Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA75
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
AU PAYS DE ROUSSEAU
Le lac, plus lent qu'une huile azurée, se repose, 6+6 a
Et le doux ciel, couleur d'abricot et de rose, 6+6 a
Penche sur lui sa calme et pensive langueur. 6+6 a
Les grillons, dans les prés, ont commencé leurs chœurs : 6+6 a
5 Scintillement sonore, et qui semble un cantique 6+6 a
Vers la première étoile, humble et mélancolique, 6+6 a
Qui fait trembler aux cieux sa liquide lueur… 6+6 a
L'automne épand déjà ses fumeuses odeurs. 6+6 a
Un voilier las, avec ses deux voiles dressées, 6+6 a
10 Rêve comme un clocher d'église délaissée. 6+6 a
Touffus et frémissants dans le soir spacieux, 6+6 a
Les peupliers ont l'air de hauts cyprès joyeux ; 6+6 a
Au bord des champs où flotte une vapeur d'albâtre 6+6 a
Les cloches des troupeaux semblent fêter le pâtre. 6+6 a
15 Teinté de sombre argent, un cèdre contourné 6+6 a
A le tumulte obscur d'un nuage enchaîné 6+6 a
Qui roule sur l'éther sa foudre ténébreuse… 6+6 a
Et l'ombre vient, luisante, épandue, onctueuse. 6+6 a
Les montagnes sur l'eau pèsent légèrement ; 6+6 a
20 Tout semble délicat, plein de détachement, 6+6 a
On ne sait quelle éparse et vague quiétude 6+6 a
Médite. Un clair fanal, douce sollicitude, 6+6 a
Égoutte dans les flots son rubis scintillant. 6+6 a
— O nuits de Lamartine et de Chateaubriand ! 6+6 a
25 Vent dans les peupliers, sources sur les collines, 6+6 a
Tintement des grelots aux coursiers des berlines, 6+6 a
Villages traversés, secrète humidité 6+6 a
Des vallons où le frais silence est abrité ! 6+6 a
Calme lampe aux carreaux d'une humble hôtellerie, 6+6 a
30 Bruit pressé des torrents, travaux des bûcherons, 6+6 b
Vieux hêtres abattus dont les écorces font 6+6 b
Flotter un parfum d'eau et de menuiserie, 6+6 a
Quoi ! j'avais délaissé vos poignantes douceurs ? 6+6 a
Retirée en un grave et mystique labeur, 6+6 a
35 Le regard détourné, l'âme puissante et rude, 6+6 a
Je montais vers ma paix et vers ma solitude ! 6+6 a
— Nature, accordez-moi le plus d'amour humain, 6+6 a
Le plus de ses clartés, le plus de ses ténèbres, 6+6 b
Et la grâce d'errer sur les communs chemins, 6+6 a
40 Loin de toute grandeur isolée et funèbre ; 6+6 b
Accordez-moi de vivre encor chez les vivants, 6+6 a
D'entendre les moulins, le bruit de la scierie, 6+6 b
Le rire des pays égayés par le vent, 6+6 a
Et de tout recevoir avec un cœur qui prie, 6+6 b
45 Un cœur toujours empli, toujours communicant, 6+6 a
Qui ne veut que sa part de la tâche des autres, 6+6 b
Et qui ne rêve pas à l'écart, évoquant 6+6 a
L'auréole orgueilleuse et triste des apôtres ! 6+6 b
Que tout me soit amour, douceur, humanité : 6+6 a
50 La vigne, le village et les feux de septembre, 6+6 b
Les maisons rapprochées de si bonne amitié, 6+6 a
L'universel labeur dans le secret des chambres ; 6+6 b
Et que je ne sois plus, au-dessus des abîmes 6+6 a
Où mon farouche esprit se tenait asservi,- 6+6 b
55 Comme un aigle blessé en atteignant les cimes, 6+6 a
Qui ne peut redescendre, et qu'on n'a pas suivi ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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