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SCÈNE PREMIÈRE |
CÉLIE, sortant toute éplorée, et son père la suivant
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Ah ! N'espérez jamais que mon cœur y consente. |
12 |
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GORGIBUS |
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Que marmottez-vous là, petite impertinente ? |
12 |
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Vous prétendez choquer ce que j'ai résolu ? |
12 |
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Je n'aurai pas sur vous un pouvoir absolu ? |
12 |
5 |
Et par sottes raisons votre jeune cervelle |
12 |
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Voudrait régler ici la raison paternelle ? |
12 |
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Qui de nous deux à l'autre a droit de faire loi ? |
12 |
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À votre avis, qui mieux, ou de vous ou de moi, |
12 |
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Ô sotte, peut juger ce qui vous est utile ? |
12 |
10 |
Par la corbleu ! Gardez d'échauffer trop ma bile : |
12 |
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Vous pourriez éprouver, sans beaucoup de longueur, |
12 |
|
Si mon bras sait encor montrer quelque vigueur. |
12 |
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Votre plus court sera, madame la mutine, |
12 |
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D'accepter sans façons l'époux qu'on vous destine. |
12 |
15 |
J'ignore, dites-vous, de quelle humeur il est,
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12 |
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Et dois auparavant consulter s'il vous plaît. |
12 |
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Informé du grand bien qui lui tombe en partage, |
12 |
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Dois-je prendre le soin d'en savoir davantage ? |
12 |
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Et cet époux, ayant vingt mille bons ducats, |
12 |
20 |
Pour être aimé de vous, doit-il manquer d'appas ? |
12 |
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Allez, tel qu'il puisse être, avecque cette somme |
12 |
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Je vous suis caution qu'il est très honnête homme. |
12 |
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GORGIBUS |
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Hélas ! Eh bien, Hélas ! que veut dire ceci ? |
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Voyez le bel hélas ! Qu'elle nous donne ici ! |
12 |
25 |
Hé ! Que si la colère une fois me transporte, |
12 |
|
Je vous ferai chanter hélas ! De belle sorte ! |
12 |
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Voilà, voilà le fruit de ces empressements |
12 |
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Qu'on vous voit nuit et jour à lire vos romans : |
12 |
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De quolibets d'amour votre tête est remplie, |
12 |
30 |
Et vous parlez de Dieu bien moins que de Clélie. |
12 |
|
Jetez-moi dans le feu tous ces méchants écrits, |
12 |
|
Qui gâtent tous les jours tant de jeunes esprits. |
12 |
|
Lisez-moi comme il faut, au lieu de ces sornettes, |
12 |
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Les quatrains de Pybrac, et les doctes tablettes |
12 |
35 |
Du conseiller Matthieu, ouvrage de valeur, |
12 |
|
