Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NOA_1/NOA31
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
LA TEMPÊTE
«La passion n'est que le pressentiment de la volupté.»
LUCRÈCE.
A qui m'adresserai-jeen ces jours misérables 6+6 a
, le cœur submergépar un puissant dégt, 6+6 b
J'entends autour de moil'hallucinant remous 6+6 b
D'une énergique voixqu'on sent infatigable ? 6+6 a
5 Elle dit, cette voix :«Je suis la volupté ; 6+6 a
Comme fit le passé,l'avenir me consulte ; 6+6 b
Aux heures de repospensif ou de tumulte 6+6 b
C'est par moi que le cœurcroit à l'éternité ! 6+6 a
«Un homme est orgueilleuxquand il a du courage, 6+6 a
10 Mais on ne peut pas êtrehéroïque avec moi. 6+6 b
Les vaisseaux, les chemins,les rêves, les voyages 6+6 a
Amènent l'universsuppliant sous ma loi. 6+6 b
«Je règne sur l'activeet chancelante vie 6+6 a
Comme un tigre onduleux,aux prunelles ravies ; 6+6 a
15 L'Orient dilaté,engourdi, haletant, 6+6 b
Tressaille dans mes bras,cadavre palpitant ! 6+6 b
«Parfois, sous le climatbrumeux des cathédrales, 6+6 a
Je semble m'assoupirpendant vos longs hivers, 6+6 b
Mais je jaillis soudain,éparse et triomphale, 6+6 a
20 Du cri d'un maigre oiseausur un églantier vert ! 6+6 b
«En vain les repentants,les rêveurs, les ascètes 6+6 a
S'enferment au désertcomme des emmurés, 6+6 b
Je m'attache à leur plaieardente et satisfaite, 6+6 a
Car je suis la douleur,plaisir transfiguré ! 6+6 b
25 «Lorsque devant l'autelflamboyant, les mystiques 6+6 a
Essayent d'écartermon fantôme jaloux, 6+6 b
Je fais pleuvoir sur euxl'orage des musiques 6+6 a
Qui trompe leur prudence,et dit : «Je vous absous.» 6+6 b
«Je mens quand je me tais,je mens quand je protège, 6+6 a
30 Partout sont des corps,partout sont des cœurs 6+6 b
J'élance hardimentmon fourmillant cortège, 6+6 a
Et le monde est emplide ma suave odeur. 6+6 b
«Quand les adolescentsou les amants austères 6+6 a
Espèrent me bannirde leurs sublimes vœux, 6+6 b
35 J'attaque lentementleur citadelle altière, 6+6 a
Et comme un chaud veninje me répands en eux ; 6+6 b
«Ceux qui me sont vouésont de vagues prunelles 6+6 a
le danger projetteun invincible attrait. 6+6 b
Comme un ciel enfiévré,sillonné par des ailes, 6+6 a
40 Ces vacillants regardsont de mouvants secrets…» 6+6 b
Alors, moi qui sais bienque cette voix funeste 6+6 a
Proclame la puissanteet triste vérité, 6+6 b
Je demande, mon Dieu,quel combat et quel geste 6+6 a
Éloignent des humainsl'âpre fatalité. 6+6 b
45 — Seigneur, si la pitié,la charité, l'extase, 6+6 a
Si le stoïque effort,si l'entrain à mourir, 6+6 b
Si la Nature, enfin,n'est jamais que ce vase 6+6 a
D' toujours le désirténébreux peut jaillir, 6+6 b
Si c'est toujours l'amouranxieux qui s'exhale 6+6 a
50 Des actives cités,des mers et de l'azur, 6+6 b
Si les astres ne sont,délirantes vestales, 6+6 a
Que des lampes d'amourau bord d'un temple impur, 6+6 b
Si vous n'avez toujours,invincible Nature, 6+6 a
Que le cruel souhaitde vous perpétuer, 6+6 b
55 Si vous n'aimez en nousque la race future 6+6 a
Qui fait ntre sans finles vivants des tués, 6+6 b
Si la guerre, la paix,le grand élan des foules, 6+6 a
La ronde agreste avecles chansons du hautbois, 6+6 b
Les arbres et leurs nids,l'océan et ses houles, 6+6 a
60 Et la tranquille odeurde l'hiver dans les bois, 6+6 b
Ne sont toujours que vous,ténébreuse tempête, 6+6 a
Solitaire tortureou frisson propagé, 6+6 b
Obstacle que rencontreune âme qui halette 6+6 a
Vers l'amour absolu,innocent et léger, 6+6 b
65 Si l'héroïsme même,et son ardeur secrète, 6+6 a
Ne sont pour les humainspudiques et hardis 6+6 b
Que l'espoir d'être exclusde votre impure fête, 6+6 a
Et l'honneur d'échapperà votre joug maudit, 6+6 b
Laissez-moi m'en allervers les froides ténèbres 6+6 a
70 l'accueillante mortnous laisse reposer, 6+6 b
Et qu'enfin je me mêleà ces restes funèbres 6+6 a
Qu'une sublime horreurpréserve du baiser ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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