Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VIG_1/VIG13
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LIVRE MODERNE
La Prison
Poème
XVIIe siècle
Oh ! ne vous jouez plus | d'un vieillard et d'un prêtre ! 6+6 a
Étranger dans ces lieux, | comment les reconnaître ? 6+6 a
Depuis une heure au moins, | cet importun bandeau 6+6 b
Presse mes yeux souffrants | de son épais fardeau. 6+6 b
5 Soin stérile et cruel ! | car de ces édifices 6+6 a
Ils n'ont jamais tenté | les sombres artifices. 6+6 a
Soldats ! vous outragez | le ministre et le Dieu, 6+6 b
Dieu même que mes mains | apportent dans ce lieu. » 6+6 b
Il parle ; mais en vain | sa crainte les prononce : 6+6 a
10 Ces mots et d'autres cris | se taisent sans réponse. 6+6 a
On l'entraîne toujours | en des détours savants. 6+6 b
Tantôt crie à ses pieds | le bois des ponts mouvants, 6+6 b
Tantôt sa voix s'éteint | à de courts intervalles, 6+6 a
Tantôt fait retentir | l'écho des vastes salles, 6+6 a
15 Dans l'escalier tournant | on dirige ses pas ; 6+6 b
Il monte à la prison | que lui seul ne voit pas, 6+6 b
Et, les bras étendus, | le vieux prêtre timide 6+6 a
Tâte les murs épais | du corridor humide. 6+6 a
On s'arrête ; il entend | le bruit des pas mourir, 6+6 b
20 Sous de bruyantes clés | des gonds de fer s'ouvrir. 6+6 b
Il descend trois degrés | sur la pierre glissante, 6+6 a
Et, privé du secours | de sa vue impuissante, 6+6 a
La chaleur l'avertit | qu'on éclaire ces lieux ; 6+6 b
Enfin, de leur bandeau | l'on délivre ses yeux. 6+6 b
25 Dans un étroit cachot | dont les torches funèbres 6+6 a
Ont peine à dissiper | les épaisses ténèbres, 6+6 a
Un vieillard expirant | attendait ses secours : 6+6 b
Du moins ce fut ainsi | qu'en un brusque discours 6+6 b
Ses sombres conducteurs | le lui firent entendre. 6+6 a
30 Un instant, en silence, | on le pria d'attendre. 6+6 a
« Mon prince, dit quelqu'un, | le saint homme est venu, 6+6 b
― Eh ! que m'importe, à moi ? | » soupira l'inconnu. 6+6 b
Cependant, vers le lit | que deux lourdes tentures 6+6 a
Voilent du luxe ancien | de leurs pâles peintures, 6+6 a
35 Le prêtre s'avança | lentement, et, sans voir 6+6 b
Le malade caché, | se mit à son devoir. 6+6 b
LE PRÊTRE
Écoutez-moi, mon fils. |
LE MOURANT
Hélas ! malgré ma haine, 6+6 a
J'écoute votre voix, | c'est une voix humaine : 6+6 a
J'étais né pour l'entendre, | et je ne sais pourquoi 6+6 b
40 Ceux qui m'ont fait du mal | ont tant d'attrait pour moi. 6+6 b
Jamais je ne connus | cette rare parole 6+6 a
Qu'on appelle amitié, | qui, dit-on, vous console ; 6+6 a
Et les chants maternels | qui charment vos berceaux 6+6 b
N'ont jamais résonné | sous mes tristes arceaux ; 6+6 b
45 Et pourtant, lorsqu'un mot | m'arriva moins sévère, 6+6 a
Il ne fut pas perdu | pour mon cœur solitaire. 6+6 a
Mais, puisque vous m'aimez, | ô vieillard inconnu, 6+6 b
Pourquoi jusqu'à ce jour | n'êtes-vous pas venu ? 6+6 b
LE PRÊTRE
Ô, qui que vous soyez ! | vous que tant de mystère, 6+6 a
50 Avant le temps prescrit, | sépara de la terre, 6+6 a
Vous n'aurez plus de fers | dans l'asile des morts : 6+6 b
Si vous avez failli, | rappelez les remords, 6+6 b
Versez-les dans le sein | du Dieu qui vous écoute ; 6+6 a
Ma main du repentir | vous montrera la route. 6+6 a
55 Entrevoyez le Ciel | par vos maux acheté : 6+6 b
Je suis prêtre, et vous porte | ici la liberté. 6+6 b
De la confession | j'accomplis l'œuvre sainte ; 6+6 a
