Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VIG_1/VIG23
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LES DESTINÉES
ŒUVRES POSTHUMES
POÈMES PHILOSOPHIQUES
La Maison du berger
À Éva
――――
I
Si ton cœur, gémissantdu poids de notre vie, 6+6 z
Se trne et se débatcomme un aigle blessé, 6+6 a
Portant comme le mien,sur son aile asservie, 6+6 z
Tout un monde fatal,écrasant et glacé ; 6+6 a
5 S'il ne bat qu'en saignantpar sa plaie immortelle, 6+6 b
S'il ne voit plus l'amour,son étoile fidèle, 6+6 b
Éclairer pour lui seull'horizon effacé ; 6+6 a
Si ton âme enchnée,ainsi que l'est mon âme, 6+6 c
Lasse de son bouletet de son pain amer, 6+6 d
10 Sur sa galère en deuillaisse tomber la rame, 6+6 c
Penche sa tête pâleet pleure sur la mer, 6+6 d
Et, cherchant dans les flotsune route inconnue, 6+6 e
Y voit, en frissonnant,sur son épaule nue, 6+6 e
La lettre socialeécrite avec le fer ; 6+6 d
15 Si ton corps, frémissantdes passions secrètes, 6+6 f
S'indigne des regards,timide et palpitant ; 6+6 g
S'il cherche à sa beautéde profondes retraites 6+6 f
Pour la mieux déroberau profane insultant ; 6+6 g
Si ta lèvre se sècheau poison des mensonges, 6+6 h
20 Si ton beau front rougitde passer dans les songes 6+6 h
D'un impur inconnuqui te voit et t'entend : 6+6 g
Pars courageusement,laisse toutes les villes ; 6+6 j
Ne ternis plus tes piedsaux poudres du chemin ; 6+6 k
Du haut de nos pensersvois les cités serviles 6+6 j
25 Comme les rocs fatalsde l'esclavage humain. 6+6 k
Les grands bois et les champssont de vastes asiles, 6+6 j
Libres comme la merautour des sombres îles. 6+6 j
Marche à travers les champsune fleur à la main. 6+6 k
La Nature t'attenddans un silence austère ; 6+6 l
30 L'herbe élève à tes piedsson nuage des soirs, 6+6 m
Et le soupir d'adieudu soleil à la terre 6+6 l
Balance les beaux liscomme des encensoirs. 6+6 m
La forêt a voiléses colonnes profondes, 6+6 n
La montagne se cache,et sur les pâles ondes 6+6 n
35 Le saule a suspenduses chastes reposoirs. 6+6 m
Le crépuscule amis'endort dans la vallée 6+6 o
Sur l'herbe d'émeraudeet sur l'or du gazon, 6+6 p
Sous les timides joncsde la source isolée 6+6 o
Et sous le bois rêveurqui tremble à l'horizon, 6+6 p
40 Se balance en fuyantdans les grappes sauvages, 6+6 q
Jette son manteau grissur le bord des rivages, 6+6 q
Et des fleurs de la nuitentr'ouvre la prison. 6+6 p
Il est sur ma montagneune épaisse bruyère 6+6 l
les pas du chasseuront peine à se plonger, 6+6 a
45 Qui plus haut que nos frontslève sa tête altière, 6+6 l
Et garde dans la nuitle pâtre et l'étranger. 6+6 a
Viens y cacher l'amouret ta divine faute ; 6+6 r
Si l'herbe est agitéeou n'est pas assez haute, 6+6 r
J'y roulerai pour toila Maison du Berger. 6+6 a
50 Elle va doucementavec ses quatre roues, 6+6 s
Son toit n'est pas plus hautque ton front et tes yeux ; 6+6 t
La couleur du corailet celle de tes joues 6+6 s
Teignent le char nocturneet ses muets essieux. 6+6 t
Le seuil est parfumé,l'alcôve est large et sombre, 6+6 u
