Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
MOL7/MOL7
MOLIÈRE
(Jean-Baptiste de Poquelin)
1656
LE DÉPIT AMOUREUX
Comédie
ACTEURS
ÉRASTE amant de Lucile
ALBERT père de Lucile
GROS RENÉ valet d'Eraste
VALÈRE fils de Polydore
LUCILE fille d'Albert
MARINETTE suivante de Lucile
POLYDORE père de Valère
FROSINE confidente d'Ascagne
ASCAGNE fille sous l'habit d'homme
MASCARILLE valet de Valère
MÉTAPHRASTE pédant
LA RAPIÈRE bretteur
ACTE I
SCÈNE PREMIÈRE
ÉRASTE
Veux-tu que je te dise ?Une atteinte secrète 6+6 a
Ne laisse point mon âmeen une bonne assiette : 6+6 a
Oui, quoi qu'à mon amourtu puisses repartir, 6+6 b
Il craint d'être la dupe,à ne te point mentir ; 6+6 b
5 Qu'en faveur d'un rivalta foi ne se corrompe, 6+6 a
Ou du moins qu'avec moitoi-même on ne te trompe. 6+6 a
GROS RENÉ
Pour moi, me souonnerde quelque mauvais tour, 6+6 b
Je dirai, n'en déplaiseà monsieur votre amour, 6+6 b
Que c'est injustementblesser ma prudhomie 6+6 a
10 Et se conntre malen physionomie. 6+6 a
Les gens de mon minoisne sont point accusés 6+6 b
D'être, grâces à Dieu,ni fourbes, ni rusés. 6+6 b
Cet honneur qu'on nous fait,je ne le démens guères, 6+6 a
Et suis homme fort rondde toutes les manières. 6+6 a
15 Pour que l'on me trompât,cela se pourrait bien : 6+6 b
Le doute est mieux fondé ;pourtant je n'en crois rien. 6+6 b
Je ne vois point encore,ou je suis une bête, 6+6 a
Sur quoi vous avez puprendre martel en tête. 6+6 a
Lucile, à mon avis,vous montre assez d'amour : 6+6 b
20 Elle vous voit, vous parleà toute heure du jour ; 6+6 b
Et Valère, après tout,qui cause votre crainte, 6+6 a
Semble n'être à présentsouffert que par contrainte. 6+6 a
ÉRASTE
Souvent d'un faux espoirun amant est nourri : 6+6 b
Le mieux reçu toujoursn'est pas le plus chéri ; 6+6 b
25 Et tout ce que d'ardeurfont partre les femmes 6+6 a
Parfois n'est qu'un beau voileà couvrir d'autres flammes. 6+6 a
Valère enfin, pour êtreun amant rebuté, 6+6 b
Montre depuis un tempstrop de tranquillité ; 6+6 b
Et ce qu'à ces faveurs,dont tu crois l'apparence, 6+6 a
30 Il témoigne de joieou bien d'indifférence 6+6 a
M'empoisonne à tous coupsleurs plus charmants appas, 6+6 b
Me donne ce chagrinque tu ne comprends pas, 6+6 b
Tient mon bonheur en doute,et me rend difficile 6+6 a
Une entière croyanceaux propos de Lucile. 6+6 a
35 Je voudrais, pour trouverun tel destin plus doux, 6+6 b
Y voir entrer un peude son transport jaloux ; 6+6 b
Et sur ses déplaisirset son impatience 6+6 a
Mon âme prendrait lorsune pleine assurance. 6+6 a
Toi-même penses-tuqu'on puisse, comme il fait, 6+6 b
40 Voir chérir un rivald'un esprit satisfait ? 6+6 b
Et si tu n'en crois rien,dis-moi, je t'en conjure, 6+6 a
Si j'ai lieu de rêverdessus cette aventure. 6+6 a
GROS RENÉ
Peut-être que son cœura changé de désirs, 6+6 b
Connaissant qu'il poussaitd'inutiles soupirs. 6+6 b
ÉRASTE
45 Lorsque par les rebutsune âme est détachée, 6+6 a
Elle veut fuir l'objetdont elle fut touchée, 6+6 a
Et ne rompt point sa chneavec si peu d'éclat, 6+6 b
Qu'elle puisse resteren un paisible état. 6+6 b
De ce qu'on a chérila fatale présence 6+6 a
50 Ne nous laisse jamaisdedans l'indifférence ; 6+6 a
Et si de cette vueon n'accrt son dédain, 6+6 b
Notre amour est bien prèsde nous rentrer au sein ; 6+6 b
Enfin, crois-moi, si bienqu'on éteigne une flamme, 6+6 a
Un peu de jalousieoccupe encore une âme, 6+6 a
55 Et l'on ne saurait voir,sans en être piqué, 6+6 b
Posséder par un autreun cœur qu'on a manqué. 6+6 b
GROS RENÉ
Pour moi, je ne sais pointtant de philosophie : 6+6 a
Ce que voyent mes yeux,franchement je m'y fie, 6+6 a
Et ne suis point de moisi mortel ennemi, 6+6 b
60 Que je m'aille affligersans sujet ni demi. 6+6 b
Pourquoi subtiliseret faire le capable 6+6 a
À chercher des raisonspour être misérable 6+6 a
Sur des souons en l'airje m'irais alarmer ! 6+6 b
Laissons venir la fêteavant que la chômer. 6+6 b
65 Le chagrin me partune incommode chose ; 6+6 a
Je n'en prends point pour moisans bonne et juste cause, 6+6 a
Et mêmes à mes yeuxcent sujets d'en avoir 6+6 b
S'offrent le plus souvent,que je ne veux pas voir. 6+6 b
Avec vous en amourje cours même fortune ; 6+6 a
70 Celle que vous aurezme doit être commune : 6+6 a
La mtresse ne peutabuser votre foi, 6+6 b
À moins que la suivanteen fasse autant pour moi ; 6+6 b
Mais j'en fuis la penséeavec un soin extrême. 6+6 a
Je veux croire les gensquand on me dit Je t'aime, 6+6 a
75 Et ne vais point chercher,pour m'estimer heureux, 6+6 b
Si Mascarille ou nons'arrache les cheveux. 6+6 b
Que tantôt Marinetteendure qu'à son aise 6+6 a
Jodelet par plaisirla caresse et la baise, 6+6 a
Et que ce beau rivalen rie ainsi qu'un fou, 6+6 b
80 À son exemple aussij'en rirai tout mon sl, 6+6 b
Et l'on verra qui ritavec meilleure grâce. 6+6 a
ÉRASTE
Voilà de tes discours.
GROS RENÉ
Mais je la vois qui passe. 6+6 a
SCÈNE II
GROS RENÉ
Zzzst, Marinette !
MARINETTE
Oh ! Oh !Que fais-tu là ?
GROS RENÉ
Ma foi, 6+6 b
Demande, nous étionstout à l'heure sur toi. 6+6 b
MARINETTE
85 Vous êtes aussi là,Monsieur ! Depuis une heure 6+6 a
Vous m'avez fait trottercomme un Basque, je meure ! 6+6 a
ÉRASTE
Comment ?
MARINETTE
Pour vous chercherj'ai fait dix mille pas, 6+6 b
Et vous promets, ma foi
ÉRASTE
Quoi ?
MARINETTE
Que vous n'êtes pas 6+6 b
Au temple, au cours, chez vous,ni dans la grande place. 6+6 a
GROS RENÉ
Il falloit en jurer.
ÉRASTE
90 Apprends-moi donc, de grâce, 6+6 a
Qui te fait me chercher ?
MARINETTE
Quelqu'un, en vérité, 6+6 b
Qui pour vous n'a pas tropmauvaise volonté, 6+6 b
Ma mtresse, en un mot.
ÉRASTE
Ah ! Chère Marinette, 6+6 a
Ton discours de son cœurest-il bien l'interprète ? 6+6 a
95 Ne me déguise pointun mystère fatal ; 6+6 b
Je ne t'en voudrai paspour cela plus de mal : 6+6 b
Au nom des dieux, dis-moisi ta belle mtresse 6+6 a
N'abuse point mes vœuxd'une fausse tendresse. 6+6 a
MARINETTE
Hé ! Hé ! D' vous vient doncce plaisant mouvement ? 6+6 b
100 Elle ne fait pas voirassez son sentiment ! 6+6 b
Quel garant est-ce encorque votre amour demande ? 6+6 a
Que lui faut-il ?
GROS RENÉ
À moinsque Valère se pende, 6+6 a
Bagatelle ! Son cœurne s'assurera point. 6+6 b
MARINETTE
Comment ?
GROS RENÉ
Il est jalouxjusques en un tel point. 6+6 b
MARINETTE
105 De Valère ? Ah ! Vraimentla pensée est bien belle ! 6+6 a
Elle peut seulementntre en votre cervelle. 6+6 a
Je vous croyais du sens,et jusqu'à ce moment 6+6 b
J'avais de votre espritquelque bon sentiment ; 6+6 b
Mais, à ce que je vois,je m'étais fort trompée. 6+6 a
110 Ta tête de ce malest-elle aussi frappée ? 6+6 a
GROS RENÉ
Moi, jaloux ? Dieu m'en garde,et d'être assez badin 6+6 b
Pour m'aller emmaigriravec un tel chagrin ! 6+6 b
Outre que de ton cœurta foi me cautionne, 6+6 a
L'opinion que j'aide moi-même est trop bonne 6+6 a
115 Pour croire auprès de moique quelqu'autre te plût. 6+6 b
diantre pourrais-tutrouver qui me valût ? 6+6 b
MARINETTE
En effet, tu dis bien,voilà comme il faut être : 6+6 a
Jamais de ces souonsqu'un jaloux fait partre ! 6+6 a
Tout le fruit qu'on en cueilleest de se mettre mal, 6+6 b
120 Et d'avancer par làles desseins d'un rival : 6+6 b
Au mérite souventde qui l'éclat vous blesse 6+6 a
Vos chagrins font ouvrirles yeux d'une mtresse ; 6+6 a
Et j'en sais tel qui doitson destin le plus doux 6+6 b
Aux soins trop inquietsde son rival jaloux ; 6+6 b
125 Enfin, quoi qu'il en soit,témoigner de l'ombrage, 6+6 a
C'est jouer en amourun mauvais personnage, 6+6 a
Et se rendre, après tout,misérable à crédit : 6+6 b
Cela, seigneur Éraste,en passant vous soit dit. 6+6 b
ÉRASTE
Eh bien ! N'en parlons plus.Que venais-tu m'apprendre ? 6+6 a
MARINETTE
130 Vous mériteriez bienque l'on vous fît attendre, 6+6 a
Qu'afin de vous punirje vous tinsse caché 6+6 b
Le grand secret pourquoije vous ai tant cherché. 6+6 b
Tenez, voyez ce mot,et sortez hors de doute : 6+6 a
Lisez-le donc tout haut,personne ici n'écoute. 6+6 a
ÉRASTE, lit
135  Vous m'avez dit que votre amour 8 a
 Était capable de tout faire : 8 b
Il se couronneralui-même dans ce jour, 6+6 a
 S'il peut avoir l'aveu d'un père. 8 b
Faites parler les droitsqu'on a dessus mon cœur ; 6+6 c
140  Je vous en donne la licence ; 8 d
 Et si c'est en votre faveur, 8 c
 Je vous répondsde mon obéissance. 4+6 d
Ah ! Quel bonheur ! ô toi,qui me l'as apporté, 6+6 b
Je te dois regardercomme une déité. 6+6 b
GROS RENÉ
145 Je vous le disais bien :contre votre croyance, 6+6 a
Je ne me trompe guèreaux choses que je pense. 6+6 a
ÉRASTE, lit
« Faites parler les droitsqu'on a dessus mon cœur ; 6+6 a
 Je vous en donne la licence ; 8 b
 Et si c'est en votre faveur, 8 a
150  Je vous répondsde mon obéissance. » 4+6 b
MARINETTE
Si je lui rapportaisvos faiblesses d'esprit, 6+6 b
Elle désavoueraitbientôt un tel écrit. 6+6 b
ÉRASTE
Ah ! Cache-lui, de grâce,une peur passagère, 6+6 a
mon âme a cru voirquelque peu de lumière ; 6+6 a
155 Ou si tu la lui dis,ajoute que ma mort 6+6 b
Est prête d'expierl'erreur de ce transport, 6+6 b
Que je vais à ses pieds,si j'ai pu lui déplaire, 6+6 a
Sacrifier ma vieà sa juste colère. 6+6 a
MARINETTE
Ne parlons point de mort,ce n'en est pas le temps. 6+6 b
ÉRASTE
160 Au reste, je te doisbeaucoup, et je prétends 6+6 b
Reconntre dans peu,de la bonne manière, 6+6 a
Les soins d'une si nobleet si belle courrière. 6+6 a
MARINETTE
À propos, savez-vous je vous ai cherché 6+6 b
Tantôt encore ?
ÉRASTE
Hé bien ?
MARINETTE
Tout proche du marché, 6+6 b
vous savez.
ÉRASTE
donc ?
MARINETTE
165 Là, dans cette boutique 6+6 a
, dès le mois passé,votre cœur magnifique 6+6 a
Me promit, de sa grâce,une bague.
ÉRASTE
Ah ! J'entends. 6+6 b
GROS RENÉ
La matoise !
ÉRASTE
Il est vrai,j'ai tardé trop longtemps 6+6 b
À m'acquitter vers toid'une telle promesse, 6+6 a
Mais …
MARINETTE
170 Ce que j'en ai dit,n'est pas que je vous presse. 6+6 a
GROS RENÉ
Oh ! Que non !
ÉRASTE
Celle-cipeut-être aura de quoi 6+6 b
Te plaire : accepte-lapour celle que je dois. 6+6 b
MARINETTE
Monsieur, vous vous moquez ;j'aurais honte à la prendre. 6+6 a
GROS RENÉ
Pauvre honteuse, prends,sans davantage attendre : 6+6 a
175 Refuser ce qu'on donneest bon à faire aux fous. 6+6 b
MARINETTE
Ce sera pour garderquelque chose de vous. 6+6 b
ÉRASTE
Quand puis-je rendre grâceà cet ange adorable ? 6+6 a
MARINETTE
Travaillez à vous rendreun père favorable. 6+6 a
ÉRASTE
Mais s'il me rebutait,dois-je
MARINETTE
Alors comme alors ! 6+6 b
180 Pour vous on emploieratoutes sortes d'efforts ; 6+6 b
D'une façon ou d'autre,il faut qu'elle soit vôtre : 6+6 a
Faites votre pouvoir,et nous ferons le nôtre. 6+6 a
ÉRASTE
Adieu : nous en sauronsle succès dans ce jour. 6+6 b
MARINETTE
Et nous, que dirons-nousaussi de notre amour ? 6+6 b
Tu ne m'en parles point.
GROS RENÉ
185 Un hymen qu'on souhaite, 6+6 a
Entre gens comme nous,est chose bientôt faite : 6+6 a
Je te veux ; me veux-tude même ?
MARINETTE
Avec plaisir. 6+6 b
GROS RENÉ
Touche, il suffit.
MARINETTE
Adieu,Gros-René, mon désir. 6+6 b
GROS RENÉ
Adieu, mon astre.
MARINETTE
Adieu,beau tison de ma flamme. 6+6 a
GROS RENÉ
190 Adieu, chère comète,arc-en-ciel de mon âme. 6+6 a
Le bon Dieu soit loué !Nos affaires vont bien : 6+6 b
Albert n'est pas un hommeà vous refuser rien. 6+6 b
ÉRASTE
Valère vient à nous.
GROS RENÉ
Je plains le pauvre hère, 6+6 a
Sachant ce qui se passe.
SCÈNE III
ÉRASTE
Hé bien, seigneur Valère ? 6+6 a
VALÈRE
Hé bien, seigneur Éraste ?
ÉRASTE
195 En quel état l'amour ? 6+6 b
VALÈRE
En quel état vos feux ?
ÉRASTE
Plus forts de jour en jour. 6+6 b
VALÈRE
Et mon amour plus fort.
ÉRASTE
Pour Lucile ?
VALÈRE
Pour elle. 6+6 a
ÉRASTE
Certes, je l'avouerai,vous êtes le modèle 6+6 a
D'une rare constance.
VALÈRE
Et votre fermeté 6+6 b
200 Doit être un rare exempleà la postérité. 6+6 b
ÉRASTE
Pour moi, je suis peu faità cet amour austère 6+6 a
Qui dans les seuls regardstrouve à se satisfaire, 6+6 a
Et je ne forme pointd'assez beaux sentiments 6+6 b
Pour souffrir constammentles mauvais traitements : 6+6 b
205 Enfin, quand j'aime bien,j'aime fort que l'on m'aime. 6+6 a
VALÈRE
Il est très naturel,et j'en suis bien de même : 6+6 a
Le plus parfait objetdont je serais charmé 6+6 b
N'aurait pas mes tributs,n'en étant point aimé. 6+6 b
ÉRASTE
Lucile cependant …
VALÈRE
Lucile, dans son âme, 6+6 a
210 Rend tout ce que je veuxqu'elle rende à ma flamme. 6+6 a
ÉRASTE
Vous êtes donc facileà contenter ?
VALÈRE
Pas tant 6+6 b
Que vous pourriez penser.
ÉRASTE
Je puis croire pourtant, 6+6 b
Sans trop de vanité,que je suis en sa grâce. 6+6 a
VALÈRE
Moi, je sais que j'y tiensune assez bonne place. 6+6 a
ÉRASTE
Ne vous abusez point,croyez-moi.
