Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
PRU_3/PRU107
René-François SULLY PRUDHOMME
La Justice
1878
ÉPILOGUE
J'ai conquis l'horizonsur l'ombre et sur le doute, 6+6 a
J'ai surmené mon front,par les veilles jauni ; 6+6 b
Il me semble pourtantque je n'ai pas fini, 6+6 b
Et que j'ai, quand j'arrive,à refaire la route. 6+6 a
5 Mon cœur et ma raisonne sont plus en conflit : 6+6 a
Pourquoi suis-je anxieux ?Moi qui, pour récompense, 6+6 b
Aspirais au repos,comme un pèlerin pense 6+6 b
Au premier bon sommeildans le premier bon lit ! 6+6 a
Ah ! Je n'ai mériténi le lit ni le somme ! 6+6 a
10 J'ai cherché la justiceen rêveur ; et mon but 6+6 b
À la fin du voyageest plus loin qu'au début, 6+6 b
Car je sens qu'il me resteà la poursuivre en homme. 6+6 a
Au sortir du désert,le pèlerin lassé 6+6 a
Se délecte à songeraux innombrables rides 6+6 b
15 Que déroulaient sous luiles longs sables arides, 6+6 b
Savourant sa fatigueet le péril passé. 6+6 a
Celui-là peut dormir !Sa tâche est achevée. 6+6 a
Il a heurté le seuildes minarets lointains, 6+6 b
Son pied même et sa foiles ont ensemble atteints : 6+6 b
20 Il peut tranquillementjouir de l'arrivée. 6+6 a
Moi, j'ai rempli mon vœusans péril à courir, 6+6 a
Immobile, en espritseulement, comme on plane, 6+6 b
Sans fouler la poussièreavec la caravane 6+6 b
Qui marche à l'idéalau lieu d'en discourir. 6+6 a
25 Pendant qu'elle avançaitsilencieuse, en butte 6+6 a
Aux fureurs du simoun,et sous le plomb du ciel, 6+6 b
Ce n'était qu'en parole,et loin du sol réel, 6+6 b
Loin des réels climats,que j'acceptais la lutte. 6+6 a
La parole, offrît-elleun rare et pur trésor, 6+6 a
30 Ne doit pas tout entierson crédit à la bouche : 6+6 b
Il faut que l'essayeuret la pierre de touche, 6+6 b
Le vouloir et la vie,en aient éprouvé l'or ! 6+6 a
Certes, c'est un bon grainqu'une parole vraie ; 6+6 a
Mais en est-il un seulqui germe sans labour, 6+6 b
35 Et qui lève sans eau,sans chaleur et sans jour, 6+6 b
Sans que personne arracheautour de lui l'ivraie ? 6+6 a
Or, notre fonds est vieux ;il exige à présent, 6+6 a
Plus que jamais ! Qu'un brasvigoureux le travaille. 6+6 b
Plus que jamais aussila mauvaise herbe assaille 6+6 b
40 Et tâche d'étoufferle semis bienfaisant. 6+6 a
Jamais les défenseursde la culture humaine 6+6 a
N'ont dû, pour la sauver,combattre autant que nous 6+6 b
Le froid, la sécheresse,et le torrent jaloux 6+6 b
Des appétits lancéspar le jne et la haine. 6+6 a
45 Séculaire fouillisde lois, d'us et de mœurs, 6+6 a
Notre monde, à la foissi caduc et si riche, 6+6 b
Ressemble à la forêtqu'à la hâte défriche 6+6 b
Tout un peuple accourud'ardents explorateurs. 6+6 a
Les anciens possesseursdéfendent qu'on y touche. 6+6 a
50 Depuis des milliers d'ansils y vivent en paix ; 6+6 b
Ils sont faits à la nuitde ses fourrés épais ; 6+6 b
Leurs aïeux en ont vula plus antique souche ; 6+6 a
Et tous, du rossignoljusques au léopard, 6+6 a
Maudissent, indignés,la bande sacrilège : 6+6 b
