CHŒUR DES NYMPHES, dans la coulisse.
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Nymphes des bois et des rivières, |
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Nymphes des sources, des clairières, |
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L'archer cuirassé d'or a redoublé d'ardeur : |
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Venez… Les grands bois noirs ouvrent leur profondeur. |
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Gagnons nos plus secrets asiles… |
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La mer miroite autour des îles ; |
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Les lézards brûlent, immobiles. |
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Le ciel palpite ardent et bleu ; |
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Nos bouches respirent du feu. |
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La terre à la chaleur se pâme ; |
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Nos bras étreignent de la flamme. |
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Cherchons, dans l'antre obscur, pour nos lèvres blessées, |
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L'eau qui pleure en larmes glacées. |
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Les ruisseaux sont taris dans leur lit de cailloux, |
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Les fleurs penchent à demi mortes… |
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Adorons le soleil qui rend les fruits plus doux |
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Et qui fait les moissons plus fortes. |
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Levant leurs sabots d'or, ses quatre chevaux blancs |
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Ont des flammes à la crinière. |
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Chantons, chantons, mes sœurs, les jours étincelants |
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Et les grands soleils ruisselants |
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Dans l'abîme de la lumière ! |
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POLYPHÈME |
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Belle mer écumeuse et bleue où je suis né, |
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Mer, chaque aurore, neuve à mon œil étonné, |
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25 |
Golfe aux eaux de cristal… Montagne aux belles lignes, |
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Bords d'étangs caressés au plumage des cygnes, |
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Sources froides… ruisseaux… feuillage bruissant… |
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Comme je t'adorais, Cybèle au cœur puissant ! |
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Grands chênes pleins d'oiseaux, troncs à l'écorce rude, |
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Comme j'étais royal dans votre solitude ! |
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Et comme, à vous pareil, au renouveau des ans, |
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Je sentais mon cœur vierge éclater de printemps ! |
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J'étais alors le fils bien-aimé de la terre. |
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La terre était à moi, la terre était ma mère ; |
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35 |
Et quand je m'étendais sur elle quelquefois, |
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Baigné du vent du large et de l'odeur des bois, |
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Il me semblait sentir une vague caresse |
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Du fond du sol sacré répondre à ma tendresse. |
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J'étais ardent et fort et libre en mes ébats. |
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40 |
L'eau des branches tombait au matin sur mes bras. |
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Debout, en plein soleil, je buvais la lumière. |
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A l'aurore, en piaffant, j'entrais dans la rivière, |
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Et j'avais, bondissant de la plaine au vallon, |
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Des besoins de hennir comme un jeune étalon ! |
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Il fait quelques pas, puis se laisse retomber découragé. |
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A présent, lourdement, je traîne ma journée. |
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Vers un seul but mon âme à toute heure est tournée. |
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Je marche sans savoir, et, de longs jours ardents, |
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Je demeure immobile et des sanglots aux dents, |
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A regarder mourir le flot sur le rivage. |
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50 |
L'ennui mange mon cœur, mon cœur tendre et sauvage. |
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Elle est là… toujours là… Je ne puis l'arracher !… |
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Elle est là… Je la vois rire, parler, marcher. |
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Je vois ses bras, son front, sa lourde chevelure, |
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Son petit cou d'oiseau, ses fleurs à sa ceinture, |
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55 |
Sa robe claire… Oh ! fou !… Mais c'est surtout, grands dieux |
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Cette agonie au cœur quand je pense à ses yeux ! |
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Depuis qu'elle est entrée en riant dans ma vie, |
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Je souffre !… Toute paix d'autrefois m'est ravie… |
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D'abord, ce fut charmant ; les jours passaient légers : |
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60 |
On eût dit une abeille à travers mes vergers… |
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Puis l'aimant, je voulus être beau pour lui plaire, |
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Quant, tout à coup, saisi de trouble et de colère, |
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Je vis que j'étais laid !… |
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Je vis que j'étais laid !… Hélas ! ce fut un soir |
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Que, penché sur l'étang comme sur un miroir, |
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65 |
Pour la première fois je connus mon visage. |
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Honteux, je brouillai l'eau… L'eau refit mon image. |
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La nuit vint… Tout fut noir… Je regardais encor… |
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Et depuis j'ai vécu triste jusqu'à la mort ! |
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Alors j'ai deviné le mensonge, la fraude, |
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70 |
Cet Acis, ce berger efféminé qui rôde, |
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Il l'a prise… à ses airs de grâce et de fadeur, |
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Quand moi, j'ai simplement l'infini de mon cœur ! |
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Entre Lycas, cherchant à terre, à gauche et à droite. |
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Ah ! c'est toi, mon petit… Que cherches-tu ? |
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LYCAS |
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Ah ! c'est toi, mon petit… Que cherches-tu ? Ma flèche. |
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POLYPHÈME, la découvrant près de lui et la ramassant.