VALÈRE
215 Croyez-moi, 6+6 b
Ne laissez point dupervos yeux à trop de foi. 6+6 b
ÉRASTE
Si j'osais vous montrerune preuve assurée 6+6 a
Que son cœur … Non : votre âmeen seroit altérée. 6+6 a
VALÈRE
Si je vous osois, moi,découvrir en secret … 6+6 b
220 Mais je vous fâcherais,et veux être discret. 6+6 b
ÉRASTE
Vraiment, vous me poussez,et contre mon envie, 6+6 a
Votre présomptionveut que je l'humilie. 6+6 a
Lisez.
VALÈRE
Ces mots sont doux.
ÉRASTE
Vous connaissez la main ? 6+6 b
VALÈRE
Oui, de Lucile.
ÉRASTE
Hé bien ?Cet espoir si certain 6+6 b
VALÈRE, riant
Adieu, seigneur Éraste.
GROS RENÉ
225 Il est fou, le bon sire : 6+6 a
vient-il donc pour luide voir le mot pour rire ? 6+6 a
ÉRASTE
Certes il me surprend,et j'ignore, entre nous, 6+6 b
Quel diable de mystèreest caché là-dessous. 6+6 b
GROS RENÉ
Son valet vient, je pense.
ÉRASTE
Oui, je le vois partre. 6+6 a
230 Feignons, pour le jetersur l'amour de son mtre. 6+6 a
SCÈNE IV
MASCARILLE
Non, je ne trouve pointd'état plus malheureux 6+6 b
Que d'avoir un patronjeune et fort amoureux. 6+6 b
GROS RENÉ
Bonjour.
MASCARILLE
Bonjour.
GROS RENÉ
tendMascarille à cette heure ? 6+6 a
Que fait-il ? Revient-il ?Va-t-il ? Ou s'il demeure ? 6+6 a
MASCARILLE
235 Non, je ne reviens pas,car je n'ai pas été ; 6+6 b
Je ne vais pas aussi,car je suis arrêté ; 6+6 b
Et ne demeure point,car tout de ce pas même 6+6 a
Je prétends m'en aller.
ÉRASTE
La rigueur est extrême : 6+6 a
Doucement, Mascarille.
MASCARILLE
Ha ! Monsieur, serviteur. 6+6 b
ÉRASTE
240 Vous nous fuyez bien vite !Hé quoi ? Vous fais-je peur ? 6+6 b
MASCARILLE
Je ne crois pas celade votre courtoisie. 6+6 a
ÉRASTE
Touche : nous n'avons plussujet de jalousie ; 6+6 a
Nous devenons amis,et mes feux, que j'éteins, 6+6 b
Laissent la place libreà vos heureux desseins. 6+6 b
MASCARILLE
Plût à Dieu !
ÉRASTE
245 Gros-Renésait qu'ailleurs je me jette. 6+6 a
GROS RENÉ
Sans doute, et je te cèdeaussi la Marinette. 6+6 a
MASCARILLE
Passons sur ce point-là :notre rivalité 6+6 b
N'est pas pour en venirà grande extrémité. 6+6 b
Mais est-ce un coup bien sûrque votre seigneurie 6+6 a
250 Soit désenamourée,ou si c'est raillerie ? 6+6 a
ÉRASTE
J'ai su qu'en ses amourston mtre était trop bien ; 6+6 b
Et je serais un foude prétendre plus rien 6+6 b
Aux étroites faveursqu'il a de cette belle. 6+6 a
MASCARILLE
Certes vous me plaisezavec cette nouvelle. 6+6 a
255 Outre qu'en nos projetsje vous craignais un peu, 6+6 b
Vous tirez sagementvotre épingle du jeu. 6+6 b
Oui, vous avez bien faitde quitter une place 6+6 a
l'on vous caressaitpour la seule grimace ; 6+6 a
Et mille fois, sachanttout ce qui se passait, 6+6 b
260 J'ai plaint le faux espoirdont on vous repaissait : 6+6 b
On offense un brave hommealors que l'on l'abuse. 6+6 a
Mais d' diantre, après tout,avez-vous su la ruse ? 6+6 a
Car cet engagementmutuel de leur foi 6+6 b
N'eut pour témoins, la nuit,que deux autres et moi ; 6+6 b
265 Et l'on croit jusqu'icila chne fort secrète, 6+6 a
Qui rend de nos amantsla flamme satisfaite. 6+6 a
ÉRASTE
Hé ! Que dis-tu ?
MASCARILLE
Je disque je suis interdit, 6+6 b
Et ne sais pas, Monsieur,qui peut vous avoir dit 6+6 b
Que sous ce faux semblant,qui trompe tout le monde, 6+6 a
270 En vous trompant aussi,leur ardeur sans seconde 6+6 a
D'un secret mariagea serré le lien. 6+6 b
ÉRASTE
Vous en avez menti.
MASCARILLE
Monsieur, je le veux bien. 6+6 b
ÉRASTE
Vous êtes un coquin.
MASCARILLE
D'accord.
ÉRASTE
Et cette audace 6+6 a
Mériterait cent coupsde bâton sur la place. 6+6 a
MASCARILLE
Vous avez tout pouvoir.
ÉRASTE
Ha ! Gros-René.
GROS RENÉ
275 Monsieur. 6+6 b
ÉRASTE
Je démens un discoursdont je n'ai que trop peur 6+6 b
(à Mascarille.)
Tu penses fuir ?
MASCARILLE
Nenni.
ÉRASTE
Quoi ? Lucile est la femme 6+6 a
MASCARILLE
Non, Monsieur : je raillais.
ÉRASTE
Ah ! Vous raillez, infâme ! 6+6 a
MASCARILLE
Non, je ne raillois point.
ÉRASTE
Il est donc vrai ?
MASCARILLE
Non pas, 6+6 b
Je ne dis pas cela.
ÉRASTE
Que dis-tu donc ?
MASCARILLE
280 Hélas ! 6+6 b
Je ne dis rien, de peurde mal parler.
ÉRASTE
Assure 6+6 a
Ou si c'est chose vraie,ou si c'est imposture. 6+6 a
MASCARILLE
C'est ce qu'il vous plaira :je ne suis pas ici 6+6 b
Pour vous rien contester.
ÉRASTE
Veux-tu dire ? Voici, 6+6 b
285 Sans marchander, de quoite délier la langue. 6+6 a
MASCARILLE
Elle ira faire encorquelque sotte harangue ! 6+6 a
Hé ! De grâce, plutôt,si vous le trouvez bon, 6+6 b
Donnez-moi vitementquelques coups de bâton, 6+6 b
Et me laissez tirermes chausses sans murmure. 6+6 a
ÉRASTE
290 Tu mourras, ou je veuxque la vérité pure 6+6 a
S'exprime par ta bouche.
MASCARILLE
Hélas ! Je la dirai ; 6+6 b
Mais peut-être, Monsieur,que je vous fâcherai. 6+6 b
ÉRASTE
Parle ; mais prends bien gardeà ce que tu vas faire : 6+6 a
À ma juste fureurrien ne te peut soustraire, 6+6 a
295 Si tu mens d'un seul moten ce que tu diras. 6+6 b
MASCARILLE
J'y consens, rompez-moiles jambes et les bras, 6+6 b
Faites-moi pis encor,tuez-moi, si j'impose 6+6 a
En tout ce que j'ai ditici la moindre chose. 6+6 a
ÉRASTE
Ce mariage est vrai ?
MASCARILLE
Ma langue, en cet endroit, 6+6 b
300 A fait un pas de clercdont elle s'apeoit ; 6+6 b
Mais enfin cette affaireest comme vous la dites, 6+6 a
Et c'est après cinq joursde nocturnes visites, 6+6 a
Tandis que vous serviezà mieux couvrir leur jeu, 6+6 b
Que depuis avant-hierils sont joints de ce nœud ; 6+6 b
305 Et Lucile depuisfait encor moins partre 6+6 a
La violente amourqu'elle porte à mon mtre, 6+6 a
Et veut absolumentque tout ce qu'il verra, 6+6 b
Et qu'en votre faveurson cœur témoignera, 6+6 b
Il l'impute à l'effetd'une haute prudence 6+6 a
310 Qui veut de leurs secretsôter la connaissance. 6+6 a
Si malgré mes sermentsvous doutez de ma foi, 6+6 b
Gros-René peut venirune nuit avec moi, 6+6 b
Et je lui ferai voir,étant en sentinelle, 6+6 a
Que nous avons dans l'ombreun libre accès chez elle. 6+6 a
ÉRASTE
ôte-toi de mes yeux,maraud.
MASCARILLE
315 Et de grand cœur ; 6+6 b
C'est ce que je demande.
ÉRASTE
Hé bien ?
GROS RENÉ
Hé bien, Monsieur, 6+6 b
Nous en tenons tous deux,si l'autre est véritable. 6+6 a
ÉRASTE
Las ! Il ne l'est que trop,le bourreau détestable. 6+6 a
Je vois trop d'apparenceà tout ce qu'il a dit ; 6+6 b
320 Et ce qu'a fait Valère,en voyant cet écrit, 6+6 b
Marque bien leur concert,et que c'est une baye 6+6 a
Qui sert sans doute aux feuxdont l'ingrate le paye. 6+6 a
SCÈNE V
MARINETTE
Je viens vous avertirque tantôt sur le soir 6+6 b
Ma mtresse au jardinvous permet de la voir. 6+6 b
ÉRASTE
325 Oses-tu me parler,âme double et traîtresse ? 6+6 a
Va, sors de ma présence,et dis à ta maîtresse 6+6 a
Qu'avecque ses écritselle me laisse en paix, 6+6 b
Et que voilà l'état,infâme, que j'en fais. 6+6 b
MARINETTE
Gros-René, dis-moi doncquelle mouche le pique ? 6+6 a
GROS RENÉ
330 M'oses-tu bien encorparler, femelle inique, 6+6 a
Crocodile trompeur,de qui le cœur félon 6+6 b
Est pire qu'un satrapeou bien qu'un Lestrygon ? 6+6 b
Va, va rendre réponseà ta bonne mtresse, 6+6 a
Et lui dis bien et beauque, malgré sa souplesse, 6+6 a
335 Nous ne sommes plus sots,ni mon mtre, ni moi, 6+6 b
Et désormais qu'elle ailleau diable avecque toi. 6+6 b
MARINETTE
Ma pauvre Marinette,es-tu bien éveillée ? 6+6 a
De quel démon est doncleur âme travaillée ? 6+6 a
Quoi ? Faire un tel accueilà nos soins obligeants ! 6+6 b
340 Oh ! Que ceci chez nousva surprendre les gens ! 6+6 b
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE
FROSINE
Ascagne, je suis filleà secret, Dieu merci. 6+6 a
ASCAGNE
Mais, pour un tel discours,sommes-nous bien ici ? 6+6 a
Prenons garde qu'aucunne nous vienne surprendre, 6+6 b
Ou que de quelque endroiton ne nous puisse entendre. 6+6 b
FROSINE
345 Nous serions au logisbeaucoup moins sûrement : 6+6 a
Ici de tous côtéson découvre aisément, 6+6 a
Et nous pouvons parleravec toute assurance. 6+6 b
ASCAGNE
Hélas ! Que j'ai de peineà rompre mon silence ! 6+6 b
FROSINE
Ouais ! Ceci doit donc êtreun important secret. 6+6 a
ASCAGNE
350 Trop, puisque je le fieà vous-même à regret, 6+6 a
Et que si je pouvaisle cacher davantage, 6+6 b
Vous ne le sauriez point.
FROSINE
Ha ! C'est me faire outrage, 6+6 b
Feindre à s'ouvrir à moi,dont vous avez connu 6+6 a
Dans tous vos intérêtsl'esprit si retenu ! 6+6 a
355 Moi nourrie avec vous,et qui tiens sous silence 6+6 b
Des choses qui vous sontde si grande importance ! 6+6 b
Qui sais …
ASCAGNE
Oui, vous savezla secrète raison 6+6 a
Qui cache aux yeux de tousmon sexe et ma maison ; 6+6 a
Vous savez que dans celle passa mon bas âge 6+6 b
360 Je suis pour y pouvoirretenir l'héritage 6+6 b
Que relâchait ailleursle jeune Ascagne mort, 6+6 a
Dont mon déguisementfait revivre le sort ; 6+6 a
Et c'est aussi pourquoima bouche se dispense 6+6 b
À vous ouvrir mon cœuravec plus d'assurance. 6+6 b
365 Mais avant que passer,Frosine, à ce discours, 6+6 a
Éclaircissez un doute je tombe toujours : 6+6 a
Se pourrait-il qu'Albertne sût rien du mystère 6+6 b
Qui masque ainsi mon sexe,et l'a rendu mon père ? 6+6 b
FROSINE
En bonne foi, ce pointsur quoi vous me pressez 6+6 a
370 Est une affaire aussiqui m'embarrasse assez : 6+6 a
Le fond de cette intrigueest pour moi lettre close, 6+6 b
Et ma mère ne putm'éclaircir mieux la chose. 6+6 b
Quand il mourut ce fils,l'objet de tant d'amour, 6+6 a
Au destin de qui, mêmeavant qu'il vînt au jour, 6+6 a
375 Le testament d'un oncleabondant en richesses 6+6 b
D'un soin particulieravait fait des largesses, 6+6 b
Et que sa mère fitun secret de sa mort, 6+6 a
De son époux absentredoutant le transport, 6+6 a
S'il voyait chez un autrealler tout l'héritage 6+6 b
380 Dont sa maison tiraitun si grand avantage ; 6+6 b
Quand, dis-je, pour cacherun tel événement, 6+6 a
La suppositionfut de son sentiment, 6+6 a
Et qu'on vous prit chez nous, vous étiez nourrie 6+6 b
(votre mère d'accordde cette tromperie 6+6 b
385 Qui remplaçait ce filsà sa garde commis), 6+6 a
En faveur des présentsle secret fut promis. 6+6 a
Albert ne l'a point sude nous ; et pour sa femme, 6+6 b
L'ayant plus de douze ansconservé dans son âme, 6+6 b
Comme le mal fut promptdont on la vit mourir, 6+6 a
390 Son trépas imprévune put rien découvrir ; 6+6 a
Mais cependant je voisqu'il garde intelligence 6+6 b
Avec celle de quivous tenez la naissance ; 6+6 b
J'ai su qu'en secret mêmeil lui faisait du bien, 6+6 a
Et peut-être celane se fait pas pour rien. 6+6 a
395 D'autre part, il vous veutporter au mariage, 6+6 b
Et comme il le prétend,c'est un mauvais langage : 6+6 b
Je ne sais s'il sauraitla supposition 6+6 a
Sans le déguisement.Mais la digression 6+6 a
Tout insensiblementpourrait trop loin s'étendre : 6+6 b
400 Revenons au secretque je brûle d'apprendre. 6+6 b
ASCAGNE
Sachez donc que l'amourne sait point s'abuser, 6+6 a
Que mon sexe à ses yeuxn'a pu se déguiser, 6+6 a
Et que ses traits subtils,sous l'habit que je porte, 6+6 b
Ont su trouver le cœurd'une fille peu forte : 6+6 b
J'aime enfin.
FROSINE
Vous aimez ?
ASCAGNE
405 Frosine, doucement ; 6+6 a
N'entrez pas tout à faitdedans l'étonnement : 6+6 a
Il n'est pas temps encore ;et ce cœur qui soupire 6+6 b
A bien, pour vous surprendre,autre chose à vous dire. 6+6 b
FROSINE
Et quoi ?
ASCAGNE
J'aime Valère.
FROSINE
Ha ! Vous avez raison. 6+6 a
410 L'objet de votre amour,lui, dont à la maison 6+6 a
Votre imposture enlèveun puissant héritage, 6+6 b
Et qui de votre sexeayant le moindre ombrage, 6+6 b
Verrait incontinentce bien lui retourner ! 6+6 a
C'est encore un plus grandsujet de s'étonner. 6+6 a
ASCAGNE
415 J'ai de quoi toutefoissurprendre plus votre âme : 6+6 b
Je suis sa femme.
FROSINE
Oh dieux !Sa femme !
ASCAGNE
Oui, sa femme. 6+6 b
FROSINE
Ha ! Certes celui-làl'emporte, et vient à bout 6+6 a
De toute ma raison.
ASCAGNE
Ce n'est pas encor tout. 6+6 a
FROSINE
Encore ?