Et plein de beaux dictons à réciter par cœur. |
12 |
|
La guide des pécheurs est encore un bon livre : |
12 |
|
C'est là qu'en peu de temps on apprend à bien vivre ; |
12 |
|
Et si vous n'aviez lu que ces moralités, |
12 |
40 |
Vous sauriez un peu mieux suivre mes volontés. |
12 |
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CÉLIE |
|
Quoi ? Vous prétendez donc, mon père, que j'oublie |
12 |
|
La constante amitié que je dois à Lélie ? |
12 |
|
J'aurais tort si, sans vous, je disposais de moi ; |
12 |
|
Mais vous-même à ses vœux engageâtes ma foi. |
12 |
|
GORGIBUS |
45 |
Lui fût-elle engagée encore davantage, |
12 |
|
Un autre est survenu dont le bien l'en dégage. |
12 |
|
Lélie est fort bien fait ; mais apprends qu'il n'est rien |
12 |
|
Qui ne doive céder au soin d'avoir du bien ; |
12 |
|
Que l'or donne aux plus laids certain charme pour plaire, |
12 |
50 |
Et que sans lui le reste est une triste affaire. |
12 |
|
Valère, je crois bien, n'est pas de toi chéri ; |
12 |
|
Mais, s'il ne l'est amant, il le sera mari. |
12 |
|
Plus que l'on ne le croit ce nom d'époux engage, |
12 |
|
Et l'amour est souvent un fruit du mariage. |
12 |
55 |
Mais suis-je pas bien fat de vouloir raisonner |
12 |
|
Où de droit absolu j'ai pouvoir d'ordonner ? |
12 |
|
Trêve donc, je vous prie, à vos impertinences ; |
12 |
|
Que je n'entende plus vos sottes doléances. |
12 |
|
Ce gendre doit venir vous visiter ce soir : |
12 |
60 |
Manquez un peu, manquez à le bien recevoir ! |
12 |
|
Si je ne vous lui vois faire fort bon visage, |
12 |
|
Je vous … Je ne veux pas en dire davantage. |
12 |
|
|
SCÈNE II |
LA SUIVANTE |
|
Quoi ? Refuser, madame, avec cette rigueur, |
12 |
|
Ce que tant d'autres gens voudraient de tout leur cœur ! |
12 |
65 |
À des offres d'hymen répondre par des larmes, |
12 |
|
Et tarder tant à dire un oui si plein de charmes ! |
12 |
|
Hélas ! Que ne veut-on aussi me marier ? |
12 |
|
Ce ne serait pas moi qui se ferait prier ; |
12 |
|
Et loin qu'un pareil oui me donnât de la peine, |
12 |
70 |
Croyez que j'en dirais bien vite une douzaine. |
12 |
|
Le précepteur qui fait répéter la leçon |
12 |
|
À votre jeune frère a fort bonne raison |
12 |
|
Lorsque, nous discourant des choses de la terre, |
12 |
|
Il dit que la femelle est ainsi que le lierre, |
12 |
75 |
Qui croît beau tant qu'à l'arbre il se tient bien serré, |
12 |
|
Et ne profite point s'il en est séparé. |
12 |
|
Il n'est rien de plus vrai, ma très chère maîtresse, |
12 |
|
Et je l'éprouve en moi, chétive pécheresse. |
12 |
|
Le bon Dieu fasse paix à mon pauvre Martin ! |
12 |
80 |
Mais j'avais, lui vivant, le teint d'un chérubin, |
12 |
|
L'embonpoint merveilleux, l'œil gai, l'âme contente ; |
12 |
|
Et je suis maintenant ma commère dolente. |
12 |
|
Pendant cet heureux temps, passé comme un éclair, |
12 |
|
Je me couchais sans feu dans le fort de l'hiver ; |
12 |
85 |
Sécher même les draps me semblait ridicule : |
12 |
|
Et je tremble à présent dedans la canicule. |
12 |
|
Enfin il n'est rien tel, madame, croyez-moi, |
12 |
|
Que d'avoir un mari la nuit auprès de soi ; |
12 |
|
Ne fût-ce que pour l'heur d'avoir qui vous salue |
12 |
90 |
D'un Dieu vous soit en aide ! alors qu'on éternue. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Peux-tu me conseiller de commettre un forfait, |
12 |
|
D'abandonner Lélie, et prendre ce mal-fait ? |
12 |
|
LA SUIVANTE |
|
Votre Lélie aussi n'est, ma foi, qu'une bête, |
12 |
|
