Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_1/VHR32
Émile VERHAEREN
LES FLAMANDES
1883
LES VIEILLES
Les chairs, les belles chairs | en fleur des gouges mortes, 6+6 a
Jeunes encore, où vont |-elles ? et qui de nous 6−6 b
Les verra resplendir | ailleurs, rouges et fortes, 6+6 a
Et les adorera, | toujours à deux genoux ! 6+6 b
5 Souvent, lorsque Juillet | flamboie, on rêve d'elles, 6+6 a
De leurs beaux corps défunts, | qu'on a connus jadis, 6+6 b
Et plus haut que ne va | le vol des hirondelles, 6+6 a
Près des cieux, on croit voir | de lointains paradis 6+6 b
Embrasés de lumière | et tapissés de nues, 6+6 a
10 Où l'œil vainqueur, les seins | sortis du corset d'or, 6+6 b
Des anneaux de rubis | cerclant leurs jambes nues, 6+6 a
Le front plaqué d'un feu | de soleil qui s'endort, 6+6 b
Les gouges dans leur gloire | ardente se promènent. 6+6 a
Ah ! celles-là, du moins, | ont bien fait de mourir 6+6 b
15 Avant que les laideurs | et les maux se déchaînent 6+6 a
Sur leur être superbe | et trop beau pour souffrir. 6+6 b
Mais d'autres que voilà, | toutes celles que l'âge 6+6 a
Courbe, casse, salit, | ruine et rabougrit, 6+6 b
Qui subissent, l'échine | en deux, le vasselage 6+6 a
20 Du cerveau qui s'ébête | et du cœur qui pourrit, 6+6 b
Qui ne veulent crever, | quoique jaunes, flétries, 6+6 a
Qui s'accrochent au monde | et se sèchent d'aigreur, 6+6 b
Bien que les temps soient là | des voluptés taries, 6+6 a
Sont celles que je hais, | celles qui font horreur ! 6+6 b
25 Ah chair de vieilles, chair | veule, rèche, moisie, 6+6 a
Mauvaise chair, tout au | plus bonne pour les vers, 6−6 b
Pourquoi ne pas, avant | la sinistre étisie, 6+6 a
Purger de tes humeurs | séniles les champs verts, 6+6 b
De ta lèpre l'air frais | et de ta jalousie 6+6 a
30 Les beaux soirs, le soleil | et les chemins d'amour ? 6+6 a
Chair puante, pourquoi | salir de toi la terre. 6+6 b
Et qu'avons-nous besoin | de ta hideur ? — Le jour ! 6+6 a
Vois donc comme il jaillit | flamboyant d'un cratère 6+6 b
D'aube, comme il émaille | en bleu les cieux ardents, 6+6 a
35 Comme il rosit au front | l'enfance et la jeunesse ! 6+6 b
Pour vous, vieilles, le jour, | c'est le masque sans dents, 6+6 a
C'est la paupière où du | pus congelé se presse, 6−6 b
Faisant comme une plaie | à chacun de vos yeux, 6+6 a
C'est le menton piqué | de poils roux, c'est la teigne 6+6 b
40 Qui ronge par endroits | le gris de vos cheveux, 6+6 a
C'est un cancer, servant | à vos faces d'enseigne, 6+6 b
Ce sont vos deux sourcils | râclés, ce sont vos seins 6+6 a
Clapotant sur les flancs | leur flic-flac de vessie 6+6 b
Flasque, ce sont vos bras | osseux, ce sont vos reins, 6+6 a
45 Vos doigts, vos mains, vos pieds | gonflés d'hydropisie, 6+6 b
C'est votre corps entier, | gluant, lépreux, perclus, 6+6 c
Carcasse répandant | une telle asphyxie, 6+6 b
Que les chiens de la mort | n'en voudront même plus ! 6+6 c
mètre profil métrique : 6−6
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