Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_1/VHR5
Émile VERHAEREN
LES FLAMANDES
1883
KATO
Après avoir lavé | les puissants mufles roux 6+6 a
De ses vaches, curé | l'égout et la litière, 6+6 b
Troussé son jupon lâche | à hauteur des genoux, 6+6 a
Ouvert, au jour levant, | une porte à chatière. 6+6 b
5 Kato, la grasse enfant, | la pataude, s'assied. 6+6 a
Un grand mouchoir usé | lui recouvrant la nuque, 6+6 b
Sur le vieil escabeau, | qui ne tient que d'un pied. 6+6 a
Dans un coin noir, où luit | encor un noctiluque. 6+6 b
Le tablier de cuir | rugueux sert de cuissart ; 6+6 a
10 Les pieds sont nus dans les | sabots. Voici sa pose : 6−6 b
Le sceau dans le giron, | les jambes en écart, 6+6 a
Les cinq doigts grapilleurs | étirant le pis rose, 6+6 b
Pendant qu'au réservoir | d'étain jaillit le lait, 6+6 a
Qu'il s'échappe à jet droit, | qu'il mousse plein de bulles, 6+6 b
15 Et que le nez rougeaud | de Katu s'en repaît, 6+6 a
Comme d'un blanc parfum | de pâles renoncules. 6+6 b
C'est sa besogne à l'aube, | au soir, au cœur du jour, 6+6 a
De venir traire, à pleine | empoignade, ses bêtes, 6+6 b
En songeant d'un œil vide | aux bombances d'amour, 6+6 a
20 Aux baisers de son gars | dans les charnelles fêtes. 6+6 b
De son gars, le meunier, | un grand rustaud râblé, 6+6 a
Avec des blocs de chair | bossuant sa carcasse, 6+6 b
Qui la guette au moulin, | tout en veillant au blé, 6+6 a
Et la bourre de baisers gras | dès qu'elle passe. 8+4 b
25 Mais son étable avec | ses vaches la retient, 6+6 a
Elles sont là, dix, vingt, | trente, toutes en graisse, 6+6 b
Leur croupe se haussant | dans un raide maintien, 6+6 a
Leur longue queue, au ras | des flancs, ballant à l'aise. 6+6 b
Propres ? Rien ne luit tant | que le poil de leur peau ; 6+6 a
30 Fortes ? Leur cuisse énorme | est de muscles gonflée ; 6+6 b
Leur grand souille, dans l'auge | emplie, ameute l'eau, 6+6 a
Leur coup de corne enfonce | une cloison d'emblée. 6+6 b
Elles mâchonnent tout | d'un appétit goulu : 6+6 a
Glands, carottes, navets, | trèfles, sainfoins, farines, 6+6 b
35 Le col allongé droit | et le mufle velu, 6+6 a
Avec des ronflements | satisfaits de narines, 6+6 b
Avec des coups de dent | donnés vers le panier, 6+6 a
Où Kato fait tomber | les raves qu'elle ébarbe, 6+6 b
Avec des regards doux | fixés sur le grenier, 6+6 a
40 Où le foin, par les trous, | laisse flotter sa barbe. 6+6 b
L'écurie est construite | à plein torchis. Le toit, 6+6 a
Très vieux, très lourd, couvert | de chaume et de ramées, 6+6 b
Sur sa charpente haute | étrangement s'asseoit 6+6 a
Et jusqu'aux murs étend | ses ailes déplumées. 6+6 b
45 Les lucarnes du fond | permettent au soleil 6+6 a
De chauffer le bétail | de ses douches ignées. 6+6 b
Et le soir, de frapper | d'un cinglement vermeil 6+6 a
Les marbres blancs et roux | des croupes alignées. 6+6 b
Mais, au dedans, s'attise | une chaleur de four, 6+6 a
50 Qui monte des brassins, | des ventres et des couches 6+6 b
Des jarrets embousés, |tandis que tout autour 6+6 a
Bourdonne l'essaim noir | et sonore des mouches. 6+6 b
Et c'est là qu'elle vit, | la pataude, bien loin 6+6 a
Du curé qui sermonne | et du fermier qui rage, 6+6 b
55 Qu'elle a son coin d'amour | dans le grenier à foin, 6+6 a
Où son garçon meunier | la roule et la saccage, 6+6 b
Quand l'étable au repos | est close prudemment, 6+6 a
Que la nuit autour d'eux | répand sa somnolence, 6+6 b
Qu'on n'entend rien, sinon | le lourd mâchonnement 6+6 a
60 D'une bête éveillée | au fond du grand silence. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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