Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA91
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
LES NUITS DE BADEN
Dans le pays de Bade, | où les soirs sont si lourds, 6+6 a
Où les noires forêts | font glisser vers la ville, 6+6 b
Comme un acide fleuve, | invisible et tranquille, 6+6 b
L'amère exhalaison | du végétal amour, 6+6 a
5 Que de fois j'ai rêvé | sur la terrasse, inerte, 6+6 a
Écoutant les volets | s'ouvrir sur la fraîcheur, 6+6 b
Dans ces secrets instants | où les fleurs se concertent 6+6 a
Pour donner à la nuit | sa surprenante odeur… 6+6 b
Des voitures passaient, | calèches romantiques, 6+6 a
10 Où l'on voyait deux fronts | s'unir pour contempler 6+6 b
Le coup de dés divin | des astres, assemblés 6+6 b
Dans l'espace alangui, | distrait et fatidique. 6+6 a
O Destin suspendu, | que vous m'êtes suspect ! 6+6 a
— Sous les rameaux courbés | des tilleuls centenaires 6+6 b
15 Un puéril torrent | roulait son clair tonnerre ; 6+6 b
Des orchestres jouaient | dans les bosquets épais, 6+6 a
Mêlant au frais parfum | dilaté de la terre, 6+6 c
Cet élément des sons, | dont la force éphémère 6+6 c
Distend à l'infini | la détresse ou la paix… 6+6 a
20 — O pays de la valse | et des larmes sans peines, 6+6 a
Pays où la musique | est un vin plus hardi, 6+6 b
Qui, sans blâme et sans heurts, | furtivement amène 6+6 a
Les cœurs penchants et las | vers le sûr paradis 6+6 b
Des regards emmêlés | et des chaleurs humaines, 6+6 a
25 Combien vous m'avez fait | souffrir, lorsque, rêvant 6+6 a
Seule, sur les jardins | où les parfums insistent, 6+6 b
J'écoutais haleter | le désarroi du vent, 6+6 a
Tandis qu'au noir beffroi, | l'horloge, noble et triste, 6+6 b
Transmettait de sa voix | lugubre de trappiste 6+6 b
30 Le menaçant appel | des morts vers les vivants ! 6+6 a
Oui, je songe à ces soirs | d'un mois de mai trop tiède, 6+6 a
Où tous les rossignols | se liguaient contre moi, 6+6 b
Où la lente asphyxie | amoureuse des bois 6+6 b
Me désolait d'espoir | sans me venir en aide ; 6+6 a
35 Les sureaux soupiraient | leurs chancelants parfums ; 6+6 a
La ville aux toits baissés, | comme une jeune abbesse, 6+6 b
Paraissait écarter | ses vantaux importuns, 6+6 a
Pour savourer l'espace | et pleurer de tendresse ! 6+6 b
Tout souffrait, languissait, | désirait, sans moyen, 6+6 a
40 Les voluptés de l'âme | et la joie inconnue. 6+6 b
— Quand serez-vous formé, | ineffable lien 6+6 a
Qui saurez rattacher | les désirs à la nue ? 6+6 b
Je pleurais lentement, | pour je ne sais quel deuil 6+6 a
Qui, dans les nuits d'été, | secrètement m'oppresse ; 6+6 b
45 Et je sentais couler, | sur mes mains en détresse, 6+6 b
Du haut d'un noir sapin | qui se balance au seuil 6+6 a
Du romanesque hôtel | que la lune caresse, 6+6 b
De mols bourgeons, hachés | par des dents d'écureuil… 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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