Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
MOR_4/MOR111
Jean MORÉAS
ÉRIPHYLE
1894
ÉRIPHYLE
Suivant la docte trace 6 a
Du Mantouan fameux qui m'a nourri de sa grâce, 13 a
Sur le Styx odieux | et l'Achéron avare, 6+6 a
Ériphyle, je viens | au fond du noir Tartare. 6+6 a
5 Ne me dédaigne pas | Mâne charmante, laisse 6+6 a
Brûler devant mes yeux | ton antique tristesse, 6+6 a
Et tes larmes couler | dans mon esprit pieux, 6+6 a
Comme en un vase pur | un baume précieux. 6+6 a
« Essence pareille au vent léger,
10 « J'erre
« Depuis que la vie a quitté
« Mon corps.
« Mais les souillures et les maux du corps,
« La mort ne les efface.
15 « Ainsi, écoute : Le souci
« D'une ceinture dorée
« Ne m'a vaincu', comme Font conté
« Des bouches abusées.
« Mais c'est Cypris aux crins dorés,
20 « Déesse des trophées.
« Mon époux, c'était un héros,
« Il était fils d'Oïclée ;
« Il avait ramé sur le navire Argo
« A côté de Thésée.
25 « De Phébus aux longs traits, d'Apollon,
« Il était augure ;
« Mais sa barbe était à son menton
« Chenue et dure.
« Et l'autre, quand il vint, il était
30 « Dans sa jeunesse tendre ;
« Sur sa joue à peine un blond duvet
« Commençait à s'étendre.
« Le tambour Bérécynthian
« N'emporte l'âme
35 « Comme faisait sa voix disant :
« Les Dieux vous gardent, noble Dame,
« Alors je sentis que ma pudeur
« Était la feuille tombée,
« Et mon désir semblable à la fureur
40 « Rapide de Borée.
« O jeunesse, tes bras
« Sont comme lierre autour des chênes,
« Mais la vieillesse, hélas !
« Est une foule d'ombres vaines. »
45 Elle dit, puis se tait, | déçue en son courage. 6+6 a
Tel un coursier rétif | qui soudain prend ombrage 6+6 a
Ta mémoire recule, | ô spectre épouvanté, 6+6 a
Et jamais de ta bouche | il ne sera conté 6+6 a
Qu'un fils, pensant venger | ton amour adultère, 6+6 a
50 A souillé de ton sang | la terre nourricière. 6+6 a
Au séjour de Minos | et d'Éaque inflexibles, 6+6 a
O femme, tu n'as plus | tes membres corruptibles, 6+6 a
Ces yeux porte-lumière | et l'épais de ces tresses. 6+6 a
Ces délicates mains, | délices des caresses. 6+6 a
55 Maintenant de l'amour | la tendresse divine 6+6 a
Décrirait un vain cercle | autour de ta poitrine. 6+6 a
Mais du bras d'Alcméon | la parricide offense 6+6 a
Trouve tangible encor' |ta trompeuse apparence. 6+6 a
Ainsi frappe le coin | une yeuse abattue 6+6 a
60 Au profond des forêts | pour former la charrue. 6+6 a
Hélas ! mortels, fuyez | comme un port dangereux 6+6 a
Les perfides conseils | d'un soin ambitieux. 6+6 a
Que diverse est la chance | et l'attente peu sûre 6+6 a
Alors que nous passons | la commune mesure ! 6+6 a
65 D'un cœur jamais surpris | la sage volonté 6+6 a
Ressemble ce beau char | qu'un bras adextre guide, 6+6 b
Mais l'aveugle courroux, | comme un taureau stupide, 6+6 b
Souvent manque le but | et s'élance à côté. 6+6 a
O ma Muse, quittons | ce fleuve et ces campagnes, 6+6 a
70 Et Pluton, et les sœurs | que l'on n'ose nommer. 6+6 b
Et que cette Ombre enfin | rejoigne ses compagnes 6+6 a
Qui sont mortes d'aimer. 6 b
Je vois la triste Phèdre, | innocente et coupable, 6+6 a
Myrrhe qui consomma | son désir exécrable, 6+6 a
75 D'un funeste présage | Aglaure déchirée, 6+6 a
Et Canacé, épouse | et sœur de Macarée, 6+6 a
La reine de Lemnos, | qui brûla pour son hôte, 6+6 a
Le parjure Jason, | l'intrépide Argonaute, 6+6 a
Héro, Laodamie, | Hermione, Eurydice, 6+6 a
80 Cydippe, prise aux lacs | d'un fatal artifice, 6+6 a
Procris au tendre cœur, | jalouse de l'aurore, 6+6 a
Hypermnestre, Évadné, | cette Phyllis encore. 6+6 a
Et la sage Didon, | que le pieux Énée 6+6 a
Pour obéir aux dieux | avait abandonnée. 6+6 a
85 Comme ce pâle essaim | de malheureuses Ombres, 6+6 a
Du Styx au triple tour | couvrant les rives sombres. 6+6 a
Au penser doux-amer | de son ancien martyre 6+6 a
S'agite tristement | et doucement soupire ! 6+6 a
Ainsi par un beau soir, | au milieu de la plaine, 6+6 a
90 La tige que le vent | bat d'une tiède haleine. 6+6 a
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Grand honneur mantouan, | harmonieux Virgile, 6+6 a
Telle sur son passage | une onde au cours tranquille 6+6 a
Favorise les plants | de son humeur nourris, 6+6 a
Telle la docte voix | de ton plectre rendue, 6+6 b
95 D'âge en âge épandue, 6 b
Élève la vertu | des intègres esprits. 6+6 a
Et toi Dante qui sus, | égalant les antiques, 6+6 a
Hausser le faible essor | de tes Muses gothiques. 6+6 a
Tant tu avais le cœur | de Calliope plein, 6+6 a
100 Dans la grave douceur | de tes divines rimes , 6+6 b
Du grand Parnasse saint | tu gravis les deux cimes 6+6 b
Pour chercher le chemin | du paradis chrétien. 6+6 a
O mes maîtres chéris, | à vos leçons docile, 6+6 a
J'osai faire parler | les mânes d'Ériphyle ; 6+6 a
105 Veuille donc Apollon, | illustre entre les dieux, 6+6 a
Renflammer tout soudain | ma fureur languissante. 6+6 b
Que sur le luth français | j'accorde pour vous deux 6+6 a
Les paroles que dit | dans la Cité dolente. 6+6 b
En langage toscan, | le plus jeune au plus vieux : 6+6 a
110 O fonts de poésie, | ô pères, fameux sages, 6+6 a
O des autres chanteurs | ornement et clarté, 6+6 b
Soutenez ma faiblesse | et que me soit compté 6+6 b
Le désir qui m'a fait | rechercher vos ouvrages. 6+6 a
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