ASCAGNE
Je la suis,dis-je, sans qu'il le pense, 6+6 b
420 Ni qu'il ait de mon sortla moindre connaissance. 6+6 b
FROSINE
Ho ! Poussez : je le quitte,et ne raisonne plus, 6+6 a
Tant mes sens coup sur coupse trouvent confondus. 6+6 a
À ces énigmes-làje ne puis rien comprendre. 6+6 b
ASCAGNE
Je vais vous l'expliquer,si vous voulez m'entendre. 6+6 b
425 Valère, dans les fersde ma sœur arrêté, 6+6 a
Me semblait un amantdigne d'être écouté ; 6+6 a
Et je ne pouvais voirqu'on rebutât sa flamme 6+6 b
Sans qu'un peu d'intérêttouchât pour lui mon âme : 6+6 b
Je voulais que Lucileaimât son entretien, 6+6 a
430 Je blâmais ses rigueurs,et les blâmai si bien, 6+6 a
Que moi-même j'entrai,sans pouvoir m'en défendre, 6+6 b
Dans tous les sentimentsqu'elle ne pouvait prendre. 6+6 b
C'était, en lui parlant,moi qu'il persuadait ; 6+6 a
Je me laissais gagneraux soupirs qu'il perdait ; 6+6 a
435 Et ses vœux, rejetésde l'objet qui l'enflamme, 6+6 b
Étaient, comme vainqueurs,reçus dedans mon âme. 6+6 b
Ainsi mon cœur, Frosine,un peu trop faible, hélas ! 6+6 a
Se rendit à des soinsqu'on ne lui rendait pas, 6+6 a
Par un coup réfléchireçut une blessure, 6+6 b
440 Et paya pour un autreavec beaucoup d'usure. 6+6 b
Enfin, ma chère, enfinl'amour que j'eus pour lui 6+6 a
Se voulut expliquer,mais sous le nom d'autrui : 6+6 a
Dans ma bouche, une nuit,cet amant trop aimable 6+6 b
Crut rencontrer Lucileà ses vœux favorable ; 6+6 b
445 Et je sus ménagersi bien cet entretien, 6+6 a
Que du déguisementil ne reconnut rien. 6+6 a
Sous ce voile trompeur,qui flattait sa pensée, 6+6 b
Je lui dis que pour luimon âme était blessée, 6+6 b
Mais que voyant mon pèreen d'autres sentiments, 6+6 a
450 Je devais une feinteà ses commandements ; 6+6 a
Qu'ainsi de notre amournous ferions un mystère 6+6 b
Dont la nuit seulementserait dépositaire, 6+6 b
Et qu'entre nous de jour,de peur de rien gâter, 6+6 a
Tout entretien secretse devait éviter ; 6+6 a
455 Qu'il me verrait alorsla même indifférence 6+6 b
Qu'avant que nous eussionsaucune intelligence ; 6+6 b
Et que de son côté,de même que du mien, 6+6 a
Geste, parole, écrit,ne m'en dît jamais rien. 6+6 a
Enfin, sans m'arrêtersur toute l'industrie 6+6 b
460 Dont j'ai conduit le filde cette tromperie, 6+6 b
J'ai poussé jusqu'au boutun projet si hardi, 6+6 a
Et me suis assurél'époux que je vous dis. 6+6 a
FROSINE
Peste ! Les grands talentsque votre esprit possède ! 6+6 b
Diroit-on qu'elle y toucheavec sa mine froide ? 6+6 b
465 Cependant vous avezété bien vite ici ; 6+6 a
Car je veux que la choseait d'abord réussi : 6+6 a
Ne jugez-vous pas bien,à regarder l'issue, 6+6 b
Qu'elle ne peut longtempséviter d'être sue ? 6+6 b
ASCAGNE
Quand l'amour est bien fort,rien ne peut l'arrêter ; 6+6 a
470 Ses projets seulementvont à se contenter, 6+6 a
Et pourvu qu'il arriveau but qu'il se propose, 6+6 b
Il croit que tout le resteaprès est peu de chose. 6+6 b
Mais enfin aujourd'huije me découvre à vous, 6+6 a
Afin que vos conseils …Mais voici cet époux. 6+6 a
SCÈNE II
VALÈRE
475 Si vous êtes tous deuxen quelque conférence 6+6 b
je vous fasse tortde mêler ma présence, 6+6 b
Je me retirerai.
ASCAGNE
Non, non, vous pouvez bien, 6+6 a
Puisque vous le faisiez,rompre notre entretien. 6+6 a
VALÈRE
Moi ?
ASCAGNE
Vous-même.
VALÈRE
Et comment ?
ASCAGNE
Je disais que Valère 6+6 b
480 Aurait, si j'étais fille,un peu trop su me plaire, 6+6 b
Et que si je faisaistous les vœux de son cœur, 6+6 a
Je ne tarderais guèreà faire son bonheur. 6+6 a
VALÈRE
Ces protestationsne ctent pas grand chose, 6+6 b
Alors qu'à leur effetun pareil si s'oppose ; 6+6 b
485 Mais vous seriez bien pris,si quelque événement 6+6 a
Allait mettre à l'épreuveun si doux compliment. 6+6 a
ASCAGNE
Point du tout ; je vous disque régnant dans votre âme, 6+6 b
Je voudrais de bon cœurcouronner votre flamme. 6+6 b
VALÈRE
Et si c'était quelqu'une par votre secours 6+6 a
490 Vous pussiez être utileau bonheur de mes jours ? 6+6 a
ASCAGNE
Je pourrais assez malrépondre à votre attente. 6+6 b
VALÈRE
Cette confessionn'est pas fort obligeante. 6+6 b
ASCAGNE
Hé quoi ? Vous voudriez,Valère, injustement, 6+6 a
Qu'étant fille, et mon cœurvous aimant tendrement, 6+6 a
495 Je m'allasse engageravec une promesse 6+6 b
De servir vos ardeurspour quelque autre mtresse ? 6+6 b
Un si pénible effort,pour moi, m'est interdit. 6+6 a
VALÈRE
Mais cela n'étant pas ?
ASCAGNE
Ce que je vous ai dit, 6+6 a
Je l'ai dit comme fille,et vous le devez prendre 6+6 b
Tout de même.
VALÈRE
500 Ainsi doncil ne faut rien prétendre, 6+6 b
Ascagne, à des bontésque vous auriez pour nous, 6+6 a
À moins que le ciel fasseun grand miracle en vous. 6+6 a
Bref, si vous n'êtes fille,adieu votre tendresse : 6+6 b
Il ne vous reste rienqui pour nous s'intéresse. 6+6 b
ASCAGNE
505 J'ai l'esprit délicatplus qu'on ne peut penser, 6+6 a
Et le moindre scrupulea de quoi m'offenser, 6+6 a
Quand il s'agit d'aimer.Enfin je suis sincère : 6+6 b
Je ne m'engage pointà vous servir, Valère, 6+6 b
Si vous ne m'assurezau moins absolument 6+6 a
510 Que vous gardez pour moile même sentiment, 6+6 a
Que pareille chaleurd'amitié vous transporte, 6+6 b
Et que si j'étais fille,une flamme plus forte 6+6 b
N'outragerait point celle je vivrais pour vous. 6+6 a
VALÈRE
Je n'avais jamais vuce scrupule jaloux ; 6+6 a
515 Mais, tout nouveau qu'il est,ce mouvement m'oblige, 6+6 b
Et je vous fais icitout l'aveu qu'il exige. 6+6 b
ASCAGNE
Mais sans fard ?
VALÈRE
Oui, sans fard.
ASCAGNE
S'il est vrai, désormais 6+6 a
Vos intérêts serontles miens, je vous promets. 6+6 a
VALÈRE
J'ai bientôt à vous direun important mystère, 6+6 b
520 l'effet de ces motsme sera nécessaire. 6+6 b
ASCAGNE
Et j'ai quelque secretde même à vous ouvrir, 6+6 a
votre cœur pour moise pourra découvrir. 6+6 a
VALÈRE
Hé ! De quelle façoncela pourrait-il être ? 6+6 b
ASCAGNE
C'est que j'ai de l'amourqui n'oserait partre ; 6+6 b
525 Et vous pourriez avoirsur l'objet de mes vœux 6+6 a
Un empire à pouvoirrendre mon sort heureux. 6+6 a
VALÈRE
Expliquez-vous, Ascagne,et croyez, par avance, 6+6 b
Que votre heur est certain,s'il est en ma puissance. 6+6 b
ASCAGNE
Vous promettez iciplus que vous ne croyez. 6+6 a
VALÈRE
530 Non, non : dites l'objetpour qui vous m'employez. 6+6 a
ASCAGNE
Il n'est pas encor temps ;mais c'est une personne 6+6 b
Qui vous touche de près.
VALÈRE
Votre discours m'étonne. 6+6 b
Plût à Dieu que ma sœur …
ASCAGNE
Ce n'est pas la saison 6+6 a
De m'expliquer, vous dis-je.
VALÈRE
Et pourquoi ?
ASCAGNE
Pour raison. 6+6 a
535 Vous saurez mon secret,quand je saurai le vôtre. 6+6 b
VALÈRE
J'ai besoin pour celade l'aveu de quelque autre. 6+6 b
ASCAGNE
Ayez-le donc ; et lorsnous expliquant nos vœux, 6+6 a
Nous verrons qui tiendramieux parole des deux. 6+6 a
VALÈRE
Adieu, j'en suis content.
ASCAGNE
Et moi content, Valère. 6+6 b
FROSINE
540 Il croit trouver en vousl'assistance d'un frère. 6+6 b
SCÈNE III
LUCILE
C'en est fait : c'est ainsique je me puis venger ; 6+6 a
Et si cette actiona de quoi l'affliger, 6+6 a
C'est toute la douceurque mon cœur s'y propose 6+6 b
Mon frère, vous voyezune métamorphose : 6+6 b
545 Je veux chérir Valèreaprès tant de fierté, 6+6 a
Et mes vœux maintenanttournent de son côté. 6+6 a
ASCAGNE
Que dites-vous, ma sœur ?Comment ? Courir au change ! 6+6 b
Cette inégalitéme semble trop étrange. 6+6 b
LUCILE
La vôtre me surprendavec plus de sujet : 6+6 a
550 De vos soins autrefoisValère était l'objet ; 6+6 a
Je vous ai vu pour luim'accuser de caprice, 6+6 b
D'aveugle cruauté,d'orgueil et d'injustice : 6+6 b
Et quand je veux l'aimer,mon dessein vous déplt, 6+6 a
Et je vous vois parlercontre son intérêt ! 6+6 a
ASCAGNE
555 Je le quitte, ma sœur,pour embrasser le vôtre : 6+6 b
Je sais qu'il est rangédessous les lois d'un autre, 6+6 b
Et ce serait un traithonteux à vos appas, 6+6 a
Si vous le rappeliezet qu'il ne revînt pas. 6+6 a
LUCILE
Si ce n'est que cela,j'aurai soin de ma gloire ; 6+6 b
560 Et je sais, pour son cœur,tout ce que j'en dois croire : 6+6 b
Il s'explique à mes yeuxintelligiblement. 6+6 a
Ainsi découvrez-luisans peur mon sentiment, 6+6 a
Ou si vous refusezde le faire, ma bouche 6+6 b
Lui va faire savoirque son ardeur me touche. 6+6 b
565 Quoi ? Mon frère, à ces motsvous restez interdit ? 6+6 a
ASCAGNE
Ha ! Ma sœur, si sur vousje puis avoir crédit, 6+6 a
Si vous êtes sensibleaux prières d'un frère, 6+6 b
Quittez un tel dessein,et n'ôtez point Valère 6+6 b
Aux vœux d'un jeune objetdont l'intérêt m'est cher, 6+6 a
570 Et qui, sur ma parole,a droit de vous toucher. 6+6 a
La pauvre infortunéeaime avec violence ; 6+6 b
À moi seul de ses feuxelle fait confidence, 6+6 b
Et je vois dans son cœurde tendres mouvements 6+6 a
À dompter la fiertédes plus durs sentiments. 6+6 a
575 Oui, vous auriez pitiéde l'état de son âme, 6+6 b
Connaissant de quel coupvous menacez sa flamme, 6+6 b
Et je ressens si bienla douleur qu'elle aura, 6+6 a
Que je suis assuré,ma sœur, qu'elle en mourra, 6+6 a
Si vous lui dérobezl'amant qui peut lui plaire. 6+6 b
580 Éraste est un partiqui doit vous satisfaire, 6+6 b
Et des feux mutuels …
LUCILE
Mon frère, c'est assez : 6+6 a
Je ne sais point pour quivous vous intéressez ; 6+6 a
Mais, de grâce, cessonsce discours, je vous prie, 6+6 b
Et me laissez un peudans quelque rêverie. 6+6 b
ASCAGNE
585 Allez, cruelle sœur,vous me désespérez, 6+6 a
Si vous effectuezvos desseins déclarés. 6+6 a
SCÈNE IV
MARINETTE
La résolution,madame, est assez prompte. 6+6 b
LUCILE
Un cœur ne pèse rienalors que l'on l'affronte ; 6+6 b
Il court à sa vengeance,et saisit promptement 6+6 a
590 Tout ce qu'il croit servirà son ressentiment. 6+6 a
Le trtre ! Faire voircette insolence extrême ! 6+6 b
MARINETTE
Vous m'en voyez encortoute hors de moi-même ; 6+6 b
Et quoique là-dessusje rumine sans fin, 6+6 a
L'aventure me passe,et j'y perds mon latin. 6+6 a
595 Car enfin, aux transportsd'une bonne nouvelle 6+6 b
Jamais cœur ne s'ouvritd'une façon plus belle ; 6+6 b
De l'écrit obligeantle sien tout transporté 6+6 a
Ne me donnait pas moinsque de la déité ; 6+6 a
Et cependant jamais,à cet autre message, 6+6 b
600 Fille ne fut traitéeavecque tant d'outrage. 6+6 b
Je ne sais, pour causerde si grands changements, 6+6 a
Ce qui s'est pu passerentre ces courts moments. 6+6 a
LUCILE
Rien ne s'est pu passerdont il faille être en peine, 6+6 b
Puisque rien ne le doitdéfendre de ma haine. 6+6 b
605 Quoi ? Tu voudrais chercherhors de sa lâcheté 6+6 a
La secrète raisonde cette indignité ? 6+6 a
Cet écrit malheureux,dont mon âme s'accuse, 6+6 b
Peut-il à son transportsouffrir la moindre excuse ? 6+6 b
MARINETTE
En effet, je comprendsque vous avez raison, 6+6 a
610 Et que cette querelleest pure trahison : 6+6 a
Nous en tenons, madame.Et puis prêtons l'oreille 6+6 b
Aux bons chiens de pendardsqui nous chantent merveille, 6+6 b
Qui pour nous accrocherfeignent tant de langueur ! 6+6 a
Laissons à leurs beaux motsfondre notre rigueur, 6+6 a
615 Rendons-nous à leurs vœux,trop faibles que nous sommes ! 6+6 b
Foin de notre sottise,et peste soit des hommes ! 6+6 b
LUCILE
Hé bien, bien ! Qu'il s'en vanteet rie à nos dépens : 6+6 a
Il n'aura pas sujetd'en triompher longtemps ; 6+6 a
Et je lui ferai voirqu'en une âme bien faite 6+6 b
620 Le mépris suit de prèsla faveur qu'on rejette. 6+6 b
MARINETTE
Au moins, en pareil cas,est-ce un bonheur bien doux 6+6 a
Quand on sait qu'on n'a pointd'avantage sur vous. 6+6 a
Marinette eut bon nez,quoi qu'on en puisse dire, 6+6 b
De ne permettre rienun soir qu'on voulait rire. 6+6 b
625 Quelque autre, sous espoirde matrimonion, 6+6 a
Aurait ouvert l'oreilleà la tentation ; 6+6 a
Mais moi, nescio vos.
LUCILE
Que tu dis de folies, 6+6 b
Et choisis mal ton tempspour de telles saillies ! 6+6 b
Enfin je suis touchéeau cœur sensiblement ; 6+6 a
630 Et si jamais celuide ce perfide amant, 6+6 a
Par un coup de bonheur,dont j'aurais tort, je pense, 6+6 b
De vouloir à présentconcevoir l'espérance 6+6 b
(car le ciel a trop prisplaisir à m'affliger, 6+6 a
Pour me donner celuide me pouvoir venger), 6+6 a
635 Quand, dis-je, par un sortà mes désirs propice, 6+6 b
Il reviendrait m'offrirsa vie en sacrifice, 6+6 b
Détester à mes piedsl'action d'aujourd'hui, 6+6 a
Je te défends surtoutde me parler pour lui : 6+6 a
Au contraire, je veuxque ton zèle s'exprime 6+6 b
640 À me bien mettre aux yeuxla grandeur de son crime ; 6+6 b
Et même, si mon cœurétait pour lui tenté 6+6 a
De descendre jamaisà quelque lâcheté, 6+6 a
Que ton affectionme soit alors sévère, 6+6 b
Et tienne comme il fautla main à ma colère. 6+6 b
MARINETTE
645 Vraiment, n'ayez point peur,et laissez faire à nous : 6+6 a
J'ai pour le moins autantde colère que vous ; 6+6 a
Et je serais plutôtfille toute ma vie, 6+6 b
Que mon gros trtre aussime redonnât envie. 6+6 b
S'il vient …
SCÈNE V
ALBERT
Rentrez, Lucile,et me faites venir 6+6 a
650 Le précepteur : je veuxun peu l'entretenir, 6+6 a
Et m'informer de lui,qui me gouverne Ascagne, 6+6 b
S'il sait point quel ennuidepuis peu l'accompagne. 6+6 b
(il continue seul.)
En quel gouffre de soinset de perplexité 6+6 a
Nous jette une actionfaite sans équité ! 6+6 a
655 D'un enfant supposépar mon trop d'avarice 6+6 b
Mon cœur depuis longtempssouffre bien le supplice, 6+6 b
Et quand je vois les maux je me suis plongé, 6+6 a
Je voudrais à ce bienn'avoir jamais songé. 6+6 a
Tantôt je crains de voirpar la fourbe éventée 6+6 b
660 Ma famille en opprobreet misère jetée ; 6+6 b
Tantôt pour ce fils-là,qu'il me faut conserver, 6+6 a
Je crains cent accidentsqui peuvent arriver. 6+6 a
S'il advient que dehorsquelque affaire m'appelle, 6+6 b
J'appréhende au retourcette triste nouvelle : 6+6 b
665 las ! Vous ne savez pas ?Vous l'a-t-on annoncé ? 6+6 a
Votre fils a la fièvre,ou jambe, ou bras cassé. 6+6 a
Enfin, à tous moments,sur quoi que je m'arrête, 6+6 b
Cent sortes de chagrinsme roulent par la tête. 6+6 b
Ha !
SCÈNE VI
MÉTAPHRASTE
Mandatum tuumcuro diligenter. 6+6 a
ALBERT
Mtre, j'ai voulu
MÉTAPHRASTE
670 Mtreest dit a magister : 6+6 a
C'est comme qui diraittrois fois plus grand.
