Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_3/SAM76
Albert SAMAIN
Au Jardin de l'Infante
1893
Mon Âme est une infante | en robe de parade, 6+6 a
Dont l'exil se reflète, | éternel et royal, 6+6 b
Aux grands miroirs déserts | d'un vieil Escurial, 6+6 b
Ainsi qu'une galère | oubliée en la rade. 6+6 a
5 Aux pieds de son fauteuil, | allongés noblement, 6+6 a
Deux lévriers d'Écosse | aux yeux mélancoliques 6+6 b
Chassent, quand il lui plaît, | les bêtes symboliques 6+6 b
Dans la forêt du Rêve | et de l'Enchantement. 6+6 a
Son page favori, | qui s'appelle Naguère, 6+6 a
10 Lui lit d'ensorcelants | poèmes à mi-voix, 6+6 b
Cependant qu'immobile, | une tulipe aux doigts, 6+6 b
Elle écoute mourir | en elle leur mystère… 6+6 a
Le parc alentour d'elle | étend ses frondaisons, 6+6 a
Ses marbres, ses bassins, | ses rampes à balustres ; 6+6 b
15 Et, grave, elle s'enivre | à ces songes illustres 6+6 b
Que recèlent pour nous | les nobles horizons. 6+6 a
Elle est là résignée, | et douce, et sans surprise, 6+6 a
Sachant trop pour lutter | comme tout est fatal, 6+6 b
Et se sentant, malgré | quelque dédain natal, 6+6 b
20 Sensible à la pitié | comme l'onde à la brise. 6+6 a
Elle est là résignée, | et douce en ses sanglots, 6+6 a
Plus sombre seulement | quand elle évoque en songe 6+6 b
Quelque Armada sombrée | à l'éternel mensonge, 6+6 b
Et tant de beaux espoirs | endormis sous les flots. 6+6 a
25 Des soirs trop lourds de pourpre | où sa fierté soupire, 6+6 a
Les portraits de Van Dyck | aux beaux doigts longs et purs, 6+6 b
Pâles en velours noir | sur l'or vieilli des murs, 6+6 b
En leurs grands airs défunts | la font rêver d'empire. 6+6 a
Les vieux mirages d'or | ont dissipé son deuil, 6+6 a
30 Et, dans les visions | où son ennui s'échappe, 6+6 b
Soudain — gloire ou soleil — | un rayon qui la frappe 6+6 b
Allume en elle tous | les rubis de l'orgueil. 6+6 a
Mais d'un sourire triste | elle apaise ces fièvres ; 6+6 a
Et, redoutant la foule | aux tumultes de fer, 6+6 b
35 Elle écoute la vie — | au loin — comme la mer… 6+6 b
Et le secret se lait | plus profond sur ses lèvres. 6+6 a
Rien n'émeut d'un frisson | l'eau pâle de ses yeux, 6+6 a
Où s'est assis l'Esprit | voilé des Villes mortes ; 6+6 b
Et par les salles, où | sans bruit tournent les portes, 6+6 b
40 Elle va, s'enchantant | de mots mystérieux. 6+6 a
L'eau vaine des jets d'eau | là-bas tombe en cascade, 6+6 a
Et, pâle à la croisée, | une tulipe aux doigts, 6+6 b
Elle est là, reflétée | aux miroirs d'autrefois, 6+6 b
Ainsi qu'une galère | oubliée en la rade. 6+6 a
45 Mon Âme est une infante | en robe de parade. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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