Le tribunal divin | siège dans cette enceinte. 6+6 a
Répondez, le pardon | déjà vous est offert ; 6+6 b
Dieu même…
LE MOURANT
60 Il est un Dieu ? | J'ai pourtant bien souffert ! 6+6 b
LE PRÊTRE
Vous avez moins souffert | qu'il ne l'a fait lui-même. 6+6 a
Votre dernier soupir | sera-t-il un blasphème ? 6+6 a
Et quel droit avez-vous | de plaindre vos malheurs, 6+6 b
Lorsque le sang du Christ | tomba dans les douleurs ? 6+6 b
65 Ô mon fils, c'est pour nous, | tout ingrats que nous sommes, 6+6 a
Qu'il a daigné descendre | aux misères des hommes ; 6+6 a
A la vie, en son nom, | dites un mâle adieu. 6+6 b
LE MOURANT
J'étais peut-être roi. |
LE PRÊTRE
Le sauveur était Dieu ; 6+6 b
Mais, sans nous élever | jusqu'à ce divin Maître, 6+6 a
70 Si j'osais, après lui, | nommer encor le prêtre, 6+6 a
Je vous dirais : Et moi, | pour combattre l'enfer, 6+6 b
J'ai resserré mon sein | dans un corset de fer ; 6+6 b
Mon corps a revêtu | l'inflexible cilice, 6+6 a
Où chacun de mes pas | trouve un nouveau supplice. 6+6 a
75 Au cloître est un pavé | que, durant quarante ans, 6+6 b
Ont usé chaque jour | mes genoux pénitents. 6+6 b
Et c'est encor trop peu | que de tant de souffrance 6+6 a
Pour acheter du Ciel | l'ineffable espérance. 6+6 a
Au creuset douloureux | il faut être épuré 6+6 b
80 Pour conquérir son rang | dans le séjour sacré. 6+6 b
Le temps nous presse ; au nom | de vos douleurs passées, 6+6 a
Dites-moi vos erreurs | pour les voir effacées ; 6+6 a
Et devant cette croix | où Dieu monta pour nous, 6+6 b
Souhaitez avec moi | de tomber à genoux. 6+6 b
85 ― Sur le front du vieux moine, | une rougeur légère 6+6 a
Fit renaître une ardeur | à son âge étrangère ; 6+6 a
Les pleurs qu'il retenait | coulèrent un moment ; 6+6 b
Au chevet du captif | il tomba pesamment ; 6+6 b
Et ses mains présentaient | le crucifix d'ébène, 6+6 a
90 Et tremblaient en l'offrant, | et le tenaient à peine. 6+6 a
Pour le cœur du chrétien | demandant des remords, 6+6 b
Il murmurait tout bas | la prière des morts. 6+6 b
Et, sur le lit, sa tête, | avec douleur penchée, 6+6 a
Cherchait du prisonnier | la figure cachée. 6+6 a
95 Un flambeau la révèle | entière : ce n'est pas 6+6 b
Un front décoloré | par un prochain trépas, 6+6 b
Ce n'est pas l'agonie | et son dernier ravage ; 6+6 a
Ce qu'il voit est sans traits, | et sans vie, et sans âge : 6+6 a
Un fantôme immobile | à ses yeux est offert, 6+6 b
100 Et les feux ont relui | sur un masque de fer… 6+6 b
――――――
Plein d'horreur à l'aspect | de ce sombre mystère, 6+6 a
Le prêtre se souvient | que, dans le monastère, 6+6 a
Une fois, en tremblant, | on se parlait tout bas 6+6 b
D'un prisonnier d'État | que l'on ne nommait pas ; 6+6 b
105 Qu'on racontait de lui | des choses merveilleuses, 6+6 a
De berceau dérobé, | de craintes orgueilleuses, 6+6 a
De royale naissance, | et de droits arrachés, 6+6 b
Et de ses jours captifs | sous un masque cachés. 6+6 b
Quelques pères disaient | qu'à sa descente en France, 6+6 a
110 De secouer ses fers | il conçut l'espérance ; 6+6 a
Qu'aux geôliers un instant | il s'était dérobé, 6+6 b
Et, quoiqu'entre leurs mains | aisément retombé, 6+6 b
L'on avait vu ses traits ; | et qu'une Provençale, 6+6 a
Arrivée au couvent | de Saint-François de Sale 6+6 a
115 Pour y prendre le voile, | avait dit, en pleurant, 6+6 b
Qu'elle prenait la Vierge | et son Fils pour garant 6+6 b
Que le Masque de fer | avait vécu sans crime, 6+6 a
Et que son jugement | était illégitime ; 6+6 a
