Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MOL8/MOL8
MOLIÈRE
(Jean-Baptiste de Poquelin)
1682
MÉLICERTE
Comédie pastorale héroïque
ACTEURS
ACANTE amant de Daphné
TYRÈNE amant d'Éroxène
DAPHNÉ bergère
ÉROXÈNE bergère
LYCARSYS pâtre, cru père de Myrtil
MYRTIL amant de Mélicerte
MÉLICERTE nymphe ou bergère, amante de Myrtil
CORINNE confidente de Mélicerte
NICANDRE berger
MOPSE berger, cru oncle de Mélicerte
ACTE I
SCÈNE PREMIÈRE
ACANTE.
Ah ! Charmante Daphné/
TYRÈNE.
Trop aimable Éroxène. 6+6 a
DAPHNÉ.
Acante, laisse-moi.
EROXÈNE.
Ne me suis point, Tyrène. 6+6 a
ACANTE.
Pourquoi me chasses-tu ?
TYRÈNE.
Pourquoi fuis-tu mes pas ? 6+6 b
DAPHNÉ.
Tu me plais loin de moi.
EROXÈNE.
Je m'aime tu n'es pas. 6+6 b
ACANTE.
5 Ne cesseras-tu pointcette rigueur mortelle ? 6+6 a
TYRÈNE.
Ne cesseras-tu pointde m'être si cruelle ? 6+6 a
DAPHNÉ.
Ne cesseras-tu pointtes inutiles vœux. 6+6 b
EROXÈNE.
Ne cesseras-tu pointde m'être si fâcheux ? 6+6 b
ACANTE.
Si tu n'en prends pitié,je succombe à ma peine. 6+6 a
TYRÈNE.
10 Si tu ne me secours,ma mort est trop certaine. 6+6 a
DAPHNÉ.
Si tu ne veux partir,je vais quitter ce lieu. 6+6 b
EROXÈNE.
Si tu veux demeurer,je te vais dire adieu. 6+6 b
ACANTE.
Hé bien en m'éloignant,je te vais satisfaire. 6+6 a
TYRÈNE.
Mon départ va t'ôterce qui peut te déplaire. 6+6 a
ACANTE.
15 Généreuse Éroxène,en faveur de mes feux 6+6 b
Daigne au moins, par pitié,lui dire un mot ou deux. 6+6 b
TYRÈNE.
Obligeante Daphné,parle à cette inhumaine. 6+6 a
Et sache d' pour moiprocède tant de haine. 6+6 a
SCÈNE II
EROXÈNE.
Acante a du mérite,et t'aime tendrement. 6+6 b
20 D' vient que tu lui faisun si dur traitement ? 6+6 b
DAPHNÉ.
Tyrène vaut beaucoup,et languit pour tes charmes ? 6+6 a
D' vient que sans pitiétu vois couler tes larmes ? 6+6 a
EROXÈNE.
Puisque j'ai fait icila demande avant toi, 6+6 b
La raison te condamneà répondre avant moi. 6+6 b
DAPHNÉ.
25 Pour tous les soins d'Acanteon me voit inflexible, 6+6 a
Parce qu'à d'autres vœuxje me trouve sensible. 6+6 a
EROXÈNE.
Je ne fais pour Tyrèneéclater que rigueur, 6+6 b
Parce qu'un autre choixest mtre de mon cœur. 6+6 b
DAPHNÉ.
Puis-je savoir de toice choix qu'on te voit taire ? 6+6 a
EROXÈNE.
30 Oui, si tu veux du tienm'apprendre le mystère. 6+6 a
DAPHNÉ.
Sans te nommer celuiqu'amour m'a fait choisir, 6+6 b
Je puis facilementcontenter ton désir, 6+6 b
Et de la main d'Atys,ce peintre inimitable. 6+6 a
J'en garde dans ma pocheun portrait admirable, 6+6 a
35 Qui jusqu'au moindre traitlui ressemble si fort, 6+6 b
Qu'il est sûr que tes yeuxle conntront d'abord. 6+6 b
EROXÈNE.
Je puis te contenterpar une même voie, 6+6 a
Et payer ton secreten pareille monnoie. 6+6 a
J'ai de la main ausside ce peintre fameux, 6+6 b
40 Un aimable portraitde l'objet de mes vœux, 6+6 b
Si plein de tous ses traitset de sa grâce extrême, 6+6 a
Que tu pourras d'abordte le nommer toi-même. 6+6 a
DAPHNÉ.
La bte que le peintrea fait faire pour moi 6+6 b
Est tout à fait semblableà celle que je vois. 6+6 b
EROXÈNE.
45 Il est vrai, l'une à l'autreentièrement ressemble, 6+6 a
Et certe, il faut qu'Atysles ait fait faire ensemble. 6+6 a
DAPHNÉ.
Faisons en même temps,par un peu de couleurs, 6+6 b
Confidence à nos yeuxdu secret de nos cœurs. 6+6 b
EROXÈNE.
Voyons à qui plus viteentendra ce langage, 6+6 a
50 Et qui parle le mieux,de l'un ou l'autre ouvrage. 6+6 a
DAPHNÉ.
La méprise est plaisante,et tu te brouilles bien : 6+6 b
Au lieu de ton portrait,tu m'as rendu le mien. 6+6 b
EROXÈNE.
Il est vrai, je ne saiscomme j'ai fait la chose. 6+6 a
DAPHNÉ.
Donne. De cette erreurta rêverie est cause. 6+6 a
EROXÈNE.
55 Que veut dire ceci ?Nous nous jouons, je crois. 6+6 b
Tu fais de ces portraitsmême chose que moi. 6+6 b
DAPHNÉ.
Certes, c'est pour en rire,et tu peux me le rendre. 6+6 a
EROXÈNE.
Voici le vrai moyende ne se point méprendre. 6+6 a
DAPHNÉ.
De mes sens prévenusest-ce une illusion ? 6+6 b
EROXÈNE.
60 Mon âme sur mes yeuxfait-elle impression ? 6+6 b
DAPHNÉ.
Myrtil à mes regardss'offre dans cet ouvrage. 6+6 a
EROXÈNE.
De Myrtil dans ces traitsje rencontre l'image. 6+6 a
DAPHNÉ.
C'est le jeune Myrtilqui fait ntre mes feux. 6+6 b
EROXÈNE.
