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P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NER_3/NER25
Gérard de NERVAL
ÉLÉGIES NATIONALES ET SATIRES POLITIQUES
1826
POÉSIES DIVERSES
Sainte-Hélène
Au milieu de la mer | qui sépare deux mondes, 6+6 a
Un rocher presque nu | s’élève sur les ondes, 6+6 a
Et son sinistre aspect | remplit l’âme de deuil : 6+6 a
C’est là que tant de gloire | est par la mort frappée ; 6+6 b
5 Et l’on y voit un nom, | une croix, une épée,… 6+6 b
Tous trois jetés sur un cercueil ! 8 a
Ce nom pourra long-temps | résonner dans l’histoire 6+6 a
Car naguère, semblable | au bronze des combats, 6+6 b
Qui marque tour à tour | un triomphe, un trépas, 6+6 b
10 Il annonça la mort, | ainsi que la victoire : 6+6 a
Dès qu’il retentissait | comme un signal lointain, 6+6 a
L’un frémissait de crainte, | et l’autre de courage, 6+6 b
On volait à la gloire, | on volait au carnage, 6+6 b
Et les mères pressaient | leurs enfans sur leur sein ! 6+6 a
15 La Croix, tant qu’il vécut, | fut l’étoile des braves : 6+6 a
C’était par ses nobles entraves 8 a
Qu’il s’attachait des défenseurs ; 8 a
Elle rendit la France | en grands hommes féconde ; 6+6 b
Et, quand elle éclatait | au ciel et sur les cœurs, 6+6 a
20 Dans ce nouveau soleil | qu’il jeta sur le monde, 6+6 b
L’œil put distinguer trois couleurs. 8 a
La voilà, cette illustre épée 8 a
Qui fit le sort de cent combats : 8 b
Que de fois dans le sang | sa lame fut trempée 6+6 a
25 Qu’elle a moissonné de soldats ! 8 b
Le bras qui la portait | fit un vaste ravage, 6+6 a
Elle se reposa, | quand ce bras fut lassé ! … 6+6 b
Mais l’avide vautour, | qu’attire le carnage, 6+6 a
Sait dans quels lieux elle a passé ! 8 b
*
30 Maintenant qu’il n’est plus, | le fils de la victoire, 6+6 a
Cessez, faibles mortels, | d’outrager sa mémoire ; 6+6 a
Relevez ses lauriers | trop long-temps avilis : 6+6 a
Puisque de ses revers | il a porté la peine, 6+6 b
Oubliez les erreurs | du serf de Sainte-Hélène, 6+6 b
35 En songeant aux exploits | du héros d’Austerlitz ! — 6+6 a
Il ne doit qu’à Dieu seul | le compte de sa vie : 6+6 a
Qui sait s’il ne fut pas | plein de la seule envie 6+6 a
D’attacher des lauriers | à nos fiers étendards ; 6+6 a
Si ce n’est pas pour nous | qu’il conquit la victoire, 6+6 b
40 Et s’il ne rêva pas, | au milieu des hasards, 6+6 a
La gloire de la France, | et non sa propre gloire ? 6+6 b
On dit qu’il fit le mal ; | mais les cruels destins 6+6 a
Permettent-ils toujours | le bien à la puissance ? 6+6 b
Qu’on a vu de ces rois, | maudits par les humains, 6+6 a
45 À qui le sot jaloux | défendit la clémence ! 6+6 b
Souvent les noirs complots | de quelques courtisans 6+6 a
Font le crime d’un prince | et l’effroi de la terre : 6+6 b
Rois, chassez de vos cœurs | ces monstres malfaisans ; 6+6 a
Il suffit d’un Séjan | pour former un Tibère. 6+6 b
50 Ah !quels rois bienfaiteurs | n’a-t-il pas effacés ? 6+6 a
Que n’a-t-il pas tenté | pour l’honneur de la France ? 6+6 b
À quel degré sublime | il porta sa puissance ! 6+6 b
C’est par lui qu’elle a vu | ses vainqueurs repoussés, 6+6 a
Que ses armes partout | ont porté sa mémoire, 6+6 c
55 Que, des climats brûlans | jusqu’aux climats glacés, 6+6 a
Le nom de chaque plaine | est un nom de victoire ! 6+6 c
Trop heureux s’il n’eût point | passé le Rubicon : — 6+6 a
Maintenant, il est là ! | — Que dis-je ? Si la terre 6+6 b
Ne garde ici de lui | qu’une vaine poussière, 6+6 b
60 À peine l’univers | peut contenir son nom ; 6+6 a
Et ce nom, qui grondait | à l’égal du tonnerre, 6+6 b
Est sur le cœur des rois | demeuré comme un plomb ! 6+6 a
Car il fut un de ceux | qui méprisent la vie, 6+6 a
Qui, rois de l’avenir, | survivent au trépas : 6+6 b
65 Mortels, dignes du ciel, | que le ciel nous envie ! 6+6 a
Mortels, que la mort frappe… |, et n’anéantit pas ! 6+6 b
*
Ile de l’Océan, | salut à ton rivage ! 6+6 a
Le monde entier te doit | un éternel hommage. 6+6 a
Et les âges futurs | un noble souvenir : 6+6 a
70 Car les peuples puissans, | qui t’ignoraient naguère, 6+6 b
Comme un flot abaissé, | rentreront dans la terre ; 6+6 b
Mais toi, ton nom déjà | remplit tout l’avenir ! 6+6 a
Salut au noble chef, | qui, lassé de combattre, 6+6 a
Déposa sur tes bords | le poids de sa grandeur ! 6+6 b
75 Il résista long-temps ; | mais il se vit abattre 6+6 a
Par ceux qu’il dévorait | des feux de sa splendeur ; 6+6 b
Ile de l’Océan, | le voilà sans couronne ! 6+6 a
Son cercueil est obscur, | comme fut son berceau ; 6+6 b
Tu n’as jamais connu ton trône… 8 a
80 Mais tu possèdes son tombeau ! 8 b
Son tombeau ! Quel est-il ? | Sous une étroite pierre, 6+6 a
En vain l’on cherche un nom | répété tant de fois : 6+6 b
Celui du conquérant, | qui n’est plus que poussière, 6+6 a
Le nom du dieu mortel, | le nom du roi des rois… 6+6 b
85 C’est en d’autres pays qu’il gronde, 8 a
Qu’il cause l’espoir ou le deuil… 8 b
Il avait soulevé le monde, 8 a
Il eût soulevé le cercueil ! 8 b
Les Bardes bien long-temps | le rediront encore, 6+6 a
90 Jusqu’à ce qu’un mortel, | favorisé des cieux, 6+6 b
Le chante sur un luth sonore 8 a
Aussi bien qu’on chante les dieux : 8 b
Son travail serait difficile ; 8 a
Il faudrait qu’au héros | le chantre fût égal… 6+6 b
95 Car Homère n’a point | rencontré de rival, 6+6 b
Et n’avait célébré qu’Achille ! 8 a
mètre profils métriques : 8, 6+6
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