Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MUS_4/MUS122
Alfred de MUSSET
POÉSIES POSTHUMES
1824-1857
Vision
Je vis d’abord sur moi | des fantômes étranges 6+6 a
Traîner de longs habits ; 6 b
Je ne sais si c’étaient | des femmes ou des anges ! 6+6 a
Leurs manteaux m’inondaient | avec leurs belles franges 6+6 a
5 De nacre et de rubis. 6 b
Comme on brise une armure | au tranchant d’une lame, 6+6 a
Comme un hardi marin 6 b
Brise le golfe bleu | qui se fend sous sa rame, 6+6 a
Ainsi leurs robes d’or, | en grands sillons de flamme, 6+6 a
10 Brisaient la nuit d’airain ! 6 b
Ils volaient ! — Mon rideau, | vieux spectre en sentinelle, 6+6 a
Les regardait passer. 6 b
Dans leurs yeux de velours | éclatait leur prunelle ; 6+6 a
J’entendais chuchoter | les plumes de leur aile, 6+6 a
15 Qui venaient me froisser. 6 b
Ils volaient ! — Mais la troupe, | aux lambris suspendue, 6+6 a
Esprits capricieux, 6 b
Bondissait tout à coup, | puis, tout à coup perdue, 6+6 a
S’enfuyait dans la nuit, | comme une flèche ardue 6+6 a
20 Qui s’enfuit dans les cieux ! 6 b
Ils volaient ! — Je voyais | leur noire chevelure, 6+6 a
Où l’ébène en ruisseaux 6 b
Pleurait, me caresser | de sa longue frôlure ; 6+6 a
Pendant que d’un baiser | je sentais la brûlure 6+6 a
25 Jusqu’au fond de mes os. 6 b
Dieu tout-puissant ! j’ai vu | les sylphides craintives 6+6 a
Qui meurent au soleil ! 6 b
J’ai vu les beaux pieds nus | des nymphes fugitives ! 6+6 a
J’ai vu lies seins ardents | des dryades rétives, 6+6 a
30 Aux cuisses de vermeil ! 6 b
Rien, non, rien ne valait | ce baiser d’ambroisie, 6+6 a
Plus frais que le matin ! 6 b
Plus pur que le regard | d’un œil d’Andalousie ! 6+6 a
Plus doux que le parler | d’une femme d’Asie, 6+6 a
35 Aux lèvres de satin ! 6 b
Oh ! qui que vous soyez, | sur ma tête abaissées, 6+6 a
Ombres aux corps flottants ! 6 b
Laissez, oh ! laissez-moi | vous tenir enlacées, 6+6 a
Boire dans vos baisers | des amours insensées, 6+6 a
40 Goutte à goutte et longtemps ! 6 b
Oh ! venez ! nous mettrons | dans l’alcôve soyeuse 6+6 a
Une lampe d’argent. 6 b
Venez ! la nuit est triste | et la lampe joyeuse ! 6+6 a
Blonde ou noire, venez ; | nonchalante ou rieuse, 6+6 a
45 Cœur naïf ou changeant 6 b
Venez ! nous verserons | des roses dans ma couche ; 6+6 a
Car les parfums sont doux ! 6 b
Et la sultane, au soir, | se parfume la bouche 6+6 a
Lorsqu’elle va quitter | sa robe et sa babouche 6+6 a
50 Pour son lit de bambous ! 6 b
Hélas ! de belles nuits | le ciel nous est avare 6+6 a
Autant que de beaux jours ! 6 b
Entendez-vous gémir | la harpe de Ferrare, 6+6 a
Et sous des doigts divins | palpiter la guitare ? 6+6 a
55 Venez, ô mes amours ! 6 b
Mais rien ne reste plus | que l’ombre froide et nue, 6+6 a
Où craquent les cloisons. 6 b
J’entends des chants hurler, | comme un enfant qu’on tue ; 6+6 a
Et la lune en croissant | découpe, dans la rue, 6+6 a
60 Les angles des maisons. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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