C'est au jeune Myrtilque tendent tous mes vœux. 6+6 b
DAPHNÉ.
65 Je venais aujourd'huite prier de lui dire 6+6 a
Les soins que pour son sortson mérite m'inspire. 6+6 a
EROXÈNE.
Je venais te chercherpour servir mon ardeur, 6+6 b
Dans le dessein que j'aide m'assurer son cœur. 6+6 b
DAPHNÉ.
Cette ardeur qu'il t'inspireest-elle si puissante ? 6+6 a
EROXÈNE.
70 L'aimes-tu d'une amourqui soit si violente ? 6+6 a
DAPHNÉ.
Il n'est point de froideurqu'il ne puisse enflammer, 6+6 b
Et sa grâce naissantea de quoi tout charmer. 6+6 b
EROXÈNE.
Il n'est nymphe en l'aimantqui ne se tînt heureuse, 6+6 a
Et Diane sans honteen serait amoureuse. 6+6 a
DAPHNÉ.
75 Rien que son air charmantne me touche aujourd'hui, 6+6 b
Et si j'avais cent cœurs,ils seraient tous pour lui. 6+6 b
EROXÈNE.
[Il] efface à mes yeuxtout ce qu'on voit partre ; 6+6 a
Et si j'avais un sceptre,il en serait le mtre. 6+6 a
DAPHNÉ.
Ce serait donc en vainqu'à chacune en ce jour, 6+6 b
80 On nous voudrait du seinarracher cet amour. 6+6 b
Nos âmes dans leurs vœuxsont trop bien affermies, 6+6 a
Ne tâchons, s'il se peutqu'à demeurer amies. 6+6 a
Et puisqu'en même tempspour le même sujet, 6+6 b
Nous avons toutes deuxformé même projet, 6+6 b
85 Mettons dans ce débatla franchise en usage, 6+6 a
Ne prenons l'une et l'autreaucun lâche avantage, 6+6 a
Et courons nous ouvrirensemble à Lycarsis, 6+6 b
Des tendres sentiments nous jette son fils. 6+6 b
EROXÈNE.
J'ai peine à concevoir,tant la surprise est forte, 6+6 a
90 Comme un tel fils est néd'un père de la sorte, 6+6 a
Et sa taille, son air,sa parole et ses yeux, 6+6 b
Feraient croire qu'il estissu du sang des Dieux : 6+6 b
Mais enfin j'y souscris,courons trouver ce père, 6+6 a
Allons lui de nos cœursdécouvrir le mystère, 6+6 a
95 Et consentons qu'aprèsMyrtil, entre nous deux 6+6 b
Décide par son choixce combat de nos vœux. 6+6 b
DAPHNÉ.
Soit. Je vois Lycarsisavec Mopse et Nicandre, 6+6 a
Ils pourront le quitter,cachons-nous pour attendre. 6+6 a
SCÈNE III
NICANDRE.
Dis-nous donc ta nouvelle.
LYCARSIS.
Ah, que vous me pressez ! 6+6 b
100 Cela ne se dit pascomme vous le pensez. 6+6 b
MOPSE.
Que de sottes façons,et que de badinage, 6+6 a
Ménalque pour chantern'en fait pas davantage. 6+6 a
LYCARSIS.
Parmi les curieuxdes affaires d'État, 6+6 b
Une nouvelle à direest d'un puissant éclat. 6+6 b
105 Je me veux mettre un peusur l'homme d'importance, 6+6 a
Et jouir quelque tempsde votre impatience. 6+6 a
NICANDRE.
Veux-tu par tes délaisnous fatiguer tous deux ? 6+6 b
MOPSE.
Prends-tu quelque plaisirà te rendre fâcheux ? 6+6 b
NICANDRE.
De grâce, parle, et metsces mines en arrière. 6+6 a
LYCARSIS.
110 Priez-moi donc tous deuxde la bonne manière, 6+6 a
Et me dites chacunquel don vous me ferez, 6+6 b
Pour obtenir de moice que vous désirez. 6+6 b
MOPSE.
La peste soit du fat,Laissons-le là, Nicandre, 6+6 a
Il brûle de parlerbien plus que nous d'entendre. 6+6 a
115 Sa nouvelle lui pèse,il veut s'en décharger, 6+6 b
Et ne l'écouter pas,est le faire enrager. 6+6 b
LYCARSIS.
Eh.
NICANDRE.
Te voilà punide tes façons de faire. 6+6 a
LYCARSIS.
Je m'en vais vous le dire,écoutez.
MOPSE.
Point d'affaire. 6+6 a
LYCARSIS.
Quoi vous ne voulez pasm'entendre ?
NICANDRE.
Non.
LYCARSIS.
Eh bien ! 6+6 b
120 Je ne dirai donc mot,et vous ne saurez rien. 6+6 b
MOPSE.
Soit.
LYCARSIS.
Vous ne saurez pasqu'avec magnificence 6+6 a
Le Roi vient d'honorerTempé de sa présence ; 6+6 a
Qu'il entra dans Larissehier sur le haut du jour : 6+6 b
Qu'à l'aise je l'y visavec toute sa Cour : 6+6 b
125 Que ces bois vont jouiraujourd'hui de sa vue, 6+6 a
Et qu'on raisonne forttouchant cette venue. 6+6 a
NICANDRE.
Nous n'avons pas envieaussi de rien savoir. 6+6 b
LYCARSIS.
Je vis cent choses làravissantes à voir. 6+6 b
Ce ne sont que Seigneurs,qui des pieds à la tête, 6+6 a
130 Sont brillants et paréscomme au jour d'une fête, 6+6 a
Ils surprennent la vueet nos prés au printemps 6+6 b
Avec toutes leurs fleurssont bien moins éclatants. 6+6 b
Pour le Prince entre tous,sans peine on le remarque, 6+6 a
Et d'une stade loin,il sent son grand monarque, 6+6 a
135 Dans toute sa personne,il a je ne sais quoi, 6+6 b
Qui d'abord fait jugerque c'est un mtre Roi. 6+6 b
Il le fait d'une grâceà nulle autre seconde, 6+6 a
Et cela sans mentirlui sied le mieux du monde. 6+6 a
On ne croirait jamaiscomme de toutes parts, 6+6 b
140 Toute sa Cour s'empresseà chercher ses regards : 6+6 b
Ce sont autour de luiconfusions plaisantes, 6+6 a
Et l'on dirait d'un tasde mouches reluisantes 6+6 a
Qui suivent en tous lieuxun doux rayon de miel. 6+6 b
Enfin l'on ne voit riende si beau sous le ciel, 6+6 b
145 Et la fête de Pan,parmi nous si chérie, 6+6 a
Auprès de ce spectacleest une gueuserie : 6+6 a
Mais puisque sur le fiervous vous tenez si bien, 6+6 b
Je garde ma nouvelle,et ne veux dire rien. 6+6 b
MOPSE.
