Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_3/SAM153
Albert SAMAIN
Au Jardin de l'Infante
1893
TSILLA
C'était aux temps premiers | où les brûlants archanges, 6+6 a
Qui volent d'astre en astre, | un glaive d'or en main, 6+6 b
S'arrêtaient quelquefois | pour s'unir en chemin 6+6 b
Aux filles de la terre | en des noces étranges. 6+6 a
5 En ce temps-là vivait, | puissant en sa fortune, 6+6 a
Sem-Nacor, et sa fille | avait pour nom Tsilla ; 6+6 b
Et jamais nulle femme | au monde n'égala 6+6 b
Ses cheveux ténébreux | comme une nuit sans lune. 6+6 a
Or, un soir que Tsilla | venait à la fontaine, 6+6 a
10 Sa cruche sur l'épaule, | en un pas bien rythmé, 6+6 b
Elle vit, seul au bord | d'un sentier parfumé, 6+6 b
Un étranger vêtu | d'une grâce hautaine. 6+6 a
Sa bouche avait l'éclat | de la grenade vive, 6+6 a
Et ses yeux regardaient | avec tant de douceur 6+6 b
15 Que, ce soir-là, Tsilla, | dont Naïm fut la sœur, 6+6 b
Revint de la fontaine | à pas très lents, pensive. 6+6 a
Le lendemain, au jour | tombant, comme la veille. 6+6 a
Un grand lis à la main, | l'étranger était là ; 6+6 b
Quand la vierge apparut, | il sourit, et Tsilla, 6+6 b
20 Rose, s'épanouit | comme une fleur vermeille. 6+6 a
Ils causèrent ; leurs voix | chantaient, mélancoliques ; 6+6 a
La lune découpait | leurs ombres à leurs pieds ; 6+6 b
Et vers eux les chameaux | tournaient, agenouillés, 6+6 b
La limpide douceur | de leurs grands yeux obliques. 6+6 a
25 Et puis, un soir, à l'heure | où le croissant émerge. 6+6 a
Dans l'ombre, au bruit lointain | des chariots rentrant, 6+6 b
Tsilla, sous le frisson | d'un palmier odorant, 6+6 b
Fit devant l'inconnu | tomber sa robe vierge. 6+6 a
Ainsi devant le ciel | Tsilla, fille d'un homme, 6+6 a
30 Connut, ayant quinze ans, | Phaëlim, fils de Dieu ; 6+6 b
Et ceci se passait | près d'Hesbon, au milieu 6+6 b
Du pays qui s'étend | de Galad à Sodome. 6+6 a
Ils s'aimaient ; à travers | leurs candides prunelles 6+6 a
Passait la grande extase | où toute l'âme fond ; 6+6 b
35 L'infini se mirait | dans leur amour profond. 6+6 b
Et leurs baisers chantaient | par les nuits solennelles ! 6+6 a
Dans le cœur de Tsilla | brûlaient d'ardentes fièvres ; 6+6 a
Étreignant Phaëlim | en ses bras langoureux, 6+6 b
Elle versait sur lui | la nuit de ses cheveux 6+6 b
40 Et, des heures, buvait, | immobile, à ses lèvres. 6+6 a
Parfois Tange tendait | l'aile comme une voile 6+6 a
Et fixant un point d'or | dans l'azur enfoui 6+6 b
Les amants y jetaient | leur amour ébloui, 6+6 b
Et montaient, frissonnants, | s'aimer dans une étoile. 6+6 a
45 Or, un soir, Tsilla dit | d'une voix de prière 6+6 a
A Phaëlim : « Montons | jusqu'au Soleil, veux-tu ? » 6+6 b
Et l'ange poursuivit | son essor éperdu 6+6 b
Dans un ruissellement | splendide de lumière. 6+6 a
Vol sublime ! A leurs yeux | le feu bouillonnait, ivre ; 6+6 a
50 L'or s'écroulait sur l'or | à flots précipités 6+6 b
Dans une cataracte | énorme de clartés. 6+6 b
Et Tsilla regardait, | pâle, le Soleil vivre… 6+6 a
Quand elle regagna | la terre obscure encore, 6+6 a
Son passage à travers | le sombre firmament 6+6 b
55 Derrière elle allumait | tant d'éblouissement 6+6 b
Qu'au fond des bois courut | le frisson de l'aurore ; 6+6 a
Car le soleil avait, | au baiser de ses flammes, 6+6 a
Changé ses cheveux noirs | en un grand fleuve d'or ; 6+6 b
Et c'est pourquoi Tsilla, | fille de Sem-Nacor, 6+6 b
60 Fut blonde, la première, | entre toutes les femmes. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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