Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VIG_1/VIG27
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LES DESTINÉES
ŒUVRES POSTHUMES
POÈMES PHILOSOPHIQUES
La Mort du loup
――――――
I
Les nuages couraientsur la lune enflammée 6+6 a
Comme sur l'incendieon voit fuir la fumée, 6+6 a
Et les bois étaient noirsjusques à l'horizon. 6+6 b
― Nous marchions, sans parler,dans l'humide gazon, 6+6 b
5 Dans la bruyère épaisseet dans les hautes brandes, 6+6 a
Lorsque, sous des sapinspareils à ceux des Landes, 6+6 a
Nous avons apeules grands ongles marqués 6+6 b
Par les loups voyageursque nous avions traqués. 6+6 b
Nous avons écouté,retenant notre haleine 6+6 a
10 Et le pas suspendu.― Ni le bois ni la plaine 6+6 a
Ne poussaient un soupirdans les airs ; seulement 6+6 b
La girouette en deuilcriait au firmament ; 6+6 b
Car le vent, élevébien au-dessus des terres, 6+6 a
N'effleurait de ses piedsque les tours solitaires, 6+6 a
15 Et les chênes d'en bas,contre les rocs penchés, 6+6 b
Sur leurs coudes semblaientendormis et couchés. 6+6 b
― Rien ne bruissait donc,lorsque, baissant la tête, 6+6 a
Le plus vieux des chasseursqui s'étaient mis en quête 6+6 a
A regardé le sableen s'y couchant ; bientôt, 6+6 b
20 Lui que jamais icil'on ne vit en défaut, 6+6 b
A déclaré tout basque ces marques récentes 6+6 a
Annonçaient la démarcheet les griffes puissantes 6+6 a
De deux grands loups-cervierset de deux louveteaux. 6+6 b
― Nous avons tous alorspréparé nos couteaux, 6+6 b
25 Et, cachant nos fusilset leurs lueurs trop blanches, 6+6 a
Nous allions, pas à pas,en écartant les branches. 6+6 a
 Trois s'arrêtent, et moi,cherchant ce qu'ils voyaient, 6+6 b
J'apeois tout à coupdeux yeux qui flamboyaient, 6+6 b
Et je vois au delàquatre formes légères 6+6 a
30 Qui dansaient sous la luneau milieu des bruyères, 6+6 a
Comme font chaque jour,à grand bruit sous nos yeux, 6+6 b
Quand le mtre revient,les lévriers joyeux. 6+6 b
Leur forme était semblableet semblable la danse, 6+6 a
Mais les enfants du Loupse jouaient en silence, 6+6 a
35 Sachant bien qu'à deux pas,ne dormant qu'à demi, 6+6 b
Se couche dans ses mursl'homme, leur ennemi. 6+6 b
 Le père était debout,et plus loin, contre un arbre, 6+6 a
Sa Louve reposaitcomme celle de marbre 6+6 a
Qu'adoraient les Romains,et dont les flancs velus 6+6 b
40 Couvaient les demi-dieuxRémus et Romulus. 6+6 b
― Le Loup vient et s'assied,les deux jambes dressées, 6+6 a
Par leurs ongles crochusdans le sable enfoncées. 6+6 a
Il s'est jugé perdu,puisqu'il était surpris, 6+6 b
Sa retraite coupéeet tous ses chemins pris ; 6+6 b
45 Alors il a saisi,dans sa gueule brûlante, 6+6 a
Du chien le plus hardila gorge pantelante, 6+6 a
Et n'a pas desserréses mâchoires de fer, 6+6 b
Malgré nos coups de feuqui traversaient sa chair, 6+6 b
Et nos couteaux aigusqui, comme des tenailles, 6+6 a
50 Se croisaient en plongeantdans ses larges entrailles, 6+6 a
Jusqu'au dernier moment le chien étranglé, 6+6 b
Mort longtemps avant lui,sous ses pieds a roulé. 6+6 b
Le Loup le quitte alorset puis il nous regarde. 6+6 a
Les couteaux lui restaientau flanc jusqu'à la garde, 6+6 a
55 Le clouaient au gazontout baigné dans son sang ; 6+6 b
Nos fusils l'entouraienten sinistre croissant. 6+6 b
Il nous regarde encore,ensuite il se recouche, 6+6 a
Tout en léchant le sangrépandu sur sa bouche, 6+6 a
Et, sans daigner savoircomment il a péri, 6+6 b
60 Refermant ses grands yeux,meurt sans jeter un cri. 6+6 b
II
J'ai reposé mon frontsur mon fusil sans poudre, 6+6 a
Me prenant à penser,et n'ai pu me résoudre 6+6 a
A poursuivre sa Louveet ses fils, qui, tous trois, 6+6 b
Avaient voulu l'attendre ;et, comme je le crois, 6+6 b
65 Sans ses deux Louveteaux,la belle et sombre veuve 6+6 a
Ne l't pas laissé seulsubir la grande épreuve ; 6+6 a
Mais son devoir étaitde les sauver, afin 6+6 b
De pouvoir leur apprendreà bien souffrir la faim, 6+6 b
A ne jamais entrerdans le pacte des villes 6+6 a
70 Que l'homme a fait avecles animaux serviles 6+6 a
Qui chassent devant lui,pour avoir le coucher, 6+6 b
Les premiers possesseursdu bois et du rocher. 6+6 b
III
Hélas ! ai-je pensé,malgré ce grand nom d'Hommes, 6+6 a
Que j'ai honte de nous,débiles que nous sommes ! 6+6 a
75 Comment on doit quitterla vie et tous ses maux, 6+6 b
C'est vous qui le savez,sublimes animaux ! 6+6 b
 A voir ce que l'on futsur terre et ce qu'on laisse, 6+6 a
Seul le silence est grand ;tout le reste est faiblesse. 6+6 a
Ah ! je t'ai bien compris,sauvage voyageur, 6+6 b
80 Et ton dernier regardm'est allé jusqu'au cœur ! 6+6 b
Il disait : « Si tu peux,fais que ton âme arrive, 6+6 a
A force de resterstudieuse et pensive, 6+6 a
Jusqu'à ce haut degréde stoïque fierté 6+6 b
, naissant dans les bois,j'ai tout d'abord monté. 6+6 b
85  Gémir, pleurer, prierest également lâche. 6+6 a
― Fais énergiquementta longue et lourde tâche 6+6 a
Dans la voie le sorta voulu t'appeler, 6+6 b
Puis, après, comme moi,souffre et meurs sans parler. » 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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