Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
NOA_1/NOA1
Anna de NOAILLES
Les Vivants et les Morts
1913
I
LES PASSIONS
TU VIS, JE BOIS L'AZUR…
Tu vis, je bois l'azurqu'épanche ton visage, 6+6 a
Ton rire me nourritcomme d'un blé plus fin, 6+6 b
Je ne sais pas le jour,, moins sûr et moins sage, 6+6 a
 Tu me feras mourir de faim. 8 b
5 Solitaire, nomadeet toujours étonnée, 6+6 a
Je n'ai pas d'aveniret je n'ai pas de toit, 6+6 b
J'ai peur de la maison,de l'heure et de l'année 6+6 a
  je devrai souffrir de toi. 8 b
Même quand je te voisdans l'air qui m'environne, 6+6 a
10 Quand tu sembles meilleurque mon cœur ne rêva, 6+6 b
Quelque chose de toisans cesse m'abandonne, 6+6 a
 Car rien qu'en vivant tu t'en vas. 8 b
Tu t'en vas, et je suiscomme ces chiens farouches 6+6 a
Qui, le front sur le sable luit un soleil blanc, 6+6 b
15 Cherchent à retenirdans leur errante bouche 6+6 a
 L'ombre d'un papillon volant. 8 b
Tu t'en vas, cher navire,et la mer qui te berce 6+6 a
Te vante de lointainset plus brûlants transports. 6+6 b
Pourtant, la cargaisondu monde se déverse 6+6 a
20  Dans mon vaste et tranquille port. 8 b
Ne bouge plus, ton souffleimpatient, tes gestes 6+6 c
Ressemblent à la sourceécartant les roseaux. 6+6 d
Tout est aride et nuhors de mon âme, reste 6+6 c
 Dans l'ouragan de mon repos ! 8 d
25 Quel voyage vaudraitce que mes yeux t'apprennent, 6+6 a
Quand mes regards joyeuxfont jaillir dans les tiens 6+6 b
Les soirs de Galata,les forêts des Ardennes, 6+6 a
 Les lotus des fleuves indiens ? 8 b
Hélas ! quand ton élan,quand ton départ m'oppresse, 6+6 a
30 Quand je ne peux t'avoirdans l'espace tu cours, 6+6 b
Je songe à la terribleet funèbre paresse 6+6 a
 Qui viendra t'engourdir un jour. 8 b
Toi si gai, si content,si rapide et si brave, 6+6 a
Qui règnes sur l'espoirainsi qu'un conquérant, 6+6 b
35 Tu rejoindras aussice grand peuple d'esclaves 6+6 a
 Qui gît, muet et tolérant. 8 b
Je le vois comme un pointdélicat et solide 6+6 a
Par delà les instants,les horizons, les eaux, 6+6 b
Isolé, fascinantcomme les Pyramides, 6+6 a
40  Ton étroit et fixe tombeau ; 8 b
Et je regarde avecune affreuse tristesse, 6+6 a
Au bout d'un avenirque je ne verrai pas, 6+6 b
Ce mur qui te résisteet ce lieu tu cesses, 6+6 a
 Ce lit s'arrêtent tes pas ! 8 b
45 Tu seras mort, ainsique David, qu'Alexandre, 6+6 a
Mort comme le Thébainlançant ses javelots, 6+6 b
Comme ce danseur grecdont j'ai pesé la cendre 6+6 a
 Dans un musée, au bord des flots. 8 b
— J'ai vu sous le soleild'un antique rivage 6+6 a
50 Qui subit la chaleurcomme un céleste affront, 6+6 b
Des squelettes légersau fond des sarcophages, 6+6 a
 Et j'ai touché leurs faibles fronts. 8 b
Et je savais que moi,qui contemplais ces restes, 6+6 a
J'étais déjà ce mort,mais encor palpitant, 6+6 b
55 Car de ces ossementsà mon corps tendre et preste 6+6 a
 Il faut le cours d'un peu de temps… 8 b
Je l'accepte pour moice sort si noir, si rude, 6+6 a
Je veux être ces yeuxque l'infini creusait ; 6+6 b
Mais, palmier de ma joieet de ma solitude, 6+6 a
60  Vous avec qui je me taisais, 8 b
Vous à qui j'ai donné,sans même vous le dire, 6+6 a
Comme un prince remetson épée au vainqueur, 6+6 b
La grâce de régnersur le mystique empire 6+6 a
 , comme un Nil, s'épand mon cœur, 8 b
65 Vous en qui, flot mouvant,j'ai brisé tout ensemble, 6+6 a
Mes rêves, mes défauts,ma peine et ma gté, 6+6 b
Comme un palais deboutqui se défait et tremble 6+6 a
 Au miroir d'un lac agité, 8 b
Faut-il que vous aussi,le Destin vous enrôle 6+6 a
70 Dans cette armée en proieaux livides torpeurs, 6+6 b
Et que, réduit, le courentré dans les épaules, 6+6 a
 Vous ayez l'aspect de la peur ? 8 b
Que plus froid que le froid,sans regard, sans oreille, 6+6 a
Germe qui se rendortdans l'œuf universel, 6+6 b
75 Vous soyez cette cireâcre, dont les abeilles 6+6 a
 Écartent leur vol fraternel ! 8 b
N'est-il pas suffisantque déjà moi je parte, 6+6 a
Que j'aille me mêleraux fantômes hagards, 6+6 b
Moi qui, plus qu'Andromaqueet qu'Hélène de Sparte, 6+6 a
80  Ai vu guerroyer des regards ? 8 b
Mon enfant, je me hais,je méprise mon âme, 6+6 a
Ce détestable orgueilqu'ont les filles des rois, 6+6 b
Puisque je ne peux pasêtre un rempart de flamme 6+6 a
 Entre la triste mort et toi ! 8 b
85 Mais puisque tout survit,que rien de nous ne passe, 6+6 a
Je songe, sous les cieux la nuit va venir, 6+6 b
A cette éternitédu temps et de l'espace 6+6 a
 Dont tu ne pourras pas sortir. 8 b
O beauté des printemps,alacrité des neiges, 6+6 a
90 Rassurantes paroisdu vase immense et clos 6+6 b
, comme de joyeuxet fidèles arpèges, 6+6 a
 Tout monte et chante sans repos !… 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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