Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
RIC_2/RIC243
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
NIVÔSE
XXXIII
LE BON SOUVENIR
Je n'oublierai jamais | ton premier mot d'amour, 6+6 a
Quoi qu'il m'en ait coûté | d'en avoir fait ma bible. 6+6 b
Aux regrets, aux remords, | je saurai rester sourd. 6+6 a
Je ne penserai pas | à ce qui fut terrible, 6+6 b
5 Mais à ce qui fut doux, | n'aurait-ce été qu'un jour. 6+6 a
Je n'oublierai jamais | ta caresse première. 6+6 a
Ni le mal enduré, | ni le temps, ni l'oubli 6+6 b
N'en terniront la pure | et lointaine lumière. 6+6 a
Au livre de mon sort | j'ai fait un large pli 6+6 b
10 Pour y mettre le cœur | de ma rose trémière. 6+6 a
Je n'oublierai jamais | notre premier printemps, 6+6 a
Lorsque le ciel, le bois, | le soleil qui se couche, 6+6 b
Tout me parut plus beau | dans tes yeux éclatants, 6+6 a
Lorsque je buvais l'air | au sortir de ta bouche. 6+6 b
15 Je n'oublierai jamais, | quand je vivrais cent ans. 6+6 a
Les oiseaux se grisaient | au suc d'or des corolles ; 6+6 a
Mille chansons dansaient | avec mille couleurs. 6+6 b
Car, rien que pour avoir | écouté nos paroles, 6+6 a
Les oiseaux étaient fous, | folles étaient les fleurs. 6+6 b
20 Nos paroles, hélas ! | étaient encor plus folles. 6+6 a
Nous étions à cette heure | absurde qu'on bénit, 6+6 a
Où l'on croit que tout passe | et que l'amour demeure. 6+6 b
Où l'on arrange son | avenir comme un nid. 6−6 a
Pauvres, pauvres enfants, | nous étions à cette heure 6+6 b
25 Où l'on commence avec | ce mot : Rien ne finit. 6+6 a
Mais non ! je ne veux pas | réveiller ma rancune, 6+6 a
O ma maîtresse, ô ma | bien-aimée, ô ma sœur ! 6−6 b
Des souffrances d'antan | je n'en irrite aucune. 6+6 a
Je veux me rappeler | seulement la douceur 6+6 b
30 De tes baisers pareils | à des baisers de lune. 6+6 a
Je veux me rappeler | aussi ton corps divin, 6+6 a
Ton corps que mes désirs | avaient pris pour leur crèche. 6+6 b
Le parfum de ta peau | plus capiteux qu'un vin. 6+6 a
Les effluves troublants | de ta gorge si fraîche, 6+6 b
35 Et notre lit fougueux | creusé comme un ravin. 6+6 a
Je veux me rappeler. | Je veux souvent descendre 6+6 a
Au plus profond de mon | souvenir adoré. 6−6 b
Et quand je serai vieux, |' laid, froid, tel qu'un Cassandre, 6+6 a
Au feu de mon avril | je me réchaufferai, 6+6 b
40 Car je saurai toujours | le trouver sous la cendre. 6+6 a
Quand l'hiver et la mort | viendront dans ma maison, 6+6 a
Je me rappellerai | notre saison première. 6+6 b
Je n'aurai qu'à souffler | sur le dernier tison 6+6 a
Pour emplir ma pensée | et mon cœur de lumière, 6+6 b
45 Et pour mourir en paix | dans un clair horizon. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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