Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
RIC_1/RIC41
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
DEUXIÈME PARTIE
GUEUX DE PARIS
LES QUATRE SAISONS
III
LARMES D’ARSOUILLE
Les voyous les plus noirs | sont fous de la campagne. 6+6 a
L’hiver ils vivent dans | Paris ainsi qu’au bagne, 6−6 a
Captifs. La liberté | pour eux, c’est le printemps. 6+6 b
Aussi, lorsque l’hiver | les lâche, ils sont contents. 6+6 b
5 Pour recevoir Avril, | plus d’un se débarbouille, 6+6 a
Et le nouveau soleil | illumine l’arsouille. 6+6 a
Il va, droit devant lui, | rêveur, sans savoir où, 6+6 b
Gambadant comme un chien | et chantant comme un fou 6+6 b
Rien qu’à voir les talus, | les fossés et les buttes. 6+6 a
10 C’est là que, tout gamin, | il faisait des culbutes ; 6+6 a
C’est là, les soirs d’été, | qu’il se gavait le flan ; 6+6 b
C’est là qu’il enleva | son premier cerf-volant ; 6+6 b
C’est là qu’il vint un jour | avec Jeanne, la sienne, 6+6 a
Du temps qu’elle portait | un tablier d’indienne ; 6+6 a
15 C’est là qu’en rougissant | ils s’assirent, très las, 6+6 b
Et que leur amour frais | fleurit comme un lilas. 6+6 b
Or, l’on a beau, depuis, | avoir oublié Jeanne, 6+6 a
Vivre comme un cochon, | s’abrutir comme un âne, 6+6 a
Après tout on n’est pas | un sans-cœur, n’est-ce pas ? 6+6 b
20 Et le méchant vaurien | retrouve à chaque pas 6+6 b
Un nid de souvenirs | qui chantent dans son âme. 6+6 a
Oh ! la bonne chanson, | qui regrette et réclame ! 6+6 a
Ainsi le rossignol | n’a qu’à parler, sa voix 6+6 b
Fait taire autour de lui | tous les oiseaux des bois ; 6+6 b
25 Ainsi le doux passé | plein de mélancolie 6+6 a
Fait taire le présent | de l’arsouille. Il oublie 6+6 a
La noire glu du vice | où son cœur est collé, 6+6 b
Les réveils lourds des soirs | où l’on a rigolé 6+6 b
Dans la crapule grasse | et sale des barrières, 6+6 a
30 Pour aller s’échouer | ivre-mort aux carrières, 6+6 a
Les jours entiers passés | à ne rien faire, et ceux 6+6 b
Ensanglantés parmi | des coup de poings poisseux, 6+6 b
Et les pierreuses dont | on va piquer l’assiette 6+6 a
En trempant une soupe | au fond de leur cuvette, 6+6 a
35 Et ce tas de marée | immonde, vase à flot 6+6 b
Dans laquelle on s’endort | comme un poisson dans l'eau. 6+6 b
Arrière, cet égout ! | Loin d’ici, mauvais rêve ! 6+6 a
Le pauvre diable vit | cette minute brève 6+6 a
Où le bonheur passé | qui vous remonte au cœur 6+6 b
40 Vous grise d’une amère | et suave liqueur ; 6+6 b
Et sans honte de sa | faiblesse, sans scrupule, 6−6 a
Sans penser qu’on pourrait | le trouver ridicule, 6+6 a
Il pleure doucement, | l’arsouille ; et dans ses yeux 6+6 b
Ces pleurs inattendus | sont plus délicieux 6+6 b
45 Que si dans une fleur | du soleil embrasée 6+6 a
Un oiseau déposait | des gouttes de rosée. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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