Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_2/REN135
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
SONGES D'OPIUM
Les Crocodiles
MON empire, c'est le lac Jaune 8 a
Plein de crocodiles glacés 8 b
Qui font cercle autour de mon trône, 8 a
Comme des gardes cuirassés. 8 b
5 Ils rampent sur leur ventre rude, 8 a
Ouvrent leur gueule aux longues dents, 8 b
En quêtant comme d'habitude 8 a
Quelque chose à mettre dedans. 8 b
Mais pas un buffle, dans le fleuve, 8 a
10 Baignant à demi son poitrail ; 8 b
Pas de girafe qui s'abreuve, 8 a
Pas de nègre, pas de bétail. 8 b
Aussi, voyant arriver l'heure 8 a
Où ces bêtes mourront de faim, 8 b
15 A leurs plaintes d'enfant qui pleure 8 a
Je cherche comment mettre fin. 8 b
Et pour calmer une torture 8 a
A laquelle je compatis, 8 b
Je livre mon corps en pâture 8 a
20 A leurs énormes appétits. 8 b
D'abord je m'arrache le foie, 8 a
Je le leur jette palpitant. 8 b
Un des crocodiles le broie 8 a
Et l'engloutit en un instant. 8 b
25 Les intestins viennent ensuite, 8 a
Le cœur, la rate et les poumons. 8 b
Tout cela disparaît plus vite 8 a
Que les larves dans les limons. 8 b
Les jambes sont des parts plus grosses ; 8 a
30 Les monstres s'y jettent plusieurs. 8 b
Mais si profondes sont les fosses 8 a
Au ventre de ces fossoyeurs ! 8 b
Alors dans deux rouges mâchoires 8 a
Je plonge mes bras tout entiers. 8 b
35 Comme des lambeaux illusoires, 8 a
Deux coups de dents les ont broyés. 8 b
Et sans cesse ils ouvrent la gueule 8 a
Eu nombre sans cesse grossi. 8 b
De moi la tête reste, seule. 8 a
40 Par pitié, je la donne aussi. 8 b
Un craquement détruit mon crâne ; 8 a
Ma cervelle se sent mourir. 8 b
Mais du ciel il faudrait la manne 8 a
A ces bêtes, pour les nourrir. 8 b
45 Du fond de l'étrange demeure, 8 a
Malgré mon dévoûment martyr, 8 b
J'entends, comme avant que je meure, 8 a
Le sanglot de la faim sortir. 8 b
mètre profil métrique : 8
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