Métrique en Ligne
VAL_5/VAL137
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
III
Poèmes sans date
ODE VIVANTE
Viens, mon espoir, toujours trop loin 8
Formons un seul corps dans ce coin… 8
Oh ! Que ta bouche est douce à prendre, 8
A boire, à mordre… Qu'elle est tendre 8
5 Avec la mienne ; et quelle extrême 8
Caresse intime elles se font… 8
Quoi de plus simple quand on s'aime 8
Que de fondre ce qui se fond 8
En un fruit de l'Autre et du Même ? 8
10 Que j'adore ce premier don !… 8
Mais il veut d'autres découvertes, 8
Je sens te venir l'abandon 8
De ta chair délicate et dont 8
Parlent tes cuisses entr'ouvertes… 8
15 Oui, je descends par le chemin 8
De velours jusques vers ma main 8
Qui fait frémir ce qu'elle touche. 8
Laisse-moi reprendre à ta bouche 8
Pour surprendre une autre saveur 8
20 Ma langue prête à la ferveur… 8
Elle a sucé comme une mangue 8
Longuement ta suave langue, 8
Mais le temps vient d'un fruit plus doux 8
Ce rubis d'entre tes bijoux 8
25 De mon doigt plus ne se contente… 8
Ouvre vite… ouvre tes genoux 8
Ouvre à mon œuvre, ô palpitante… 8
Que ma langue vienne chérir 8
Et de douceur faire périr 8
30 Ce que déjà ma lèvre effleure, 8
Cette grotte où le plaisir pleure. 8
Longtemps, longtemps, tant qu'il le faut… 8
Je n'irai point chercher plus haut 8
Ce que je bois et qui m'enivre, 8
35 Mais tu frissonnes, tu rougis, 8
Tu sens l'onde venir te vivre… 8
Tes traits sont autres et ravis… 8
Oh, c'est à moi… je m'assouvis 8
Je monte à toi, je te gravis 8
40 Tout mon amour se précipite 8
Je prends ta forme qui palpite… 8
Ho… Tu me hâtes vers les cieux, 8
Vers la cime de mon essence 8
Char de chair aux souples essieux, 8
45 Cuisses sûres de leur puissance, 8
Fesses qui faites rondement 8
A larges coups de fondement 8
Bondir l'âme à la jouissance. 8
Oui, tout mon corps vibre, et j'étreins, 8
50 Des cheveux : drus jusques aux crins, 8
Tout, le col, les seins et les reins 8
Que l'imminence heureuse ploie, 8
Tandis qu'en pleine et vive voie, 8
Mon désir trouant la toison, 8
55 Rué sur ton ventre de soie, 8
Je sens fuir de moi la foison 8
D'un flux de semence et de joie. 8
Oh… Tu jouis et je jouis, 8
Nos yeux fermés voient une aurore 8
60 Nous nous sommes tout éblouis, 8
Formant ensemble un feu qui dore 8
Toute une vie, ô Polydore… 8
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