Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MUR_1/MUR34
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
Celui-là, dont je veuxdire la triste fin, 6+6 a
Vivait dans notre siècleet dans son air malsain. 6+6 a
Isolé de bonne heureau milieu de la vie, 6+6 b
La solitude avaitété sa seule amie. 6+6 b
5 Orphelin, il aimaità la nommer sa sœur ; 6+6 a
Et, seule, elle a connules secrets de son cœur. 6+6 a
Tout ce qu'on sait de lui,chacun se le répète 6+6 b
Maintenant qu'il est mort :c'est qu'il était poëte, 6+6 b
Et que, s'abandonnantà la grâce du ciel, 6+6 a
10 En pleurant il quittal'humble toit paternel, 6+6 a
Le jour même ce toit,asile des ancêtres, 6+6 b
La mort étant venue,était resté sans mtres. 6+6 b
Certes, — s'il est au mondeun souvenir de deuil 6+6 a
Qui vive bien longtemps,c'est celui du cercueil 6+6 a
15 Qu'un jour, dans le cheminmenant au cimetière, 6+6 b
On suivit à pas lentsen s'écriant : « mon père ! » 6+6 b
Mais, si, le crêpe au bras,il faut reprendre encor 6+6 a
La route le cyprèsverse l'ombre à la mort ; 6+6 a
Pour la seconde fois,s'il faut que l'on assiste, 6+6 b
20 Indigente ou pompeuse,à cette scène triste ; 6+6 b
Quand, derrière ce corpsqui vêtit le linceul, 6+6 a
À marcher en pleuranton se trouve tout seul, 6+6 a
Quand votre mère est morteet que sa fosse ouverte 6+6 b
Fait l'enfant orphelinet la maison déserte, 6+6 b
25 Dans les jours les plus beauxou dans les pires jours, 6+6 a
De ce second voyageon se souvient toujours. 6+6 a
Or, celui dont je parle,et qui ne peut m'entendre, 6+6 b
Dans une seule annéeavait dû deux fois prendre 6+6 b
Le chemin des tombeaux,et, chaque fois, hélas ! 6+6 a
30 Y conduire un de ceuxqu'on ne ramène pas. 6+6 a
C'est ainsi qu'à quinze ansil resta seul au monde. 6+6 b
Mais, s'émouvant pour luid'une pitié profonde, 6+6 b
Une femme, — une mère,ayant mis dans sa main 6+6 a
Quelque argent, — de Parisl'enfant prit le chemin. 6+6 a
35 Paris ! — pourquoi choisircette ville entre toutes ? 6+6 b
Et pourquoi, se trouvantà la croix de deux routes, 6+6 b
Ne se trompa-t-il point,hélas ! — et n'a-t-il pris 6+6 a
Celle-là qui pouvaitl'éloigner de Paris ? 6+6 a
C'est que dans un collège,et malgré l'indigence, 6+6 b
40 Son père l'avait mis,croyant que la science 6+6 b
Était le seul trésorqui pouvait remplacer 6+6 a
Celui qu'en héritageil ne pouvait laisser. 6+6 a
Ainsi, durant l'époqueà laquelle l'enfance 6+6 b
Mange ce pain du cielappelé l'espérance, 6+6 b
45 Et, libre comme l'estun oiseau, peut courir 6+6 a
Des baisers de la mèreaux baisers du plaisir, 6+6 a
Dans ces jours si fleuriset si courts, qu'on les nomme 6+6 b
Le printemps de la vieet le matin de l'homme, 6+6 b
Celui-là dont je veuxdire la triste fin, 6+6 a
50 Grand affamé de jeux,dut mesurer sa faim ; 6+6 a
Épris de liberté,de grand air et d'espace, 6+6 b
Quitter le doux loisirpour l'ennui de sa classe, 6+6 b
Et, sous le regard froidd'un pédant maigre et noir, 6+6 a
Souvent boire un poisonau vase du savoir. 6+6 a
55 Le poison, il le but,et puis un autre ensuite. 6+6 b
S'il en est temps encore,ô père imprudent ! Vite 6+6 b
Retourne à ce collége,et, sans perdre un instant, 6+6 a
De ces bancs studieuxenlève ton enfant ; 6+6 a
Arrache de ses mains,foule à tes pieds, déchire 6+6 b
60 Ce livre qu'il épèle,avant qu'il sache lire ; 6+6 b
Conserve-lui l'habitque tu n'as pas quitté, 6+6 a
Le pauvre vêtementqu'aima la liberté, 6+6 a
