Métrique en Ligne
VAL_5/VAL86
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
II
Poèmes datés
(1938-1943)
NOCTURNE II
Ô bruits, roulements sourds des routes sous la roue, 12
N'éveillez point celui qu'effleure cette joue… 12
Oiseaux criards, taisez votre chant suraigu : 12
Marteaux brisant de coups mon bonheur ambigu, 12
5 Hommes, bêtes, charroi, durs facteurs de vacarme, 12
Pourquoi du cher silence oser rompre le charme ? 12
Du triste éloignement je différais l'ennui, 12
Et je trompais l'absence et la déserte nuit. 12
Je dormais dans les bras d'une ombre de dormeuse, 12
10 Fait bienheureusement heureux par une heureuse, 12
Favorisé d'un corps formé de souvenir. 12
Je buvais au sein frais que je songeais tenir, 12
Et ma lèvre attachée à cette source proche, 12
J'étreignais sur mon cœur la tiède et tendre roche 12
15 Et je m'abandonnais aux mouvements perdus 12
Qu'échangent les langueurs de membres confondus, 12
Que noue et que dénoue une seule paresse… 12
Sur moi palpite encor le vol d'une caresse 12
Et telle main secrète enchante doucement, 12
20 Lentement, vaguement, dans un lent glissement, 12
L'être qu'elle enveloppe, et sinueuse, mène 12
À la cime, à l'excès de sa présence humaine… 12
Tout le long de ma chair un délice rêvait ; 12
Je suivais sur ma forme errer comme un duvet, 12
25 Soupçon de souffle, Ombre de lèvre, Âme de soie, 12
L'Amour… Tout près du bord d'un abîme de joie 12
J'étais… Ma vie armée allait toucher son fruit 12
Quand vinrent l'aube et le lit vide et tout ce bruit. 12
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