Puisque si hors de temps son voyage l'arrête ; |
12 |
95 |
Et la grande longueur de son éloignement |
12 |
|
Me le fait soupçonner de quelque changement. |
12 |
|
CÉLIE, lui montrant le portrait de Lélie
|
|
Ah ! Ne m'accable point par ce triste présage. |
12 |
|
Vois attentivement les traits de ce visage : |
12 |
|
Ils jurent à mon cœur d'éternelles ardeurs ; |
12 |
100 |
Je veux croire, après tout, qu'ils ne sont pas menteurs, |
12 |
|
Et comme c'est celui que l'art y représente, |
12 |
|
Il conserve à mes feux une amitié constante. |
12 |
|
LA SUIVANTE |
|
Il est vrai que ces traits marquent un digne amant, |
12 |
|
Et que vous avez lieu de l'aimer tendrement. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Et cependant il faut … Ah ! Soutiens-moi. |
|
Laissant tomber le portrait de Lélie. |
|
LA SUIVANTE |
105 |
Et cependant il faut … Ah ! Soutiens-moi. Madame, |
|
|
D'où vous pourrait venir … ? Ah ! Bons dieux ! Elle pâme. |
12 |
|
Hé vite, holà quelqu'un ! |
|
|
|
SCÈNE III |
SGANARELLE |
|
Hé vite, holà quelqu'un ! Qu'est-ce donc ? Me voilà. |
|
|
LA SUIVANTE |
|
Ma maîtresse se meurt. |
|
|
SGANARELLE |
|
Ma maîtresse se meurt. Quoi ? Ce n'est que cela ? |
|
|
Je croyais tout perdu, de crier de la sorte. |
12 |
110 |
Mais approchons pourtant. Madame, êtes-vous morte ? |
12 |
|
Hays ! Elle ne dit mot. |
|
|
LA SUIVANTE |
|
Hays ! Elle ne dit mot. Je vais faire venir |
|
|
Quelqu'un pour l'emporter : veuillez la soutenir. |
12 |
|
|
SCÈNE IV |
SGANARELLE, en lui passant la main sur le sein
|
|
Elle est froide partout et je ne sais qu'en dire. |
12 |
|
Approchons-nous pour voir si sa bouche respire. |
12 |
115 |
Ma foi, je ne sais pas, mais j'y trouve encor, moi, |
12 |
|
Quelque signe de vie. |
|
|
LA FEMME, regardant par la fenêtre
|
|
Quelque signe de vie. Ah ! Qu'est-ce que je vois ? |
|
|
Mon mari dans ses bras …! Mais je m'en vais descendre : |
12 |
|
Il me trahit sans doute, et je veux le surprendre. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Il faut se dépêcher de l'aller secourir. |
12 |
120 |
Certes, elle aurait tort de se laisser mourir : |
12 |
|
Aller en l'autre monde est très grande sottise, |
12 |
|
Tant que dans celui-ci l'on peut être de mise. |
12 |
Il l'emporte avec un homme que la suivante amène. |
|
|
SCÈNE V |
La FEMME de Sganarelle, seule
|
|
Il s'est subitement éloigné de ces lieux, |
12 |
|
Et sa fuite a trompé mon désir curieux ; |
12 |
125 |
Mais de sa trahison je ne fais plus de doute, |
12 |
|
Et le peu que j'ai vu me la découvre toute. |
12 |
|
Je ne m'étonne plus de l'étrange froideur |
12 |
|
Dont je le vois répondre à ma pudique ardeur : |
12 |
|
Il réserve, l'ingrat, ses caresses à d'autres, |
12 |
130 |
Et nourrit leurs plaisirs par le jeûne des nôtres. |
12 |
|
Voilà de nos maris le procédé commun : |
12 |
|
Ce qui leur est permis leur devient importun. |
12 |
|
Dans les commencements ce sont toutes merveilles ; |
12 |
|
Ils témoignent pour nous des ardeurs non pareilles ; |
12 |
135 |
Mais les traîtres bientôt se lassent de nos feux, |
12 |
|
Et portent autre part ce qu'ils doivent chez eux. |
12 |
|
Ah ! Que j'ai de dépit que la loi n'autorise |
12 |
|
À changer de mari comme on fait de chemise ! |
12 |
|
Cela serait commode ; et j'en sais telle ici |
12 |
140 |
Qui comme moi, ma foi, le voudrait bien aussi. |
12 |
En ramassant le portrait que Célie avait laissé tomber. |
|
Mais quel est ce bijou que le sort me présente ? |
12 |
|