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Tiens, la voilà. |
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LYCAS, la prenant et embrassant Polyphéme.
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Tiens, la voilà. Bonjour. |
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POLYPHÈME |
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Tiens, la voilà. Bonjour. Oh ! cette bouche fraîche !… |
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75 |
Regarde-moi… C'est bien les beaux yeux de sa sœur |
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Les yeux de Galatée avec plus de candeur ; |
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Car de leur charme même ils n'ont pas connaissance |
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Et c'est ce qui leur fait leur divine innocence. |
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LYCAS |
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Tu ne viens pas jouer ? |
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POLYPHÈME |
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Tu ne viens pas jouer ? Pas aujourd'hui. |
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LYCAS |
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Tu ne viens pas jouer ? Pas aujourd'hui. Pourquoi ? |
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80 |
A présent, tu ne ris plus jamais avec moi. |
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POLYPHÈME |
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Tu sais bien cependant que je t'aime. |
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LYCAS |
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Tu sais bien cependant que je t'aime. Oui, sans doute. |
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Mais j'ai comme un reproche à te faire. |
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POLYPHÈME |
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Mais j'ai comme un reproche à te faire. J'écoute. |
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LYCAS |
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Autrefois nous allions ensemble dans les bois ; |
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Tu me faisais porter tes flèches, ton carquois. |
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85 |
Souvent quand j'étais las, après nos courses folles, |
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Je montais à cheval sur tes larges épaules… |
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Nous passions à travers les villages, la nuit… |
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Le long des jardins noirs, tu me cueillais un fruit. |
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Nous faisions des échos dans les endroits sonores ; |
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90 |
Sur le bord de la mer il passait des Centaures |
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Qui couraient au galop, plus vite que le vent, |
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Sous la lune… Tu t'en souviens ? |
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POLYPHÈME, avec tristesse.
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Sous la lune… Tu t'en souviens ? Oui, mon enfant. |
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LYCAS |
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Un vieux surtout, si grand, avec sa barbe blanche, |
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Et sa massue énorme appuyée à sa hanche. |
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95 |
Il causait avec toi longtemps, marchant au pas… |
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Moi, j'étais ennuyé, je ne comprenais pas. |
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Tu me contais souvent qu'il savait les mystères |
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De la terre et du ciel. |
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POLYPHÈME |
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De la terre et du ciel. O Beaux soirs solitaires ! |
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C'est vrai, je me souviens, il me disait, un jour : |
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100 |
« Prends garde, il est des cœurs trop tendres pour l'amour. |
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« Toute âme devient folle à l'odeur de la femme. |
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« Prends bien garde.» Et ses yeux perçants m'entraient dans l'âme. |
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Je ne l'écoutai pas. Les dieux m'en ont puni. |
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LYCAS, cherchant à l'entraîner.
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Tu ne veux pas venir ? |
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POLYPHÈME |
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Tu ne veux pas venir ? Non. |
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LYCAS |
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Tu ne veux pas venir ? Non. Alors, c'est fini ? |
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POLYPHÈME, le retenant et l'embrassant.
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Je n'ai que toi pourtant !… |
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LYCAS |
105 |
Je n'ai que toi pourtant !… Dis-moi pour quelle cause |
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Ton front est-il toujours à présent si morose… |
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Tu sais que Galatée est inquiète aussi ? |
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POLYPHÈME, avec amertume.