ALBERT
Je meure, 6+6 b
Si je savais cela :mais soit, à la bonne heure ! 6+6 b
Mtre donc …
MÉTAPHRASTE
Poursuivez.
ALBERT
Je veux poursuivre aussi ; 6+6 a
Mais ne poursuivez point,vous, d'interrompre ainsi. 6+6 a
675 Donc, encore une fois,mtre (c'est la troisième), 6+6 b
Mon fils me rend chagrin ;vous savez que je l'aime, 6+6 b
Et que soigneusementje l'ai toujours nourri. 6+6 a
MÉTAPHRASTE
Il est vrai : filionon potest praeferri 6+6 a
Nisi filius.
ALBERT
Mtre,en discourant ensemble, 6+6 b
680 Ce jargon n'est pas fortnécessaire, me semble. 6+6 b
Je vous crois grand latinet grand docteur juré : 6+6 a
Je m'en rapporte à ceuxqui m'en ont assuré ; 6+6 a
Mais dans un entretienqu'avec vous je destine 6+6 b
N'allez point déployertoute votre doctrine, 6+6 b
685 Faire le pédagogue,et cent mots me cracher, 6+6 a
Comme si vous étiezen chaire pour prêcher. 6+6 a
Mon père, quoiqu'il tla tête des meilleures, 6+6 b
Ne m'a jamais rien faitapprendre que mes heures, 6+6 b
Qui depuis cinquante ansdites journellement 6+6 a
690 Ne sont encor pour moique du haut allemand. 6+6 a
Laissez donc en reposvotre science auguste, 6+6 b
Et que votre langageà mon faible s'ajuste. 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Soit.
ALBERT
À mon fils, l'hymensemble lui faire peur, 6+6 a
Et sur quelque partique je sonde son cœur, 6+6 a
695 Pour un pareil lienil est froid, et recule. 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Peut-être a-t-il l'humeurdu frère de Marc Tulle, 6+6 b
Dont avec Atticusle même fait sermon ; 6+6 a
Et comme aussi les Grecsdisent : Atanaton 6+6 a
ALBERT
Mon Dieu ! Mtre éternel,laissez là, je vous prie, 6+6 b
700 Les Grecs, les Albanois,avec l'Esclavonie, 6+6 b
Et tous ces autres gensdont vous venez parler : 6+6 a
Eux et mon fils n'ont rienensemble à démêler. 6+6 a
MÉTAPHRASTE
Hé bien donc, votre fils ?
ALBERT
Je ne sais si dans l'âme 6+6 b
Il ne sentirait pointune secrète flamme : 6+6 b
705 Quelque chose le trouble,ou je suis fort déçu ; 6+6 a
Et je l'apeus hier,sans en être apeu, 6+6 a
Dans un recoin du bois nul ne se retire. 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Dans un lieu reculédu bois, voulez-vous dire, 6+6 b
Un endroit écarté,Latine, secessus ; 6+6 a
710 Virgile l'a dit, Estin secessu locus … 6+6 a
ALBERT
Comment aurait-il pul'avoir dit, ce Virgile, 6+6 b
Puisque je suis certainque dans ce lieu tranquille 6+6 b
Âme du monde enfinn'était lors que nous deux ? 6+6 a
MÉTAPHRASTE
Virgile est nommé làcomme un auteur fameux 6+6 a
715 D'un terme plus choisique le mot que vous dites, 6+6 b
Et non comme témoinde ce que hier vous vîtes. 6+6 b
ALBERT
Et moi, je vous dis, moi,que je n'ai pas besoin 6+6 a
De terme plus choisi,d'auteur ni de témoin, 6+6 a
Et qu'il suffit icide mon seul témoignage. 6+6 b
MÉTAPHRASTE
720 Il faut choisir pourtantles mots mis en usage 6+6 b
Par les meilleurs auteurs :tu vivendo bonos, 6+6 a
Comme on dit, scribendosequare peritos. 6+6 a
ALBERT
Homme ou démon, veux-tum'entendre sans conteste ? 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Quintilien en faitle précepte.
ALBERT
La peste 6+6 b
Soit du causeur !
MÉTAPHRASTE
725 Et ditlà-dessus doctement 6+6 a
Un mot que vous serezbien aise assurément 6+6 a
D'entendre.
ALBERT
Je seraile diable qui t'emporte, 6+6 b
Chien d'homme ! Oh ! Que je suistenté d'étrange sorte 6+6 b
De faire sur ce mufleune application ! 6+6 a
MÉTAPHRASTE
730 Mais qui cause, seigneur,votre inflammation ? 6+6 a
Que voulez-vous de moi ?
ALBERT
Je veux que l'on m'écoute, 6+6 b
Vous ai-je dit vingt fois,quand je parle.
MÉTAPHRASTE
Ha ! Sans doute 6+6 b
Vous serez satisfait,s'il ne tient qu'à cela : 6+6 a
Je me tais.
ALBERT
Vous ferezsagement.
MÉTAPHRASTE
Me voilà 6+6 a
Tout prêt de vous ouïr.
ALBERT
Tant mieux.
MÉTAPHRASTE
735 Que je trépasse, 6+6 b
Si je dis plus mot.
ALBERT
Dieuvous en fasse la grâce. 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Vous n'accuserez pointmon caquet désormais. 6+6 a
ALBERT
Ainsi soit-il !
MÉTAPHRASTE
Parlezquand vous voudrez.
ALBERT
J'y vais. 6+6 a
MÉTAPHRASTE
Et n'appréhendez plusl'interruption nôtre. 6+6 b
ALBERT
C'est assez dit.
MÉTAPHRASTE
740 Je suisexact plus qu'aucun autre. 6+6 b
ALBERT
Je le crois.
MÉTAPHRASTE
J'ai promisque je ne dirais rien. 6+6 a
ALBERT
Suffit.
MÉTAPHRASTE
Dès à présentje suis muet.
ALBERT
Fort bien. 6+6 a
MÉTAPHRASTE
Parlez, courage ! Au moins,je vous donne audience ; 6+6 b
Vous ne vous plaindrez pasde mon peu de silence : 6+6 b
745 Je ne desserre pasla bouche seulement. 6+6 a
ALBERT
Le trtre !
MÉTAPHRASTE
Mais, de grâce,achevez vitement : 6+6 a
Depuis longtemps j'écoute ;il est bien raisonnable 6+6 b
Que je parle à mon tour.
ALBERT
Donc, bourreau détestable 6+6 b
MÉTAPHRASTE
Hé ! Bon Dieu ! Voulez-vousque j'écoute à jamais ? 6+6 a
750 Partageons le parler,au moins, ou je m'en vais. 6+6 a
ALBERT
Ma patience est bien
MÉTAPHRASTE
Quoi ? Voulez-vous poursuivre ? 6+6 b
Ce n'est pas encor fait ?Per Jovem ! Je suis ivre. 6+6 b
ALBERT
Je n'ai pas dit …
MÉTAPHRASTE
Encor ?Bon Dieu ! Que de discours ! 6+6 a
Rien n'est-il suffisantd'en arrêter le cours ? 6+6 a
ALBERT
J'enrage.
MÉTAPHRASTE
755 Derechef ?Oh ! L'étrange torture ! 6+6 b
Hé ! Laissez-moi parlerun peu, je vous conjure : 6+6 b
Un sot qui ne dit motne se distingue pas 6+6 a
D'un savant qui se tait.
ALBERT, s'en allant
Parbleu, tu te tairas ! 6+6 a
MÉTAPHRASTE
D' vient fort à proposcette sentence expresse 6+6 b
760 D'un philosophe : parle,afin qu'on te connaisse. 6+6 b
Doncques, si de parlerle pouvoir m'est ôté, 6+6 a
Pour moi, j'aime autant perdreaussi l'humanité, 6+6 a
Et changer mon essenceen celle d'une bête. 6+6 b
Me voilà pour huit joursavec un mal de tête. 6+6 b
765 Oh ! Que les grands parleurssont par moi détestés ! 6+6 a
Mais quoi ? Si les savantsne sont point écoutés, 6+6 a
Si l'on veut que toujoursils aient la bouche close, 6+6 b
Il faut donc renverserl'ordre de chaque chose : 6+6 b
Que les poules dans peudévorent les renards, 6+6 a
770 Que les jeunes enfantsremontrent aux vieillards, 6+6 a
Qu'à poursuivre les loupsles agnelets s'ébattent, 6+6 b
Qu'un fou fasse les lois,que les femmes combattent, 6+6 b
Que par les criminelsles juges soient jugés 6+6 a
Et par les écoliersles mtres fustigés, 6+6 a
775 Que le malade au sainprésente le remède, 6+6 b
Que le lièvre craintif …Miséricorde ! à l'aide ! 6+6 b
Albert lui vient sonner aux oreilles une cloche qui le fait fuir.
ACTE III
SCÈNE PREMIÈRE
MASCARILLE
Le ciel parfois secondeun dessein téméraire, 6+6 a
Et l'on sort comme on peutd'une méchante affaire. 6+6 a
Pour moi, qu'une imprudencea trop fait discourir, 6+6 b
780 Le remède plus prompt j'ai su recourir, 6+6 b
C'est de pousser ma pointeet dire en diligence 6+6 a
À notre vieux patrontoute la manigance. 6+6 a
Son fils, qui m'embarrasse,est un évaporé ; 6+6 b
L'autre, diable ! Disantce que j'ai déclaré, 6+6 b
785 Gare une irruptionsur notre friperie ! 6+6 a
Au moins, avant qu'on puisseéchauffer sa furie, 6+6 a
Quelque chose de bonnous pourra succéder, 6+6 b
Et les vieillards entre euxse pourront accorder : 6+6 b
C'est ce qu'on va tenter ;et de la part du nôtre, 6+6 a
790 Sans perdre un seul moment,je m'en vais trouver l'autre. 6+6 a
SCÈNE II
ALBERT
Qui frappe ?
MASCARILLE
Amis.
ALBERT
Ho ! Ho !Qui te peut amener, 6+6 b
Mascarille ?
MASCARILLE
Je viens,Monsieur, pour vous donner 6+6 b
Le bonjour.
ALBERT
Ha ! Vraiment,tu prends beaucoup de peine. 6+6 a
De tout mon cœur, bonjour.
MASCARILLE
La réplique est soudaine. 6+6 a
Quel homme brusque !
ALBERT
Encor ?
MASCARILLE
795 Vous n'avez pas ouï, 6+6 b
Monsieur.
ALBERT
Ne m'as-tu pasdonné le bonjour ?
MASCARILLE
Oui. 6+6 b
ALBERT
Eh bien ! Bonjour, te dis-je.
MASCARILLE
Oui, mais je viens encore 6+6 a
Vous saluer au nomdu seigneur Polydore. 6+6 a
ALBERT
Ha ! C'est un autre fait.Ton mtre t'a chargé 6+6 b
De me saluer ?
MASCARILLE
Oui.
ALBERT
800 Je lui suis obligé. 6+6 b
Va : que je lui souhaiteune joie infinie. 6+6 a
MASCARILLE
Cet homme est ennemide la cérémonie. 6+6 a
Je n'ai pas achevé,Monsieur, son compliment : 6+6 b
Il voudrait vous prierd'une chose instamment. 6+6 b
ALBERT
805 Hé bien ! Quand il voudra,je suis à son service. 6+6 a
MASCARILLE
Attendez, et souffrezqu'en deux mots je finisse : 6+6 a
Il souhaite un momentpour vous entretenir 6+6 b
D'une affaire importante,et doit ici venir. 6+6 b
ALBERT
Hé ! Quelle est-elle encorl'affaire qui l'oblige 6+6 a
À me vouloir parler ?
MASCARILLE
810 Un grand secret, vous dis-je, 6+6 a
Qu'il vient de découvriren ce même moment, 6+6 b
Et qui, sans doute, importeà tous deux grandement. 6+6 b
Voilà mon ambassade.
SCÈNE III
ALBERT
Oh ! Juste ciel, je tremble ! 6+6 a
Car enfin nous avonspeu de commerce ensemble. 6+6 a
815 Quelque tempête varenverser mes desseins, 6+6 b
Et ce secret, sans doute,est celui que je crains. 6+6 b
L'espoir de l'intérêtm'a fait quelque infidèle, 6+6 a
Et voilà sur ma vieune tache éternelle : 6+6 a
Ma fourbe est découverte.Oh ! Que la vérité 6+6 b
820 Se peut cacher longtempsavec difficulté, 6+6 b
Et qu'il t mieux valupour moi, pour mon estime, 6+6 a
Suivre les mouvementsd'une peur légitime, 6+6 a
Par qui je me suis vutenté plus de vingt fois 6+6 b
De rendre à Polydoreun bien que je lui dois, 6+6 b
825 De prévenir l'éclat ce coup-ci m'expose, 6+6 a
Et faire qu'en douceurpassât toute la chose ! 6+6 a
Mais, hélas ! C'en est fait,il n'est plus de saison ; 6+6 b
Et ce bien, par la fraudeentré dans ma maison, 6+6 b
N'en sera point tiré,que dans cette sortie 6+6 a
830 Il n'entrne du mienla meilleure partie. 6+6 a
SCÈNE IV
POLYDORE
S'être ainsi mariésans qu'on en ait su rien ! 6+6 b
Puisse cette actionse terminer à bien ! 6+6 b
Je ne sais qu'en attendre,et je crains fort du père 6+6 a
Et la grande richesseet la juste colère. 6+6 a
Mais je l'apeois seul.
ALBERT
835 Dieu ! Polydore vient ! 6+6 b
POLYDORE
Je tremble à l'aborder.
ALBERT
La crainte me retient. 6+6 b
POLYDORE
Par lui débuter ?
ALBERT
Quel sera mon langage ? 6+6 a
POLYDORE
Son âme est toute émue.
ALBERT
Il change de visage. 6+6 a
POLYDORE
Je vois, seigneur Albert,au trouble de vos yeux, 6+6 b
840 Que vous savez déjàqui m'amène en ces lieux. 6+6 b
ALBERT
Hélas ! Oui.
POLYDORE
La nouvellea droit de vous surprendre, 6+6 a
Et je n'eusse pas cruce que je viens d'apprendre. 6+6 a
ALBERT
J'en dois rougir de honteet de confusion. 6+6 b
POLYDORE
Je trouve condamnableune telle action, 6+6 b
845 Et je ne prétends pointexcuser le coupable. 6+6 a
ALBERT
Dieu fait miséricordeau pécheur misérable. 6+6 a
POLYDORE
C'est ce qui doit par vousêtre considéré. 6+6 b
ALBERT
Il faut être chrétien.
POLYDORE
Il est très assuré. 6+6 b
ALBERT
Grâce au nom de Dieu, grâce,ô seigneur Polydore ! 6+6 a
POLYDORE
850 Eh ! C'est moi qui de vousprésentement l'implore. 6+6 a
ALBERT
Afin de l'obtenirje me jette à genoux. 6+6 b
POLYDORE
Je dois en cet étatêtre plutôt que vous. 6+6 b
ALBERT
Prenez quelque pitiéde ma triste aventure. 6+6 a
POLYDORE
Je suis le suppliantdans une telle injure. 6+6 a
ALBERT
855 Vous me fendez le cœuravec cette bonté. 6+6 b
POLYDORE
Vous me rendez confusde tant d'humilité. 6+6 b
ALBERT
Pardon, encore un coup.
POLYDORE
Hélas ! Pardon vous-même. 6+6 a
ALBERT
J'ai de cette actionune douleur extrême. 6+6 a
POLYDORE
Et moi, j'en suis touchéde même au dernier point. 6+6 b
ALBERT
860 J'ose vous convierqu'elle n'éclate point. 6+6 b
POLYDORE
Hélas ! Seigneur Albert,je ne veux autre chose. 6+6 a
ALBERT
Conservons mon honneur.
POLYDORE
Hé ! Oui, je m'y dispose. 6+6 a
ALBERT
Quant au bien qu'il faudra,vous-même en résoudrez. 6+6 b
POLYDORE
Je ne veux de vos biensque ce que vous voudrez : 6+6 b
865 De tous ces intérêtsje vous ferai le mtre ; 6+6 a
Et je suis trop contentsi vous le pouvez être. 6+6 a
ALBERT
Hé ! Quel homme de Dieu !Quel excès de douceur ! 6+6 b
POLYDORE
Quelle douceur, vous-même :après un tel malheur ! 6+6 b
ALBERT
Que puissiez-vous avoirtoutes choses prospères ! 6+6 a
POLYDORE
Le bon Dieu vous maintienne !
ALBERT
870 Embrassons-nous en frères. 6+6 a
POLYDORE
J'y consens de grand cœur,et me réjouis fort 6+6 b
Que tout soit terminépar un heureux accord. 6+6 b
ALBERT
J'en rends grâces au ciel.
POLYDORE
Il ne vous faut rien feindre : 6+6 a
Votre ressentimentme donnait lieu de craindre ; 6+6 a
875 Et Lucile tombéeen faute avec mon fils, 6+6 b
Comme on vous voit puissantet de biens et d'amis … 6+6 b
ALBERT
Heu ! Que parlez-vous làde faute et de Lucile ? 6+6 a
POLYDORE
Soit, ne commençons pointun discours inutile. 6+6 a
Je veux bien que mon filsy trempe grandement ; 6+6 b
880 Même, si cela faità votre allégement, 6+6 b
J'avouerai qu'à lui seulen est toute la faute ; 6+6 a
Que votre fille avaitune vertu trop haute 6+6 a
Pour avoir jamais faitce pas contre l'honneur, 6+6 b
Sans l'incitationd'un méchant suborneur ; 6+6 b
885 Que le trtre a séduitsa pudeur innocente, 6+6 a
Et de votre conduiteainsi détruit l'attente. 6+6 a
Puisque la chose est faite,et que selon mes vœux 6+6 b
Un esprit de douceurnous met d'accord tous deux, 6+6 b
Ne ramentevons rien,et réparons l'offense 6+6 a
890 Par la solennitéd'une heureuse alliance. 6+6 a
ALBERT
Oh ! Dieu ! Quelle méprise !Et qu'est-ce qu'il m'apprend ? 6+6 b
Je rentre ici d'un troubleen un autre aussi grand. 6+6 b
Dans ces divers transportsje ne sais que répondre ; 6+6 a
Et si je dis un mot,j'ai peur de me confondre. 6+6 a
POLYDORE
À quoi pensez-vous là,seigneur Albert ?