L'émail en est fort beau, la gravure charmante. |
12 |
|
Ouvrons. |
|
|
|
SCÈNE VI |
SGANARELLE |
|
Ouvrons. On la croyait morte, et ce n'était rien. |
|
|
Il n'en faut plus qu'autant : elle se porte bien. |
12 |
|
Mais j'aperçois ma femme. |
|
|
SA FEMME |
145 |
Mais j'aperçois ma femme. Ô ciel ! C'est mignature, |
|
|
Et voilà d'un bel homme une vive peinture. |
12 |
|
SGANARELLE, à part, et regardant sur l'épaule de sa femme
|
|
Que considère-t-elle avec attention ? |
12 |
|
Ce portrait, mon honneur, ne nous dit rien de bon. |
12 |
|
D'un fort vilain soupçon je me sens l'âme émue. |
12 |
|
SA FEMME, sans l'apercevoir, continue
|
150 |
Jamais rien de plus beau ne s'offrit à ma vue ; |
12 |
|
Le travail plus que l'or s'en doit encor priser. |
12 |
|
Hon ! Que cela sent bon ! |
|
|
SGANARELLE, à part
|
|
Hon ! Que cela sent bon ! Quoi ? Peste ! Le baiser ! |
|
|
Ah ! J'en tiens. |
|
|
SA FEMME poursuit |
|
Ah ! J'en tiens. Avouons qu'on doit être ravie |
|
|
Quand d'un homme ainsi fait on se peut voir servie, |
12 |
155 |
Et que s'il en contait avec attention, |
12 |
|
Le penchant serait grand à la tentation. |
12 |
|
Ah ! Que n'ai-je un mari d'une aussi bonne mine, |
12 |
|
Au lieu de mon pelé, de mon rustre … ! |
|
|
SGANARELLE, lui arrachant le portrait
|
|
Au lieu de mon pelé, de mon rustre … ! Ah ! Mâtine ! |
|
|
Nous vous y surprenons en faute contre nous, |
12 |
160 |
Et diffamant l'honneur de votre cher époux. |
12 |
|
Donc, à votre calcul, ô ma trop digne femme, |
12 |
|
Monsieur, tout bien compté, ne vaut pas bien madame ? |
12 |
|
Et, de par Belzébut, qui vous puisse emporter ! |
12 |
|
Quel plus rare parti pourriez-vous souhaiter ? |
12 |
165 |
Peut-on trouver en moi quelque chose à redire ? |
12 |
|
Cette taille, ce port que tout le monde admire, |
12 |
|
Ce visage si propre à donner de l'amour, |
12 |
|
Pour qui mille beautés soupirent nuit et jour ; |
12 |
|
Bref, en tout et partout, ma personne charmante |
12 |
170 |
N'est donc pas un morceau dont vous soyez contente ? |
12 |
|
Et pour rassasier votre appétit gourmand, |
12 |
|
Il faut à son mari le ragoût d'un galant ? |
12 |
|
SA FEMME |
|
J'entends à demi-mot où va la raillerie. |
12 |
|
Tu crois par ce moyen … |
|
|
SGANARELLE |
|
Tu crois par ce moyen … À d'autres, je vous prie ! |
|
175 |
La chose est avérée, et je tiens dans mes mains |
12 |
|
Un bon certificat du mal dont je me plains. |
12 |
|
SA FEMME |
|
Mon courroux n'a déjà que trop de violence, |
12 |
|
Sans le charger encor d'une nouvelle offense. |
12 |
|
Écoute, ne crois pas retenir mon bijou, |
12 |
|
Et songe un peu … |
|
|
SGANARELLE |
180 |
Et songe un peu … Je songe à te rompre le cou. |
|
|
Que ne puis-je, aussi bien que je tiens la copie, |
12 |
|
Tenir l'original ! |
|
|
SA FEMME |
|
Tenir l'original ! Pourquoi ? |
|
|
SGANARELLE |
|
Tenir l'original ! Pourquoi ? Pour rien, mamie : |
|
|
Doux objet de mes vœux, j'ai grand tort de crier, |
12 |
|
Et mon front de vos dons vous doit remercier. |
12 |
Regardant le portrait de Lélie. |
185 |
Le voilà, le beau-fils, le mignon de couchette, |
12 |
|
Le malheureux tison de ta flamme secrète, |
12 |
|
Le drôle avec lequel … ! |
|
|
SA FEMME |
|
Le drôle avec lequel … ! Avec lequel … ? Poursuis. |
|
|
SGANARELLE |
|
Avec lequel, te dis-je, … Et j'en crève d'ennuis. |
12 |
|
SA FEMME |
|
Que me veut donc par là conter ce maître ivrogne ? |
12 |
|
SGANARELLE |
190 |
Tu ne m'entends que trop, madame la carogne. |
12 |
|
