Métrique en Ligne
ROL_3/ROL332
Maurice ROLLINAT
Paysages et Paysans
1899
Un Déjeuner champêtre
La Justice tardant à faire la levée 12
Du cadavre lardé de coups, 8
Les gendarmes, là-bas, mangent sur leurs genoux, 12
En attendant son arrivée. 8
5 L'énorme assassiné que la vermine mange 12
Repose encore assez loin d'eux. 8
Il dort au fond du val son gisement hideux 12
Entre quatre grands murs de grange. 8
Pourtant, de leur côté, passe claquante et lourde 12
10 Une brise d'orage où poind 8
La puanteur subtile et de moins en moins sourde 12
Que le corps souffle de son coin. 8
Puis, le miasme épaissit, substituant son goût 12
À celui de leurs victuailles : 8
15 Ils mangent du cadavre exhalant coup sur coup 12
Tout le poison de ses entrailles. 8
« Ma foi ! moi j'n'y tiens plus ! dit le grand au petit : 12
Qui diable aurait jamais cru qu'à pareill' distance 12
Ça s'rait v'nu jusque-là nous couper l'appétit ? » 12
20 L'autre répond : « Pour moi ça n'a pas d'importance ! 12
C'est vrai que l'vent, complic' du mort, 8
Pour l'instant promène un peu fort 8
Le désagrément d'son haleine, 8
Mais, on s'yhabitue à la fin… 8
25 Et, ma foi, tant pis ! j'ai si faim 8
Que j'mang'rai ma part et la tienne ! » 8
Le voiturier qui vient, un grave et vieux barbon, 12
Conclut : « Ell' s'en fout la nature, 8
Q'ça sent' mauvais ou q'ça sent' bon ! 8
30 La terr' donn' des fleurs et r'çoit d'la pourriture. » 11
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