ALBERT
895 À rien. 6+6 b
Remettons, je vous prie,à tantôt l'entretien : 6+6 b
Un mal subit me prend,qui veut que je vous laisse. 6+6 a
SCÈNE V
POLYDORE
Je lis dedans son âmeet vois ce qui le presse. 6+6 a
À quoi que sa raisonl't déjà disposé, 6+6 b
900 Son déplaisir n'est pasencor tout apaisé ; 6+6 b
L'image de l'affrontlui revient, et sa fuite 6+6 a
Tâche à me déguiserle trouble qui l'agite. 6+6 a
Je prends part à sa honte,et son deuil m'attendrit. 6+6 b
Il faut qu'un peu de tempsremette son esprit : 6+6 b
905 La douleur trop contrainteaisément se redouble. 6+6 a
Voici mon jeune fou,d' nous vient tout ce trouble. 6+6 a
SCÈNE VI
POLYDORE
Enfin, le beau mignon,vos bons déportements 6+6 b
Troubleront les vieux joursd'un père à tous moments ; 6+6 b
Tous les jours vous ferezde nouvelles merveilles, 6+6 a
910 Et nous n'aurons jamaisautre chose aux oreilles. 6+6 a
VALÈRE
Que fais-je tous les joursqui soit si criminel ? 6+6 b
En quoi mériter tantle courroux paternel ? 6+6 b
POLYDORE
Je suis un étrange homme,et d'une humeur terrible, 6+6 a
D'accuser un enfantsi sage et si paisible ! 6+6 a
915 Las ! Il vit comme un saint,et dedans la maison 6+6 b
Du matin jusqu'au soiril est en oraison. 6+6 b
Dire qu'il pervertitl'ordre de la nature, 6+6 a
Et fait du jour la nuit,oh ! La grande imposture ! 6+6 a
Qu'il n'a considérépère ni parenté 6+6 b
920 En vingt occasions,horrible fausseté ! 6+6 b
Que de frche mémoireun furtif hyménée 6+6 a
À la fille d'Alberta joint sa destinée, 6+6 a
Sans craindre de la suiteun désordre puissant : 6+6 b
On le prend pour un autre,et le pauvre innocent 6+6 b
925 Ne sait pas seulementce que je lui veux dire ! 6+6 a
Ha ! Chien ! Que j'ai reçudu ciel pour mon martyre, 6+6 a
Te croiras-tu toujourset ne pourrai-je pas 6+6 b
Te voir être une foissage avant mon trépas ? 6+6 b
VALÈRE, seul
D' peut venir ce coup ?Mon âme embarrassée 6+6 a
930 Ne voit que Mascarille jeter sa pensée. 6+6 a
Il ne sera pas hommeà m'en faire un aveu : 6+6 b
Il faut user d'adresse,et me contraindre un peu 6+6 b
Dans ce juste courroux.
SCÈNE VII
VALÈRE
Mascarille, mon père, 6+6 a
Que je viens de trouver,sait toute notre affaire. 6+6 a
MASCARILLE
Il la sait ?
VALÈRE
Oui.
MASCARILLE
935 D' diantrea-t-il pu la savoir ? 6+6 b
VALÈRE
Je ne sais point sur quima conjecture asseoir ; 6+6 b
Mais enfin d'un succèscette affaire est suivie 6+6 a
Dont j'ai tous les sujetsd'avoir l'âme ravie. 6+6 a
Il ne m'en a pas ditun mot qui fût fâcheux, 6+6 b
940 Il excuse ma faute,il approuve mes feux ; 6+6 b
Et je voudrais savoirqui peut être capable 6+6 a
D'avoir pu rendre ainsison esprit si traitable. 6+6 a
Je ne puis t'exprimerl'aise que j'en reçois. 6+6 b
MASCARILLE
Et que me diriez-vous,Monsieur, si c'était moi 6+6 b
945 Qui vous t procurécette heureuse fortune ? 6+6 a
VALÈRE
Bon ! Bon ! Tu voudrais bienici m'en donner d'une. 6+6 a
MASCARILLE
C'est moi, vous dis-je, moidont le patron le sait, 6+6 b
Et qui vous ai produitce favorable effet. 6+6 b
VALÈRE
Mais, là, sans te railler ?
MASCARILLE
Que le diable m'emporte 6+6 a
950 Si je fais raillerie,et s'il n'est de la sorte ! 6+6 a
VALÈRE
Et qu'il m'entrne, moi,si tout présentement 6+6 b
Tu n'en vas recevoirle juste payement ! 6+6 b
MASCARILLE
Ha ! Monsieur, qu'est-ce ci ?Je défends la surprise. 6+6 a
VALÈRE
C'est la fidélitéque tu m'avais promise ? 6+6 a
955 Sans ma feinte, jamaistu n'eusses avoué 6+6 b
Le trait que j'ai bien cruque tu m'avais joué. 6+6 b
Trtre, de qui la langueà causer trop habile 6+6 a
D'un père contre moivient d'échauffer la bile, 6+6 a
Qui me perds tout à fait,il faut, sans discourir, 6+6 b
Que tu meures.
MASCARILLE
960 Tout beau :mon âme, pour mourir, 6+6 b
N'est pas en bon état.Daignez, je vous conjure, 6+6 a
Attendre le succèsqu'aura cette aventure. 6+6 a
J'ai de fortes raisonsqui m'ont fait révéler 6+6 b
Un hymen que vous-mêmeaviez peine à celer : 6+6 b
965 C'était un coup d'état,et vous verrez l'issue 6+6 a
Condamner la fureurque vous avez conçue. 6+6 a
De quoi vous fâchez-vous ?Pourvu que vos souhaits 6+6 b
Se trouvent par mes soinspleinement satisfaits, 6+6 b
Et voyent mettre à finla contrainte vous êtes ? 6+6 a
VALÈRE
970 Et si tous ces discoursne sont que des sornettes ? 6+6 a
MASCARILLE
Toujours serez-vous lorsà temps pour me tuer. 6+6 b
Mais enfin mes projetspourront s'effectuer : 6+6 b
Dieu fera pour les siens ;et content dans la suite, 6+6 a
Vous me remercierezde ma rare conduite. 6+6 a
VALÈRE
Nous verrons. Mais Lucile
MASCARILLE
975 Alte ! Son père sort. 6+6 b
SCÈNE VIII
ALBERT
Plus je reviens du trouble j'ai donné d'abord, 6+6 b
Plus je me sens piquéde ce discours étrange, 6+6 a
Sur qui ma peur prenaitun si dangereux change ; 6+6 a
Car Lucile soutientque c'est une chanson, 6+6 b
980 Et m'a parlé d'un airà m'ôter tout souon. 6+6 b
Ha ! Monsieur, est-ce vous,de qui l'audace insigne 6+6 a
Met en jeu mon honneur,et fait ce conte indigne ? 6+6 a
MASCARILLE
Seigneur Albert, prenezun ton un peu plus doux, 6+6 b
Et contre votre gendreayez moins de courroux. 6+6 b
ALBERT
985 Comment gendre, coquin ?Tu portes bien la mine 6+6 a
De pousser les ressortsd'une telle machine, 6+6 a
Et d'en avoir étéle premier inventeur. 6+6 b
MASCARILLE
Je ne vois ici rienà vous mettre en fureur. 6+6 b
ALBERT
Trouves-tu beau, dis-moi,de diffamer ma fille, 6+6 a
990 Et faire un tel scandaleà toute une famille ? 6+6 a
MASCARILLE
Le voilà prêt de faireen tout vos volontés. 6+6 b
ALBERT
Que voudrais-je sinonqu'il dît des vérités ? 6+6 b
Si quelque intentionle pressait pour Lucile, 6+6 a
La recherche en pouvaitêtre honnête et civile : 6+6 a
995 Il fallait l'attaquerdu côté du devoir, 6+6 b
Il fallait de son pèreimplorer le pouvoir, 6+6 b
Et non pas recourirà cette lâche feinte, 6+6 a
Qui porte à la pudeurune sensible atteinte. 6+6 a
MASCARILLE
Quoi ? Lucile n'est passous des liens secrets 6+6 b
À mon mtre ?
ALBERT
1000 Non, trtre,et n'y sera jamais. 6+6 b
MASCARILLE
Tout doux ! Et s'il est vraique ce soit chose faite, 6+6 a
Voulez-vous l'approuver,cette chne secrète ? 6+6 a
ALBERT
Et s'il est constant, toi,que cela ne soit pas, 6+6 b
Veux-tu te voir casserles jambes et les bras ? 6+6 b
VALÈRE
1005 Monsieur, il est aiséde vous faire partre 6+6 a
Qu'il dit vrai.
ALBERT
Bon ! Voilàl'autre encor, digne mtre 6+6 a
D'un semblable valet !Oh ! Les menteurs hardis ! 6+6 b
MASCARILLE
D'homme d'honneur, il estainsi que je le dis. 6+6 b
VALÈRE
Quel serait notre butde vous en faire accroire ? 6+6 a
ALBERT
1010 Ils s'entendent tous deuxcomme larrons en foire. 6+6 a
MASCARILLE
Mais venons à la preuve,et sans nous quereller, 6+6 b
Faites sortir Lucileet la laissez parler. 6+6 b
ALBERT
Et si le démentipar elle vous en reste ? 6+6 a
MASCARILLE
Elle n'en fera rien,Monsieur, je vous proteste. 6+6 a
1015 Promettez à leurs vœuxvotre consentement, 6+6 b
Et je veux m'exposerau plus dur châtiment, 6+6 b
Si de sa propre boucheelle ne vous confesse 6+6 a
Et la foi qui l'engageet l'ardeur qui la presse. 6+6 a
ALBERT
Il faut voir cette affaire.
MASCARILLE
Allez, tout ira bien. 6+6 b
ALBERT
Holà ! Lucile, un mot.
VALÈRE
Je crains …
MASCARILLE
1020 Ne craignez rien. 6+6 b
SCÈNE IX
MASCARILLE
Seigneur Albert, au moins,silence. Enfin, madame, 6+6 a
Toute chose conspireau bonheur de votre âme, 6+6 a
Et monsieur votre père,averti de vos feux, 6+6 b
Vous laisse votre épouxet confirme vos vœux, 6+6 b
1025 Pourvu que bannissanttoutes craintes frivoles, 6+6 a
Deux mots de votre aveuconfirment nos paroles. 6+6 a
LUCILE
Que me vient donc conterce coquin assuré ? 6+6 b
MASCARILLE
Bon ! Me voilà déjàd'un beau titre honoré. 6+6 b
LUCILE
Sachons un peu, Monsieur,quelle belle saillie 6+6 a
1030 Fait ce conte galantqu'aujourd'hui l'on publie. 6+6 a
VALÈRE
Pardon, charmant objet,un valet a parlé, 6+6 b
Et j'ai vu malgré moinotre hymen révélé. 6+6 b
LUCILE
Notre hymen ?
VALÈRE
On sait tout,adorable Lucile, 6+6 a
Et vouloir déguiserest un soin inutile. 6+6 a
LUCILE
1035 Quoi ? L'ardeur de mes feuxvous a fait mon époux ? 6+6 b
VALÈRE
C'est un bien qui me doitfaire mille jaloux ; 6+6 b
Mais j'impute bien moinsce bonheur de ma flamme 6+6 a
À l'ardeur de vos feuxqu'aux bontés de votre âme. 6+6 a
Je sais que vous avezsujet de vous fâcher, 6+6 b
1040 Que c'étoit un secretque vous vouliez cacher ; 6+6 b
Et j'ai de mes transportsforcé la violence 6+6 a
À ne point violervotre expresse défense ; 6+6 a
Mais …
MASCARILLE
Hé bien ! Oui, c'est moi :le grand mal que voilà ! 6+6 b
LUCILE
Est-il une impostureégale à celle-là ? 6+6 b
1045 Vous l'osez souteniren ma présence même, 6+6 a
Et pensez m'obtenirpar ce beau stratagème ? 6+6 a
Oh ! Le plaisant amant,dont la galante ardeur 6+6 b
Veut blesser mon honneurau défaut de mon cœur, 6+6 b
Et que mon père, émude l'éclat d'un sot conte, 6+6 a
1050 Paye avec mon hymenqui me couvre de honte ! 6+6 a
Quand tout contribueraità votre passion : 6+6 b
Mon père, les destins,mon inclination, 6+6 b
On me verrait combattre,en ma juste colère, 6+6 a
Mon inclination,les destins et mon père, 6+6 a
1055 Perdre même le jour,avant que de m'unir 6+6 b
À qui par ce moyenaurait cru m'obtenir. 6+6 b
Allez ; et si mon sexe,avecque bienséance, 6+6 a
Se pouvait emporterà quelque violence, 6+6 a
Je vous apprendrais bienà me traiter ainsi. 6+6 b
VALÈRE
1060 C'en est fait, son courrouxne peut être adouci. 6+6 b
MASCARILLE
Laissez-moi lui parler.Eh ! Madame, de grâce, 6+6 a
À quoi bon maintenanttoute cette grimace ? 6+6 a
Quelle est votre pensée ?Et quel bourru transport 6+6 b
Contre vos propres vœuxvous fait roidir si fort ? 6+6 b
1065 Si monsieur votre pèreétait homme farouche, 6+6 a
Passe ; mais il permetque la raison le touche, 6+6 a
Et lui-même m'a ditqu'une confession 6+6 b
Vous va tout obtenirde son affection. 6+6 b
Vous sentez, je crois bien,quelque petite honte 6+6 a
1070 À faire un libre aveude l'amour qui vous dompte ; 6+6 a
Mais s'il vous a fait perdreun peu de liberté, 6+6 b
Par un bon mariageon voit tout rajusté ; 6+6 b
Et quoi que l'on reprocheau feu qui vous consomme, 6+6 a
Le mal n'est pas si grand,que de tuer un homme. 6+6 a
1075 On sait que la chair estfragile quelquefois, 6+6 b
Et qu'une fille enfinn'est ni caillou ni bois. 6+6 b
Vous n'avez pas étésans doute la première, 6+6 a
Et vous ne serez pas,que je crois, la dernière. 6+6 a
LUCILE
Quoi ? Vous pouvez ouïrces discours effrontés, 6+6 b
1080 Et vous ne dites motà ces indignités ? 6+6 b
ALBERT
Que veux-tu que je die ?Une telle aventure 6+6 a
Me met tout hors de moi.
MASCARILLE
Madame, je vous jure 6+6 a
Que déjà vous devriezavoir tout confessé. 6+6 b
LUCILE
Et quoi donc confesser ?
MASCARILLE
Quoi ? Ce qui s'est passé 6+6 b
1085 Entre mon mtre et vous :la belle raillerie ! 6+6 a
LUCILE
Et que s'est-il passé,monstre d'effronterie, 6+6 a
Entre ton mtre et moi ?
MASCARILLE
Vous devez, que je crois, 6+6 b
En savoir un peu plusde nouvelles que moi, 6+6 b
Et pour vous cette nuitfut trop douce, pour croire 6+6 a
1090 Que vous puissiez si viteen perdre la mémoire. 6+6 a
LUCILE
C'est trop souffrir, mon père,un impudent valet. 6+6 b
SCÈNE X
MASCARILLE
Je crois qu'elle me vientde donner un soufflet. 6+6 b
ALBERT
Va, coquin, scélérat,sa main vient sur ta joue 6+6 a
De faire une actiondont son père la loue. 6+6 a
MASCARILLE
1095 Et nonobstant cela,qu'un diable en cet instant 6+6 b
M'emporte, si j'ai ditrien que de très constant ! 6+6 b
ALBERT
Et nonobstant cela,qu'on me coupe une oreille, 6+6 a
Si tu portes fort loinune audace pareille ! 6+6 a
MASCARILLE
Voulez-vous deux témoinsqui me justifieront ? 6+6 b
ALBERT
1100 Veux-tu deux de mes gensqui te bâtonneront ? 6+6 b
MASCARILLE
Leur rapport doit au miendonner toute créance. 6+6 a
ALBERT
Leurs bras peuvent du mienréparer l'impuissance. 6+6 a
MASCARILLE
Je vous dis que Lucileagit par honte ainsi. 6+6 b
ALBERT
Je te dis que j'aurairaison de tout ceci. 6+6 b
MASCARILLE
1105 Connaissez-vous Ormin,ce gros notaire habile ? 6+6 a
ALBERT
Connais-tu bien Grimpant,le bourreau de la ville ? 6+6 a
MASCARILLE
Et Simon le tailleur,jadis si recherché ? 6+6 b
ALBERT
Et la potence miseau milieu du marché ? 6+6 b
MASCARILLE
Vous verrez confirmerpar eux cet hyménée. 6+6 a
ALBERT
1110 Tu verras acheverpar eux ta destinée. 6+6 a
MASCARILLE
Ce sont eux qu'ils ont prispour témoins de leur foi. 6+6 b
ALBERT
Ce sont eux qui dans peume vengeront de toi. 6+6 b
MASCARILLE
Et ces yeux les ont vuss'entre-donner parole. 6+6 a
ALBERT
Et ces yeux te verrontfaire la capriole. 6+6 a
MASCARILLE
1115 Et pour signe, Lucileavait un voile noir. 6+6 b
ALBERT
Et pour signe, ton frontnous le fait assez voir. 6+6 b
MASCARILLE
Oh ! L'obstiné vieillard !
