Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_5/VER155
Paul VERLAINE
SAGESSE
1881
I
III
Qu’en dis-tu, voyageur, | des pays et des gares ? 6+6 a
Du moins as-tu cueilli | l’ennui, puisqu’il est mûr, 6+6 b
Toi que voilà fumant | de maussades cigares, 6+6 a
Noir, projetant une ombre | absurde sur le mur ? 6+6 b
5 Tes yeux sont aussi morts | depuis les aventures, 6+6 a
Ta grimace est la même | et ton deuil est pareil ; 6+6 b
Telle la lune vue | à travers des mâtures, 6+6 a
Telle la vieille mer | sous le jeune soleil. 6+6 b
Tel l’ancien cimetière | aux tombes toujours neuves ! 6+6 a
10 Mais voyons, et dis-nous | les récits devinés, 6+6 b
Ces désillusions | pleurant le long des fleuves, 6+6 a
Ces dégoûts comme autant | de fades nouveau-nés, 6+6 b
Ces femmes ! Dis les gaz, | et l’horreur identique 6+6 a
Du mal toujours, du laid | partout sur les chemins, 6+6 b
15 Et dis l’Amour et dis | encor la Politique 6+6 a
Avec du sang | déshonoré | d’encre à leurs mains. 4+4+4 b
Et puis surtout ne va | pas l’oublier toi-même 6+6 a
Traînassant ta faiblesse | et ta simplicité 6+6 b
Partout où l’on bataille | et partout où l’on aime, 6+6 a
20 D’une façon si triste | et folle, en vérité ! 6+6 b
A-t-on assez puni | cette lourde innocence ? 6+6 a
Qu'en dis-tu ? L'homme est dur, | mais la femme ? Et tes pleurs, 6+6 b
Qui les a bus ? Et quelle | âme qui les recense 6+6 a
Console ce qu’on peut | appeler tes malheurs ? 6+6 b
25 Ah les autres, ah toi ! | Crédule à qui te flatte, 6+6 a
Toi qui rêvais (c’était | trop excessif, aussi) 6+6 b
Je ne sais quelle mort | légère et délicate ? 6+6 a
Ah toi, l’espèce d’ange | avec ce vœu transi ! 6+6 b
Mais maintenant les plans, | les buts ? Es-tu de force, 6+6 a
30 Ou si d’avoir pleuré | t’a détrempé le cœur ? 6+6 b
L’arbre est tendre s’il faut | juger d’après l’écorce, 6+6 a
Et tes aspects ne sont | pas ceux d’un grand vainqueur. 6+6 b
Si gauche encore ! avec | l’aggravation d’être 6+6 a
Une sorte à présent | d’idyllique engourdi 6+6 b
35 Qui surveille le ciel | bête par la fenêtre 6+6 a
Ouverte aux yeux matois | du démon de midi. 6+6 b
Si le même dans cette | extrême décadence ! 6−6 a
Enfin ! – Mais à ta place | un être avec du sens, 6+6 b
Payant les violons | voudrait mener la danse, 6+6 a
40 Au risque d’alarmer | quoique peu les passants. 6+6 b
N’as-tu pas, en fouillant | les recoins de ton âme, 6+6 a
Un beau vice à tirer | comme un sabre au soleil, 6+6 b
Quelque vice joyeux, | effronté, qui s’enflamme 6+6 a
Et vibre, et darde rouge | au front du ciel vermeil ? 6+6 b
45 Un ou plusieurs ? Si oui, | tant mieux ! Et pars bien vite 6+6 a
En guerre, et bats d’estoc | et de taille, sans choix 6+6 b
Surtout, et mets ce masque | indolent où s’abrite 6+6 a
La haine inassouvie | et repue à la fois… 6+6 b
Il faut n’être pas dupe | en ce farceur de monde 6+6 a
50 Où le bonheur n’a rien | d’exquis et d’alléchant 6+6 b
S’il n’y frétille un peu | de pervers et d’immonde, 6+6 a
Et pour n’être pas dupe | il faut être méchant. 6+6 b
– Sagesse humaine, ah ! j’ai | les yeux sur d’autres choses, 6+6 a
Et parmi ce passé | dont ta voix décrivait 6+6 b
55 L’ennui, pour des conseils | encore plus moroses, 6+6 a
Je ne me souviens plus | que du mal que j’ai fait. 6+6 b
Dans tous les mouvements | bizarres de ma vie, 6+6 a
De mes «malheurs», selon | le moment et le lieu, 6+6 b
Des autres et de moi, | de la route suivie, 6+6 a
60 Je n’ai rien retenu | que la grâce de Dieu. 6+6 b
Si je me sens puni, | c’est que je le dois être. 6+6 a
Ni l’homme ni la femme | ici ne sont pour rien. 6+6 b
Mais j’ai le ferme espoir | d’un jour pouvoir connaître 6+6 a
Le pardon et la paix | promis à tout Chrétien. 6+6 b
65 Bien de n’être pas dupe | en ce monde d’une heure, 6+6 a
Mais pour ne l’être pas | durant l’éternité, 6+6 b
Ce qu’il faut à tout prix | qui règne et qui demeure, 6+6 a
Ce n’est pas la méchanceté, | c’est la bonté. 8+4 b
mètre profil métrique : 6=6
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