4+6 e
Aussi brillants | que la liqueur légère 4+6 r
150 Qui monte et saute, | et mousse au bord du verre : 4+6 r
L'ami Bonneau | d'un gros rire applaudit 4+6 r
A son bon roi | qui montre de l'esprit. 4+6 r
Le dîner fait, | on digère, on raisonne, 4+6 s
On conte, on rit, | on médit du prochain, 4+6 t
155 On fait brailler | des vers à maître Alain, 4+6 t
On fait venir | des docteur de Sorbonne, 4+6 s
Des perroquets, | un singe, un arlequin. 4+6 t
Le soleil baisse ; | une troupe choisie 4+6 h
Avec le roi | court à la comédie, 4+6 h
160 Et, sur la fin | de ce fortuné jour, 4+6 q
Le couple heureux | s'enivre encor d'amour. 4+6 q
Plongés tous deux | dans l'excès des délices, 4+6 u
Ils paraissaient | en goûter les prémices. 4+6 u
Toujours heureux | et toujours plus ardents, 4+6 s
165 Point de soupçons, | encor moins de querelles, 4+6 v
Nulle langueur ; | et l'Amour et le Temps 4+6 s
Auprès d'Agnès | ont oublié leurs ailes. 4+6 v
Charles souvent | disait entre ses bras, 4+6 w
En lui donnant | des baisers tout de flamme : 4+6 x
170 « Ma chère Agnès, | idole de mon âme, 4+6 x
Le monde entier | ne vaut point vos appas. 4+6 w
Vaincre et régner, | ce n'est rien que folie. 4+6 h
Mon parlement | me bannit aujourd'hui ; 4+6 y
Au fier Anglais | la France est asservie : 4+6 h
175 Ah ! qu'il soit roi, | mais qu'il me porte envie ; 4+6 h
J'ai votre cœur, | je suis plus roi que lui. » 4+6 y
Un tel discours | n'est pas trop héroïque ; 4+6 z
Mais un héros, | quand il tient dans un lit 4+6 r
Maîtresse honnête, | et que l'amour le pique, 4+6 z
180 Peut s'oublier, | et ne sait ce qu'il dit. 4+6 r
Comme il menait | cette joyeuse vie, 4+6 h
Tel qu'un abbé | dans sa grasse abbaye, 4+6 h
Le prince anglais, | toujours plein de furie, 4+6 h
Toujours aux champs, | toujours armé, botté, 4+6 p
185 Le pot en tête, | et la dague au côté, 4+6 p
Lance en arrêt, | la visière haussée, 4+6 d
Foulait aux pieds | la France terrassée. 4+6 d
Il marche, il vole, | il renverse en son cours 4+6 i
Les murs épais, | les menaçantes tours, 4+6 i
190 Répand le sang, | prend l'argent, taxe, pille, 4+6 z
Livre aux soldats | et la mère et la fille, 4+6 z
Fait violer | des couvents de nonnains, 4+6 a
Boit le muscat | des pères bernadins, 4+6 a
Frappe en écus | l'or qui couvre les saints, 4+6 a
195 Et, sans respect | pour Jésus ni Marie, 4+6 h
De mainte église | il fait mainte écurie : 4+6 h
Ainsi qu'on voit | dans une bergerie 4+6 h
Des loups sanglants | de carnage altérés, 4+6 b
Et sous leurs dents | les troupeaux déchirés, 4+6 b
200 Tandis qu'au loin, | couché dans la prairie, 4+6 h
Colin s'endort | sur le sein d'Égérie, 4+6 h
Et que son chien | près d'eux est occupé 4+6 p
A se saisir | des restes du soupé. 4+6 p
Or, du plus haut | du brillant apogée, 4+6 d
205 Séjour des saints, | et fort loin de nos yeux, 4+6 p
Le bon Denys, | prêcheur de nos aïeux, 4+6 p
Vit les malheurs | de la France affligée, 4+6 d
L'état horrible | où l'Anglais l'a plongée, 4+6 d
Paris aux fers, | et le roi très-chrétien 4+6 t
210 Baisant Agnès, | et ne songeant à rien. 4+6 t
Ce bon Denys | est patron de la France, 4+6 j
Ainsi que Mars | fut le saint des Romains, 4+6 a
Ou bien Pallas | chez les Athéniens. 4+6 a
Il faut pourtant | en faire différence ; 4+6 j
215 Un saint vaut mieux | que tous les dieux païens. 4+6 a
« Ah ! par mon chef, | dit-il, il n'est pas juste 4+6 a
De voir ainsi | tomber l'empire auguste 4+6 a
Où de la foi | j'ai planté l'étendard : 4+6 m
Trône des lis, | tu cours trop de hasard ; 4+6 m
220 Sang des Valois, | je ressens tes misères. 4+6 b
Ne souffrons pas | que les superbes frères 4+6 b