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Galatée !… |
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LYCAS |
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Galatée !… Oui, vraiment ; elle en prend du souci. |
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Réponds… Ne m'aimes-tu pas plus que Galatée ? |
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LYCAS |
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Pourquoi ? Pour qu'elle en soit jalouse et dépitée. |
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LYCAS sort en riant. |
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Fou ! Son instinct d'enfant me devine. |
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Il s'approche à pas lents de l'endroit où Galatée repose, soulève le rideau de feuillage et la contemple. |
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Fou ! Son instinct d'enfant me devine. Elle dort… |
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Qu'elle est jolie avec ses longs cheveux en or ! |
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Toute cette amertume en moi, sombre et cruelle, |
12 |
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Quand je la vois ainsi, s'efface… |
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Il la contemple longuement. |
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Quand je la vois ainsi, s'efface… Elle est si belle, |
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115 |
Se soutenant la tête avec son bras plié !… |
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Je souffrais tant… Voilà que j'ai tout oublié. |
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Sur son front, par instants, une légère brise |
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Fait voler ses cheveux… D'une bouche indécise |
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Et molle, elle sourit… Oh ! ce petit front pur, |
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120 |
Ce petit front terrible et muet comme un mur ! |
12 |
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Connaître un seul instant les secrets qu'il recèle, |
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L'ouvrir… ou le briser !… Voir… savoir… Rêve-t-elle ? |
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Oui, malgré moi, toujours, quand ainsi je la tiens |
12 |
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Sous mes yeux tout entière et que je me souviens |
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125 |
De tant d'acres douleurs que chaque jour m'apporte, |
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|
Je demanderais presque aux dieux qu'elle fût morte |
12 |
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GALATÉE, s'éveillant lentement et apercevant Polyphème.
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|
Ah ! c'est toi !… Comment donc ai-je pu si longtemps |
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|
Dormir ?… L'ombre déjà s'allonge dans les champs. |
12 |
Elle se lève. |
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Ah ! dieux ! Jamais l'été n'eut de chaleurs pareilles ! |
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POLYPHÈME, lui tendant à boire.
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|
As-tu soif ? |
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GALATÉE, buvant à petits traits.
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|
As-tu soif ? C'est exquis. |
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POLYPHÈME |
130 |
As-tu soif ? C'est exquis. J'ai pressé des groseilles. |
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GALATÉE |
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Que faisais-tu là ? |
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POLYPHÈME |
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Que faisais-tu là ? Rien… Un moment, j'ai rêvé, |
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Au rythme de ton sein doucement soulevé. |
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|
Il te déplaît qu'ainsi près de toi je demeure ? |
12 |
|
GALATÉE, indifférente.
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Mais non… |
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POLYPHÈME |
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Mais non… Viens m'embrasser alors. |
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Galatée, distraite, arrangeant ses cheveux, refaisant les plis de sa robe. |
|
Mais non… Viens m'embrasser alors. Oui, tout à l'heure. |
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POLYPHÈME |
135 |
Tu sais, ce grand lys bleu dont tu m'avais parlé, |
12 |
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Qu'on ne trouve qu'en haut des montagnes ?… Je l'ai. |
12 |
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Il faut pour le cueillir s'aventurer aux glaces, |
12 |
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Traverser des ravins, des torrents, des crevasses, |
12 |
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Des trous si noirs qu'on n'en voit pas la profondeur, |
12 |
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Le voici. |
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Il lui tend la fleur. |
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GALATÉE, presque sans regarder.
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140 |
Le voici. Bien… Merci… Tiens ! Il n'a pas d'odeur. |
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POLYPHÈME, se rapprochant d'elle.
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Écoute… Je voudrais… |
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A part. |
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Écoute… Je voudrais… Cette angoisse est affreuse… |
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Haut. |
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Te demander. |
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GALATÉE |
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Te demander. Quoi donc ? |
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POLYPHÈME |
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Te demander. Quoi donc ? Te sens-tu bien heureuse |
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Ici ? |
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GALATÉE |
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Ici ? Pourquoi ?… Mais… oui… |
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POLYPHÈME |
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Ici ? Pourquoi ?… Mais… oui… Je me dis, par moments, |
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Qu'à mes côtés ta vie est pauvre d'agréments, |
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145 |
Que je tiens malgré tout ta grâce prisonnière, |
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Et que les fleurs enfin s'ouvrent à la lumière. |
12 |
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Il fait trop sombre ici pour tes jeunes ébats ; |
12 |
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Je suis triste toujours. |
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GALATÉE, inconsciemment.
