Métrique en Ligne
VAL_5/VAL94
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
II
Poèmes datés
(1938-1943)
Ce soir, Jeanne, m'accable une fatigue grande… 12
Mon corps las vainement te cherche, et te demande 12
Cet oubli dans l'appui, qu'un front cherche en un sein. 12
Je voudrais doucement, sans le moindre dessein 12
5 De former avec toi quelque manœuvre étrange, 12
Non, ce soir, je voudrais seulement un échange 12
De calmes maternels et fraternels aussi… 12
Ton sourire sur moi lentement s'obscurcit : 12
Une paix sans parole envahit notre espace. 12
10 Ta main sur mes cheveux glisse, passe et repasse, 12
Ma main sur ton genou se sent pleine de toi 12
Et j'élève mes yeux vers l'adorable toit 12
Que me fait ton visage au beau regard dans l'ombre. 12
Tout le temps se dissout en nous. La chambre sombre 12
15 Songe seule, en l'absence étrange des esprits. 12
Que penser ? Puisqu'enfin nous nous sommes compris, 12
Que tu respires là, comme moi, simples êtres, 12
Que le jardin jaunit déjà sous tes fenêtres, 12
Que ce silence sait tout ce que nous dirions 12
20 Que nos gestes feraient ce que nous voudrions 12
Et qui va se vouloir, peut-être, tout à l'heure… 12
Mais, à présent, Amour, sois sagesse, demeure 12
Un pur moment de vie entre nous partagé 12
Et le fruit le plus doux que nous ayons mangé. 12
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