Métrique en Ligne
TOU_2/TOU266
Paul-Jean TOULET
VERS INÉDITS
1880-1919
POÈMES
XXIV
As you like it
(Comme vous voudrez)
1
Les Chasseurs
Le printemps aux mains parfumées 8
S'efface comme le mirage, 8
Et la pluie, fille de l'ouest, 8
Ne pleure plus sur le feuillage. 8
Les Forestiers
5 Voici l'été revenu, qui mûrit 10
Les moissons ivres de lumière. 8
L'arc détendu dans vos mains s'alourdit ; 10
Et le chevreuil, auprès des sources fraîches, 10
Les Chasseurs
Mais demain, vieillards, c'est l'automne. 8
10 C'est le gibier qui tremble, et fuit sous le couvert ; 12
Et, près du vin nouveau qui saigne dans les tonnes, 12
C’est le rire des vendangeuses 8
Aux lèvres rouges de raisin, 8
Dont le rire raille et la course devance 11
15 Vos pas lointains. 4
Les Forestiers
Non, demain c'est l'hiver, et la plaine glacée 12
D'où l'on entend crier sous la nuée 10
Les échassiers qui volent en triangle ; 10
Et notre fer, qui du bois dépouillé 10
20 Fait retentir les branches… 6
Tous
… L'hiver qui lentement éveille 8
Dessous le gel le grain fécond, 8
Comme un autre hiver plus profond 8
Fera lever un autre germe 8
25 Au fond de nous. 4
2
OUI, nous avons, en des jours plus heureux, 10
Obéi la chanson des cloches 8
Et connu des festins joyeux 8
Avant que d'habiter les antres ténébreux 12
30 Et du désert la dangereuse approche. 10
La jeunesse eut pour nous ses charmes 8
Et nous avons goûté les larmes 8
De la pitié ! 4
Hélas, où sont nos beaux dimanches, 8
35 Mai verdoyant quand sous les branches 8
La source fait taire ses pleurs ? 8
Où sont les jours d'hiver, où les vitres sont blanches 12
Du givre en fleurs ? 4
Le temps n'est plus dans ma chambre bien peinte, 10
40 Ramassé sous ma courtepointe, 8
Enfant peureux, d’ouïr le vent glacé 10
Percer la cheminée éteinte 8
Et ces plaintes du Nord où la mort a passé, 12
Et vous, nuits où la chantante pluie 10
45 Qui bat la feuille a si souvent bercé 10
Ma mélancolie ! 5
3
VOUS dites vrai. Cet Univers n'est que spectacle ; 12
Nous, des comédiens 6
Avec leurs entrées, leurs répliques. 8
50 Dans une pièce en sept tableaux. 8
— D'abord, l’enfant criard, bercé des femmes ; 10
Le bambin aux joues de printemps 8
Qui traîne en allant à l'école, 8
— L'amant soumis au bel œil de sa dame. 10
55 — Le soldat glorieux, pareil aux léopards, 12
Tout hérissé de barbes et de dards. 10
— Le juge suit de près, dont la démarche grave 12
Berce sa prudence et son lard, 8
— Mais déjà, sixième tableau, 8
60 Pantalon flotte en ses houseaux 8
Et chevrote un rôle sans gloire. 8
— Le dénouement de cette histoire 8
C'est la seconde enfance en des langes nouveaux. 12
Des pas traînants qui tâtent le tombeau, 10
65 C'est un aveugle, un sourd, sans amour, sans mémoire. 12
4
Amiens (chante)
SOUS l'âpre aiguille du mélèze, 8
Je cherche qui chante avec moi. 8
Mais de si amoureuse voix 8
Que l’oiseau lui-même se taise. 8
70 Qu'il vienne ici, qu'il vienne ici 8
Loin de tout ennemi. 6
Le mauvais temps sera tout son malaise, 10
L'hiver son seul souci. 6
Du soleil et l'herbe prochaine, 8
75 Près de la source aux noirs roseaux ; 8
Le gibier du bois et des eaux, 8
Les fruits que la saison ramène ; 8
Si d'autres buts tu ne poursuis, 8
Ah, viens ici. 4
80 L'hiver sera ta seule peine, 8
Le froid, ton seul souci. 6
Jacques (chante)
Si quelque homme, par aventure, 8
Est assez âne, sur ma foi, 8
De laisser ses biens et son toit. 8
85 Pour suivre la libre nature, 8
D'être le seul qu'il n'ait souci : 8
Il peut trouver ici 6
Près de moi, près de moi, plus fol encor que lui. 12
5
Jacques (chante)
O MEURTRIER du cerf léger, 8
90 Que faut-il pour te louanger ? 8
De son cimier veux-tu qu'on t'orne ? 8
Va, ne crois pas être le seul 8
Dont la gloire au plumail se borne. 8
De la noce jusqu'au linceul, 8
95 J'en jure Hélène ou Maritorne, 8
Tel fut ton père ou ton aïeul. 8
Porte donc, sans être plus morne, 8
Époux, amant, 4
Joyeusement, joyeusement, 8
100 Chapeau de cornes … cornes… cornes… 8
6
Chanson
SOUFFLE, ô vent d'hiver, 5
Ton souffle est moins amer 6
Que n'est l'ingratitude 6
Et tu n'es pas si rude 6
105 Aux feuilles et aux fleurs 6
Qu’un amour qu'on oublie 6
N'est cruel à nos cœurs. 6
Pourquoi rêver à l'erreur d'un autre âge, 10
Et réveiller tous ces riants mirages. 10
110 Plaisir, amour, qui trompèrent nos cœurs ? 10
Goûtons la paix et les voix du bocage. 10
Ciel d'hiver, ciel de fer, 6
Tes pleurs sont moins amers 6
Que n'est l'ingratitude ; 6
115 Et toi plus corrosive, 6
Amitié perdue 6
Que le gel ou le givre. 6
Pourquoi chanter encor, sous le feuillage ? 10
L'été aussi, ce ne fut qu'un mirage. 10
120 Comme la vie a fané notre cœur 10
Novembre insulte à la fleur du bocage. 10
7
Madrigaux d’Orlando :
1
DE l'Inde jusqu'aux Grandes Indes 8
Sur les bords du lointain Cathay, 8
Quel objet t'égale en beauté, 8
125 Ma Rosalinde ? 4
2
La fleur pendante des lianes 8
Jette son âme au soir qui pâme à les bercer. 12
L'œil d'un Faune furtif brille à te voir passer, 12
Rosalinde ou Diane. 6
3
130 Au sein de la forêt profonde 8
Je veux que tout ramage abonde 8
A la chanter, et toute fleur ; 8
Qu'il n'y ait arbre qui ne clame 8
La louange qu’elle réclame. 8
135 Par-dessus Flore ou Blanchefleur 8
Son charme insulte à chaque belle : 8
Que sont les roses auprès d'elle, 8
Rosalinde, jardin en fleur ? 8
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