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Je suis triste toujours. Bah ! Je ne le vois pas… |
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POLYPHÈME |
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C'est vrai, comme un oiseau, tu sautilles, tu chantes. |
12 |
150 |
Il faut me pardonner… J'ai des façons méchantes |
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Par moments. |
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GALATÉE |
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Par moments. Méchant… toi ? Sais-tu ce que tu dis ? |
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Chaque fois que je te regarde, tu souris… |
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Tiens, comme en ce moment. |
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POLYPHÈME, ironique.
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Tiens, comme en ce moment. Et comme tout à l'heure ! |
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L'attirant à lui d'une voix suppliante. |
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Viens là. |
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Galatée, s'asseyant sur ses genoux et le regardant enfin, avec stupeur. |
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Viens là. C'est vrai, pourtant… il ne rit pas… il pleure ! |
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POLYPHÈME, la serrant contre lui.
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155 |
Ne t'inquiète pas… Par pitié, reste ainsi !… |
12 |
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Que je te sente sur mon cœur… Tout est fini. |
12 |
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GALATÉE |
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Ton âme est, je le sais, douce pour Galatée. |
12 |
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Tu la traites toujours comme une enfant gâtée : |
12 |
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Alors elle en abuse et manque de raison. |
12 |
160 |
Mais sa tète est si folle et ton cœur est si bon ! |
12 |
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POLYPHÈME |
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Tes bras nus à mon cou font un collier de neige… |
12 |
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Tu veux bien que j'y pose un baiser ?… |
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GALATÉE, avec mutinerie.
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Tu veux bien que j'y pose un baiser ?… Mais… qu'aurai-je |
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En retour du baiser ? |
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POLYPHÈME |
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En retour du baiser ? Tout ce que tu voudras. |
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GALATÉE |
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Bien, je m'en vais chercher… te mettre en l'embarras… |
12 |
Elle hésite un moment. |
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Si… je te… demandais… |
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POLYPHÈME, la caressant.
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Si… je te… demandais… Un grand baiser !… |
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GALATÉE, coquette.
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165 |
Si… je te… demandais… Un grand baiser !… Je n'ose ! |
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Si… je te demandais… |
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POLYPHÈME |
|
Si… je te demandais… Quoi donc ? |
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|
GALATÉE |
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Si… je te demandais… Quoi donc ? Oh ! peu de chose… |
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Un grand arc !… un bel arc avec des clous d'argent ! |
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POLYPHÈME, surpris.
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Et pour qui ? |
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GALATÉE, un peu confuse.
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Et pour qui ? Pour… Acis. |
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POLYPHÈME, froidement.
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Et pour qui ? Pour… Acis. Acis !… Jamais. |
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|
GALATÉE |
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Et pour qui ? Pour… Acis. Acis !… Jamais. Méchant ! |
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|
Que lui reproches-tu ? |
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POLYPHÈME |
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Que lui reproches-tu ? Je refuse. |
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GALATÉE |
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Que lui reproches-tu ? Je refuse. Il t'estime : |
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170 |
Il dit toujours du bien de toi. C'est donc un crime ? |
12 |
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POLYPHÈME, brusquement.
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Il vient ici souvent, n'est-ce pas ? |
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|
GALATÉE, avec assurance.
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|
Il vient ici souvent, n'est-ce pas ? Lui, jamais ! |
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|
Nous ne nous rencontrons que sur les routes… Mais |
12 |
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Pourquoi froncer ainsi tes sourcils ? |
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|
POLYPHÈME |
|
Pourquoi froncer ainsi tes sourcils ? Rien… Je pense. |
|
|
GALATÉE, câline.
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|
Tiens… Je te veux donner déjà ta récompense. |
12 |
Elle l'embrasse dans le cou, longuement. |
|
POLYPHÈME, comme sortant d'un rêve.