55 Et, là, parmi les fleurs,nous trouverons dans l'ombre, 6+6 u
Pour nos cheveux unis,un lit silencieux. 6+6 t
Je verrai, si tu veux,les pays de la neige, 6+6 v
Ceux l'astre amoureuxdévore et resplendit, 6+6 w
Ceux que heurtent les vents,ceux que la mer assiège, 6+6 v
60 Ceux le pôle obscursous sa glace est maudit. 6+6 w
Nous suivrons du hasardla course vagabonde. 6+6 x
Que m'importe le jour ?que m'importe le monde ? 6+6 x
Je dirai qu'ils sont beauxquand tes yeux l'auront dit. 6+6 w
Que Dieu guide à son butla vapeur foudroyante 6+6 y
65 Sur le fer des cheminsqui traversent les monts, 6+6 z
Qu'un Ange soit deboutsur sa forge bruyante, 6+6 y
Quand elle va sous terreou fait trembler les ponts 6+6 z
Et, de ses dents de feudévorant ses chaudières, 6+6 a
Transperce les citéset saute les rivières, 6+6 a
70 Plus vite que le cerfdans l'ardeur de ses bonds ! 6+6 z
Oui, si l'Ange aux yeux bleusne veille sur sa route, 6+6 b
Et le glaive à la mainne plane et la défend, 6+6 g
S'il n'a compté les coupsdu levier, s'il n'écoute 6+6 b
Chaque tour de la roueen son cours triomphant, 6+6 g
75 S'il n'a l'œil sur les eauxet la main sur la braise, 6+6 c
Pour jeter en éclatsla magique fournaise, 6+6 c
Il suffira toujoursdu caillou d'un enfant. 6+6 g
Sur ce taureau de ferqui fume, souffle et beugle, 6+6 d
L'homme a monté trop tôt.Nul ne connt encor 6+6 e
80 Quels orages en luiporte ce rude aveugle, 6+6 d
Et le gai voyageurlui livre son trésor, 6+6 e
Son vieux père et ses fils,il les jette en otage 6+6 g
Dans le ventre brûlantdu taureau de Carthage, 6+6 g
Qui les rejette en cendreaux pieds du dieu de l'or. 6+6 e
85 Mais il faut triompherdu temps et de l'espace, 6+6 h
Arriver ou mourir.Les marchands sont jaloux. 6+6 i
L'or pleut sous les charbonsde la vapeur qui passe, 6+6 h
Le moment et le butsont l'univers pour nous. 6+6 i
Tous se sont dit : « Allons !» mais aucun n'est le mtre 6+6 k
90 Du dragon mugissantqu'un savant a fait ntre ; 6+6 k
Nous nous sommes jouésà plus fort que nous tous. 6+6 i
Eh bien ! que tout circuleet que les grandes causes 6+6 l
Sur les ailes de feulancent les actions, 6+6 z
Pourvu qu'ouverts toujoursaux généreuses choses, 6+6 l
95 Les chemins du vendeurservent les passions ! 6+6 z
Béni soit le Commerceau hardi caducée, 6+6 o
Si l'Amour que tourmenteune sombre pensée 6+6 o
Peut franchir en un jourdeux grandes nations ! 6+6 z
Mais, à moins qu'un amimenacé dans sa vie 6+6 z
100 Ne jette, en appelant,le cri du désespoir, 6+6 m
Ou qu'avec son claironla France nous convie 6+6 z
Aux fêtes du combat,aux luttes du savoir ; 6+6 m
À moins qu'au lit de mortune mère éplorée 6+6 o
Ne veuille encor posersur sa race adorée 6+6 o
105 Ces yeux tristes et douxqu'on ne doit plus revoir, 6+6 m
Évitons ces chemins.― Leur voyage est sans grâces, 6+6 n
Puisqu'il est aussi prompt,sur ses lignes de fer, 6+6 d
Que la flèche lancéeà travers les espaces 6+6 n
Qui va de l'arc au buten faisant siffler l'air, 6+6 d
110 Ainsi jetée au loin,l'humaine créature 6+6 o
Ne respire et ne voit,dans toute la nature, 6+6 o