Sganarelle est un nom qu'on ne me dira plus, |
12 |
|
Et l'on va m'appeler seigneur Corneillius. |
12 |
|
J'en suis pour mon honneur ; mais à toi qui me l'ôtes, |
12 |
|
Je t'en ferai du moins pour un bras ou deux côtes. |
12 |
|
SA FEMME |
195 |
Et tu m'oses tenir de semblables discours ? |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Et tu m'oses jouer de ces diables de tours ? |
12 |
|
SA FEMME |
|
Et quels diables de tours ? Parle donc sans rien feindre. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Ah ! Cela ne vaut pas la peine de se plaindre ! |
12 |
|
D'un panache de cerf sur le front me pourvoir, |
12 |
200 |
Hélas ! Voilà vraiment un beau venez-y-voir ! |
12 |
|
SA FEMME |
|
Donc, après m'avoir fait la plus sensible offense |
12 |
|
Qui puisse d'une femme exciter la vengeance, |
12 |
|
Tu prends d'un feint courroux le vain amusement |
12 |
|
Pour prévenir l'effet de mon ressentiment ? |
12 |
205 |
D'un pareil procédé l'insolence est nouvelle : |
12 |
|
Celui qui fait l'offense est celui qui querelle. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Eh ! La bonne effrontée ! À voir ce fier maintien, |
12 |
|
Ne la croirait-on pas une femme de bien ? |
12 |
|
SA FEMME |
|
Va, poursuis ton chemin, cajole tes maîtresses, |
12 |
210 |
Adresse-leur tes vœux, et fais-leur des caresses ; |
12 |
|
Mais rends-moi mon portrait sans te jouer de moi. |
12 |
Elle lui arrache le portrait et s'enfuit. |
|
SGANARELLE, courant après elle
|
|
Oui, tu crois m'échapper : je l'aurai malgré toi. |
12 |
|
|
SCÈNE VII |
GROS-RENÉ |
|
Enfin, nous y voici. Mais, monsieur, si je l'ose, |
12 |
|
Je voudrais vous prier de me dire une chose. |
12 |
|
|
GROS-RENÉ |
215 |
Hé bien ! Parle. Avez-vous le diable dans le corps |
|
|
Pour ne pas succomber à de pareils efforts ? |
12 |
|
Depuis huit jours entiers, avec vos longues traites, |
12 |
|
Nous sommes à piquer de chiennes de mazettes, |
12 |
|
De qui le train maudit nous a tant secoués, |
12 |
220 |
Que je m'en sens pour moi tous les membres roués ; |
12 |
|
Sans préjudice encor d'un accident bien pire, |
12 |
|
Qui m'afflige un endroit que je ne veux pas dire : |
12 |
|
Cependant, arrivé, vous sortez bien et beau, |
12 |
|
Sans prendre de repos, ni manger un morceau. |
12 |
|
LÉLIE |
225 |
Ce grand empressement n'est point digne de blâme : |
12 |
|
De l'hymen de Célie on alarme mon âme ; |
12 |
|
Tu sais que je l'adore ; et je veux être instruit, |
12 |
|
Avant tout autre soin, de ce funeste bruit. |
12 |
|
GROS-RENÉ |
|
Oui ; mais un bon repas vous serait nécessaire, |
12 |
230 |
Pour s'aller éclaircir, monsieur, de cette affaire ; |
12 |
|
Et votre cœur, sans doute, en deviendrait plus fort |
12 |
|
Pour pouvoir résister aux attaques du sort. |
12 |
|
J'en juge par moi-même ; et la moindre disgrâce, |
12 |
|
Lorsque je suis à jeun, me saisit, me terrasse ; |
12 |
235 |
Mais quand j'ai bien mangé, mon âme est ferme à tout, |
12 |
|
Et les plus grands revers n'en viendraient pas à bout. |
12 |
|
Croyez-moi, bourrez-vous, et sans réserve aucune, |
12 |
|
Contre les coups que peut vous porter la fortune ; |
12 |
|
Et, pour fermer chez vous l'entrée à la douleur, |
12 |
240 |
De vingt verres de vin entourez votre cœur. |
12 |
|
LÉLIE |
|
Je ne saurais manger. |
|
|
GROS-RENÉ, à part ce demi-vers
|
|
Je ne saurais manger. Si fait bien moi, je meure. |
|
|
Votre dîner pourtant serait prêt tout à l'heure. |
12 |
|
LÉLIE |
|
Tais-toi, je te l'ordonne. |
|
|
GROS-RENÉ |