Qu'il tenait des discours | pleins de grâce et de foi, 6+6 b
120 Qu'il était jeune et beau, | qu'il ressemblait au roi, 6+6 b
Qu'il avait dans la voix | une douceur étrange, 6+6 a
Et que c'était un prince | ou que c'était un ange. 6+6 a
Il se souvint encor | qu'un vieux bénédictin, 6+6 b
S'étant acheminé | vers la tour, un matin, 6+6 b
125 Pour rendre un vase d'or | tombé sur son passage, 6+6 a
N'était pas revenu | de ce triste voyage : 6+6 a
Sur quoi, l'abbé du lieu | pour toujours défendit 6+6 b
Les entretiens touchant | le prisonnier maudit ! 6+6 b
« Nul ne devait sonder | la récente aventure ; 6+6 a
130 « Le Ciel avait puni | la coupable lecture 6+6 a
« Des mystères gravés | sur ce vase indiscret. » 6+6 b
Le temps fit oublier | ce dangereux secret. 6+6 b
――――――
Le prêtre regardait | le malheureux célèbre ; 6+6 a
Mais ce cachot tout plein | d'un appareil funèbre, 6+6 a
135 Et cette mort voilée, | et ces longs cheveux blancs, 6+6 b
Nés captifs et jetés | sur des membres tremblants, 6+6 b
L'arrêtèrent longtemps | en un sombre silence. 6+6 a
Il va parler enfin ; | mais, tandis qu'il balance, 6+6 a
L'agonisant du lit | se soulève et lui dit : 6+6 b
140 « Vieillard, vous abaissez | votre front interdit ; 6+6 b
Je n'entends plus le bruit | de vos conseils frivoles ; 6+6 a
L'aspect de mon malheur | arrête vos paroles. 6+6 a
Oui, regardez-moi bien, | et puis dites, après, 6+6 b
Qu'un Dieu de l'innocent | défend les intérêts ; 6+6 b
145 Des péchés tant proscrits, | où toujours l'on succombe, 6+6 a
Aucun n'a séparé | mon berceau de ma tombe ; 6+6 a
Seul, toujours seul, par l'âge | et la douleur vaincu, 6+6 b
Je meurs tout chargé d'ans, | et je n'ai pas vécu. 6+6 b
Du récit de mes maux | vous êtes bien avide : 6+6 a
150 Pourquoi venir fouiller | dans ma mémoire vide, 6+6 a
Où, stérile de jours, | le temps dort effacé ? 6+6 b
Je n'eus point d'avenir | et n'ai point de passé ; 6+6 b
J'ai tenté d'en avoir ; | dans mes longues journées, 6+6 a
Je traçais sur les murs | mes lugubres années ; 6+6 a
155 Mais je ne pus les suivre | en leur douloureux cours. 6+6 b
Les murs étaient remplis, | et je vivais toujours. 6+6 b
Tout me devint alors | obscurité profonde ; 6+6 a
Je n'étais rien pour lui, | qu'était pour moi le monde ? 6+6 a
Que m'importaient des temps | où je ne comptais pas ? 6+6 b
160 L'heure que j'invoquais, | c'est l'heure du trépas. 6+6 b
Écoutez, écoutez : | quand je tiendrais la vie 6+6 a
De l'homme qui toujours | tint la mienne asservie, 6+6 a
J'hésiterais, je crois, | à le frapper des maux 6+6 b
Qui rongèrent mes jours, | brûlèrent mon repos ; 6+6 b
165 Quand le règne inconnu | d'une impuissante ivresse 6+6 a
Saisit mon cœur oisif | d'une vague tendresse, 6+6 a
J'appelais le bonheur, | et ces êtres amis 6+6 b
Qu'à mon âge brûlant | un songe avait promis. 6+6 b
Mes larmes ont rouillé | mon masque de torture ; 6+6 a
170 J'arrosais de mes pleurs | ma noire nourriture ; 6+6 a
Je déchirais mon sein | par mes gémissements ; 6+6 b
J'effrayais mes geôliers | de mes longs hurlements ; 6+6 b
Des nuits, par mes soupirs, | je mesurais l'espace ; 6+6 a
Aux hiboux des créneaux | je disputais leur place, 6+6 a
175 Et, pendant aux barreaux | où s'arrêtaient mes pas, 6+6 b
Je vivais hors des murs | d'où je ne sortais pas. » 6+6 b
――――――
Ici tomba sa voix. | Comme après le tonnerre 6+6 a
De tristes sons encore | épouvantent la terre, 6+6 a
