Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
RIC_1/RIC23
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
PREMIÈRE PARTIE
GUEUX DES CHAMPS
LES PLANTES, LES CHOSES, LES BÊTES
VIII
LA GLOIRE DES INSECTES
C’est avril. C’est midi.La terre a mis son châle 6+6 a
De verdure et de fleursau dessin ondoyant, 6+6 b
Et le ciel tend sur elleun dais de velours pâle 6+6 a
Que le soleil retientd’un clou d’or flamboyant. 6+6 b
5 La nature fredonneun vieux chant de nourrice 6+6 a
Et brode une layetteen merveilleux festons ; 6+6 b
Car elle sent les fruitsgermer dans sa matrice 6+6 a
Et le lait de la sèvearrondir ses tétons. 6+6 b
Nous, ses fils orgueilleux,les chefs de la famille, 6+6 a
10 Nous croyons être seulsbercés sur ses genoux. 6+6 b
Nous oublions toujoursque son giron fourmille 6+6 a
De plus petits enfantsaussi choyés que nous. 6+6 b
Si parfois nous pensonsà nos frères, les brutes, 6+6 a
Qui devraient être roisétant les premiers nés, 6+6 b
15 C’est pour nous souvenirqu’après d’ardentes luttes 6+6 a
Nous volâmes leur droitd’nesse à ces nés. 6+6 b
Si nous pensons aux soinsque prend d’eux la nature, 6+6 a
C’est pour nous figurerqu’à nous, ses Benjamins, 6+6 b
Comme une ménagèreapprêtant la pâture 6+6 a
20 Elle veut les offrirengraissés par ses mains. 6+6 b
Mais quant au peuple obscurdes petits, des insectes, 6+6 a
Qu’elle les aime ou non,nul ne veut le savoir. 6+6 b
Poussière d’avortonsnés de larves infectes, 6+6 a
Nous les méprisons troppour chercher à les voir. 6+6 b
25 Or, comme je rêvaisainsi, couché dans l’herbe, 6+6 a
Voulant que de moi seulla nature t souci, 6+6 b
Tandis que je cuvaisle vin de ma superbe, 6+6 a
Une petite voixm’a bourdonné ceci : 6+6 b
*
 Es-tu poète ? Mets ensemble 8 a
30  Le plus clair cristal, qui te semble 8 a
 Un pleur du ciel, 4 b
 L’opale dont l’éclat se gaze 8 c
 Sous un lait trouble, la topaze 8 c
 Couleur de miel, 4 b
35  L’émeraude qui dans sa flamme 8 a
 A l’air de faire brûler l’âme 8 a
 Du printemps vert, 4 b
 L’escarboucle de sang trempée 8 c
 Pareille à la goutte échappée 8 c
40  D’un cœur ouvert, 4 b
 Le saphir sombre qui scintille 8 a
 Plus que les yeux bleus d’une fille 8 a
 Près d’un amant, 4 b
 Mets le roi de toutes ces pierres, 8 c
45  Devant qui tu clos tes paupières, 8 c
 Le diamant, 4 b
 Que pour toi ce trésor s’arrange 8 a
 En une mosaïque étrange 8 a
 Aux tons divers, 4 b
50  Que ces belles choses sans nombre 8 c
 De leurs feux illuminent l’ombre. 8 c
 De tous tes vers, 4 b
 Combine d’une main savante, 8 a
 Imagine, compose, invente, 8 a
55  Refais, refonds, 4 b
 Sers-toi des poinçons et des limes, 8 c
 Et que tes dessins soient sublimes 8 c
 Et soient profonds, 4 b
 Quand ton œuvre sera finie, 8 a
60  Malgré l’effort de ton génie, 8 a
 Tous tes cadeaux 4 b
 Ne pourront remplacer encore 8 c
 Ceux dont la nature décore 8 c
 Mon petit dos. 4 b
65  Je fais mon nid dans une feuille. 8 a
 Un enfant, pour peu qu’il le veuille, 8 a
 Du bout du doigt 4 b
 Peut briser ma feuille et ma vie. 8 c
 Pourtant je suis digne d’envie, 8 c
70  Môme pour toi. 4 b
 La nature, la mère auguste, 8 a
 N’est pas une marâtre injuste 8 a
 Comme tu dis, 4 b
 Et pour d’autres que pour les hommes 8 c
75  Elle a fait du monde nous sommes 8 c
 Un paradis. 4 b
 À qui donc sont les bois, la mousse, 8 a
 Les champs, les prés, le grain qui pousse, 8 a
 L’herbe qui poind ? 4 b
80  Est-ce à toi, né dans une ville, 8 c
 À toi dont la charogne est vile 8 c
 Et ne sert point ? 4 b
 Ou bien aux bêtes mes compagnes, 8 a
 Les seuls hôtes qui des campagnes 8 a
85  Soient coutumiers, 4 b
 Elles qui vivent des prairies 8 c
 Et qui les font toutes fleuries 8 c
 De leurs fumiers ? 4 b
 Ou bien est-ce à moi, le gueux libre, 8 a
90  Soul d’azur et dont l’aile vibre 8 a
 En plein soleil, 4 b
 Moi qui l’été m’amuse et rôde, 8 c
 Qui l’hiver sous la terre chaude 8 c
 Dors mon sommeil, 4 b
95  Et qui cours joyeux par la plaine, 8 a
 Mangeant à ma guise, sans peine 8 a
 Et sans remords, 4 b
 Suivant la Mort épouvantable 8 c
 Qui partout dresse sur ma table 8 c
100  La chair des morts ? 4 b
 Lorsque je vis à ne rien faire, 8 a
 Toi, tu travailles, pauvre hère, 8 a
 Jusqu’au tombeau. 4 b
 La sueur te brûle et te sale. 8 c
105  Ton corps est laid, ton corps est sale. 8 c
 Moi je suis beau. 4 b
*
Et je vis, sur ma main,bourdonnant de colère, 6+6 a
Un être merveilleuxet pourtant tout petit. 6+6 b
Ce rien du tout luisaitcomme un spectre solaire. 6+6 a
110 C’était un scarabée.Il eut peur et partit. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 4, 6+6
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