|
Tais-toi, je te l'ordonne. Ah ! Quel ordre inhumain ! |
|
|
LÉLIE |
|
J'ai de l'inquiétude, et non pas de la faim. |
12 |
|
GROS-RENÉ |
245 |
Et moi, j'ai de la faim, et de l'inquiétude |
12 |
|
De voir qu'un sot amour fait toute votre étude. |
12 |
|
LÉLIE |
|
Laisse-moi m'informer de l'objet de mes vœux, |
12 |
|
Et, sans m'importuner, va manger si tu veux. |
12 |
|
GROS-RENÉ |
|
Je ne réplique point à ce qu'un maître ordonne. |
12 |
|
|
SCÈNE VIII |
LÉLIE, seul
|
250 |
Non, non, à trop de peur mon âme s'abandonne : |
12 |
|
Le père m'a promis, et la fille a fait voir |
12 |
|
Des preuves d'un amour qui soutient mon espoir. |
12 |
|
|
SCÈNE IX |
SGANARELLE |
|
Nous l'avons, et je puis voir à l'aise la trogne |
12 |
|
Du malheureux pendard qui cause ma vergogne. |
12 |
|
Il ne m'est point connu. |
|
|
LÉLIE, à part
|
255 |
Il ne m'est point connu. Dieu ! Qu'aperçois-je ici ? |
|
|
Et si c'est mon portrait, que dois-je croire aussi ? |
12 |
|
SGANARELLE, continue
|
|
Ah ! Pauvre Sganarelle ! à quelle destinée |
12 |
|
Ta réputation est-elle condamnée ! |
12 |
Apercevant Lélie qui le regarde, il se retourne d'un autre côté. |
|
Faut … |
|
|
LÉLIE, à part
|
|
Faut … Ce gage ne peut, sans alarmer ma foi, |
|
260 |
Être sorti des mains qui le tenaient de moi. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Faut-il que désormais à deux doigts l'on te montre, |
12 |
|
Qu'on te mette en chansons, et qu'en toute rencontre |
12 |
|
On te rejette au nez le scandaleux affront |
12 |
|
Qu'une femme mal née imprime sur ton front ? |
12 |
|
LÉLIE, à part
|
|
Me trompé-je ? |
|
|
SGANARELLE |
265 |
Me trompé-je ? Ah ! Truande, as-tu bien le courage |
|
|
De m'avoir fait cocu dans la fleur de mon âge ? |
12 |
|
Et femme d'un mari qui peut passer pour beau, |
12 |
|
Faut-il qu'un marmouset, un maudit étourneau … ? |
12 |
|
LÉLIE, à part, et regardant encore son portrait
|
|
Je ne m'abuse point : c'est mon portrait lui-même. |
12 |
|
SGANARELLE lui retourne le dos |
|
Cet homme est curieux. |
|
|
LÉLIE, à part
|
270 |
Cet homme est curieux. Ma surprise est extrême. |
|
|
SGANARELLE |
|
À qui donc en a-t-il ? |
|
|
LÉLIE, à part
|
|
À qui donc en a-t-il ? Je le veux accoster. |
|
Haut. |
|
Puis-je … ? Hé ! De grâce, un mot. |
|
|
SGANARELLE le fuit encore |
|
Puis-je … ? Hé ! De grâce, un mot. Que me veut-il conter ? |
|
|
LÉLIE |
|
Puis-je obtenir de vous de savoir l'aventure |
12 |
|
Qui fait dedans vos mains trouver cette peinture ? |
12 |
|
SGANARELLE, à part, et examinant le portrait qu'il tient et Lélie
|
275 |
D'où lui vient ce désir ? Mais je m'avise ici … |
12 |
|
Ah ! Ma foi, me voilà de son trouble éclairci ! |
12 |
|
Sa surprise à présent n'étonne plus mon âme : |
12 |
|
C'est mon homme, ou plutôt c'est celui de ma femme. |
12 |
|
LÉLIE |
|
Retirez-moi de peine, et dites d'où vous vient … |
12 |
|
SGANARELLE |
280 |
Nous savons, Dieu merci, le souci qui vous tient. |
12 |
|
Ce portrait qui vous fâche est votre ressemblance ; |
12 |
|
Il était en des mains de votre connaissance ; |
12 |
|
Et ce n'est pas un fait qui soit secret pour nous |
12 |
|
Que les douces ardeurs de la dame et de vous. |
12 |
285 |
Je ne sais pas si j'ai, dans sa galanterie, |
12 |
|
L'honneur d'être connu de votre seigneurie ; |
12 |
|
Mais faites-moi celui de cesser désormais |
12 |
|
Un amour qu'un mari peut trouver fort mauvais ; |
12 |
|
Et songez que les nœuds du sacré mariage … |
12 |
|
LÉLIE |
290 |