Et, dans l'antre sauvage | où l'effroi l'a placé, 6+6 b
180 Retiennent en grondant | le voyageur glacé, 6+6 b
Longtemps on entendit | ses larmes retenues 6+6 a
Suivre encore une fois | des routes bien connues ; 6+6 a
Les sanglots murmuraient | dans ce cœur expirant. 6+6 b
Le vieux prêtre toujours | priait en soupirant, 6+6 b
185 Lorsqu'un des noirs geôliers | se pencha pour lui dire 6+6 a
Qu'il fallait se hâter, | qu'il craignait le délire. 6+6 a
Un nouveau zèle alors | ralluma ses discours. 6+6 b
« Ô mon fils ! criait-il, | votre vie eut son cours ; 6+6 b
Heureux, trois fois heureux, | celui que Dieu corrige ! 6+6 a
190 Gardons de repousser | les peines qu'il inflige : 6+6 a
Voici l'heure où vos maux | vous seront précieux, 6+6 b
Il vous a préparé | lui-même pour les cieux. 6+6 b
Oubliez votre corps, | ne pensez qu'à votre âme ; 6+6 a
Dieu lui-même l'a dit : | « L'homme né de la femme 6+6 a
195 « Ne vit que peu de temps, | et c'est dans les douleurs. » 6+6 b
Ce monde n'est que vide | et ne vaut pas des pleurs. 6+6 b
Qu'aisément de ses biens | notre âme est assouvie ! 6+6 a
Me voilà, comme vous, | au bout de cette vie ; 6+6 a
J'ai passé bien des jours, | et ma mémoire en deuil 6+6 b
200 De leur peu de bonheur | n'est plus que le cercueil. 6+6 b
C'est à moi d'envier | votre longue souffrance, 6+6 a
Qui d'un monde plus beau | vous donne l'espérance ; 6+6 a
Les anges à vos pas | ouvriront le saint lieu : 6+6 b
Pourvu que vous disiez | un mot à votre Dieu, 6+6 b
205 Il sera satisfait. | » Ainsi, dans sa parole, 6+6 a
Mêlant les saints propos | du livre qui console, 6+6 a
Le vieux prêtre engageait | le mourant à prier, 6+6 b
Mais en vain : tout à coup | on l'entendit crier, 6+6 b
D'une voix qu'animait | la fièvre du délire, 6+6 a
210 Ces rêves du passé : | « Mais enfin je respire ! 6+6 a
Ô bords de la Provence ! | ô lointain horizon ! 6+6 b
Sable jaune où des eaux | murmure le doux son ! 6+6 b
Ma prison s'est ouverte. | Oh ! que la mer est grande ! 6+6 a
Est-il vrai qu'un vaisseau | jusque là-bas se rende ? 6+6 a
215 Dieu ! qu'on doit être heureux | parmi les matelots ! 6+6 b
Que je voudrais nager | dans la fraîcheur des flots ! 6+6 b
La terre vient, nos pieds | à marcher se disposent, 6+6 a
Sur nos mâts arrêtés | les voiles se reposent. 6+6 a
Ah ! j'ai fui les soldats ; | en vain ils m'ont cherché ; 6+6 b
220 Je suis libre, je cours, | le masque est arraché ; 6+6 b
De l'air dans mes cheveux | j'ai senti le passage, 6+6 a
Et le soleil un jour | éclaira mon visage. 6+6 a
― « Oh ! pourquoi fuyez-vous ? | Restez sur vos gazons, 6+6 b
Vierges ! continuez | vos pas et vos chansons ; 6+6 b
225 Pourquoi vous retirer | aux cabanes prochaines ? 6+6 a
Le monde autant que moi | déteste donc les chaînes ? » 6+6 a
Une seule s'arrête | et m'attend sans terreur : 6+6 b
Quoi ! du Masque de fer | elle n'a pas horreur ! 6+6 b
Non, j'ai vu la pitié | sur ses lèvres si belles, 6+6 a
230 Et de ses yeux en pleurs | les douces étincelles. 6+6 a
― « Soldats ! que voulez-vous ? | quel lugubre appareil ! 6+6 b
J'ai mes droits à l'amour | et ma part au soleil ; 6+6 b
Laissez-nous fuir ensemble. | Oh ! voyez-la ! c'est elle 6+6 a
Avec qui je veux vivre, | elle est là qui m'appelle ; 6+6 a
235 Je ne fais pas le mal ; | allez, dites au roi 6+6 b
Qu'aucun homme jamais | ne se plaindra de moi ; 6+6 b
Que je serai content | si, près de ma compagne, 6+6 a
Je puis errer longtemps | de montagne en montagne, 6+6 a