55 « vais-je désormaischanter ? — chasserai-je ? — 6+6 b
Luttons, fortifionsla place ! » — il est trop tard ! 6+6 a
Les assiégeants y sont,et l'attaque est hardie. 6+6 a
Les uns, impatientsd'un paresseux progrès, 6+6 b
Prétendant que la cendreest le meilleur engrais, 6+6 b
60 Condamnent la forêtentière à l'incendie. 6+6 a
Les autres, respectantson âge et ses beautés, 6+6 a
Merveilles de la sèveà grand'peine obtenues, 6+6 b
Y veulent seulementpercer des avenues, 6+6 b
Y faire entrer le jouret l'air de tous côtés ; 6+6 a
65 Leur vœu, c'est que le boiss'émonde et s'aménage, 6+6 a
Purgé des carnassiers,ses premiers occupants, 6+6 b
Pourvu que les oiseaux,à l'abri des serpents, 6+6 b
Y conservent leurs nids,leur voix et leur plumage ; 6+6 a
Ils ne méditent pasd'abattre ou brûler tout : 6+6 a
70 Ils voudraient voir, mêlésau milieu des bruyères, 6+6 b
Palais et chaumes luireau soleil des clairières, 6+6 b
Et les chênes sacrésmourir en paix debout. 6+6 a
Ainsi les pionnierssont en pleine discorde. 6+6 a
Le feu rôde, et déjàs'attaque aux plus vieux troncs, 6+6 b
75 Tandis que se balanceaux mains des bûcherons 6+6 b
Le fer aidé des brasqui tirent sur la corde. 6+6 a
À l'œuvre ! Il est passé,le temps de l'examen ; 6+6 a
Il faut que la forêts'assainisse et s'éclaire, 6+6 b
Ou par le bûcheronou par l'incendiaire ; 6+6 b
80 Aujourd'hui, la cognée !Ou la torche, demain ! 6+6 a
Malheur à qui se berceau murmure des branches, 6+6 a
Et s'endort sur la foides gardiens du passé, 6+6 b
Ou, par la flamme activeet proche menacé, 6+6 b
Renonce à l'abatispour cueillir les pervenches ! 6+6 a
85 Hélas ! Abattre est duret ne nous sourit point, 6+6 a
À nous que l'ombre tenteet la verdure attire ! 6+6 b
Nous, dont jamais les doigtsn'ont su quitter la lyre, 6+6 b
Faut-il que nous marchionsavec la hache au poing ? 6+6 a
Je t'invoque, ô Chénier,pour juge et pour modèle ! 6+6 a
90 Apprends-moi-car je douteencor si je trahis, 6+6 b
Patriote, mon art,ou chanteur, mon pays, — 6+6 b
Qu'à ces deux grands amourson peut être fidèle ; 6+6 a
Que l'art même déposeun ferment généreux, 6+6 a
Par le culte du beaudans tout ce qu'il exprime ; 6+6 b
95 Qu'un héroïque appelsonne mieux dans la rime ; 6+6 b
Qu'il n'est pas de meilleurclairon qu'un vers nombreux ; 6+6 a
Que la cause du beaun'est jamais désertée 6+6 a
Par le culte du vraipour le règne du bien ; 6+6 b
Qu'on peut être à la foispoète et citoyen 6+6 b
100 Et fondateur, Orphée,Amphion et Tyrtée ; 6+6 a
Que chanter c'est agirquand on fait, sur ses pas, 6+6 a
S'incliner à sa voixet se ranger les arbres, 6+6 b
Les fauves s'adoucir,et s'émouvoir les marbres, 6+6 b
Et surgir des hérospour tous les bons combats ! 6+6 a
105 Ô mtre, tour à toursi tendre et si robuste, 6+6 a
Rassure, aide, et défends,par ton grand souvenir, 6+6 b
Quiconque sur sa tombeose rêver d'unir 6+6 b
Le laurier du poèteà la palme du juste. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université