Et nous ne te voulonsaucunement entendre. 6+6 a
LYCARSIS.
Allez vous promener.
MOPSE.
150 Va-t'en te faire pendre. 6+6 a
SCÈNE IV
LYCARSIS.
C'est de cette façonque l'on punit les gens, 6+6 b
Quand ils font les benêtset les impertinents. 6+6 b
DAPHNÉ.
Le ciel tienne, Pasteur,vos brebis toujours saines. 6+6 a
EROXÈNE.
Cérès tienne de grainsvos granges toujours pleines. 6+6 a
LYCARSIS.
155 Et le grand Pan vous donneà chacune un époux 6+6 b
Qui vous aime beaucoup,et soit digne de vous. 6+6 b
DAPHNÉ.
Ah, Lycarsis, nos vœuxà même but aspirent. 6+6 a
EROXÈNE.
C'est pour le même objetque nos deux cœurs soupirent. 6+6 a
DAPHNÉ.
Et l'amour, cet enfantqui cause nos langueurs, 6+6 b
160 A pris chez vous le traitdont il blesse nos cœurs. 6+6 b
EROXÈNE.
Et nous venons icichercher votre alliance, 6+6 a
Et voir qui de nous deuxaura la préférence. 6+6 a
LYCARSIS.
Nymphes …
DAPHNÉ.
Pour ce bien seulnous poussons des soupirs. 6+6 b
LYCARSIS.
Je suis …
EROXÈNE.
À ce bonheurtendent tous nos désirs. 6+6 b
DAPHNÉ.
165 C'est un peu librementexpliquer sa pensée. 6+6 a
LYCARSIS.
Pourquoi ?
EROXÈNE.
La bienséancey semble un peu blessée. 6+6 a
LYCARSIS.
Ah point.
DAPHNÉ.
Mais quand le cœurbrûle d'un noble feu, 6+6 b
On peut sans nulle honteen faire un libre aveu. 6+6 b
LYCARSIS.
Je
EROXÈNE.
Cette liberténous peut être permise, 6+6 a
170 Et du choix de nos cœursla beauté l'autorise. 6+6 a
LYCARSIS.
C'est blesser ma pudeurque me flatter ainsi. 6+6 b
EROXÈNE.
Non, non, n'affectez pointde modestie ici. 6+6 b
DAPHNÉ.
Enfin tout notre bienest en votre puissance. 6+6 a
EROXÈNE.
C'est de vous que dépendnotre unique espérance. 6+6 a
DAPHNÉ.
175 Trouverons-nous en vousquelques difficultés ? 6+6 b
LYCARSIS.
Ah.
EROXÈNE.
Nos vœux, dites-moi,seront-ils rejetés ? 6+6 b
LYCARSIS.
Non, j'ai reçu du cielune âme peu cruelle, 6+6 a
Je tiens de feu ma femme,et je me sens comme elle 6+6 a
Pour les désirs d'autruibeaucoup d'humanité, 6+6 b
180 Et je ne suis point hommeà garder de fierté. 6+6 b
DAPHNÉ.
Accordez donc Myrtilà notre amoureux zèle. 6+6 a
EROXÈNE.
Et souffrez que son choixrègle notre querelle. 6+6 a
LYCARSIS.
Myrtil ?
DAPHNÉ.
Oui, c'est Myrtilque de vous nous voulons. 6+6 b
EROXÈNE.
De qui pensez-vous doncqu'ici nous vous parlons ? 6+6 b
LYCARSIS.
185 Je ne sais, mais Myrtiln'est guère dans un âge 6+6 a
Qui soit propre à rangerau joug du mariage. 6+6 a
DAPHNÉ.
Son mérite naissantpeut frapper d'autres yeux, 6+6 b
Et l'on veut s'engagerun bien si précieux, 6+6 b
Prévenir d'autres cœurs,et braver la fortune 6+6 a
190 Sous les fermes liensd'une chne commune. 6+6 a
EROXÈNE.
Comme par son espritet ses autres brillants, 6+6 b
Il rompt l'ordre communet devance le temps, 6+6 b
Notre flamme pour luiveut en faire de même, 6+6 a
LYCARSIS.
Et régler tous ses vœuxsur son mérite extrême. 6+6 a
195 Il est vrai qu'à son âge,il surprend quelquefois. 6+6 b
Et cet Athénienqui fut chez moi vingt mois, 6+6 b
Qui le trouvant joli,se mit en fantaisie 6+6 a
De lui remplir l'espritde sa philosophie, 6+6 a
Sur de certains discoursl'a rendu si profond, 6+6 b
200 Que tout grand que je suis,souvent il me confond. 6+6 b
Mais, avec tout cela,ce n'est encor qu'enfance, 6+6 a
Et son fait est mêléde beaucoup d'innocence. 6+6 a
DAPHNÉ.
Il n'est point tant enfant,qu'à le voir chaque jour, 6+6 b
Je ne le croie atteintdéjà d'un peu d'amour, 6+6 b
205 Et plus d'une aventureà mes yeux s'est offerte 6+6 a
j'ai connu qu'il suitla jeune Mélicerte. 6+6 a
EROXÈNE.
Ils pourraient bien s'aimer ;et je vois …
LYCARSIS.
Franc abus, 6+6 b
Pour elle passe encore,elle a deux ans de plus, 6+6 b
Et deux ans, dans son sexeest une grande avance. 6+6 a
210 Mais pour lui, le jeu seull'occupe tout, je pense, 6+6 a
Et les petits désirsde se voir ajusté 6+6 b
Ainsi que les bergersde haute qualité. 6+6 b
DAPHNÉ.