Qu'un brouillard étouffantque traverse un éclair. 6+6 d
On n'entendra jamaispiaffer sur une route 6+6 b
Le pied vif du chevalsur les pavés en feu : 6+6 p
115 Adieu, voyages lents,bruits lointains qu'on écoute, 6+6 b
Le rire du passant,les retards de l'essieu, 6+6 p
Les détours imprévusdes pentes variées, 6+6 q
Un ami rencontré,les heures oubliées, 6+6 q
L'espoir d'arriver tarddans un sauvage lieu. 6+6 p
120 La distance et le tempssont vaincus. La science 6+6 r
Trace autour de la terreun chemin triste et droit. 6+6 s
Le Monde est rétrécipar notre expérience, 6+6 r
Et l'équateur n'est plusqu'un anneau trop étroit. 6+6 s
Plus de hasard. Chacunglissera sur sa ligne, 6+6 t
125 Immobile au seul rangque le départ assigne, 6+6 t
Plongé dans un calculsilencieux et froid. 6+6 s
Jamais la Rêverieamoureuse et paisible 6+6 v
N'y verra sans horreurson pied blanc attaché ; 6+6 a
Car il faut que ses yeuxsur chaque objet visible 6+6 v
130 Versent un long regard,comme un fleuve épanché, 6+6 a
Qu'elle interroge toutavec inquiétude, 6+6 w
Et, des secrets divinsse faisant une étude, 6+6 w
Marche, s'arrête et marcheavec le col penché. 6+6 a
II
Poésie ! ô trésor !perle de la pensée ! 6+6 o
135 Les tumultes du cœur,comme ceux de la mer, 6+6 a
Ne sauraient empêcherta robe nuancée 6+6 o
D'amasser les couleursqui doivent te former. 6+6 a
Mais, sitôt qu'il te voitbriller sur un front mâle, 6+6 x
Troublé de ta lueurmystérieuse et pâle, 6+6 x
140 Le vulgaire effrayécommence à blasphémer. 6+6 a
Le pur enthousiasmeest craint des faibles âmes 6+6 y
Qui ne sauraient porterson ardeur ni son poids. 6+6 z
Pourquoi le fuir ? ― La vieest double dans les flammes. 6+6 y
D'autres flambeaux divinsnous brûlent quelquefois : 6+6 z
145 C'est le Soleil du ciel,c'est l'Amour, c'est la Vie ; 6+6 z
Mais qui de les éteindrea jamais eu l'envie ? 6+6 z
Tout en les maudissant,on les chérit tous trois. 6+6 z
La Muse a méritéles insolents sourires 6+6 a
Et les souons moqueursqu'éveille son aspect. 6+6 b
150 Dès que son œil cherchale regard des satyres, 6+6 a
Sa parole trembla,son serment fut suspect ; 6+6 b
Il lui fut interditd'enseigner la sagesse. 6+6 c
Au passant du cheminelle criait : « Largesse ! » 6+6 c
Le passant lui donnasans crainte et sans respect. 6+6 b
155 Ah ! fille sans pudeur,fille du saint Orphée, 6+6 o
Que n'as-tu conservéta belle gravité ! 6+6 a
Tu n'irais pas ainsi,d'une voix étouffée, 6+6 o
Chanter aux carrefoursimpurs de la cité ; 6+6 a
Tu n'aurais pas collésur le coin de ta bouche 6+6 c
160 Le coquet madrigal,piquant comme une mouche, 6+6 c
Et, près de ton œil bleu,l'équivoque effronté. 6+6 a
Tu tombas dès l'enfance,et, dans la folle Grèce, 6+6 c
Un vieillard, t'enivrantde son baiser jaloux, 6+6 i
Releva le premierta robe de prêtresse, 6+6 c
165 Et, parmi les gaons,t'assit sur ses genoux. 6+6 i
De ce baiser mordantton front porte la trace ; 6+6 h
Tu chantas en buvantdans les banquets d'Horace, 6+6 h
Et Voltaire à la courte trna devant nous. 6+6 i
Vestale aux feux éteints !les hommes les plus graves 6+6 d