Le sarrau plébéienfait de bure grossière ; 6+6 b
Qu'il reste un paysan,comme est resté son père. 6+6 b
65 L'humilité d'esprit,c'est le savoir du cœur. 6+6 a
N'en fais pas un savant,fais-en un laboureur. 6+6 a
Mais le père fut sourd,car il croyait bien faire. 6+6 b
À l'heure de midi,quand la cloche libère 6+6 b
Par un signal connules jeunes écoliers, 6+6 a
70 À son doux carillon,rudiments et cahiers, 6+6 a
Tout se ferme à la fois,et la cloche encor sonne, 6+6 b
Que déjà dans la classeon ne voit plus personne. 6+6 b
Ils sont tous au jardin,tous aux jeux, hors un seul. 6+6 a
Dans un coin, sur un bancqu'ombrage un vieux tilleul, 6+6 a
75 Il s'est assis, la têteentre ses mains posée ; 6+6 b
Il lit tout bas un livreà reliure dorée. 6+6 b
Depuis cinq ans bientôtqu'en soupirant il a 6+6 a
Pris l'habit lycéen,chaque jour il vient là, 6+6 a
S'asseoit avec son livre,et, dans la solitude, 6+6 b
80 De l'heure du plaisirfait une heure d'étude. 6+6 b
Quand il vint au collége,il savait ce qu'apprend 6+6 a
Un pauvre magisterdans son cours ignorant, 6+6 a
C'est-à-dire épelercouramment l'évangile, 6+6 b
Compter selon barème,et, d'une main habile, 6+6 b
85 Aux fêtes de famille,ou bien au jour de l'an, 6+6 a
Écrire ses souhaitssur un beau feuillet blanc ; 6+6 a
Mais il sait maintenantbien des choses nouvelles, 6+6 b
Et, le soir, en filant,à la veillée, entre elles, 6+6 b
Les femmes du villageà la mère ont souvent 6+6 a
90 Envié le bonheurd'avoir un fils savant. 6+6 a
Mais Chénier n'est pasle premier qu'il ait lu : 6+6 b
Sous des noms étrangers —il a déjà connu 6+6 b
Myrto la Tarentine,et la jeune Néère 6+6 a
Pour le beau Cliniasabandonnant sa mère ; 6+6 a
95 Amymone et Lydé,Camille et Pannychis 6+6 b
Avec Néobulé,la sœur d'Amarillys, 6+6 b
Dans Horace et Virgileil vous a cent fois vues, 6+6 a
Quelquefois sous le voileet souvent toutes nues ; 6+6 a
Toutes il vous connt,et vous aussi, pasteurs, 6+6 b
100 Qui paissez vos troupeauxdans la prairie en fleurs, 6+6 b
Il vous comprend et litvos chansons pastorales 6+6 a
dans les blés jaunismurmurent les cigales. 6+6 a
Dans l'idylle et l'églogueil vous a rencontrés, 6+6 b
Satyres et Sylvains,— nymphes qui vous mirez, 6+6 b
105 Tremblant qu'un indiscret,le soir, ne vous surprenne, 6+6 a
Toutes blanches, — sans voile,au bord de la fontaine. 6+6 a
De Rome à Syracuseet d'Athène à Théos, 6+6 b
Chantres de tous les dieuxet de tous les héros, 6+6 b
À l'arène, au forum,au théâtre, au portique, 6+6 a
110 Il a suivi vos passous le ciel de l'Attique. 6+6 a
Pèlerin curieux,il a tout visité, 6+6 b
Sur les plus hauts sommets —tout jeune il est monté, 6+6 b
Gravissant l'iliadeaux cimes escarpées, 6+6 a
L'iliade géanteentre les épopées, 6+6 a
115 De son fte sublime,à l'entour il put voir 6+6 b
Toute l'antiquitédevant lui se mouvoir. 6+6 b
Mais, en fouillant aussil'époque fabuleuse, 6+6 a
Rêveur, il rencontrala déesse rêveuse 6+6 a
Sous la tunique blancheet le bandeau sacré, 6+6 b
120 Diadème éternelde son front inspiré. 6+6 b
Une lyre à la main,cette muse si belle, 6+6 a
Il la vit et fut prisd'un grand amour pour elle. 6+6 a
Et, depuis cette époque,à cet amour rêvant, 6+6 b
Aux pieds de la déesse,il s'enivre en buvant 6+6 b
125 Un miel de poésieà cette coupe antique 6+6 a
D' s'élève un parfumde liqueur homérique. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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