Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOR_1/NOR13
corpus Pamela Puntel
Jacques NORMAND
TABLETTES D’UN MOBILE
1870-1871
1871
DEUX JOURS DE BOMBARDEMENT
Le vingt-sept, au matin, | les Prussiens commencèrent. 6+6 a
D’abord ce ne fut rien, | car les obus tombèrent 6+6 a
Trop loin, le tir étant | gêné par le brouillard ; 6+6 b
Mais, après quelques coups | égarés au hasard, 6+6 b
5 Quand le soleil perça | la brume matinale, 6+6 a
C’est alors qu’éclata | cette lutte infernale, 6+6 a
Ce duel effrayant | sans trêve ni répit. 6+6 b
Nos artilleurs marins, | furieux du dépit 6+6 b
De se voir prévenus, | répondaient avec rage ; 6+6 a
10 Mais, malgré leur adresse | et leur rare courage, 6+6 a
L’ennemi l’emportait | par ses nombreux canons. 6+6 b
Quant à nous, sans abri, | cachés, nous nous tenons 6+6 b
Dans nos cantonnements, | derrière une muraille. 6+6 a
Autour de nous s’abat | l’ouragan de mitraille ; 6+6 a
15 Les murs sautent ; le sol, | puissamment remué, 6+6 b
S‘ébranle ; notre enclos | entier est labouré. 6+6 b
C’est un concert lugubre | impossible à décrire : 6+6 a
C’est le craquement sec | du fer qui se déchire, 6+6 a
Puis le gémissement | triste, plaintif et lent, 6+6 b
20 De l’éclat projeté, | qui fend l’air en sifflant. 6+6 b
Parmi nous tous, enfants | de vingt ans, nul ne bouge, 6+6 a
Nul n’a peur. — Et pourtant, | hélas ! la neige rouge 6+6 a
Marque plus d’un endroit | où la mort a passé ; 6+6 b
Il faut‘ entre ses bras | porter plus d’un blessé… 6+6 b
25 Moments affreux ! Encor, | si c’était la bataille, 6+6 a
La lutte corps à corps, | où le fusil travaille, 6+6 a
Où l’on rend coup pour coup, | où l'on venge un ami ! 6+6 b
Mais non : il faut mourir | sans vengeance aujourd‘hui. 6+6 b
Caché derrière un mur, | de crainte qu’on le voie, 6+6 a
30 L’homme reçoit le coup | que la machine envoie ; 6+6 a
Son courage consiste | à tester la, sans fuir, 6+6 b
Et, sans donner la mort, | à la laisser venir. 6+6 b
L’ennemi bombarda | jusqu’à la nuit tombante. 6+6 a
Triste nuit ! où plus d’un | a manqué sous la tente, 6+6 a
35 Où plus d’un y dormit | qui ne dormirait plus ! 6+6 b
Le lendemain matin, | nos canons s’étant tus, 6+6 b
L’ennemi seul tira, | lentement, à son aise ; 6+6 a
Nous passâmes le jour | entier dans la fournaise. 6+6 a
Et, comme les Prussiens | visaient bien tous leurs coups. 6+6 b
40 Ce jour-là fut dix fois | plus meurtrier pour nous. 6+6 b
La mort sifflait partout, | sans relâche, sans trêve, 6+6 a
Et quand le soir revint, | je croyais faire un rêve : 6+6 a
Le cerveau me tintait. | Mais tant que je vivrai, 6+6 b
Quand je vivrais cent ans, | jamais je n’oublierai 6+6 b
45 L’aspect sévère et plein | d’une majesté sombre 6+6 a
Du plateau dénudé | qui s’estompait dans l'ombre ; 6+6 a
La maison d‘ambulance, | en dépit des drapeaux, 6+6 b
Trouée en vingt endroits ; | nos tentes en lambeaux ; 6+6 b
Le soleil, se couchant | derrière les collines, 6+6 a
50 De ses rayons dorés | colorant les ruines ; 6+6 a
Les arbres dénudés, | balancés par le vent 6+6 b
Qui sifflait tristement, | rapide, en soulevant 6+6 b
Aux crêtes des fossés | la neige par rafales ; 6+6 a
Nous tous enfin, debouts, | tristes, graves et pâles, 6+6 a
55 La main sur le fusil, | sac au dos, regardant 6+6 b
A l’horizon rougi | mourir le disque ardent 6+6 b
Et par gradation | décroître la lumière. 6+6 a
A la nuit on partit ; | mais sur la froide terre, 6+6 a
Sous la neige, glacé, | pour toujours endormi, 6+6 b
60 Défiguré, sanglant, | je laissais un ami. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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