170 Ne posent qu'à demita couronne à leur front ; 6+6 e
Ils se croient arrêtés,marchant dans tes entraves, 6+6 d
Et n'être que poèteest pour eux un affront. 6+6 e
Ils jettent leurs pensersaux vents de la tribune, 6+6 f
Et, ces vents, aveugléscomme l'est la Fortune, 6+6 f
175 Les rouleront comme elleet les emporteront. 6+6 e
Ils sont fiers et hautainsdans leur fausse attitude, 6+6 w
Mais le sol tremble aux piedsde ces tribuns romains. 6+6 g
Leurs discours passagersflattent avec étude 6+6 w
La foule qui les presseet qui leur bat des mains ; 6+6 g
180 Toujours renouvelésous ses étroits portiques, 6+6 h
Ce parterre ne jetteaux acteurs politiques 6+6 h
Que des fleurs sans parfums,souvent sans lendemains. 6+6 g
Ils ont pour horizonleur salle de spectacle ; 6+6 i
La chambre ces élusdonnent leurs faux combats 6+6 j
185 Jette en vain, dans son temple,un incertain oracle ; 6+6 i
Le peuple entend de loinle bruit de leurs débats, 6+6 j
Mais il regarde encorle jeu des assemblées 6+6 q
De l'œil dont ses enfantset ses femmes troublées 6+6 q
Voient le terrible essaides vapeurs aux cent bras. 6+6 j
190 L'ombrageux paysangronde à voir qu'on dételle, 6+6 b
Et que pour le scrutinon quitte le labour. 6+6 k
Cependant le dédainde la chose immortelle 6+6 b
Tient jusqu'au fond du cœurquelque avocat d'un jour. 6+6 k
Lui qui doute de l'âme,il croit à ses paroles. 6+6 l
195 Poésie, il se ritde tes graves symboles, 6+6 l
Ô toi des vrais penseursimpérissable amour ! 6+6 k
Comment se garderaientles profondes pensées 6+6 q
Sans rassembler leurs feuxdans ton diamant pur, 6+6 m
Qui conserve si bienleurs splendeurs condensées ? 6+6 q
200 Ce fin miroir solide,étincelant et dur, 6+6 m
Reste de nationsmortes, durable pierre 6+6 l
Qu'on trouve sous ses piedslorsque dans la poussière 6+6 l
On cherche les citéssans en voir un seul mur. 6+6 m
Diamant sans rival,que tes feux illuminent 6+6 n
205 Les pas lents et tardifsde l'humaine Raison ! 6+6 p
Il faut, pour voir de loinles peuples qui cheminent, 6+6 n
Que le berger t'enchâsseau toit de sa maison. 6+6 p
― Le jour n'est pas levé.― Nous en sommes encore 6+6 o
Au premier rayon blancqui précède l'aurore 6+6 o
210 Et dessine la terreaux bords de l'horizon. 6+6 p
Les peuples tout enfantsà peine se découvrent 6+6 p
Par-dessus les buissonsnés pendant leur sommeil, 6+6 q
Et leur main, à traversles ronces qu'ils entr'ouvrent, 6+6 p
Met aux coups mutuelsle premier appareil. 6+6 q
215 ― La Barbarie encortient nos pieds dans sa gaine. 6+6 r
Le marbre des vieux tempsjusqu'aux reins nous enchne, 6+6 r
Et tout homme énergiqueau dieu Terme est pareil. 6+6 q
Mais notre esprit rapideen mouvements abonde ; 6+6 x
Ouvrons tout l'arsenalde ses puissants ressorts. 6+6 s
220 L'Invisible est réel.Les âmes ont leur monde 6+6 x
sont accumulésd'impalpables trésors. 6+6 s
Le Seigneur contient toutdans ses deux bras immenses, 6+6 t
Son Verbe est le séjourde nos intelligences, 6+6 t
Comme ici-bas l'espaceest celui de nos corps. 6+6 s
III