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175 |
Oh ! ce baiser !… C'est comme un éclair d'or au cœur ! |
12 |
Étreignant brusquement Galatée. |
|
Galatée !… Ah ! je t'aime ! |
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|
GALATÉE, l'écartant vivement.
|
|
Galatée !… Ah ! je t'aime ! Oh non ! tu me fais peur ! |
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|
POLYPHÈME, la retenant. |
|
Ah ! reste dans mes bras… qu'un peu je te respire ! |
12 |
|
Oh ! baiser tes cheveux… Oh ! boire ton sourire !… |
12 |
|
GALATÉE, impatiente.
|
|
Laisse ! |
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|
POLYPHÈME |
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Laisse ! Je t'aime tant !… Si tu savais… la nuit… |
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|
GALATÉE, irritée.
|
|
Laisse ! |
|
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POLYPHÈME |
180 |
Laisse ! Ah ! ton beau corps souple et fondant comme un fruit, |
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|
Et ce parfum de toi qui me donne un vertige |
12 |
|
Et m'enivre et m'affole !… |
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|
GALATÉE, le repoussant et se débattant avec dégoût.
|
|
Et m'enivre et m'affole !… Oh ! laisse-moi, te dis-je ! |
|
Ils se regardent un instant face à face. |
|
POLYPHÈME, la maintenant par les poignets.
|
|
Non… Non… Tu resteras à la fin !… Je le veux. |
12 |
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Je te tiens ; je suis fort… Sauve-toi si tu peux !… |
12 |
185 |
Alors tu ne sais pas qu'il n'est point de minute |
12 |
|
Où dans mon désespoir contre moi je ne lutte, |
12 |
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Pris du désir terrible et fou de t'emporter, |
12 |
|
Pantelante en mes bras, pour te violenter ! |
12 |
|
Tu ne sais pas que j'ai deux sillons à ma face |
12 |
190 |
A force de pleurer !… Tiens, regarde la place |
12 |
|
Où mes ongles ardents s'enfoncent nuit et jour, |
12 |
|
Tant j'ai le cœur, vois-tu, dévoré par l'amour !… |
12 |
|
Tu ne sois pas que j'ai le feu dans les entrailles ; |
12 |
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Que, le jour, je me roule en sang dans les broussailles, |
12 |
195 |
Et qu'en haut sur les monts souvent le fauve a fui |
12 |
|
En m'entendant hurler aux étoiles, la nuit !… |
12 |
Reprenant une voix de douceur. |
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Pourtant je ne suis pas tant que tu crois farouche : |
12 |
|
Tiens, regarde, ma bouche est tout près de ta bouche… |
12 |
|
Songe que, pour ta robe effleurée en passant, |
12 |
200 |
Il me coule un ruisseau de parfums dans le sang ; |
12 |
|
Songe que je conserve en des cachettes sûres |
12 |
|
Le fruit vert où tes dents ont laissé leurs morsures ; |
12 |
|
Songe qu'à deux genoux je me traîne aux sentiers |
12 |
|
Pour adorer la terre où tu posas tes pieds ! |
12 |
205 |
Cela ne te fait rien ?… Oh ! ces yeux que j'implore ! |
12 |
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Quand tu les ouvres, c'est comme un ciel à l'aurore. |
12 |
|
Et rien, je n'aurai rien jamais de leur douceur… |
12 |
|
Non, jamais ! Car je vois jusqu'au fond de ton cœur. |
12 |
|
Il eût fallu pourtant si peu pour ma tendresse ! |
12 |
210 |
Un sourire… un bon geste… une simple caresse, |
12 |
|
Même avec du mépris comme on caresse un chien. |
12 |
|
Mais pas même cela pour moi… Rien, jamais rien |
12 |
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Que ce regard affreux glacé comme une eau morte… |
12 |
|
GALATÉE, froidement.
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|
Veux-tu laisser mes bras !… |
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|
POLYPHÈME, la lâchant.
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Veux-tu laisser mes bras !… Va, c'est toi la plus forte !… |
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215 |
Quelle folie !… Un dieu m'avait pris la raison ! |
12 |
|
Un instant… j 'avais cru… mais j 'ai compris… Pardon ! … |
12 |
Silence. Galatée fait quelques pas, avec une affectation de tranquillité. |
|
GALATÉE |
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Lycas n'était-il pas ici tantôt ? |
|
|
POLYPHÈME |
|
Lycas n'était-il pas ici tantôt ? Sans doute !… |
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Regardant au dehors. |
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Veux-tu que je l'appelle ?… Il est là sur la route. |
12 |
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GALATÉE, avec une impatience fébrile.