Quoi ? Celle, dites-vous, dont vous tenez ce gage … ? |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Est ma femme, et je suis son mari. |
|
|
LÉLIE |
|
Est ma femme, et je suis son mari. Son mari ? |
|
|
SGANARELLE |
|
Oui, son mari, vous dis-je, et mari très marri ; |
12 |
|
Vous en savez la cause, et je m'en vais l'apprendre |
12 |
|
Sur l'heure à ses parents. |
|
|
|
SCÈNE X |
LÉLIE, seul
|
|
Sur l'heure à ses parents. Ah ! Que viens-je d'entendre ! |
|
295 |
L'on me l'avait bien dit, et que c'était de tous |
12 |
|
L'homme le plus mal fait qu'elle avait pour époux. |
12 |
|
Ah ! Quand mille serments de ta bouche infidèle |
12 |
|
Ne m'auraient pas promis une flamme éternelle, |
12 |
|
Le seul mépris d'un choix si bas et si honteux |
12 |
300 |
Devait bien soutenir l'intérêt de mes feux, |
12 |
|
Ingrate, et quelque bien … Mais ce sensible outrage, |
12 |
|
Se mêlant aux travaux d'un assez long voyage, |
12 |
|
Me donne tout à coup un choc si violent, |
12 |
|
Que mon cœur devient faible, et mon corps chancelant. |
12 |
|
|
SCÈNE XI |
LA FEMME de SGANARELLE, se tournant vers Lélie
|
305 |
Malgré moi mon perfide … Hélas ! Quel mal vous presse ? |
12 |
|
Je vous vois prêt, monsieur, à tomber en faiblesse. |
12 |
|
LÉLIE |
|
C'est un mal qui m'a pris assez subitement. |
12 |
|
LA FEMME de SGANARELLE |
|
Je crains ici pour vous l'évanouissement : |
12 |
|
Entrez dans cette salle, en attendant qu'il passe. |
12 |
|
LÉLIE |
310 |
Pour un moment ou deux j'accepte cette grâce. |
12 |
|
|
SCÈNE XII |
LE PARENT |
|
D'un mari sur ce point j'approuve le souci ; |
12 |
|
Mais c'est prendre la chèvre un peu bien vite aussi ; |
12 |
|
Et tout ce que de vous je viens d'ouïr contre elle |
12 |
|
Ne conclut point, parent, qu'elle soit criminelle. |
12 |
315 |
C'est un point délicat ; et de pareils forfaits, |
12 |
|
Sans les bien avérer, ne s'imputent jamais. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
C'est-à-dire qu'il faut toucher au doigt la chose. |
12 |
|
LE PARENT |
|
Le trop de promptitude à l'erreur nous expose. |
12 |
|
Qui sait comme en ses mains ce portrait est venu, |
12 |
320 |
Et si l'homme, après tout, lui peut être connu ? |
12 |
|
Informez-vous-en donc ; et si c'est ce qu'on pense, |
12 |
|
Nous serons les premiers à punir son offense. |
12 |
|
|
SCÈNE XIII |
SGANARELLE, seul
|
|
On ne peut pas mieux dire. En effet, il est bon |
12 |
|
D'aller tout doucement. Peut-être, sans raison, |
12 |
325 |
Me suis-je en tête mis ces visions cornues, |
12 |
|
Et les sueurs au front m'en sont trop tôt venues. |
12 |
|
Par ce portrait enfin dont je suis alarmé |
12 |
|
Mon déshonneur n'est pas tout à fait confirmé. |
12 |
|
Tâchons donc par nos soins … |
|
|
|
SCÈNE XIV |
SGANARELLE, poursuit
|
|
Tâchons donc par nos soins … Ah ! Que vois-je ? Je meure, |
|
330 |
Il n'est plus question de portrait à cette heure : |
12 |
|
Voici, ma foi, la chose en propre original. |
12 |
|
LA FEMME de SGANARELLE à Lélie |
|
C'est par trop vous hâter, monsieur ; et votre mal, |
12 |
|
Si vous sortez sitôt, pourra bien vous reprendre. |
12 |
|
LÉLIE |
|
Non, non, je vous rends grâce, autant qu'on puisse rendre, |
12 |
335 |
De l'obligeant secours que vous m'avez prêté. |
12 |
|
SGANARELLE, à part
|
|
La masque encore après lui fait civilité ! |
12 |
|
|
SCÈNE XV |
SGANARELLE, à part
|
|
Il m'aperçoit. Voyons ce qu'il me pourra dire. |
12 |
|
LÉLIE, à part
|
|
Ah ! Mon âme s'émeut, et cet objet m'inspire … |
12 |
|