Enfin nous désironspar le nœud d'hyménée, 6+6 a
Attacher sa fortuneà notre destinée. 6+6 a
EROXÈNE.
215 Nous voulons, l'une et l'autre,avec pareille ardeur, 6+6 b
Nous assurer de loinl'empire de son cœur. 6+6 b
LYCARSIS.
Je m'en tiens honoréautant qu'on saurait croire. 6+6 a
Je suis un pauvre pâtre ;et ce m'est trop de gloire 6+6 a
Que deux nymphes d'un rangle plus haut du pays, 6+6 b
220 Disputent à se faireun époux de mon fils. 6+6 b
Puisqu'il vous plt qu'ainsila chose s'exécute, 6+6 a
Je consens que son choixrègle votre dispute. 6+6 a
Et celle qu'à l'écartlaissera cet arrêt, 6+6 b
Pourra, pour son recoursm'épouser, s'il lui plt. 6+6 b
225 C'est toujours même sanget presque même chose. 6+6 a
Mais le voici, souffrezqu'un peu je le dispose. 6+6 a
Il tient quelque moineauqu'il a pris frchement. 6+6 b
Et voilà ses amourset son attachement. 6+6 b
SCÈNE V
MYRTIL.
 Innocente petite bête, 8 a
230  Qui contre ce qui vous arrête, 8 a
 Vous débattez tant à mes yeux, 8 b
De votre liberténe plaignez point la perte, 6+6 c
 Votre destin est glorieux, 8 b
 Je vous ai pris pour Mélicerte. 8 c
235 Elle vous baisera,vous prenant dans sa main, 6+6 a
 Et de vous mettre en son sein 7 a
 Elle vous fera la grâce. 7 b
Est-il un sort au mondeet plus doux et plus beau. 6+6 c
Et qui des Rois, hélas,Heureux petit moineau, 6+6 c
240  Ne voudrait être en votre place ? 8 b
LYCARSIS.
Myrtil, Myrtil, un mot.Laissons là ces joyaux, 6+6 a
Il s'agit d'autre choseici que de moineaux. 6+6 a
Ces deux nymphes, Myrtil,à la fois te prétendent, 6+6 b
Et tout jeune déjàpour époux te demandent. 6+6 b
245 Je dois par un hyment'engager à leurs vœux, 6+6 a
Et c'est toi que l'on veutqui choisisse des deux. 6+6 a
MYRTIL.
Ces nymphes …
LYCARSIS.
Oui, des deuxtu peux en choisir une ; 6+6 b
Vois quel est ton bonheur,et bénis la fortune. 6+6 b
MYRTIL.
Ce choix qui m'est offert,peut-il m'être un bonheur, 6+6 a
250 S'il n'est aucunementsouhaité de mon cœur ? 6+6 a
LYCARSIS.
Enfin, qu'on le reçoive,et que sans le confondre, 6+6 b
À l'honneur qu'elles font,on songe à bien répondre. 6+6 b
EROXÈNE.
Malgré cette fiertéqui règne parmi nous, 6+6 a
Deux nymphes, ô Myrtil,viennent s'offrir à vous, 6+6 a
255 Et de vos qualitésles merveilles écloses, 6+6 b
Font que nous renversonsici l'ordre des choses. 6+6 b
DAPHNÉ.
Nous vous laissons, Myrtil,pour l'avis le meilleur, 6+6 a
Consulter sur ce choixvos yeux et votre cœur, 6+6 a
Et nous n'en voulons pointprévenir les suffrages 6+6 b
260 Par un récit paréde tous nos avantages. 6+6 b
MYRTIL.
C'est me faire un honneurdont l'éclat me surprend ; 6+6 a
Mais cet honneur pour moi,je l'avoue, est trop grand. 6+6 a
À vos rares bontésil faut que je m'oppose, 6+6 b
Pour mériter ce sort,je suis trop peu de chose : 6+6 b
265 Et je serais fâché,quels qu'en soient les appas, 6+6 a
Qu'on vous blâmât pour moide faire un choix trop bas. 6+6 a
EROXÈNE.
Contentez nos désirs,quoi qu'on en puisse croire, 6+6 b
Et ne vous chargez pointdu soin de notre gloire. 6+6 b
DAPHNÉ.
Non, ne descendez pointdans ces humilités, 6+6 a
270 Et laissez-nous jugerce que vous méritez. 6+6 a
MYRTIL.
Le choix qui m'est offerts'oppose à votre attente. 6+6 b
Et peut seul empêcherque mon cœur vous contente. 6+6 b
Le moyen de choisirde deux grandes beautés, 6+6 a
Égales en naissance,et rares qualités ? 6+6 a
275 Rejeter l'une ou l'autreest un crime effroyable ; 6+6 b
Et n'en choisir aucuneest bien plus raisonnable. 6+6 b
EROXÈNE.
Mais en faisant refusde répondre à nos vœux, 6+6 a
Au lieu d'une, Myrtil,vous en outragez deux. 6+6 a
DAPHNÉ.
Puisque nous consentonsà l'arrêt qu'on peut rendre, 6+6 b
280 Ces raisons ne font rienà vouloir s'en défendre. 6+6 b
MYRTIL.
Eh bien, si ces raisonsne vous satisfont pas, 6+6 a
Celle-ci le fera,j'aime d'autres appas, 6+6 a
Et je sens bien qu'un cœur,qu'un bel objet engage, 6+6 b
Est insensible et sourdà tout autre avantage. 6+6 b
LYCARSIS.
285 Comment donc ? Qu'est-ce ci ?Qui l't pu présumer ? 6+6 a
Et savez-vous, morveux,ce que c'est que d'aimer ? 6+6 a
MYRTIL.
Sans savoir ce que c'est,mon cœur a su le faire. 6+6 b
LYCARSIS.
Mais cet amour me choque,et n'est pas nécessaire. 6+6 b
MYRTIL.
Vous ne deviez donc pas,si cela vous déplt, 6+6 a
290 Me faire un cœur sensibleet tendre comme il est. 6+6 a
LYCARSIS.
Mais ce cœur que j'ai faitme doit obéissance. 6+6 b
MYRTIL.
Oui, lorsque d'obéiril est en sa puissance. 6+6 b
LYCARSIS.
Mais enfin, sans mon ordre,il ne doit point aimer. 6+6 a
MYRTIL.
