Métrique en Ligne
VAL_5/VAL145
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
III
Poèmes sans date
ODE À NOUS
SI les Autres ne s'en mêlaient, ô mon 10
Amie intime ! Ô le très beau Démon 10
Que mon regard dispute à mes caresses, 10
SI, seule et seul, et riches du loisir 10
5 D'être les rois de nos tendres paresses, 10
Rien ne se pût que pour notre plaisir, 10
Je nous vois bien composés l'un à l'autre, 10
Ornant d'amour le temps limpide et nôtre ; 10
Mais sous ce doux et merveilleux flambeau, 10
10 Un même souffle en excitant la flamme, 10
Nos deux esprits, brûlant d'une seule âme, 10
Feraient chacun son devoir le plus beau. 10
Tu serais TOI, tête fertile en contes, 10
Et dans ta main, libre des tristes comptes, 10
15 Ta plume vive inventerait au vol 10
Tant de récits nés de ta chevelure… 10
(Mais je te vois, parfois penchant le col 10
Vers le miroir, refaire ta voilure…) 10
Moi, l'œil perdu dans ma vaine fumée, 10
20 Je poursuivrais mon hydre accoutumée 10
Dans mon dédale inextricable et pur ; 10
Mais toi si proche, et l'imminente étreinte 10
Et du bonheur le voisinage sûr 10
Feraient mes dons vainqueurs du labyrinthe… 10
25 (Oh… Rien que d'y penser selon ces vers, 10
Je me sens fou de tes trésors divers : 10
Je te parcours, et place fraîche ou tiède, 10
Il n'est de lieu de ce corps de mon cœur 10
Dont la fureur de le baiser n'obsède 10
30 Ma bouche folle aux songes de liqueur… ) 10
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