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Je ne veux pas qu'il joue ainsi par la chaleur : |
12 |
220 |
Il s'essouffle, il devient rouge et tout en sueur ; |
12 |
|
Cela lui fait du mal. |
|
Elle s'assied, puis brusquement, ne pouvant plus se contenir,
elle éclate en sanglots. Polyphème s'approche, se penche sur elle,
mais elle le repousse |
|
POLYPHÈME, suppliant.
|
|
Cela lui fait du mal. Tu caches ta figure !… |
|
|
Ce que j'ai fait, c'est sans le vouloir, je te jure. |
12 |
|
Mon sang brûlant m'égare, et des mots superflus |
12 |
|
Me viennent malgré moi… |
|
|
GALATÉE, se levant brusquement.
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|
Me viennent malgré moi… Moi, je n'y pense plus. |
|
Elle va vers la route ; puis éclatant de rire bruyamment
et avec affectation : |
|
Ah ! c'est bien fait ! |
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|
POLYPHÈME |
|
Ah ! c'est bien fait ! Quoi donc ? |
|
|
GALATÉE |
225 |
Ah ! c'est bien fait ! Quoi donc ? En sautant la muraille, |
|
|
Lycas s'est étalé par terre. |
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|
POLYPHEME, à part.
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Lycas s'est étalé par terre. Elle me raille !… |
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Haut. |
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Je t'avais apporté des fruits cueillis exprès, |
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Des pêches, des raisins… Afin qu'ils soient plus frais, |
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Je les ai posés là, sous des feuilles, à l'ombre. |
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GALATÉE, sans tourner la tête.
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Merci. |
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POLYPHÈME, va et vient, découragé.
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Merci. L'heure s'avance, et, dans la forêt sombre, |
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Il fera bon chasser ce soir. L'air est en feu. |
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Il jette son carquois sur ses épaules. |
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Adieu. |
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Tendant la main a Galatée. |
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Adieu. Tu ne veux pas donner ta main ?… |
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GALATÉE, même jeu.
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Adieu. Tu ne veux pas donner ta main ?… Adieu. |
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Polyphène la regarde avec tristesse et sort lentement. |
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GALATÉE, se retournant enfin.
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Il est parti, tant mieux ; le voilà qui chemine |
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Avec ses dogues noirs, là-bas, par la ravine. |
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235 |
Je sens comme d'un poids tout mon cœur s'alléger. |
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Que me veut-il enfin ? A quoi peut-il songer ? |
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Elle pose à terre une corbeille remplie de laines de couleurs,
s'assied et s'apprête à travailler. |
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Je suis soumise, douce, et fais tout pour lui plaire : |
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D'où lui vient tout à coup cette étrange colère ? |
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Il m'obsède. J'étais, ce matin, au réveil, |
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240 |
Si joyeuse en peignant mes cheveux au soleil ! |
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Pour voir si j'étais belle, à l'heure coutumière, |
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Je m'étais en passant mirée à la rivière… |
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Maintenant je suis triste et je m'efforce en vain : |
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Ah ! qu'il cesse, ou je vais le haïr à la fin ! |
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Bruit de clochettes. Elle lève la tête. |
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On dirait le troupeau d'Acis dans la vallée. |
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Si c'était lui ! Déjà je me sens consolée. |
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Une flûte rustique se fait entendre. Elle écoute un moment. |
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C'est lui ! |
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Elle court vers le fond. |
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C'est lui ! Viens vite, Acis !… |
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Acis, paraît ; elle court à lui et l'embrasse. |
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C'est lui ! Viens vite, Acis !… Ah ! je bénis le sort ! |
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GALATÉE, courant à lui et l'embrassant
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Quel bonheur de te voir ! Je m'ennuyais si fort !… |
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Pourquoi ne vins-tu pas selon ton habitude ? |
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ACIS |
250 |
J'ai dû garder la ferme, où le travail est rude. |
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Une brebis hier a mis bas deux agneaux ; |
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Puis le maître est venu visiter ses troupeaux. |