Que n'empêchiez-vous doncque l'on pût le charmer ? 6+6 a
LYCARSIS.
295 Eh bien, je vous défendsque cela continue. 6+6 b
MYRTIL.
La défense, j'ai peur,sera trop tard venue. 6+6 b
LYCARSIS.
Quoi, Les pères n'ont pasdes droits supérieurs ? 6+6 a
MYRTIL.
Les dieux qui sont bien plusne forcent point les cœurs. 6+6 a
LYCARSIS.
Les dieux … Paix, petit sot,cette philosophie 6+6 b
Me
DAPHNÉ.
300 Ne vous mettez pointen courroux, je vous prie. 6+6 b
LYCARSIS.
Non, je veux qu'il se donneà l'une pour époux, 6+6 a
Ou je vais lui donnerle fouet tout devant vous : 6+6 a
Ah, ah, je vous feraisentir que je suis père. 6+6 b
DAPHNÉ.
Traitons, de grâce, iciles choses sans colère. 6+6 b
EROXÈNE.
305 Peut-on savoir de vouscet objet si charmant, 6+6 a
Dont la beauté, Myrtil,vous a fait son amant ? 6+6 a
MYRTIL.
Mélicerte, Madame,elle en peut faire d'autres. 6+6 b
EROXÈNE.
Vous comparez, Myrtil,ses qualités aux nôtres ? 6+6 b
DAPHNÉ.
Le choix d'elle et de nousest assez inégal. 6+6 a
MYRTIL.
310 Nymphes, au nom des dieux,n'en dites point de mal, 6+6 a
Daignez considérer,de grâce, que je l'aime, 6+6 b
Et ne me jetez pointdans un désordre extrême. 6+6 b
Si j'outrage en l'aimantvos célestes attraits, 6+6 a
Elle n'a point de partau crime que je fais : 6+6 a
315 C'est de moi, s'il vous plt,que vient toute l'offense. 6+6 b
Il est vrai, d'elle à vous,je sais la différence, 6+6 b
Mais par sa destinéeon se trouve enchné, 6+6 a
Et je sens bien enfinque le ciel m'a donné 6+6 a
Pour vous tout le respect,Nymphes, imaginable : 6+6 b
320 Pour elle tout l'amourdont une âme est capable. 6+6 b
Je vois à la rougeurqui vient de vous saisir, 6+6 a
Que ce que je vous disne vous fait pas plaisir. 6+6 a
Si vous parlez, mon cœurappréhende d'entendre 6+6 b
Ce qui peut le blesserpar l'endroit le plus tendre : 6+6 b
325 Et pour me déroberà de semblables coups, 6+6 a
Nymphes, j'aime bien mieuxprendre congé de vous. 6+6 a
LYCARSIS.
Myrtil, hola, Myrtil,veux-tu revenir, trtre. 6+6 b
Il fuit, mais on verraqui de nous est le mtre. 6+6 b
Ne vous effrayez pointde tous ces vains transports, 6+6 a
330 Vous l'aurez pour époux,j'en réponds corps pour corps. 6+6 a
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE
MÉLICERTE.
Ah, Corinne, tu viensde l'apprendre de Stelle, 6+6 b
Et c'est de Lycarsisqu'elle tient la nouvelle. 6+6 b
CORINNE.
Oui.
MÉLICERTE.
Que les qualitésdont Myrtil est orné, 6+6 a
Ont su toucher d'amourÉroxène et Daphné ? 6+6 a
CORINNE.
Oui.
MÉLICERTE.
335 Que pour l'obtenirleur ardeur est si grande, 6+6 b
Qu'ensemble elles en ontdéjà fait la demande, 6+6 b
Et que dans ce débatelles ont fait dessein 6+6 a
De passer dès cette heureà recevoir sa main. 6+6 a
Ah, que tes mots ont peineà sortir de ta bouche, 6+6 b
340 Et que c'est faiblementque mon souci te touche. 6+6 b
CORINNE.
Mais quoi, que voulez-vous,c'est là la vérité, 6+6 a
Et vous redites toutcomme je l'ai conté. 6+6 a
MÉLICERTE.
Mais comment Lycarsisreçoit-il cette affaire ? 6+6 b
CORINNE.
Comme un honneur, je crois,qui doit beaucoup lui plaire. 6+6 b
MÉLICERTE.
345 Et ne vois-tu pas bien,toi qui sais mon ardeur, 6+6 a
Qu'avec ce mot, hélas !Tu me perces le cœur ? 6+6 a
CORINNE.
Comment ?
MÉLICERTE.
Me mettre aux yeuxque le sort implacable 6+6 b
Auprès d'elles me rendtrop peu considérable, 6+6 b
Et qu'à moi par leur rangon les va préférer, 6+6 a
350 N'est-ce pas une idéeà me désespérer ? 6+6 a
CORINNE.
Mais quoi ? Je vous réponds,et dis ce que je pense. 6+6 b
MÉLICERTE.
Ah, tu me fais mourirpar ton indifférence. 6+6 b
Mais dis, quels sentimentsMyrtil a-t-il fait voir ? 6+6 a
CORINNE.
Je ne sais.
MÉLICERTE.
Et c'est làce qu'il fallait savoir, 6+6 a
Cruelle.
CORINNE.
355 En vérité,je ne sais comment faire, 6+6 b
Et de tous les côtésje trouve à vous déplaire. 6+6 b
MÉLICERTE.
C'est que tu n'entres pointdans tous les mouvements 6+6 a
D'un cœur, hélas remplide tendres sentiments. 6+6 a
Va-t'en, laisse-moi seuleen cette solitude 6+6 b
360 Passer quelques momentsde mon inquiétude. 6+6 b
SCÈNE II
MÉLICERTE.