ALBERT
Oh ! Le fourbe damnable ! 6+6 a
Va, rends grâce à mes ansqui me font incapable 6+6 a
De punir sur-le-champl'affront que tu me fais : 6+6 b
1120 Tu n'en perds que l'attente,et je te le promets. 6+6 b
SCÈNE XI
VALÈRE
Hé bien ! Ce beau succèsque tu devais produire 6+6 a
MASCARILLE
J'entends à demi-motce que vous voulez dire : 6+6 a
Tout s'arme contre moi ;pour moi de tous côtés 6+6 b
Je vois coups de bâtonet gibets apprêtés. 6+6 b
1125 Aussi, pour être en paixdans ce désordre extrême, 6+6 a
Je me vais d'un rocherprécipiter moi-même, 6+6 a
Si dans le désespoirdont mon cœur est outré, 6+6 b
Je puis en rencontrerd'assez haut à mon gré. 6+6 b
Adieu, Monsieur.
VALÈRE
Non, non ;ta fuite est superflue : 6+6 a
1130 Si tu meurs, je prétendsque ce soit à ma vue. 6+6 a
MASCARILLE
Je ne saurais mourirquand je suis regardé, 6+6 b
Et mon trépas ainsise verrait retardé. 6+6 b
VALÈRE
Suis-moi, trtre, suis-moi :mon amour en furie 6+6 a
Te fera voir si c'estmatière à raillerie. 6+6 a
MASCARILLE
1135 Malheureux Mascarille !à quels maux aujourd'hui 6+6 b
Te vois-tu condamnépour le péché d'autrui ! 6+6 b
ACTE IV
SCÈNE PREMIÈRE
FROSINE
L'aventure est fâcheuse.
ASCAGNE
Ah ! Ma chère Frosine, 6+6 a
Le sort absolumenta conclu ma ruine. 6+6 a
Cette affaire, venueau point la voilà, 6+6 b
1140 N'est pas assurémentpour en demeurer là ; 6+6 b
Il faut qu'elle passe outre ;et Lucile et Valère, 6+6 a
Surpris des nouveautésd'un semblable mystère, 6+6 a
Voudront chercher un jourdans ces obscurités 6+6 b
Par qui tous mes projetsse verront avortés. 6+6 b
1145 Car enfin, soit qu'Albertait part au stratagème, 6+6 a
Ou qu'avec tout le mondeon l'ait trompé lui-même, 6+6 a
S'il arrive une foisque mon sort éclairci 6+6 b
Mette ailleurs tout le biendont le sien a grossi, 6+6 b
Jugez s'il aura lieude souffrir ma présence : 6+6 a
1150 Son intérêt détruitme laisse à ma naissance ; 6+6 a
C'est fait de sa tendresse ;et quelque sentiment 6+6 b
pour ma fourbe alorspût être mon amant, 6+6 b
Voudra-t-il avouerpour épouse une fille 6+6 a
Qu'il verra sans appuide biens et de famille ? 6+6 a
FROSINE
1155 Je trouve que c'est làraisonné comme il faut ; 6+6 b
Mais ces réflexionsdevaient venir plus tôt. 6+6 b
Qui vous a jusqu'icicaché cette lumière ? 6+6 a
Il ne fallait pas êtreune grande sorcière 6+6 a
Pour voir, dès le momentde vos desseins pour lui, 6+6 b
1160 Tout ce que votre espritne voit que d'aujourd'hui : 6+6 b
L'action le disait,et dès que je l'ai sue, 6+6 a
Je n'en ai prévu guèreune meilleure issue. 6+6 a
ASCAGNE
Que dois-je faire enfin ?Mon trouble est sans pareil. 6+6 b
Mettez-vous en ma place,et me donnez conseil. 6+6 b
FROSINE
1165 Ce doit être à vous-même,en prenant votre place, 6+6 a
À me donner conseildessus cette disgrâce ; 6+6 a
Car je suis maintenantvous, et vous êtes moi. 6+6 b
Conseillez-moi, Frosine :au point je me vois, 6+6 b
Quel remède trouver ?Dites, je vous en prie. 6+6 a
ASCAGNE
1170 Hélas ! Ne traitez pointceci de raillerie ; 6+6 a
C'est prendre peu de partà mes cuisants ennuis 6+6 b
Que de rire et de voirles termes j'en suis. 6+6 b
FROSINE
Non vraiment, tout de bon,votre ennui m'est sensible, 6+6 a
Et pour vous en tirerje ferais mon possible ; 6+6 a
1175 Mais que puis-je, après tout ?Je vois fort peu de jour 6+6 b
À tourner cette affaireau gré de votre amour. 6+6 b
ASCAGNE
Si rien ne peut m'aider,il faut donc que je meure. 6+6 a
FROSINE
Ha ! Pour cela toujoursil est assez bonne heure : 6+6 a
La mort est un remèdeà trouver quand on veut, 6+6 b
1180 Et l'on s'en doit servirle plus tard que l'on peut. 6+6 b
ASCAGNE
Non, non, Frosine, non ;si vos conseils propices 6+6 a
Ne conduisent mon sortparmi ces précipices, 6+6 a
Je m'abandonne touteaux traits du désespoir. 6+6 b
FROSINE
Savez-vous ma pensée ?Il faut que j'aille voir 6+6 b
1185 La … Mais Éraste vient,qui pourrait nous distraire. 6+6 a
Nous pourrons en marchantparler de cette affaire : 6+6 a
Allons, retirons-nous.
SCÈNE II
ÉRASTE
Encore rebuté ? 6+6 b
GROS RENÉ
Jamais ambassadeurne fut moins écouté : 6+6 b
À peine ai-je voulului porter la nouvelle 6+6 a
1190 Du moment d'entretienque vous souhaitiez d'elle, 6+6 a
Qu'elle m'a répondu,tenant son quant-à-moi : 6+6 b
Va, va, je fais étatde lui comme de toi ; 6+6 b
Dis-lui qu'il se promène ; et sur ce beau langage, 6+6 a
Pour suivre son cheminm'a tourné le visage ; 6+6 a
1195 Et Marinette aussi,d'un dédaigneux museau 6+6 b
Lâchant un laisse-nous,beau valet de carreau, 6+6 b
M'a planté là comme elle :et mon sort et le vôtre 6+6 a
N'ont rien à se pouvoirreprocher l'un à l'autre. 6+6 a
ÉRASTE
L'ingrate ! Recevoiravec tant de fierté 6+6 b
1200 Le prompt retour d'un cœurjustement emporté ! 6+6 b
Quoi ? Le premier transportd'un amour qu'on abuse 6+6 a
Sous tant de vraisemblanceest indigne d'excuse ? 6+6 a
Et ma plus vive ardeur,en ce moment fatal, 6+6 b
Devait être insensibleau bonheur d'un rival ? 6+6 b
1205 Tout autre n't pas faitmême chose en ma place, 6+6 a
Et se fût moins laissésurprendre à tant d'audace ? 6+6 a
De mes justes souonssuis-je sorti trop tard ? 6+6 b
Je n'ai point attendude serments de sa part ; 6+6 b
Et lorsque tout le mondeencor ne sait qu'en croire, 6+6 a
1210 Ce cœur impatientlui rend toute sa gloire, 6+6 a
Il cherche à s'excuser ;et le sien voit si peu 6+6 b
Dans ce profond respectla grandeur de mon feu ! 6+6 b
Loin d'assurer une âme,et lui fournir des armes 6+6 a
Contre ce qu'un rivallui veut donner d'alarmes, 6+6 a
1215 L'ingrate m'abandonneà mon jaloux transport, 6+6 b
Et rejette de moimessage, écrit, abord ! 6+6 b
Ha ! Sans doute, un amoura peu de violence, 6+6 a
Qu'est capable d'éteindreune si faible offense ; 6+6 a
Et ce dépit si promptà s'armer de rigueur 6+6 b
1220 Découvre assez pour moitout le fond de son cœur, 6+6 b
Et de quel prix doit êtreà présent à mon âme 6+6 a
Tout ce dont son capricea pu flatter ma flamme. 6+6 a
Non, je ne prétends plusdemeurer engagé 6+6 b
Pour un cœur je voisle peu de part que j'ai ; 6+6 b
1225 Et puisque l'on témoigneune froideur extrême 6+6 a
À conserver les gens,je veux faire de même. 6+6 a
GROS RENÉ
Et moi de même aussi :soyons tous deux fâchés, 6+6 b
Et mettons notre amourau rang des vieux péchés. 6+6 b
Il faut apprendre à vivreà ce sexe volage, 6+6 a
1230 Et lui faire sentirque l'on a du courage. 6+6 a
Qui souffre ses méprisles veut bien recevoir. 6+6 b
Si nous avions l'espritde nous faire valoir, 6+6 b
Les femmes n'auraient pasla parole si haute. 6+6 a
Oh ! Qu'elles nous sont bienfières par notre faute ! 6+6 a
1235 Je veux être pendu,si nous ne les verrions 6+6 b
Sauter à notre couplus que nous ne voudrions, 6+6 b
Sans tous ces vils devoirsdont la plupart des hommes 6+6 a
Les gâtent tous les joursdans le siècle nous sommes. 6+6 a
ÉRASTE
Pour moi, sur toute chose,un mépris me surprend ; 6+6 b
1240 Et pour punir le sienpar un autre aussi grand, 6+6 b
Je veux mettre en mon cœurune nouvelle flamme. 6+6 a
GROS RENÉ
Et moi, je ne veux plusm'embarrasser de femme : 6+6 a
À toutes je renonce,et crois, en bonne foi, 6+6 b
Que vous feriez fort biende faire comme moi. 6+6 b
1245 Car, voyez-vous, la femmeest, comme on dit, mon mtre, 6+6 a
Un certain animaldifficile à conntre, 6+6 a
Et de qui la natureest fort encline au mal ; 6+6 b
Et comme un animalest toujours animal, 6+6 b
Et ne sera jamaisqu'animal, quand sa vie 6+6 a
1250 Durerait cent mille ans,aussi, sans repartie, 6+6 a
La femme est toujours femme,et jamais ne sera 6+6 b
Que femme, tant qu'entierle monde durera ; 6+6 b
D' vient qu'un certain Grecdit que sa tête passe 6+6 a
Pour un sable mouvant ;car, gtez bien, de grâce, 6+6 a
1255 Ce raisonnement-ci,lequel est des plus forts : 6+6 b
Ainsi que la tête estcomme le chef du corps, 6+6 b
Et que le corps sans chefest pire qu'une bête : 6+6 a
Si le chef n'est pas biend'accord avec la tête, 6+6 a
Que tout ne soit pas bienréglé par le compas, 6+6 b
1260 Nous voyons arriverde certains embarras ; 6+6 b
La partie brutalealors veut prendre empire 6+6 a
Dessus la sensitive,et l'on voit que l'un tire 6+6 a
À dia, l'autre à hurhaut ;l'un demande du mou, 6+6 b
L'autre du dur ; enfintout va sans savoir : 6+6 b
1265 Pour montrer qu'ici-bas,ainsi qu'on l'interprète, 6+6 a
La tête d'une femmeest comme la girouette 6+6 a
Au haut d'une maison,qui tourne au premier vent. 6+6 b
C'est pourquoi le cousinAristote souvent 6+6 b
La compare à la mer ;d' vient qu'on dit qu'au monde 6+6 a
1270 On ne peut rien trouverde si stable que l'onde. 6+6 a
Or, par comparaison(car la comparaison 6+6 b
Nous fait distinctementcomprendre une raison, 6+6 b
Et nous aimons bien mieux,nous autres gens d'étude, 6+6 a
Une comparaisonqu'une similitude), 6+6 a
1275 Par comparaison donc,mon mtre, s'il vous plt, 6+6 b
Comme on voit que la mer,quand l'orage s'accrt, 6+6 b
Vient à se courroucer ;le vent souffle et ravage, 6+6 a
Les flots contre les flotsfont un remue-ménage 6+6 a
Horrible ; et le vaisseau,malgré le nautonier, 6+6 b
1280 Va tantôt à la cave,et tantôt au grenier : 6+6 b
Ainsi, quand une femmea sa tête fantasque, 6+6 a
On voit une tempêteen forme de bourrasque, 6+6 a
Qui veut compétiterpar de certains … Propos ; 6+6 b
Et lors un … Certain vent,qui par … De certains flots, 6+6 b
1285 De … Certaine façon,ainsi qu'un banc de sable 6+6 a
Quand … Les femmes enfinne valent pas le diable. 6+6 a
ÉRASTE
C'est fort bien raisonner.
GROS RENÉ
Assez bien, Dieu merci. 6+6 b
Mais je les vois, Monsieur,qui passent par ici. 6+6 b
Tenez-vous ferme, au moins.
ÉRASTE
Ne te mets pas en peine. 6+6 a
GROS RENÉ
1290 J'ai bien peur que ses yeuxresserrent votre chne. 6+6 a
SCÈNE III
MARINETTE
Je l'apeois encor ;mais ne vous rendez point. 6+6 b
LUCILE
Ne me souonne pasd'être foible à ce point. 6+6 b
MARINETTE
Il vient à nous.
ÉRASTE
Non, non,ne croyez pas, madame, 6+6 a
Que je revienne encorvous parler de ma flamme. 6+6 a
1295 C'en est fait ; je me veuxguérir, et connais bien 6+6 b
Ce que de votre cœura possédé le mien. 6+6 b
Un courroux si constantpour l'ombre d'une offense 6+6 a
M'a trop bien éclairéde votre indifférence, 6+6 a
Et je dois vous montrerque les traits du mépris 6+6 b
1300 Sont sensibles surtoutaux généreux esprits. 6+6 b
Je l'avouerai, mes yeuxobservaient dans les vôtres 6+6 a
Des charmes qu'ils n'ont pointtrouvés dans tous les autres, 6+6 a
Et le ravissement j'étais de mes fers 6+6 b
Les aurait préférésà des sceptres offerts : 6+6 b
1305 Oui, mon amour pour vous,sans doute, était extrême ; 6+6 a
Je vivais tout en vous ;et, je l'avouerai même, 6+6 a
Peut-être qu'après toutj'aurai, quoiqu'outragé, 6+6 b
Assez de peine encoreà m'en voir dégagé : 6+6 b
Possible que, malgréla cure qu'elle essaie, 6+6 a
1310 Mon âme saigneralongtemps de cette plaie, 6+6 a
Et qu'affranchi d'un jougqui faisait tout mon bien, 6+6 b
Il faudra se résoudreà n'aimer jamais rien ; 6+6 b
Mais enfin il n'importe,et puisque votre haine 6+6 a
Chasse un cœur tant de foisque l'amour vous ramène, 6+6 a
1315 C'est la dernière icides importunités 6+6 b
Que vous aurez jamaisde mes vœux rebutés. 6+6 b
LUCILE
Vous pouvez faire aux miensla grâce toute entière, 6+6 a
Monsieur, et m'épargnerencor cette dernière. 6+6 a
ÉRASTE
Hé bien, madame, hé bien,ils seront satisfaits ! 6+6 b
1320 Je romps avecque vous,et j'y romps pour jamais, 6+6 b
Puisque vous le voulez :que je perde la vie 6+6 a
Lorsque de vous parlerje reprendrai l'envie ! 6+6 a
LUCILE
Tant mieux, c'est m'obliger.
ÉRASTE
Non, non, n'ayez pas peur 6+6 b
Que je fausse parole :eussé-je un faible cœur 6+6 b
1325 Jusques à n'en pouvoireffacer votre image, 6+6 a
Croyez que vous n'aurezjamais cet avantage 6+6 a
De me voir revenir.
LUCILE
Ce serait bien en vain. 6+6 b
ÉRASTE
Moi-même de cent coupsje percerais mon sein, 6+6 b
Si j'avais jamais faitcette bassesse insigne, 6+6 a
1330 De vous revoir aprèsce traitement indigne. 6+6 a
LUCILE
Soit, n'en parlons donc plus.
ÉRASTE
Oui, oui, n'en parlons plus ; 6+6 b
Et pour trancher icitous propos superflus, 6+6 b
Et vous donner, ingrate,une preuve certaine 6+6 a
Que je veux, sans retour,sortir de votre chne, 6+6 a
1335 Je ne veux rien garderqui puisse retracer 6+6 b
Ce que de mon espritil me faut effacer. 6+6 b
Voici votre portrait :il présente à la vue 6+6 a
Cent charmes merveilleuxdont vous êtes pourvue ; 6+6 a
Mais il cache sous euxcent défauts aussi grands, 6+6 b
1340 Et c'est un imposteurenfin que je vous rends. 6+6 b
GROS RENÉ
Bon.
LUCILE
Et moi, pour vous suivreau dessein de tout rendre, 6+6 a
Voilà le diamantque vous m'aviez fait prendre. 6+6 a
MARINETTE
Fort bien.
ÉRASTE
Il est à vousencor ce bracelet. 6+6 b
LUCILE
Et cette agate à vous,qu'on fit mettre en cachet. 6+6 b
ÉRASTE, lit
1345  Vous m'aimez d'une amour extrême, 8 a
Éraste, et de mon cœurvoulez être éclairci : 6+6 b
 Si je n'aime Éraste de même, 8 a
 Au moins aimé-je fortqu'Éraste m'aime ainsi. 6+6 b
Lucile.
Éraste, continue.