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GALATÉE |
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S'est-il montré, du moins, content de ton ouvrage ? |
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ACIS |
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Bientôt je mènerai les bœufs au labourage… |
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Es-tu seule ? |
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GALATÉE |
255 |
Es-tu seule ? Oui, Lycas joue avec son furet. |
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GALATÉE |
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Et Polyphème ? Il est parti dans la forêt… |
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Il faut que je te conte une grande nouvelle. |
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Tu vas rire… Devine et creuse ta cervelle… |
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Polyphème… |
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ACIS |
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Polyphème… Quoi donc ? |
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GALATÉE |
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Polyphème… Quoi donc ? … est amoureux de moi. |
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ACIS |
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Polyphème amoureux ! Tu railles ! |
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GALATÉE |
260 |
Polyphème amoureux ! Tu railles ! Non, ma foi ! |
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Comme toi, j'aurais cru l'aventure impossible ; |
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Mais, soudain s'emportant avec un air terrible, |
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Lui-même il me l'a dit tout à l'heure… Tiens, vois : |
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Retroussant la manche de sa tunique et montrant son bras nu. |
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Je porte encore ici la marque de ses doigts ! |
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ACIS |
265 |
Le brutal !… mais, vraiment, alors il t'a battue ! |
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GALATÉE |
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Oh… non… Pourtant… Muette ainsi qu'une statue |
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Je l'ai bravé : soudain sa fureur a cessé. |
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Ah ! si tu l'avais vu comme un lion forcé |
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Rugir, se tordre et puis, pour calmer mes alarmes, |
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Me supplier avec ses gros yeux pleins de larmes |
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Et demander pardon d'un air humilié ! |
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Comme à moi, par instants, il t'aurait fait pitié. |
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Car il est bon, au fond… Mais prétendre qu'on l'aime !… |
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Un lourdaud comme lui faire le beau quand même !… |
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Pauvre ami !… |
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275 |
Pauvre ami !… Mais j'y songe… Avant de me quitter, |
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Il m'a parlé de fruits qu'il venait d'apporter. |
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Elle cherche un instant, puis, se ressouvenant
soudain, elle court les prendre dans la grotte.
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Il les a mis à l'ombre et sous des feuilles fraîches. |
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Les voici… Qu'ils sont beaux ! |
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ACIS |
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Les voici… Qu'ils sont beaux ! Des raisins et des pêches. |
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Prenant une pêche. |
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Oh ! celle-ci dorée et pourpre tout autour ! |
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GALATÉE, la porte à sa bouche et la tend ensuite à Acis.
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Tiens, mords à même : elle est exquise, mon amour. |
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A ce moment, Lycas entre doucement par le fond
sans être vu, les regarde un moment, et vient
chatouiller par derrière la nuque de Galatée avec
une paille.
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GALATÉE, sursautant.
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Que ce Lycas est fou !… Gamin, si je t'attrape !… |
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LYCAS, de loin.
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Qu'est-ce que vous mangez ?… C'est bon ? |
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GALATÉE, lui tendant un raisin.
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Qu'est-ce que vous mangez ?… C'est bon ? Prends cette grappe, |
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Et va-t'en. |
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GALATÉE |
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Et va-t'en. Où ? N'importe… et ne reste pas là ! |
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LYCAS |
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Quand Acis est ici, tu dis toujours cela. |
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Il s'éloigne à quelque distance. |
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GALATÉE, serrée contre Acis.