Vous le voyez, mon cœur,ce que c'est que d'aimer, 6+6 a
Et Bélise avait sutrop bien m'en informer. 6+6 a
Cette charmante mèreavant sa destinée, 6+6 b
Me disait une fois,sur le bord du Pénée. 6+6 b
365 Ma fille, songe à toi :l'amour aux jeunes cœurs 6+6 a
Se présente toujoursentouré de douceurs. 6+6 a
D'abord il n'offre aux yeuxque choses agréables : 6+6 b
Mais il trne après luides troubles effroyables. 6+6 b
Et si tu veux passertes jours dans quelque paix, 6+6 a
370 Toujours, comme d'un mal,défends-toi de ses traits. 6+6 a
De ces leçons, mon cœur,je m'étais souvenue : 6+6 b
Et quand Myrtil venaità s'offrir à ma vue, 6+6 b
Qu'il jouait avec moi,qu'il me rendait des soins, 6+6 a
Je vous disais toujoursde vous y plaire moins, 6+6 a
375 Vous ne me crûtes point ;et votre complaisance 6+6 b
Se vit bientôt changéeen trop de bienveillance. 6+6 b
Dans ce naissant amourqui flattait vos désirs, 6+6 a
Vous ne vous figuriezque joie et que plaisirs : 6+6 a
Cependant vous voyezla cruelle disgrâce, 6+6 b
380 Dont en ce triste jourle destin vous menace, 6+6 b
Et la peine mortelle vous voilà réduit ! 6+6 a
Ah, mon cœur ! Ah, mon cœur !Je vous l'avais bien dit : 6+6 a
Mais tenons, s'il se peut,notre douleur couverte. 6+6 b
Voici
SCÈNE III
MYRTIL.
J'ai fait tantôt,charmante Mélicerte, 6+6 b
385 Un petit prisonnierque je garde pour vous, 6+6 a
Et dont peut-être un jourje deviendrai jaloux. 6+6 a
C'est un jeune moineau,qu'avec un soin extrême 6+6 b
Je veux pour vous l'offrirapprivoiser moi-même. 6+6 b
Le présent n'est pas grand ;mais les divinités 6+6 a
390 Ne jettent leurs regardsque sur les volontés. 6+6 a
C'est le cœur qui fait tout,et jamais la richesse 6+6 b
Des présents que … Mais, ciel,d' vient cette tristesse ? 6+6 b
Qu'avez-vous, Mélicerte,et quel sombre chagrin 6+6 a
Serait dans vos beaux yeuxrépandu ce matin ? 6+6 a
395 Vous ne répondez point ?Et ce morne silence 6+6 b
Redouble encor ma peineet mon impatience. 6+6 b
Parlez, de quel ennuiressentez-vous les coups ? 6+6 a
Qu'est-ce donc ?
MÉLICERTE.
Ce n'est rien.
MYRTIL.
Ce n'est rien, dites-vous ? 6+6 a
Et je vois cependantvos yeux couverts de larmes, 6+6 b
400 Cela s'accorde-t-il,beauté pleine de charmes ? 6+6 b
Ah, Ne me faites pointun secret dont je meurs, 6+6 a
Et m'expliquez, hélas !Ce que disent ces pleurs. 6+6 a
MÉLICERTE.
Rien ne me serviraitde vous le faire entendre. 6+6 b
MYRTIL.
Devez-vous rien avoirque je ne doive apprendre, 6+6 b
405 Et ne blessez-vous pasnotre amour aujourd'hui, 6+6 a
De vouloir me volerma part de votre ennui ? 6+6 a
Ah, ne le cachez pointà l'ardeur qui m'inspire. 6+6 b
MÉLICERTE.
Hé bien, Myrtil, hé bien,il faut donc vous le dire : 6+6 b
J'ai su que par un choixplein de gloire pour vous, 6+6 a
410 Éroxène et Daphnévous veulent pour époux : 6+6 a
Et je vous avoueraique j'ai cette faiblesse, 6+6 b
De n'avoir pu, Myrtil,le savoir sans tristesse, 6+6 b
Sans accuser du sortla rigoureuse loi, 6+6 a
Qui les rend dans leurs vœuxpréférables à moi. 6+6 a
MYRTIL.
415 Et vous pouvez l'avoir,cette injuste tristesse, 6+6 b
Vous pouvez souonnermon amour de faiblesse, 6+6 b
Et croire qu'engagépar des charmes si doux, 6+6 a
Je puisse être jamaisà quelque autre qu'à vous ? 6+6 a
Que je puisse accepterune autre main offerte ? 6+6 b
420 Hé ! Que vous ai-je fait,cruelle Mélicerte, 6+6 b
Pour traiter ma tendresseavec tant de rigueur, 6+6 a
Et faire un jugementsi mauvais de mon cœur ? 6+6 a
Quoi, faut-il que de luivous ayez quelque crainte, 6+6 b
Je suis bien malheureuxde souffrir cette atteinte : 6+6 b
425 Et que me sert d'aimercomme je fais, hélas, 6+6 a
Si vous êtes si prêteà ne le croire pas. 6+6 a
MÉLICERTE.
Je pourrais moins, Myrtil,redouter ces rivales, 6+6 b
Si les choses étaientde part et d'autre égales, 6+6 b
Et dans un rang pareilj'oserais espérer, 6+6 a
430 Que peut-être l'amourme ferait préférer : 6+6 a
Mais l'inégalitéde bien et de naissance, 6+6 b
Qui peut d'elles à moifaire la différence 6+6 b
MYRTIL.
Ah, leur rang de mon cœurne viendra point à bout, 6+6 a
Et vos divins appasvous tiennent lieu de tout. 6+6 a
435 Je vous aime, il suffit,et dans votre personne, 6+6 b
Je vois rang, biens, trésors,états, sceptres, couronne, 6+6 b
Et des Rois les plus grandsm'offrît-on le pouvoir, 6+6 a
Je n'y changerais pasle bien de vous avoir. 6+6 a
C'est une véritétoute sincère et pure, 6+6 b
440 Et pouvoir en douterest me faire une injure. 6+6 b
MÉLICERTE.
Hé bien, je crois, Myrtil,puisque vous le voulez, 6+6 a
Que vos vœux par leur rangne sont point ébranlés, 6+6 a
Et que bien qu'elles soientnobles, riches et belles, 6+6 b
Votre cœur m'aime assezpour me mieux aimer qu'elles : 6+6 b
445 Mais ce n'est pas l'amourdont vous suivez la voix, 6+6 a
Votre père, Myrtil,réglera votre choix, 6+6 a
Et de même qu'à vousje ne lui suis pas chère, 6+6 b
Pour préférer à toutune simple bergère. 6+6 b
MYRTIL.