Vous m'assuriez par làd'agréer mon service ? 6+6 a
1350 C'est une faussetédigne de ce supplice. 6+6 a
LUCILE, lit
« J'ignore le destinde mon amour ardente, 6+6 a
 Et jusqu'à quand je souffrirai ; 8 b
 Mais je sais, ô beauté charmante, 8 a
 Que toujours je vous aimerai. 8 b
Éraste.
(elle continue.)
1355 Voilà qui m'assuraità jamais de vos feux ? 6+6 b
Et la main et la lettreont menti toutes deux. 6+6 b
GROS RENÉ
Poussez.
ÉRASTE
Elle est de vous ;suffit : même fortune. 6+6 a
MARINETTE
Ferme.
LUCILE
J'aurais regretd'en épargner aucune. 6+6 a
GROS RENÉ
N'ayez pas le dernier.
MARINETTE
Tenez bon jusqu'au bout. 6+6 b
LUCILE
Enfin, voilà le reste.
ÉRASTE
1360 Et, grâce au ciel, c'est tout. 6+6 b
Que sois-je exterminé,si je ne tiens parole ! 6+6 a
LUCILE
Me confonde le ciel,si la mienne est frivole ! 6+6 a
ÉRASTE
Adieu donc.
LUCILE
Adieu donc.
MARINETTE
Voilà qui va des mieux. 6+6 b
GROS RENÉ
Vous triomphez.
MARINETTE
Allons,ôtez-vous de ses yeux. 6+6 b
GROS RENÉ
1365 Retirez-vous aprèscet effort de courage. 6+6 a
MARINETTE
Qu'attendez-vous encor ?
GROS RENÉ
Que faut-il davantage ? 6+6 a
ÉRASTE
Ha ! Lucile, Lucile,un cœur comme le mien 6+6 b
Se fera regretter,et je le sais fort bien. 6+6 b
LUCILE
Éraste, Éraste, un cœurfait comme est fait le vôtre 6+6 a
1370 Se peut facilementréparer par un autre. 6+6 a
ÉRASTE
Non, non : cherchez partout,vous n'en aurez jamais 6+6 b
De si passionnépour vous, je vous promets. 6+6 b
Je ne dis pas celapour vous rendre attendrie : 6+6 a
J'aurais tort d'en formerencore quelque envie. 6+6 a
1375 Mes plus ardents respectsn'ont pu vous obliger ; 6+6 b
Vous avez voulu rompre :il n'y faut plus songer ; 6+6 b
Mais personne, après moi,quoi qu'on vous fasse entendre, 6+6 a
N'aura jamais pour vousde passion si tendre. 6+6 a
LUCILE
Quand on aime les gens,on les traite autrement ; 6+6 b
1380 On fait de leur personneun meilleur jugement. 6+6 b
ÉRASTE
Quand on aime les gens,on peut, de jalousie, 6+6 a
Sur beaucoup d'apparence,avoir l'âme saisie ; 6+6 a
Mais alors qu'on les aime,on ne peut en effet 6+6 b
Se résoudre à les perdre,et vous, vous l'avez fait. 6+6 b
LUCILE
1385 La pure jalousieest plus respectueuse. 6+6 a
ÉRASTE
On voit d'un œil plus douxune offense amoureuse. 6+6 a
LUCILE
Non, votre cœur, Éraste,était mal enflammé. 6+6 b
ÉRASTE
Non, Lucile, jamaisvous ne m'avez aimé. 6+6 b
LUCILE
Eh ! Je crois que celafaiblement vous soucie. 6+6 a
1390 Peut-être en serait-ilbeaucoup mieux pour ma vie, 6+6 a
Si je … Mais laissons làces discours superflus : 6+6 b
Je ne dis point quels sontmes pensers là-dessus. 6+6 b
ÉRASTE
Pourquoi ?
LUCILE
Par la raisonque nous rompons ensemble, 6+6 a
Et que cela n'est plusde saison, ce me semble. 6+6 a
ÉRASTE
Nous rompons ?
LUCILE
1395 Oui, vraiment :quoi ? N'en est-ce pas fait ? 6+6 b
ÉRASTE
Et vous voyez celad'un esprit satisfait ? 6+6 b
LUCILE
Comme vous.
ÉRASTE
Comme moi ?
LUCILE
Sans doute : c'est faiblesse 6+6 a
De faire voir aux gensque leur perte nous blesse. 6+6 a
ÉRASTE
Mais, cruelle, c'est vousqui l'avez bien voulu. 6+6 b
LUCILE
1400 Moi ? Point du tout ; c'est vousqui l'avez résolu. 6+6 b
ÉRASTE
Moi ? Je vous ai cru làfaire un plaisir extrême. 6+6 a
LUCILE
Point : vous avez vouluvous contenter vous-même. 6+6 a
ÉRASTE
Mais si mon cœur encorrevoulait sa prison, … 6+6 b
Si, tout fâché qu'il est,il demandait pardon ? … 6+6 b
LUCILE
1405 Non, non, n'en faites rien :ma faiblesse est trop grande, 6+6 a
J'aurais peur d'accordertrop tôt votre demande. 6+6 a
ÉRASTE
Ha ! Vous ne pouvez pastrop tôt me l'accorder, 6+6 b
Ni moi sur cette peurtrop tôt le demander. 6+6 b
Consentez-y, madame :une flamme si belle 6+6 a
1410 Doit, pour votre intérêt,demeurer immortelle. 6+6 a
Je le demande enfin :me l'accorderez-vous, 6+6 b
Ce pardon obligeant ?
LUCILE
Remenez-moi chez nous. 6+6 b
SCÈNE IV
MARINETTE
Oh ! La lâche personne !
GROS RENÉ
Ha ! Le faible courage ! 6+6 a
MARINETTE
J'en rougis de dépit.
GROS RENÉ
J'en suis gonflé de rage. 6+6 a
1415 Ne t'imagine pasque je me rende ainsi. 6+6 b
MARINETTE
Et ne pense pas, toi,trouver ta dupe aussi. 6+6 b
GROS RENÉ
Viens, viens frotter ton nezauprès de ma colère. 6+6 a
MARINETTE
Tu nous prends pour un autre,et tu n'as pas affaire 6+6 a
À ma sotte mtresse.Ardez le beau museau, 6+6 b
1420 Pour nous donner envieencore de sa peau ! 6+6 b
Moi, j'aurais de l'amourpour ta chienne de face ? 6+6 a
Moi, je te chercherais ?Ma foi, l'on t'en fricasse 6+6 a
Des filles comme nous !
GROS RENÉ
Oui ? Tu le prends par là ? 6+6 b
Tiens, tiens, sans y cherchertant de façon, voilà 6+6 b
1425 Ton beau galant de neige,avec ta nompareille : 6+6 a
Il n'aura plus l'honneurd'être sur mon oreille. 6+6 a
MARINETTE
Et toi, pour te montrerque tu m'es à mépris, 6+6 b
Voilà ton demi-centd'épingles de Paris, 6+6 b
Que tu me donnas hieravec tant de fanfare. 6+6 a
GROS RENÉ
1430 Tiens encor ton couteau ;la pièce est riche et rare : 6+6 a
Il te cta six blancslorsque tu m'en fis don. 6+6 b
MARINETTE
Tiens tes ciseaux, avecta chne de laiton. 6+6 b
GROS RENÉ
J'oubliais d'avant-hierton morceau de fromage : 6+6 a
Tiens. Je voudrais pouvoirrejeter le potage 6+6 a
1435 Que tu me fis manger,pour n'avoir rien à toi. 6+6 b
MARINETTE
Je n'ai point maintenantde tes lettres sur moi ; 6+6 b
Mais j'en ferai du feujusques à la dernière. 6+6 a
GROS RENÉ
Et des tiennes tu saisce que j'en saurai faire ? 6+6 a
MARINETTE
Prends garde à ne venirjamais me reprier. 6+6 b
GROS RENÉ
1440 Pour couper tout cheminà nous rapatrier, 6+6 b
Il faut rompre la paille :une paille rompue 6+6 a
Rend, entre gens d'honneur,une affaire conclue. 6+6 a
Ne fais point les doux yeux :je veux être fâché. 6+6 b
MARINETTE
Ne me lorgne point, toi :j'ai l'esprit trop touché. 6+6 b
GROS RENÉ
1445 Romps : voilà le moyende ne s'en plus dédire. 6+6 a
Romps : tu ris, bonne bête ?
MARINETTE
Oui, car tu me fais rire. 6+6 a
GROS RENÉ
La peste soit ton ris !Voilà tout mon courroux 6+6 b
Déjà dulcifié.Qu'en dis-tu ? Romprons-nous, 6+6 b
Ou ne romprons-nous pas ?
MARINETTE
Vois.
GROS RENÉ
Vois, toi.
MARINETTE
Vois, toi-même. 6+6 a
GROS RENÉ
1450 Est-ce que tu consensque jamais je ne t'aime ? 6+6 a
MARINETTE
Moi ? Ce que tu voudras.
GROS RENÉ
Ce que tu voudras, toi : 6+6 b
Dis.
MARINETTE
Je ne dirai rien.
GROS RENÉ
Ni moi non plus.
MARINETTE
Ni moi. 6+6 b
GROS RENÉ
Ma foi, nous ferons mieuxde quitter la grimace : 6+6 a
Touche, je te pardonne.
MARINETTE
Et moi, je te fais grâce. 6+6 a
GROS RENÉ
1455 Mon Dieu ! Qu'à tes appasje suis acoquiné ! 6+6 b
MARINETTE
Que Marinette est sotteaprès son Gros-René ! 6+6 b
ACTE V
SCÈNE PREMIÈRE
MASCARILLE
Dès que l'obscuritérégnera dans la ville, 6+6 a
Je me veux introduireau logis de Lucile : 6+6 a
Va vite de ce paspréparer pour tantôt 6+6 b
1460 Et la lanterne sourde,et les armes qu'il faut. 6+6 b
Quand il m'a dit ces mots,il m'a semblé d'entendre : 6+6 a
Va vitement chercherun licou pour te pendre. 6+6 a
Venez çà, mon patron(car dans l'étonnement 6+6 b
m'a jeté d'abordun tel commandement, 6+6 b
1465 Je n'ai pas eu le tempsde vous pouvoir répondre ; 6+6 a
Mais je vous veux iciparler, et vous confondre : 6+6 a
Défendez-vous donc bien,et raisonnons sans bruit). 6+6 b
Vous voulez, dites-vous,aller voir cette nuit 6+6 b
Lucile ? Oui, Mascarille. et que pensez-vous faire ? 6+6 a
1470 « Une action d'amantqui se veut satisfaire. 6+6 a
Une action d'un hommeà fort petit cerveau 6+6 b
Que d'aller sans besoinrisquer ainsi sa peau. 6+6 b
« Mais tu sais quel motifà ce dessein m'appelle : 6+6 a
Lucile est irritée. Eh bien ! Tant pis pour elle. 6+6 a
1475 « Mais l'amour veut que j'ailleapaiser son esprit. 6+6 b
Mais l'amour est un sotqui ne sait ce qu'il dit : 6+6 b
Nous garantira-t-il,cet amour, je vous prie, 6+6 a
D'un rival, ou d'un père,ou d'un frère en furie ? 6+6 a
Penses-tu qu'aucun d'euxsonge à nous faire mal ? 6+6 b
1480 Oui vraiment je le pense,et surtout ce rival. 6+6 b
« Mascarille, en tout cas,l'espoir je me fonde, 6+6 a
Nous irons bien armés ;et si quelqu'un nous gronde, 6+6 a
Nous nous chamaillerons. Oui, voilà justement 6+6 b
Ce que votre valetne prétend nullement : 6+6 b
1485 Moi, chamailler, bon Dieu !Suis-je un Roland, mon mtre, 6+6 a
Ou quelque Ferragu ?C'est fort mal me conntre. 6+6 a
Quand je viens à songer,moi qui me suis si cher, 6+6 b
Qu'il ne faut que deux doigtsd'un misérable fer 6+6 b
Dans le corps, pour vous mettreun humain dans la bière, 6+6 a
1490 Je suis scandaliséd'une étrange manière. 6+6 a
Mais tu seras arméde pied en cap. Tant pis : 6+6 b
J'en serai moins légerà gagner le taillis ; 6+6 b
Et de plus, il n'est pointd'armure si bien jointe 6+6 a
ne puisse glisserune vilaine pointe. 6+6 a
1495 Oh ! Tu seras ainsitenu pour un poltron. 6+6 b
Soit, pourvu que toujoursje branle le menton : 6+6 b
À table comptez-moi,si vous voulez, pour quatre ; 6+6 a
Mais comptez-moi pour riens'il s'agit de se battre. 6+6 a
Enfin, si l'autre mondea des charmes pour vous, 6+6 b
1500 Pour moi, je trouve l'airde celui-ci fort doux ; 6+6 b
Je n'ai pas grande faimde mort ni de blessure, 6+6 a
Et vous ferez le sottout seul, je vous assure. 6+6 a
SCÈNE II
VALÈRE
Je n'ai jamais trouvéde jour plus ennuyeux : 6+6 b
Le soleil semble s'êtreoublié dans les cieux ; 6+6 b
1505 Et jusqu'au lit qui doitrecevoir sa lumière 6+6 a
Je vois rester encoreune telle carrière, 6+6 a
Que je crois que jamaisil ne l'achèvera 6+6 b
Et que de sa lenteurmon âme enragera. 6+6 b
MASCARILLE
Et cet empressementpour s'en aller dans l'ombre 6+6 a
1510 Pêcher vite à tâtonsquelque sinistre encombre ! 6+6 a
Vous voyez que Lucile,entière en ses rebuts … 6+6 b
VALÈRE
Ne me fais point icide contes superflus. 6+6 b
Quand j'y devrais trouvercent embûches mortelles, 6+6 a
Je sens de son courrouxdes gênes trop cruelles, 6+6 a
1515 Et je veux l'adoucir,ou terminer mon sort : 6+6 b
C'est un point résolu.
MASCARILLE
J'approuve ce transport ; 6+6 b
Mais le mal est, Monsieur,qu'il faudra s'introduire 6+6 a
En cachette.
VALÈRE
Fort bien.
MASCARILLE
Et j'ai peur de vous nuire. 6+6 a
VALÈRE
Et comment ?
MASCARILLE
Une touxme tourmente à mourir, 6+6 b
1520 Dont le bruit importunvous fera découvrir : 6+6 b
De moment en moment …Vous voyez le supplice. 6+6 a
VALÈRE
Ce mal te passera :prends du jus de réglisse. 6+6 a
MASCARILLE
Je ne crois pas, Monsieur,qu'il se veuille passer. 6+6 b
Je serais ravi, moi,de ne vous point laisser ; 6+6 b
1525 Mais j'aurais un regretmortel, si j'étais cause 6+6 a
Qu'il fût à mon cher mtrearrivé quelque chose. 6+6 a
SCÈNE III
LA RAPIÈRE
Monsieur, de bonne partje viens d'être informé 6+6 b
Qu'Éraste est contre vousfortement animé, 6+6 b
Et qu'Albert parle ausside faire pour sa fille 6+6 a
1530 Rouer jambes et brasà votre Mascarille. 6+6 a
MASCARILLE
Moi, je ne suis pour riendans tout cet embarras. 6+6 b
Qu'ai-je fait pour me voirrouer jambes et bras ? 6+6 b
Suis-je donc gardien,pour employer ce style, 6+6 a
De la virginitédes filles de la ville ? 6+6 a
1535 Sur la tentationai-je quelque crédit ? 6+6 b
Et puis-je mais, chétif,si le cœur leur en dit ? 6+6 b
VALÈRE
Oh ! Qu'ils ne seront passi méchants qu'ils le disent ! 6+6 a
Et quelque belle ardeurque ses feux lui produisent, 6+6 a
Éraste n'aura passi bon marché de nous. 6+6 b
LA RAPIÈRE
1540 S'il vous faisait besoin,mon bras est tout à vous : 6+6 b
Vous savez de tout tempsque je suis un bon frère. 6+6 a
VALÈRE
Je vous suis obligé,monsieur de la Rapière. 6+6 a
LA RAPIÈRE
J'ai deux amis aussique je vous puis donner, 6+6 b
Qui contre tous venantssont gens à dégainer, 6+6 b
1545 Et sur qui vous pourrezprendre toute assurance. 6+6 a
MASCARILLE
Acceptez-les, Monsieur.
VALÈRE
C'est trop de complaisance. 6+6 a
LA RAPIÈRE
Le petit Gille encoret pu nous assister, 6+6 b
Sans le triste accidentqui vient de nous l'ôter. 6+6 b
Monsieur, le grand dommage !Et l'homme de service ! 6+6 a
1550 Vous avez su le tourque lui fit la justice : 6+6 a
Il mourut en César,et lui cassant les os, 6+6 b
Le bourreau ne lui putfaire lâcher deux mots. 6+6 b
VALÈRE
Monsieur de la Rapière,un homme de la sorte 6+6 a
Doit être regretté.Mais quant à votre escorte, 6+6 a
Je vous rends grâce.
LA RAPIÈRE
1555 Soit ;mais soyez averti 6+6 b
Qu'il vous cherche, et vous peutfaire un mauvais parti. 6+6 b
VALÈRE
Et moi, pour vous montrercombien je l'appréhende, 6+6 a
Je lui veux, s'il me cherche,offrir ce qu'il demande, 6+6 a
Et par toute la villealler présentement, 6+6 b
1560 Sans être accompagnéque de lui seulement. 6+6 b
MASCARILLE
Quoi ? Monsieur, vous vouleztenter Dieu ? Quelle audace ! 6+6 a
Las ! Vous voyez tous deuxcomme l'on nous menace, 6+6 a
Combien de tous côtés …
VALÈRE
Que regardes-tu là ? 6+6 b
MASCARILLE
C'est qu'il sent le bâtondu côté que voilà. 6+6 b
1565 Enfin, si maintenantma prudence en est crue, 6+6 a
Ne nous obstinons pointà rester dans la rue : 6+6 a
Allons nous renfermer.