Sans jamais arrêter | nos loisirs voyageurs ! 6+6 b
240 Que je ne chercherai | ni parents ni vengeurs ; 6+6 b
Et, si l'on me demande | où j'ai passé ma vie, 6+6 a
Je saurai déguiser | ma liberté ravie ; 6+6 a
Votre crime est bien grand, | mais je le cacherai. 6+6 b
Ah ! laissez-moi le Ciel, | je vous pardonnerai. 6+6 b
245 Non !… toujours des cachots… | Je suis né votre proie… » 6+6 a
Mais je vois mon tombeau, | je m'y couche avec joie. 6+6 a
Car vous ne m'aurez plus, | et je n'entendrai plus 6+6 b
Les verrous se fermer | sur l'éternel reclus. 6+6 b
Que me veut donc cet homme | avec ses habits sombres ? 6+6 a
250 Captifs morts dans ces murs, | est-ce une de vos ombres ? 6+6 a
Il pleure. Ah ! malheureux, | est-ce ta liberté ? 6+6 b
LE PRÊTRE
Non, mon fils, c'est sur vous : | voici l'éternité. 6+6 b
LE MOURANT
A moi ? Je n'en veux pas ; | j'y trouverais des chaînes. 6+6 a
LE PRÊTRE
Non, vous n'y trouverez | que des faveurs prochaines. 6+6 a
255 Un mot de repentir, | un mot de notre foi, 6+6 b
Le Seigneur vous pardonne. |
LE MOURANT
Ô prêtre ! laissez-moi ! 6+6 b
LE PRÊTRE
Dites : « Je crois en Dieu. | » La mort vous est ravie. 6+6 a
LE MOURANT
Laissez en paix ma mort, | on y laissa ma vie. » 6+6 a
― Et d'un dernier effort | l'esclave délirant 6+6 b
260 Au mur de la prison | brise son bras mourant. 6+6 b
« Mon Dieu ! venez vous-même | au secours de cette âme ! » 6+6 a
Dit le prêtre, animé | d'une pieuse flamme. 6+6 a
Au fond d'un vase d'or, | ses doigts saints ont cherché 6+6 b
Le pain mystérieux | où Dieu même est caché : 6+6 b
265 Tout se prosterne alors | en un morne silence. 6+6 a
La clarté d'un flambeau | sur le lit se balance ; 6+6 a
Le chevet sur deux bras | s'avance supporté, 6+6 b
Mais en vain : le captif | était en liberté. 6+6 b
――――――
Resté seul au cachot, | durant la nuit entière, 6+6 a
270 Le vieux religieux | récita la prière ; 6+6 a
Auprès du lit funèbre | il fut toujours assis. 6+6 b
Quelques larmes souvent, | de ses yeux obscurcis, 6+6 b
Interrompant sa voix, | tombaient sur le saint livre. 6+6 a
Et, lorsque la douleur | l'empêchait de poursuivre, 6+6 a
275 Sa main jetait alors | l'eau du rameau bénit 6+6 b
Sur celui qui du ciel | peut-être était banni. 6+6 b
Et puis, sans se lasser, | il reprenait encore, 6+6 a
De sa voix qui tremblait | dans la prison sonore, 6+6 a
Le dernier chant de paix ; | il disait : « Ô Seigneur ! 6+6 b
280 Ne brisez pas mon âme | avec votre fureur ; 6+6 b
Ne m'enveloppez pas | dans la mort de l'impie. » 6+6 a
Il ajoutait aussi : | « Quand le méchant m'épie, 6+6 a
Me ferez-vous tomber, | Seigneur, entre ses mains ? 6+6 b
C'est lui qui sous mes pas | a rompu vos chemins ; 6+6 b
285 Ne me châtiez point, | car mon crime est son crime. 6+6 a
J'ai crié vers le Ciel | du plus profond abîme. 6+6 a
Ô mon Dieu ! tirez-moi | du milieu des méchants ! » 6+6 b
Lorsqu'un rayon du jour | eut mis fin à ses chants, 6+6 b
Il entendit monter | vers les noires retraites, 6+6 a
290 Et des voix résonner | sous les voûtes secrètes. 6+6 a
Un moment lui restait, | il eût voulu du moins 6+6 b
Voir le mort qu'il pleurait | sans ces cruels témoins ; 6+6 b
Il s'approche, en tremblant, | de ce fils du mystère 6+6 a
Qui vivait et mourait | étranger à la terre ; 6+6 a
295 Mais le Masque de fer | soulevait le linceul, 6+6 b
Et la captivité | le suivit au cercueil. 6+6 b
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