Non, chère Mélicerte,il n'est père ni dieux 6+6 a
450 Qui me puissent forcerà quitter vos beaux yeux, 6+6 a
Et toujours de mes vœux,Reine comme vous êtes … 6+6 b
MÉLICERTE.
Ah, Myrtil, prenez gardeà ce qu'ici vous faites, 6+6 b
N'allez point présenterun espoir à mon cœur, 6+6 a
Qu'il recevrait peut-êtreavec trop de douceur, 6+6 a
455 Et qui, tombant aprèscomme un éclair qui passe, 6+6 b
Me rendrait plus cruelle coup de ma disgrâce. 6+6 b
MYRTIL.
Quoi ? Faut-il des sermentsappeler le secours, 6+6 a
Lorsque l'on vous prometde vous aimer toujours ? 6+6 a
Que vous vous faites tortpar de telles alarmes, 6+6 b
460 Et connaissez bien peule pouvoir de vos charmes. 6+6 b
Hé bien, puisqu'il le faut,je jure par les Dieux ; 6+6 a
Et si ce n'est assez,je jure par vos yeux, 6+6 a
Qu'on me tuera plutôtque je vous abandonne, 6+6 b
Recevez-en icila foi que je vous donne, 6+6 b
465 Et souffrez que ma boucheavec ravissement, 6+6 a
Sur cette belle mainen signe le serment. 6+6 a
MÉLICERTE.
Ah, Myrtil, levez-vous,de peur qu'on ne vous voie. 6+6 b
MYRTIL.
Est-il rien … ? Mais, ô ciel !On vient troubler ma joie. 6+6 b
SCÈNE IV
LYCARSIS.
Ne vous contraignez paspour moi.
MÉLICERTE.
Quel sort fâcheux ! 6+6 a
LYCARSIS.
470 Cela ne va pas mal,continuez tous deux. 6+6 a
Peste, mon petit fils,que vous avez l'air tendre, 6+6 b
Et qu'en mtre déjàvous savez vous y prendre. 6+6 b
Vous a-t-il, ce savant,qu'Athènes exila, 6+6 a
Dans sa philosophieappris ces choses-là : 6+6 a
475 Et vous qui lui donnezde si douce manière 6+6 b
Votre main à baiser,la gentille bergère, 6+6 b
L'honneur vous apprend-ilces mignardes douceurs, 6+6 a
Par qui vous débauchezainsi les jeunes cœurs ? 6+6 a
MYRTIL.
Ah, quittez de ces motsl'outrageante bassesse, 6+6 b
480 Et ne m'accablez pointd'un discours qui la blesse. 6+6 b
LYCARSIS.
Je veux lui parler moi,toutes ces amitiés … 6+6 a
MYRTIL.
Je ne souffrirai pointque vous la maltraitiez. 6+6 a
À du respect pour vousla naissance m'engage, 6+6 b
Mais je saurai sur moipour punir de l'outrage : 6+6 b
485 Oui, j'atteste le Ciel,que si contre mes vœux, 6+6 a
Vous lui dites encorle moindre mot fâcheux, 6+6 a
Je vais avec ce fer,qui m'en fera justice, 6+6 b
Au milieu de mon seinvous chercher un supplice, 6+6 b
Et par mon sang versélui marquer promptement 6+6 a
490 L'éclatant désaveude votre emportement. 6+6 a
MÉLICERTE.
Non, non, ne croyez pasqu'avec art je l'enflamme, 6+6 b
Et que mon dessein soitde séduire son âme : 6+6 b
S'il s'attache à me voir,et me veut quelque bien, 6+6 a
C'est de son mouvement,je ne l'y force en rien. 6+6 a
495 Ce n'est pas que mon cœurveuille ici se défendre, 6+6 b
De répondre à ses vœuxd'une ardeur assez tendre. 6+6 b
Je l'aime, je l'avoue,autant qu'on puisse aimer : 6+6 a
Mais cet amour n'a rienqui vous doive alarmer. 6+6 a
Et pour vous arrachertoute injuste créance, 6+6 b
500 Je vous promets icid'éviter sa présence ; 6+6 b
De faire place au choix vous vous résoudrez, 6+6 a
Et ne souffrir ses vœuxque quand vous le voudrez. 6+6 a
SCÈNE V
MYRTIL.
Et bien, vous triomphezavec cette retraite, 6+6 b
Et dans ces mots votre âmea ce qu'elle souhaite : 6+6 b
505 Mais apprenez qu'en vainvous vous réjouissez, 6+6 a
Que vous serez trompédans ce que vous pensez, 6+6 a
Et qu'avec tous vos soins,toute votre puissance, 6+6 b
Vous ne gagnerez riensur ma persévérance. 6+6 b
LYCARSIS.
Comment, à quel orgueil,fripon, vous vois-je aller ? 6+6 a
510 Est-ce de la façonque l'on me doit parler ? 6+6 a
MYRTIL.
Oui, j'ai tort, il est vrai,mon transport n'est pas sage : 6+6 b
Pour rentrer au devoir,je change de langage, 6+6 b
Et je vous prie ici,mon père, au nom des Dieux, 6+6 a
Et par tout ce qui peutvous être précieux, 6+6 a
515 De ne vous point servir,dans cette conjoncture, 6+6 b
Des fiers droits que sur moivous donne la nature. 6+6 b
Ne m'empoisonnez pointvos bienfaits les plus doux, 6+6 a
Le jour est un présentque j'ai reçu de vous : 6+6 a
Mais de quoi vous serai-jeaujourd'hui redevable, 6+6 b
520 Si vous me l'allez rendre,hélas, insupportable ? 6+6 b
Il est sans Mélicerte,un supplice à mes yeux : 6+6 a
Sans ses divins appas ;rien ne m'est précieux, 6+6 a
Ils font tout mon bonheur,et toute mon envie, 6+6 b
Et si vous me l'ôtez,vous m'arrachez la vie. 6+6 b
LYCARSIS.
525 Aux douleurs de son âmeil me fait prendre part. 6+6 a
Qui l'aurait jamais crude ce petit pendard ? 6+6 a
Quel amour, quels transports,quels discours pour son âge : 6+6 b
J'en suis confus, et sensque cet amour m'engage. 6+6 b
MYRTIL.