225 Éva, qui donc es-tu ?Sais-tu bien ta nature ? 6+6 o
Sais-tu quel est iciton but et ton devoir ? 6+6 m
Sais-tu que, pour punirl'homme, sa créature, 6+6 o
D'avoir porté la mainsur l'arbre du savoir, 6+6 m
Dieu permit qu'avant tout,de l'amour de soi-même 6+6 u
230 En tout temps, à tout âge,il fît son bien suprême, 6+6 u
Tourmenté de s'aimer,tourmenté de se voir ? 6+6 m
Mais, si Dieu près de luit'a voulu mettre, ô femme ! 6+6 c
Compagne délicate !Éva ! sais-tu pourquoi ? 6+6 v
C'est pour qu'il se regardeau miroir d'une autre âme, 6+6 c
235 Qu'il entende ce chantqui ne vient que de toi : 6+6 v
― L'Enthousiasme purdans une voix suave. 6+6 w
C'est afin que tu soisson juge et son esclave 6+6 w
Et règnes sur sa vieen vivant sous sa loi. 6+6 v
Ta parole joyeusea des mots despotiques ; 6+6 h
240 Tes yeux sont si puissants,ton aspect est si fort 6+6 x
Que les rois d'Orientont dit dans leurs cantiques 6+6 h
Ton regard redoutableà l'égal de la mort ; 6+6 x
Chacun cherche à fléchirtes jugements rapides… 6+6 y
― Mais ton cœur, qui démenttes formes intrépides, 6+6 y
245 Cède sans coup fériraux rudesses du sort. 6+6 x
Ta pensée a des bondscomme ceux des gazelles, 6+6 z
Mais ne saurait marchersans guide et sans appui. 6+6 a
Le sol meurtrit ses pieds,l'air fatigue ses ailes, 6+6 z
Son œil se ferme au jourdès que le jour a lui ; 6+6 a
250 Parfois, sur les hauts lieuxd'un seul élan posée, 6+6 o
Troublée au bruit des vents,ta mobile pensée 6+6 o
Ne peut seule y veillersans crainte et sans ennui. 6+6 a
Mais aussi tu n'as riende nos lâches prudences, 6+6 t
Ton cœur vibre et résonneau cri de l'opprimé, 6+6 a
255 Comme dans une égliseaux austères silences 6+6 t
L'orgue entend un soupiret soupire alarmé. 6+6 a
Tes paroles de feumeuvent les multitudes, 6+6 b
Tes pleurs lavent l'injureet les ingratitudes, 6+6 b
Tu pousses par le brasl'hommeIl se lève armé. 6+6 a
260 C'est à toi qu'il convientd'ouïr les grandes plaintes 6+6 c
Que l'humanité tristeexhale sourdement. 6+6 g
Quand le cœur est gonfléd'indignations saintes, 6+6 c
L'air des cités l'étouffeà chaque battement. 6+6 g
Mais de loin les soupirsdes tourmentes civiles, 6+6 j
265 S'unissant au-dessusdu charbon noir des villes, 6+6 j
Ne forment qu'un grand motqu'on entend clairement. 6+6 g
Viens donc ! le ciel pour moin'est plus qu'une auréole 6+6 d
Qui t'entoure d'azur,t'éclaire et te défend ; 6+6 g
La montagne est ton templeet le bois sa coupole ; 6+6 d
270 L'oiseau n'est sur la fleurbalancé par le vent, 6+6 g
Et la fleur ne parfumeet l'oiseau ne soupire 6+6 e
Que pour mieux enchanterl'air que ton sein respire ; 6+6 e
La terre est le tapisde tes beaux pieds d'enfant. 6+6 g
Éva, j'aimerai toutdans les choses créées, 6+6 q
275 Je les contempleraidans ton regard rêveur 6+6 f
Qui partout répandrases flammes colorées, 6+6 q
Son repos gracieux,sa magique saveur ; 6+6 f
Sur mon cœur déchiréviens poser ta main pure, 6+6 o
Ne me laisse jamaisseul avec la Nature, 6+6 o
280 Car je la connais troppour n'en pas avoir peur. 6+6 f
Elle me dit : « Je suisl'impassible théâtre 6+6 g
