Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOA_1/NOA71
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
II
LES CLIMATS
AINSI LES JOURS S'EN VONT…
Ainsi les jours s'en vont, rapides et sans but, 6+6 a
Nous les appelons doux quand ils sont monotones, 6+6 b
Et l'âme, habituée à combattre, s'étonne 6+6 b
De ne plus espérer et de ne souffrir plus. 6+6 a
5 Qu'est-ce donc que l'on veut, qu'on espère et prépare, 6+6 a
Que souhaitons-nous donc, quand, l'esprit plus dispos 6+6 b
Qu'un bleu matin qui luit dans le vitrail des gares, 6+6 a
Nous sommes harassés de calme et de repos ? 6+6 b
Les délices, la paix ne sont pas suffisantes, 6+6 a
10 Un courageux élan veut aller jusqu'aux pleurs. 6+6 b
La passion convie à des fêtes sanglantes : 6+6 a
Tout est déception qui n'est pas la douleur ! 6+6 b
Souffrir, c'est tout l'espoir, toute la diligence 6+6 a
Que nous mettons à fuir le paisible présent, 6+6 b
15 Lorsque ignorants du but et tentés par la chance 6+6 a
Nous rêvons au départ, brutal et complaisant. 6+6 b
Je le sais et je songe à mes brûlants voyages, 6+6 a
Au sol oriental, crayeux, sombre et vermeil, 6+6 b
Au campanile aigu, brillant sur le rivage 6+6 a
20 Comme un blanc diamant lancé vers le soleil ! 6+6 b
Je songe au frais palais de Naple, à ses mues 6+6 a
Où règne un blanc climat, nonchalant, engourdi, 6+6 b
Où, dans l'albâtre grec, amplement s'arrondit 6+6 b
La face de Junon, éclatante et rue ! 6+6 a
25 Je songe à cette salle illustre, où je voyais 6+6 a
Des danseuses d'argent, dans leurs gaines de lave, 6+6 b
Fixer sur mon destin,-fortes, riantes, braves, 6+6 b
Leurs yeux d'émail, pareils à de sombres œillets. 6+6 a
Je vois le vieil Homère et ses yeux sans prunelle, 6+6 a
30 Où mon triste regard s'enfonçait pas à pas, 6+6 b
Comme ces voiliers qui, sur la mer éternelle, 6+6 a
Se perdent dans la brume et ne reviennent pas… 6+6 b
Je me souviens de vous, jeune Milésienne, 6+6 a
Beau torse muti qui demeurez debout, 6+6 b
35 Comme on voit, en été, les gerbes de blé roux 6+6 b
Noblement se dresser dans l'onde aérienne ; 6+6 a
Et de vous, Amazone à cheval, et pliant 6+6 a
Sous le choc d'une flèche impétueuse et fourbe, 6+6 b
Et qui semblez mourir d'amour, en suppliant 6+6 a
40 Le vague meurtrier qui vous blesse et vous courbe. 6+6 b
— Aigle maigre et divin convoitant un enfant, 6+6 a
Je vous vois, Jupiter, auprès de Ganymède ; 6+6 b
Votre œil de proie, où brille un amour sans remède, 6+6 b
Mêle un rêve soumis à vos airs triomphants. 6+6 a
45 Je me souviens de vous, jeune guerrier de marbre, 6+6 a
Agile Harmodius auprès de votre ami, 6+6 b
Qui figurez, levant vos deux bras à demi, 6+6 b
L'élan de l'épervier et du vent dans les arbres ! 6+6 a
Qu'il fut beau le voyage anxieux que je fis 6+6 a
50 Sur des rives qu'assaille un été frénétique ! 6+6 b
Et je songe ce soir, avec un cœur surpris, 6+6 a
A ces temps où ma vie, errante et nostalgique, 6+6 b
Ressemblait par ses pleurs, ses rêves, ses défis, 6+6 a
Son ardeur à mourir et ses sursauts lyriques, 6+6 c
55 Aux groupes des héros dans les musées antiques… 6+6 c
mètre profil métrique : 6+6
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