De Henri cinq, | sans droit et sans raison, 4+6 d
Chassent ainsi | le fils de la maison. 4+6 d
J'ai, quoique saint, | et Dieu me le pardonne, 4+6 s
225 Aversion | pour la race bretonne : 4+6 s
Car, si j'en crois | le livre des destins, 4+6 a
Un jour ces gens | raisonneurs et mutins 4+6 a
Se gausseront | des saintes décrétales, 4+6 c
Déchireront | les romaines annales, 4+6 c
230 Et tous les ans | le pape brûleront. 4+6 d
Vengeons de loin | ce sacrilège affront : 4+6 d
Mes chers Français | seront tous catholiques ; 4+6 e
Ces fiers Anglais | seront tous hérétiques : 4+6 e
Frappons, chassons | ces dogues britanniques : 4+6 e
235 Punissons-les, | par quelque nouveau tour, 4+6 q
De tout le mal | qu'ils doivent faire un jour. » 4+6 q
Des Gallicans | ainsi parlait l'apôtre, 4+6 f
De maudissons | lardant sa patenôtre ; 4+6 f
Et cependant | que tout seul il parlait, 4+6 y
240 Dans Orléans | un conseil se tenait. 4+6 y
Par les Anglais | cette ville bloquée 4+6 d
Au roi de France | allait être extorquée. 4+6 d
Quelques seigneurs | et quelques conseillers, 4+6 b
Les uns pédants | et les autres guerriers, 4+6 b
245 Sur divers tons | déplorant leur misère, 4+6 r
Pour leur refrain | disaient : « Que faut-il faire ? » 4+6 r
Poton, La Hire | et le brave Dunois, 4+6 m
S'écriaient tous | en se mordant les doigts : 4+6 m
« Allons, amis, | mourons pour la patrie ; 4+6 h
250 Mais aux Anglais | vendons cher notre vie. » 4+6 h
Le Richemont | criait tout haut : « Par Dieu, 4+6 g
Dans Orléans | il faut mettre le feu ; 4+6 g
Et que l'Anglais, | qui pense ici nous prendre, 4+6 h
N'ait rien de nous | que fumée et que cendre. » 4+6 h
255 Pour La Trimouille, | il disait : « C'est en vain 4+6 t
Que mes parents | me firent Poitevin ; 4+6 t
J'ai dans Milan | laissé ma Dorothée ; 4+6 d
Pour Orléans, | hélas ! je l'ai quittée. 4+6 d
Je combattrai, | mais je n'ai plus d'espoir : 4+6 i
260 Faut-il mourir, | ô ciel ! sans la revoir ! » 4+6 i
Le président | Louvet, grand personnage, 4+6 c
Au maintien grave, | et qu'on eût pris pour sage, 4+6 c
Dit : « Je voudrais | que préalablement 4+6 j
Nous fissions rendre | arrêt de parlement 4+6 j
265 Contre l'Anglais, | et qu'en ce cas énorme 4+6 k
Sur toute chose | on procédât en forme. » 4+6 k
Louvet était | un grand clerc ; mais hélas ! 4+6 w
Il ignorait | son triste et piteux cas : 4+6 w
S'il le savait, | sa gravité prudente 4+6 o
270 Procéderait | contre sa présidente. 4+6 o
Le grand Talbot, | le chef des assiégeants, 4+6 s
Brûle pour elle, | et règne sur ses sens : 4+6 s
Louvet l'ignore ; | et sa mâle éloquence 4+6 j
N'a pour objet | que de venger la France. 4+6 j
275 Dans ce conseil | de sages, de héros, 4+6 q
On entendait | les plus nobles propos ; 4+6 q
Le bien public, | la vertu les inspire : 4+6 l
Surtout l'adroit | et l'éloquent La Hire 4+6 l
Parla longtemps, | et pourtant parla bien ; 4+6 t
280 Ils disaient d'or, | et ne concluaient rien. 4+6 t
Comme ils parlaient, | on vit par la fenêtre 4+6 m
Je ne sais quoi | dans les airs apparaître. 4+6 m
Un beau fantôme | au visage vermeil, 4+6 k
Sur un rayon | détaché du soleil, 4+6 k
285 Des cieux ouverts | fend la voûte profonde. 4+6 n
Odeur de saint | se sentait à la ronde. 4+6 n
Le farfadet | dessus son chef avait 4+6 y
A deux pendants | une mitre pointue 4+6 c
D'or et d'argent, | sur le sommet fendue ; 4+6 c
290 Sa dalmatique | au gré des vents flottait, 4+6 y
Son front brillait | d'une sainte auréole, 4+6 o
Son cou penché | laissait voir son étole, 4+6 o
Sa main portait | ce bâton pastoral 4+6 p
Qui fut jadis | lituus augural. 4+6 p
295 A cet objet | qu'on discernait fort mal, 4+6 p