VALÈRE
Nous renfermer, faquin ! 6+6 b
Tu m'oses proposerun acte de coquin ! 6+6 b
Sus, sans plus de discours,résous-toi de me suivre. 6+6 a
MASCARILLE
1570 Eh ! Monsieur, mon cher mtre,il est si doux de vivre ! 6+6 a
On ne meurt qu'une fois,et c'est pour si longtemps ! 6+6 b
VALÈRE
Je m'en vais t'assommerde coups, si je t'entends. 6+6 b
Ascagne vient ici,laissons-le : il faut attendre 6+6 a
Quel parti de lui-mêmeil résoudra de prendre. 6+6 a
1575 Cependant avec moiviens prendre à la maison 6+6 b
Pour nous frotter.
MASCARILLE
Je n'ainulle démangeaison. 6+6 b
Que maudit soit l'amour,et les filles maudites 6+6 a
Qui veulent en tâter,puis font les chattemites ! 6+6 a
SCÈNE IV
ASCAGNE
Est-il bien vrai, Frosine,et ne rêvé-je point ? 6+6 b
1580 De grâce, contez-moibien tout de point en point. 6+6 b
FROSINE
Vous en saurez assezle détail ; laissez faire : 6+6 a
Ces sortes d'incidentsne sont pour l'ordinaire 6+6 a
Que redits trop de foisde moment en moment. 6+6 b
Suffit que vous sachiezqu'après ce testament 6+6 b
1585 Qui voulait un gaonpour tenir sa promesse, 6+6 a
De la femme d'Albertla dernière grossesse 6+6 a
N'accoucha que de vous ;et que lui dessous main 6+6 b
Ayant depuis longtempsconcerté son dessein, 6+6 b
Fit son fils de celuid'Ignès la bouquetière, 6+6 a
1590 Qui vous donna pour sienneà nourrir à ma mère. 6+6 a
La mort ayant ravice petit innocent 6+6 b
Quelque dix mois après,Albert étant absent, 6+6 b
La crainte d'un épouxet l'amour maternelle 6+6 a
Firent l'événementd'une ruse nouvelle : 6+6 a
1595 Sa femme en secret lorsse rendit son vrai sang ; 6+6 b
Vous devîntes celuiqui tenoit votre rang, 6+6 b
Et la mort de ce filsmis dans votre famille 6+6 a
Se couvrit pour Albertde celle de sa fille. 6+6 a
Voilà de votre sortun mystère éclairci 6+6 b
1600 Que votre feinte mèrea caché jusqu'ici ; 6+6 b
Elle en dit des raisons,et peut en avoir d'autres, 6+6 a
Par qui ses intérêtsn'étaient pas tous les vôtres. 6+6 a
Enfin cette visite, j'espérais si peu, 6+6 b
Plus qu'on ne pouvait croirea servi votre feu. 6+6 b
1605 Cette Ignès vous relâche ;et par votre autre affaire 6+6 a
L'éclat de son secretdevenu nécessaire, 6+6 a
Nous en avons nous deuxvotre père informé ; 6+6 b
Un billet de sa femmea le tout confirmé ; 6+6 b
Et poussant plus avantencore notre pointe, 6+6 a
1610 Quelque peu de fortuneà notre adresse jointe, 6+6 a
Aux intérêts d'Albertde Polydore après 6+6 b
Nous avons ajustési bien les intérêts, 6+6 b
Si doucement à luidéplié ces mystères, 6+6 a
Pour n'effaroucher pasd'abord trop les affaires, 6+6 a
1615 Enfin, pour dire tout,mené si prudemment 6+6 b
Son esprit pas à pasà l'accommodement, 6+6 b
Qu'autant que votre pèreil montre de tendresse 6+6 a
À confirmer les nœudsqui font votre allégresse. 6+6 a
ASCAGNE
Ha ! Frosine, la joie vous m'acheminez 6+6 b
1620 Et que ne dois-je pointà vos soins fortunés ! 6+6 b
FROSINE
Au reste, le bonhommeest en humeur de rire, 6+6 a
Et pour son fils encornous défend de rien dire. 6+6 a
SCÈNE V
POLYDORE
Approchez-vous, ma fille :un tel nom m'est permis, 6+6 b
Et j'ai su le secretque cachaient ces habits. 6+6 b
1625 Vous avez fait un traitqui, dans sa hardiesse, 6+6 a
Fait briller tant d'espritet tant de gentillesse, 6+6 a
Que je vous en excuse,et tiens mon fils heureux 6+6 b
Quand il saura l'objetde ses soins amoureux : 6+6 b
Vous valez tout un monde,et c'est moi qui l'assure. 6+6 a
1630 Mais le voici : prenonsplaisir de l'aventure. 6+6 a
Allez faire venirtous vos gens promptement. 6+6 b
ASCAGNE
Vous obéir seramon premier compliment. 6+6 b
SCÈNE VI
MASCARILLE
Les disgrâces souventsont du ciel révélées : 6+6 a
J'ai songé cette nuitde perles défilées, 6+6 a
1635 Et d'œufs cassés : Monsieur,un tel songe m'abat. 6+6 b
VALÈRE
Chien de poltron !
POLYDORE
Valère,il s'apprête un combat 6+6 b
toute ta valeurte sera nécessaire : 6+6 a
Tu vas avoir en têteun puissant adversaire. 6+6 a
MASCARILLE
Et personne, Monsieur,qui se veuille bouger 6+6 b
1640 Pour retenir des gensqui se vont égorger ! 6+6 b
Pour moi, je le veux bien ;mais au moins s'il arrive 6+6 a
Qu'un funeste accidentde votre fils vous prive, 6+6 a
Ne m'en accusez point.
POLYDORE
Non, non : en cet endroit 6+6 b
Je le pousse moi-mêmeà faire ce qu'il doit. 6+6 b
MASCARILLE
Père dénaturé !
VALÈRE
1645 Ce sentiment, mon père, 6+6 a
Est d'un homme de cœur,et je vous en révère. 6+6 a
J'ai dû vous offenser,et je suis criminel 6+6 b
D'avoir fait tout cecisans l'aveu paternel ; 6+6 b
Mais à quelque dépitque ma faute vous porte, 6+6 a
1650 La nature toujoursse montre la plus forte ; 6+6 a
Et votre honneur fait bien,quand il ne veut pas voir 6+6 b
Que le transport d'Érasteait de quoi m'émouvoir. 6+6 b
POLYDORE
On me faisait tantôtredouter sa menace ; 6+6 a
Mais les choses depuisont bien changé de face ; 6+6 a
1655 Et sans le pouvoir fuir,d'un ennemi plus fort 6+6 b
Tu vas être attaqué.
MASCARILLE
Point de moyen d'accord ? 6+6 b
VALÈRE
Moi, le fuir ! Dieu m'en garde.Et qui donc pourrait-ce être ? 6+6 a
POLYDORE
Ascagne.
VALÈRE
Ascagne ?
POLYDORE
Oui,tu le vas voir partre. 6+6 a
VALÈRE
Lui, qui de me servirm'avait donné sa foi ! 6+6 b
POLYDORE
1660 Oui, c'est lui qui prétendavoir affaire à toi, 6+6 b
Et qui veut, dans le champ l'honneur vous appelle, 6+6 a
Qu'un combat seul à seulvide votre querelle. 6+6 a
MASCARILLE
C'est un brave homme : il saitque les cœurs généreux 6+6 b
Ne mettent point les gensen compromis pour eux. 6+6 b
POLYDORE
1665 Enfin d'une impostureils te rendent coupable, 6+6 a
Dont le ressentimentm'a paru raisonnable ; 6+6 a
Si bien qu'Albert et moisommes tombés d'accord 6+6 b
Que tu satisferaisAscagne sur ce tort, 6+6 b
Mais aux yeux d'un chacun,et sans nulles remises, 6+6 a
1670 Dans les formalitésen pareil cas requises. 6+6 a
VALÈRE
Et Lucile, mon père,a d'un cœur endurci 6+6 b
POLYDORE
Lucile épouse Éraste,et te condamne aussi ; 6+6 b
Et pour convaincre mieuxtes discours d'injustice, 6+6 a
Veut qu'à tes propres yeuxcet hymen s'accomplisse. 6+6 a
VALÈRE
1675 Ha ! C'est une impudenceà me mettre en fureur : 6+6 b
Elle a donc perdu sens,foi, conscience, honneur ? 6+6 b
SCÈNE VII
ALBERT
Hé bien ! Les combattants ?On amène le nôtre : 6+6 a
Avez-vous disposéle courage du vôtre ? 6+6 a
VALÈRE
Oui, oui, me voilà prêt,puisqu'on m'y veut forcer ; 6+6 b
1680 Et si j'ai pu trouversujet de balancer, 6+6 b
Un reste de respecten pouvait être cause, 6+6 a
Et non pas la valeurdu bras que l'on m'oppose. 6+6 a
Mais c'est trop me pousser,ce respect est à bout : 6+6 b
À toute extrémitémon esprit se résout, 6+6 b
1685 Et l'on fait voir un traitde perfidie étrange, 6+6 a
Dont il faut hautementque mon amour se venge. 6+6 a
Non pas que cet amourprétende encore à vous : 6+6 b
Tout son feu se résouten ardeur de courroux ; 6+6 b
Et quand j'aurai renduvotre honte publique, 6+6 a
1690 Votre coupable hymenn'aura rien qui me pique. 6+6 a
Allez, ce procédé,Lucile, est odieux : 6+6 b
À peine en puis-je croireau rapport de mes yeux ; 6+6 b
C'est de toute pudeurse montrer ennemie, 6+6 a
Et vous devriez mourird'une telle infamie. 6+6 a
LUCILE
1695 Un semblable discoursme pourrait affliger, 6+6 b
Si je n'avais en mainqui m'en saura venger. 6+6 b
Voici venir Ascagne :il aura l'avantage 6+6 a
De vous faire changerbien vite de langage, 6+6 a
Et sans beaucoup d'effort.
SCÈNE VIII
VALÈRE
Il ne le fera pas, 6+6 b
1700 Quand il joindrait au sienencor vingt autres bras. 6+6 b
Je le plains de défendreune sœur criminelle ; 6+6 a
Mais puisque son erreurme veut faire querelle, 6+6 a
Nous le satisferons,et vous, mon brave, aussi. 6+6 b
ÉRASTE
Je prenais intérêttantôt à tout ceci ; 6+6 b
1705 Mais enfin, comme Ascagnea pris sur lui l'affaire, 6+6 a
Je ne veux plus en prendre,et je le laisse faire. 6+6 a
VALÈRE
C'est bien fait, la prudenceest toujours de saison ; 6+6 b
Mais …
ÉRASTE
Il saura pour tousvous mettre à la raison. 6+6 b
VALÈRE
Lui ?
POLYDORE
Ne t'y trompe pas ;tu ne sais pas encore 6+6 a
Quel étrange gaonest Ascagne.
ALBERT
1710 Il l'ignore. 6+6 a
Mais il pourra dans peule lui faire savoir. 6+6 b
VALÈRE
Sus donc ! Que maintenantil me le fasse voir. 6+6 b
MARINETTE
Aux yeux de tous ?
GROS RENÉ
Celane serait pas honnête. 6+6 a
VALÈRE
Se moque-t-on de moi ?Je casserai la tête 6+6 a
1715 À quelqu'un des rieurs.Enfin voyons l'effet. 6+6 b
ASCAGNE
Non, non, je ne suis passi méchant qu'on me fait ; 6+6 b
Et dans cette aventure chacun m'intéresse, 6+6 a
Vous allez voir plutôtéclater ma faiblesse, 6+6 a
Conntre que le ciel,qui dispose de nous, 6+6 b
1720 Ne me fit pas un cœurpour tenir contre vous, 6+6 b
Et qu'il vous réservait,pour victoire facile, 6+6 a
De finir le destindu frère de Lucile. 6+6 a
Oui, bien loin de vanterle pouvoir de mon bras, 6+6 b
Ascagne va par vousrecevoir le trépas ; 6+6 b
1725 Mais il veut bien mourir,si sa mort nécessaire 6+6 a
Peut avoir maintenantde quoi vous satisfaire, 6+6 a
En vous donnant pour femme,en présence de tous, 6+6 b
Celle qui justementne peut être qu'à vous. 6+6 b
VALÈRE
Non, quand toute la terre,après sa perfidie 6+6 a
Et les traits effrontés …
ASCAGNE
1730 Ah ! Souffrez que je die, 6+6 a
Valère, que le cœurqui vous est engagé 6+6 b
D'aucun crime envers vousne peut être chargé : 6+6 b
Sa flamme est toujours pureet sa constance extrême, 6+6 a
Et j'en prends à témoinvotre père lui-même. 6+6 a
POLYDORE
1735 Oui, mon fils, c'est assezrire de ta fureur, 6+6 b
Et je vois qu'il est tempsde te tirer d'erreur. 6+6 b
Celle à qui par sermentton âme est attachée 6+6 a
Sous l'habit que tu voisà tes yeux est cachée ; 6+6 a
Un intérêt de bien,dès ses plus jeunes ans, 6+6 b
1740 Fit ce déguisementqui trompe tant de gens ; 6+6 b
Et depuis peu l'amouren a su faire un autre, 6+6 a
Qui t'abusa, joignantleur famille à la nôtre. 6+6 a
Ne va point regarderà tout le monde aux yeux : 6+6 b
Je te fais maintenantun discours sérieux. 6+6 b
1745 Oui, c'est elle, en un mot,dont l'adresse subtile, 6+6 a
La nuit, reçut ta foisous le nom de Lucile, 6+6 a
Et qui par ce ressort,qu'on ne comprenait pas, 6+6 b
A semé parmi vousun si grand embarras. 6+6 b
Mais, puisqu'Ascagne icifait place à Dorothée, 6+6 a
1750 Il faut voir de vos feuxtoute imposture ôtée, 6+6 a
Et qu'un nœud plus sacrédonne force au premier. 6+6 b
ALBERT
Et c'est là justementce combat singulier 6+6 b
Qui devait envers nousréparer votre offense, 6+6 a
Et pour qui les éditsn'ont point fait de défense. 6+6 a
POLYDORE
1755 Un tel événementrend tes esprits confus ; 6+6 b
Mais en vain tu voudraisbalancer là-dessus. 6+6 b
VALÈRE
Non, non, je ne veux passonger à m'en défendre ; 6+6 a
Et si cette aventurea lieu de me surprendre, 6+6 a
La surprise me flatte,et je me sens saisir 6+6 b
1760 De merveille à la fois,d'amour et de plaisir. 6+6 b
Se peut-il que ces yeux …?
ALBERT
Cet habit, cher Valère, 6+6 a
Souffre mal les discoursque vous lui pourriez faire. 6+6 a
Allons lui faire en prendreun autre ; et cependant 6+6 b
Vous saurez le détailde tout cet incident. 6+6 b
VALÈRE
1765 Vous, Lucile, pardon,si mon âme abusée 6+6 a
LUCILE
L'oubli de cette injureest une chose aisée. 6+6 a
ALBERT
Allons, ce complimentse fera bien chez nous, 6+6 b
Et nous aurons loisirde nous en faire tous. 6+6 b
ÉRASTE
Mais vous ne songez pas,en tenant ce langage, 6+6 a
1770 Qu'il reste encore icides sujets de carnage : 6+6 a
Voilà bien à tous deuxnotre amour couronné ; 6+6 b
Mais de son Mascarilleet de mon Gros-René, 6+6 b
Par qui doit Marinetteêtre ici possédée ? 6+6 a
Il faut que par le sangl'affaire soit vidée. 6+6 a
MASCARILLE
1775 Nenni, nenni : mon sangdans mon corps sied trop bien. 6+6 b
Qu'il l'épouse en repos,cela ne me fait rien : 6+6 b
De l'humeur que je saisla chère Marinette, 6+6 a
L'hymen ne ferme pasla porte à la fleurette. 6+6 a
MARINETTE
Et tu crois que de toije ferais mon galant ? 6+6 b
1780 Un mari, passe encor :tel qu'il est, on le prend ; 6+6 b
On n'y va pas cherchertant de cérémonie. 6+6 a
Mais il faut qu'un galantsoit fait à faire envie. 6+6 a
GROS RENÉ
Écoute : quand l'hymenaura joint nos deux peaux, 6+6 b
Je prétends qu'on soit sourdeà tous les damoiseaux. 6+6 b
MASCARILLE
1785 Tu crois te marierpour toi tout seul, compère ? 6+6 a
GROS RENÉ
Bien entendu : je veuxune femme sévère, 6+6 a
Ou je ferai beau bruit.
MASCARILLE
Eh ! Mon dieu ! Tu feras 6+6 b
Comme les autres font,et tu t'adouciras. 6+6 b
Ces gens, avant l'hymen,si fâcheux et critiques, 6+6 a
1790 Dégénèrent souventen maris pacifiques. 6+6 a
MARINETTE
Va, va, petit mari,ne crains rien de ma foi : 6+6 b
Les douceurs ne ferontque blanchir contre moi, 6+6 b
Et je te dirai tout.
MASCARILLE
Oh ! Las ! Fine pratique ! 6+6 a
Un mari confident !
MARINETTE
Taisez-vous, as de pique. 6+6 a
ALBERT
1795 Pour la troisième fois,allons-nous-en chez nous 6+6 b
Poursuivre en libertédes entretiens si doux. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
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