Voyez, me voulez-vousordonner de mourir ? 6+6 a
530 Vous n'avez qu'à parler,je suis prêt d'obéir. 6+6 a
LYCARSIS.
Je ne puis plus tenir :il m'arrache des larmes, 6+6 b
Et ces tendres proposme font rendre les armes. 6+6 b
MYRTIL.
Que si dans votre cœurun reste d'amitié, 6+6 a
Vous peut de mon destindonner quelque pitié, 6+6 a
535 Accordez Mélicerteà mon ardente envie, 6+6 b
Et vous ferez bien plusque me donner la vie. 6+6 b
LYCARSIS.
Lève-toi.
MYRTIL.
Serez-voussensible à mes soupirs ? 6+6 a
LYCARSIS.
Oui.
MYRTIL.
J'obtiendrai de vousl'objet de mes désirs. 6+6 a
LYCARSIS.
Oui.
MYRTIL.
Vous ferez pour moique son oncle l'oblige 6+6 b
À me donner sa main.
LYCARSIS.
540 Oui, lève-toi, te dis-je. 6+6 b
MYRTIL.
Ô Père, le meilleurqui jamais ait été, 6+6 a
Que je baise vos mains,après tant de bonté. 6+6 a
LYCARSIS.
Ah, que pour ses enfantsun père a de faiblesse ! 6+6 b
Peut-on rien refuserà leurs mots de tendresse; 6+6 b
545 Et ne se sent-on pascertains mouvements doux, 6+6 a
Quand on vient à songerque cela sort de vous ? 6+6 a
MYRTIL.
Me tiendrez-vous au moinsla parole avancée. 6+6 b
Ne changerez-vous point,dites-moi, de pensée ? 6+6 b
LYCARSIS.
Non.
MYRTIL.
Me permettez-vousde vous désobéir, 6+6 a
550 Si de ces sentimentson vous fait revenir : 6+6 a
Prononcez le mot.
LYCARSIS.
Oui.Ha, nature ! Nature ! 6+6 b
Je m'en vais trouver Mopse,et lui faire ouverture 6+6 b
De l'amour que sa nièceet toi vous vous portez. 6+6 a
MYRTIL.
Ah ! Que ne dois-je pointà vos rares bontés : 6+6 a
555 Quelle heureuse nouvelleà dire à Mélicerte, 6+6 b
Je n'accepterais pasune couronne offerte, 6+6 b
Pour le plaisir que j'aide courir lui porter, 6+6 a
Ce merveilleux succèsqui la doit contenter. 6+6 a
SCÈNE VI
ACANTE.
Ah, Myrtil, vous avezdu ciel reçu des charmes, 6+6 b
560 Qui nous ont préparédes matières de larmes, 6+6 b
Et leur naissant éclatfatal à nos ardeurs, 6+6 a
De ce que nous aimonsnous enlèvent les cœurs. 6+6 a
TYRÈNE.
Peut-on savoir, Myrtil,vers qui de ces deux belles, 6+6 b
Vous tournerez ce choixdont courent les nouvelles, 6+6 b
565 Et sur qui doit de noustomber ce coup affreux, 6+6 a
Dont se voit foudroyétout l'espoir de nos vœux ? 6+6 a
ACANTE.
Ne faites point languirdeux amants davantage, 6+6 b
Et nous dites quel sortvotre cœur nous partage. 6+6 b
TYRÈNE.
Il vaut mieux, quand on craintces malheurs éclatants, 6+6 a
570 En mourir tout d'un coup,que trner si longtemps. 6+6 a
MYRTIL.
Rendez, nobles bergers,le calme à votre flamme : 6+6 b
La belle Mélicertea captivé mon âme ; 6+6 b
Auprès de cet objetmon sort est assez doux, 6+6 a
Pour ne pas consentirà rien prendre sur vous ; 6+6 a
575 Et si vos vœux enfinn'ont que les miens à craindre, 6+6 b
Vous n'aurez, l'un ni l'autre,aucun lieu de vous plaindre. 6+6 b
ACANTE.
Ah ! Myrtil, se peut-ilque deux tristes amants … ? 6+6 a
TYRÈNE.
Est-il vrai que le ciel,sensible à nos tourments … ? 6+6 a
MYRTIL.
Oui, content de mes ferscomme d'une victoire, 6+6 b
580 Je me suis excuséde ce choix plein de gloire : 6+6 b
J'ai de mon père encorchangé les volontés, 6+6 a
Et l'ai fait consentirà mes félicités. 6+6 a
ACANTE.
Ah, que cette aventureest un charmant miracle, 6+6 b
Et qu'à notre poursuiteelle ôte un grand obstacle. 6+6 b
TYRÈNE.
585 Elle peut renvoyerces nymphes à nos vœux, 6+6 a
Et nous donner moyend'être contents tous deux. 6+6 a
SCÈNE VII
NICANDRE.
Savez-vous en quel lieuMélicerte est cachée ? 6+6 b
MYRTIL.
Comment ?
NICANDRE.
En diligenceelle est partout cherchée. 6+6 b
MYRTIL.
Et pourquoi ?
NICANDRE.
Nous allonsperdre cette beauté. 6+6 a
590 C'est pour elle qu'icile roi s'est transporté, 6+6 a
Avec un grand Seigneuron dit qu'il la marie. 6+6 b
MYRTIL.
Ô ciel ! Expliquez-moice discours, je vous prie. 6+6 b
NICANDRE.
Ce sont des incidentsgrands et mystérieux : 6+6 a
Oui, le Roi vient chercherMélicerte en ces lieux ; 6+6 a
595 Et l'on dit qu'autrefoisfeu Bélise sa mère, 6+6 b
Dont tout Tempé croyaitque Mopse était le frère : 6+6 b
Mais je me suis chargéde la chercher partout, 6+6 a
Vous saurez tout celatantôt, de bout en bout. 6+6 a
MYRTIL.
Ah, Dieux, quelle rigueur,hé Nicandre, Nicandre ! 6+6 b
ACANTE.
600 Suivons aussi ses pas,afin de tout apprendre. 6+6 b
Cette comédie n'a point été achevée, il n'y avait que ces deux actes de faits lorsque le Roi la demanda. Sa majesté en ayant été satisfaite pour la Fête où elle fut représentée, la Sieur de Molière ne l'a point finie.
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6
type du poème inséré (1) : suite de strophes
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