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Oh ! que je suis heureuse auprès de toi blottie ! |
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Ma gaieté tout à l'heure était toute partie : |
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La voilà revenue, et je sens, de bonheur, |
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Comme un millier d'oiseaux qui chantent dans mon cœur. |
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ACIS |
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Tout à l'heure en venant, j'ai fait une trouvaille : |
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Des mésanges… un nid dans un creux de muraille. |
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Veux-tu que nous allions à deux le dénicher ? |
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Mais vite… Le soleil va bientôt se coucher. |
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ACIS |
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Si tu veux. Nous prendrons les sentiers les plus proches, |
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Et nous traverserons le torrent sur les roches. |
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GALATÉE |
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Oui, comme l'autre fois, dans la Gorge-des-Loups… |
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J'ai dû me retrousser presque jusqu'aux genoux ; |
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Tout le bord de ma robe était mouillé d'écume. |
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C'est effrayant cette eau qui bouillonne et qui fume… |
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Et j'avais peur, tu sais, tout en riant très fort ! |
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Acis, suspendant une grappe en l'air. |
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Tiens, vois la belle grappe avec ses beaux grains d'or ! |
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On croirait— et cela donne aux yeux des extases— |
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Regarder le soleil à travers des topazes. |
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GALATÉE |
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C'est vrai. |
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Elle prend brusquement la grappe des mains d'Acis
et s'enfuit avec.)
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C'est vrai. Viens la chercher ici, si tu la veux ! |
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Acis la poursuit, un moment ; elle se cache derrière la haie,
derrière l'olivier ; il la saisit enfin brusquement.
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GALATÉE, se débattant.
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Ah ! ce n'est pas permis, tu tires mes cheveux ! |
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Acis l'embrasse, et entrouvant un peu sa tunique baise
son épaule.
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GALATÉE |
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Tu sais, quand on fera la vendange, à l'automne, |
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J'aurai seize ans. |
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ACIS |
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J'aurai seize ans. Seize ans déjà ! |
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GALATÉE |
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J'aurai seize ans. Seize ans déjà ! Cela t'étonne ?… |
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Je veux offrir alors à la source du bois, |
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Puis aux nymphes, du lait, des figues et des noix, |
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Un agneau nouveau-né, du miel et deux houlettes |
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Avec un chapelet de sombres violettes. |
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ACIS |
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Moi, j'offrirai pour toi des fromages, des fruits, |
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Une chèvre à longs poils et ma flûte de buis. |
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GALATÉE |
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Mais as-tu vu déjà ma petite cigale ? |
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De l'aurore à la nuit, d'une ardeur sans égale, |
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Elle chante… En cueillant des fruits dans le jardin, |
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Je l'ai vue— et mon cœur s'en est ému soudain— |
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Prise au mortel réseau d'une araignée affreuse : |
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Vite, je la sauvai. Depuis, elle est heureuse, |
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Et Polyphème a fait pour elle tout exprès |
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320 |
Une petite cage avec des joncs dorés. |
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Viens la voir. |
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ACIS |
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Viens la voir. Non, partons avant que la nuit vienne… |
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Plus tard… J'entends là-bas les abois de ma chienne. |
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Ils se dirigent vers le fond. Entre Lycas. |
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LYCAS, s'attachant à eux.
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Vous vous en allez ? |
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GALATÉE, impatiente.
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Vous vous en allez ? Oui. |
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LYCAS |
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Vous vous en allez ? Oui. Loin ? |
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GALATÉE |
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Vous vous en allez ? Oui. Loin ? Non, mais laisse-nous. |
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LYCAS |
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Jamais vous ne voulez m'emmener avec vous. |
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Pourquoi ? |
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GALATÉE, brusquement.
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325 |
Pourquoi ? Dieux ! Qu'il m'ennuie avec son bavardage ! |
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Plus doucement. |
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Reste : nous reviendrons tout à l'heure ; sois sage… |
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Demain, je te dirai sans faute, tout du long, |
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L'histoire du petit Mercure et d'Apollon. |
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Elle sort avec Acis en courant. |
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LYCAS, seul
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Toujours me laisser seul… Ah ! comme Galatée |
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Est changée, à présent. Elle est dure, emportée… |
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Autrefois nous étions ensemble tout le jour ; |
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Nous jouions, nous chantions chacun à notre tour ; |
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Nous allions à la mer chercher des coquillages ; |
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Nous portions de la cire et du miel aux villages ; |
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335 |
Comme je préparais les joncs qu'elle tressait, |
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Souvent elle tournait la tête et m'embrassait ; |
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Je lui tendais mes bras pour dévider sa laine… |
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Et maintenant plus rien… Toujours Acis l'entraîne… |
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Sans doute, ils vont rester là-bas jusqu'à la nuit. |
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340 |
On dirait qu'elle n'aime à présent plus que lui. |
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