Voilà d'abord | monsieur de La Trimouille, 4+6 q
Paillard dévot, | qui prie et s'agenouille, 4+6 q
Le Richemont, | qui porte un cœur de fer, 4+6 r
Blasphémateur, | jureur impitoyable, 4+6 n
300 Haussant la voix, | dit que c'était le diable 4+6 n
Qui leur venait | du fin fond de l'enfer ; 4+6 r
Que ce serait | chose très-agréable 4+6 n
Si l'on pouvait | parler à Lucifer. 4+6 r
Maître Louvet | s'encourut au plus vite 4+6 s
305 Chercher un pot | tout rempli d'eau bénite. 4+6 s
Poton, La Hire | et Dunois ébahis, 4+6 k
Ouvrent tous trois | de grands yeux ébaubis. 4+6 k
Tous les valets | sont couchés sur le ventre. 4+6 t
L'objet approche, | et le saint fantôme entre 4+6 t
310 Tout doucement | porté sur son rayon, 4+6 d
Puis donne à tous | sa bénédiction. 4+6 d
Soudain chacun | se signe et se prosterne. 4+6 u
Il les relève | avec un air paterne ; 4+6 u
Puis il leur dit : | « Ne faut vous effrayer ; 4+6 p
315 Je suis Denys, | et saint de mon métier. 4+6 p
J'aime la Gaule, | et l'ai catéchisée, 4+6 d
Et ma bonne âme | est très-scandalisée 4+6 d
De voir Charlot, | mon filleul tant aimé, 4+6 p
Dont le pays | en cendre est consumé, 4+6 p
320 Et qui s'amuse, | au lieu de le défendre, 4+6 h
A deux tetons | qu'il ne cesse de prendre. 4+6 h
J'ai résolu | d'assister aujourd'hui 4+6 y
Les bons Français | qui combattent pour lui. 4+6 y
Je veux finir | leur peine et leur misère. 4+6 r
325 Tout mal, dit-on, | guérit par son contraire. 4+6 r
Or si Charlot | veut, pour une catin, 4+6 t
Perdre la France | et l'honneur avec elle, 4+6 l
J'ai résolu, | pour changer son destin, 4+6 t
De me servir | des mains d'une pucelle. 4+6 l
330 Vous, si d'en haut | vous désirez les biens, 4+6 a
Si vos cœurs sont | et français et chrétiens, 4+6 a
Si vous aimez | le roi, l'État, l'Église, 4+6 v
Assistez-moi | dans ma sainte entreprise ; 4+6 v
Montrez le nid | où nous devons chercher 4+6 p
335 Ce vrai phénix | que je veux dénicher. » 4+6 p
Ainsi parla | le vénérable sire. 4+6 l
Quand il eut fait, | chacun se prit à rire. 4+6 l
Le Richemont, | né plaisant et moqueur, 4+6 g
Lui dit : « Ma foi, | mon cher prédicateur, 4+6 g
340 Monsieur le saint, | ce n'était pas la peine 4+6 w
D'abandonner | le céleste domaine 4+6 w
Pour demander | à ce peuple méchant 4+6 j
Ce beau joyau | que vous estimez tant. 4+6 j
Quand il s'agit | de sauver une ville, 4+6 z
345 Un pucelage | est une arme inutile. 4+6 z
Pourquoi d'ailleurs | le prendre en ce pays ? 4+6 k
Vous en avez | tant dans le paradis ! 4+6 k
Rome et Lorette | ont cent fois moins de cierges 4+6 x
Que chez les saints | il n'est là-haut de vierges. 4+6 x
350 Chez les Français, | hélas ! il n'en est plus. 4+6 e
Tous nos moutiers | sont à sec là-dessus. 4+6 e
Nos francs archers, | nos officiers, nos princes, 4+6 y
Ont dès longtemps | dégarni les provinces. 4+6 y
Ils ont tous fait, | en dépit de vos saints, 4+6 a
355 Plus de bâtards | encor que d'orphelins. 4+6 a
Monsieur Denys, | pour finir nos querelles, 4+6 v
Cherchez ailleurs, | s'il vous plaît, des pucelles. » 4+6 v
Le saint rougit | de ce discours brutal ; 4+6 p
Puis aussitôt | il remonte à cheval 4+6 p
360 Sur son rayon, | sans dire une parole, 4+6 o
Pique des deux, | et par les airs s'envole, 4+6 o
Pour déterrer, | s'il peut, ce beau bijou, 4+6 z
Qu'on tient si rare, | et dont il semble fou. 4+6 z
Laissons aller : | et tandis qu'il se perche 4+6 a
365 Sur l'un des traits | qui vont porter le jour, 4+6 q
Ami lecteur, | puissiez-vous en amour 4+6 q
Avoir le bien | de trouver ce qu'il cherche ! 4+6 a
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