Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
RIC_1/RIC17
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
PREMIÈRE PARTIE
GUEUX DES CHAMPS
LES PLANTES, LES CHOSES, LES BÊTES
II
LA PLAINTE DU BOIS
Dans l’âtre flamboyantle feu siffle et détone, 6+6 a
Et le vieux bois gémitd’une voix monotone. 6+6 a
Il dit qu’il était népour vivre dans l’air pur, 6+6 b
Pour se nourrir de terreet s’abreuver d’azur, 6+6 b
5 Pour grandir lentementet pousser chaque année 6+6 a
Plus haut, toujours plus haut,sa tête couronnée, 6+6 a
Pour parfumer avrilde ses grappes de fleurs, 6+6 b
Pour abriter les nidset les oiseaux siffleurs, 6+6 b
Pour jeter dans le ventmille chansons joyeuses, 6+6 a
10 Pour vêtir tour à tourses robes merveilleuses, 6+6 a
Son manteau de printempsde fins bourgeons couvert, 6+6 b
Et la pourpre en automne,et l’hermine en hiver. 6+6 b
Il dit que l’homme est dur,avare et sans entrailles, 6+6 a
D’avoir à coups de hacheet par d’âpres entrailles 6+6 a
15 Tué l’arbre ; car l’arbreest un être vivant. 6+6 b
Il dit comme il fut bonpour l’homme bien souvent, 6+6 b
Qu’à nos jeunes amourset nos baisers sans nombre 6+6 a
Il a prêté l’alcôveobscure de son ombre, 6+6 a
Qu’il nous couvrait le jourde ses frais parasols 6+6 b
20 Et nous beait la nuitaux chants des rossignols, 6+6 b
Et qu’ingrats, oubliantnotre amour, notre enfance, 6+6 a
Nous coupons sans pitiéle géant sans défense. 6+6 a
Et dans l’âtre en brasierle bois geint et se tord. 6+6 b
Ô bois, tu n’es pas sageet tu te plains à tort. 6+6 b
25 Nos mains en te coupantne sont pas assassines. 6+6 a
Enchné, subissantl’entrave des racines, 6+6 a
Tu végétais au mêmeendroit, sans mouvement, 6+6 b
Et conjoint à la terreinséparablement. 6+6 b
Toi qui veux être libreet qui proclames l’arbre 6+6 a
30 Vivant, tu demeuraisplanté là comme un marbre, 6+6 a
Captif en ton écorceainsi qu’en un réseau, 6+6 b
Et tu ne devinaisl’essor que par l’oiseau. 6+6 b
Nous t’avons délivrédu sol tu te rives, 6+6 a
Et te voilà flottantsur l’eau, voyant des rives 6+6 a
35 Avec leurs bateliers,leurs maisons, leurs chevaux. 6+6 b
Ô les cieux différents !les horizons nouveaux ! 6+6 b
Que de biens inconnustu vas enfin conntre ! 6+6 a
Quel souffle d’aventureétrange te pénètre ! 6+6 a
Mais tout cela n’est rien.Car tu rampes encor. 6+6 b
40 Qu’on le fende et le brûle,et qu’il prenne l’essor ! 6+6 b
Et le feu furieuxte dévore la fibre. 6+6 a
Ah ! tu vis maintenant,tu vis, te voilà libre ! 6+6 a
Plus haut que les parfumsprintaniers de tes fleurs, 6+6 b
Plus haut que les chansonsde tes oiseaux siffleurs, 6+6 b
45 Plus haut que tes soupirs,plus haut que mes paroles, 6+6 a
Dans la nue et l’espaceinfini tu t’envoles ! 6+6 a
Vers ces roses vapeurs le soleil du soir 6+6 b
S’éteint comme une braiseau fond d’un encensoir, 6+6 b
Vers ce firmament bleudont la gloire allumée 6+6 a
50 Absorbe avec amourton âme de fumée, 6+6 a
Vers ce mystérieuxet sublime lointain 6+6 b
viendra s’éveillerdemain le frais matin, 6+6 b
luiront cette nuitles splendeurs sidérales, 6+6 a
Monte, monte toujours,déroule tes spirales, 6+6 a
55 Monte, évanouis-toi,fuis, disparais ! Voici 6+6 b
Que ton dernier floconflotte seul, aminci, 6+6 b
Et se fond, se dissout,s’en va. Tu perds ton être ; 6+6 a
Aucun œil à présentne peut te reconntre ; 6+6 a
Et toi qui regrettaisle grand ciel et l’air pur, 6+6 b
60 Ô vieux bois, tu deviensun morceau de l’azur. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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