Métrique en Ligne
VAL_5/VAL128
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
III
Poèmes sans date
POLYDORE
(Acte I. Scène IV)
POLYDORE
(Elle avance en vêtements magnifiques,)
une épaule nue, et s'arrête sur le seuil du palais
dont la façade est illuminée par la riche lumière
du couchant. I'ombre légère et mouvante d'un saule
pleureur se joue sur cet ensemble.)
Toi, si tu viens vers moi pour l'amour de ce corps, 12
Viens jusqu'à toucher l'âme et ses divins ressorts. 12
Une commune ardeur jamais ne l'a tentée 12
Et ma beauté demeure une proie enchantée 12
5 Insensible au désir, insaisissable aux mains 12
Qui n'offrent à l'amour que ses présents humains. 12
Toute, je ne puis être, indivisible Vie, 12
Qu'au seul de qui l'amour m'aura toute ravie, 12
Qui me sente semblable et connaisse par soi 12
10 Tout ce que j'ai de tendre et d'orgueilleux en moi… 12
Sache que dans mon cœur, ivre de connaissance, 12
La tendresse et l'orgueil sont de même puissance, 12
Et cette femme en fleur, ces cheveux : abondants, 12
Ces regards que l'on dit timidement ardents, 12
15 Ces traits, dont tes désirs, la nuit, se font peinture, 12
Et puis… quelque trésor que défend ma ceinture 12
Où gît de mon pouvoir le secret le plus cher 12
Et qui dort au plus doux des ombres de ma chair, 12
Oui, toute ma personne ou vue ou devinée 12
20 Ne sentira frémir toute sa destinée 12
Et se rompre le sceau de l'avenir obscur 12
Qu'à l'appel d'un mortel qui m'aime en esprit pur. 12
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