Que ne peut remuerle pied de ses acteurs ; 6+6 f
Mes marches d'émeraudeet mes parvis d'albâtre, 6+6 g
Mes colonnes de marbreont les dieux pour sculpteurs. 6+6 h
285 Je n'entends ni vos crisni vos soupirs ; à peine 6+6 r
Je sens passer sur moila comédie humaine 6+6 r
Qui cherche en vain au cielses muets spectateurs. 6+6 h
« Je roule avec dédain,sans voir et sans entendre, 6+6 i
À côté des fourmisles populations ; 6+6 z
290 Je ne distingue pasleur terrier de leur cendre, 6+6 i
J'ignore en les portantles noms des nations. 6+6 z
On me dit une mère,et je suis une tombe. 6+6 j
Mon hiver prend vos mortscomme son hécatombe, 6+6 j
Mon printemps ne sent pasvos adorations. 6+6 z
295 « Avant vous, j'étais belleet toujours parfumée, 6+6 o
J'abandonnais au ventmes cheveux tout entiers ; 6+6 k
Je suivais dans les cieuxma route accoutumée, 6+6 o
Sur l'axe harmonieuxdes divins balanciers. 6+6 k
Après vous, traversantl'espace tout s'élance, 6+6 r
300 J'irai seule et sereine,en un chaste silence 6+6 r
Je fendrai l'air du frontet de mes seins altiers. » 6+6 k
C'est là ce que me ditsa voix triste et superbe, 6+6 l
Et dans mon cœur alorsje la hais, et je vois 6+6 z
Notre sang dans son ondeet nos morts sous son herbe 6+6 l
305 Nourrissant de leurs sucsla racine des bois. 6+6 z
Et je dis à mes yeuxqui lui trouvaient des charmes : 6+6 m
« Ailleurs tous vos regards,ailleurs toutes vos larmes, 6+6 m
Aimez ce que jamaison ne verra deux fois. » 6+6 z
Oh ! qui verra deux foista grâce et ta tendresse, 6+6 c
310 Ange doux et plaintifqui parle en soupirant ? 6+6 g
Qui ntra comme toiportant une caresse 6+6 c
Dans chaque éclair tombéde ton regard mourant, 6+6 g
Dans les balancementsde ta tête penchée, 6+6 o
Dans ta taille indolenteet mollement couchée, 6+6 o
315 Et dans ton pur sourireamoureux et souffrant ? 6+6 g
Vivez, froide Nature,et revivez sans cesse 6+6 c
Sous nos pieds, sur nos fronts,puisque c'est votre loi ; 6+6 v
Vivez, et dédaignez,si vous êtes déesse, 6+6 c
L'homme, humble passager,qui dut vous être un Roi ; 6+6 v
320 Plus que tout votre règneet que ses splendeurs vaines, 6+6 n
J'aime la majestédes souffrances humaines ; 6+6 n
Vous ne recevrez pasun cri d'amour de moi. 6+6 v
Mais toi, ne veux-tu pas,voyageuse indolente, 6+6 y
Rêver sur mon épaule,en y posant ton front ? 6+6 e
325 Viens du paisible seuilde la maison roulante 6+6 y
Voir ceux qui sont passéset ceux qui passeront. 6+6 e
Tous les tableaux humainsqu'un Esprit pur m'apporte 6+6 o
S'animeront pour toiquand, devant notre porte, 6+6 o
Les grands pays muetslonguement s'étendront. 6+6 e
330 Nous marcherons ainsi,ne laissant que notre ombre 6+6 u
Sur cette terre ingrate les morts ont passé ; 6+6 a
Nous nous parlerons d'euxà l'heure tout est sombre, 6+6 u
tu te plais à suivreun chemin effacé, 6+6 a
À rêver, appuyéeaux branches incertaines, 6+6 n
335 Pleurant, comme Dianeau bord de ses fontaines, 6+6 n
Ton amour taciturneet toujours menacé. 6+6 a
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