Mais je dois condamner cet injuste transport, |
12 |
340 |
Et n'imputer mes maux qu'aux rigueurs de mon sort. |
12 |
|
Envions seulement le bonheur de sa flamme. |
12 |
Passant auprès de lui et le regardant. |
|
Oh ! Trop heureux d'avoir une si belle femme ! |
12 |
|
|
SCÈNE XVI |
SGANARELLE, sans voir Célie
|
|
Ce n'est point s'expliquer en termes ambigus. |
12 |
|
Cet étrange propos me rend aussi confus |
12 |
345 |
Que s'il m'était venu des cornes à la tête. |
12 |
Il se tourne du côté que Lélie s'en vient d'en aller. |
|
Allez, ce procédé n'est point du tout honnête. |
12 |
|
CÉLIE, à part
|
|
Quoi ? Lélie a paru tout à l'heure à mes yeux. |
12 |
|
Qui pourrait me cacher son retour en ces lieux ? |
12 |
|
SGANARELLE poursuit |
|
« Oh ! Trop heureux d'avoir une si belle femme ! » |
12 |
350 |
Malheureux bien plutôt de l'avoir, cette infâme, |
12 |
|
Dont le coupable feu, trop bien vérifié, |
12 |
|
Sans respect ni demi nous a cocufié ! |
12 |
Célie approche peu à peu de lui, attend que son transport soit fini
pour lui parler. |
|
Mais je le laisse aller après un tel indice, |
12 |
|
Et demeure les bras croisés comme un jocrisse ? |
12 |
355 |
Ah ! Je devais du moins lui jeter son chapeau, |
12 |
|
Lui ruer quelque pierre, ou crotter son manteau, |
12 |
|
Et sur lui hautement, pour contenter ma rage, |
12 |
|
Faire au larron d'honneur crier le voisinage. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Celui qui maintenant devers vous est venu, |
12 |
360 |
Et qui vous a parlé, d'où vous est-il connu ? |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Hélas ! Ce n'est pas moi qui le connaît, madame ; |
12 |
|
C'est ma femme. |
|
|
CÉLIE |
|
C'est ma femme. Quel trouble agite ainsi votre âme ? |
|
|
SGANARELLE |
|
Ne me condamnez point d'un deuil hors de saison, |
12 |
|
Et laissez-moi pousser des soupirs à foison. |
12 |
|
CÉLIE |
365 |
D'où vous peuvent venir ces douleurs non communes ? |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Si je suis affligé, ce n'est pas pour des prunes ; |
12 |
|
Et je le donnerais à bien d'autres qu'à moi |
12 |
|
De se voir sans chagrin au point où je me vois. |
12 |
|
Des maris malheureux vous voyez le modèle : |
12 |
370 |
On dérobe l'honneur au pauvre Sganarelle ; |
12 |
|
Mais c'est peu que l'honneur dans mon affliction, |
12 |
|
L'on me dérobe encor la réputation. |
12 |
|
|
SGANARELLE |
|
Comment ? Ce damoiseau, parlant par révérence, |
|
|
Me fait cocu, madame, avec toute licence ; |
12 |
375 |
Et j'ai su par mes yeux avérer aujourd'hui |
12 |
|
Le commerce secret de ma femme et de lui. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Celui qui maintenant … |
|
|
SGANARELLE |
|
Celui qui maintenant … Oui, oui, me déshonore : |
|
|
Il adore ma femme, et ma femme l'adore. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Ah ! J'avais bien jugé que ce secret retour |
12 |
380 |
Ne pouvait me couvrir que quelque lâche tour ; |
12 |
|
Et j'ai tremblé d'abord, en le voyant paraître, |
12 |
|
Par un pressentiment de ce qui devait être. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Vous prenez ma défense avec trop de bonté. |
12 |
|
Tout le monde n'a pas la même charité ; |
12 |
385 |
Et plusieurs qui tantôt ont appris mon martyre, |
12 |
|
Bien loin d'y prendre part, n'en ont rien fait que rire. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Est-il rien de plus noir que ta lâche action, |
12 |
|
Et peut-on lui trouver une punition ? |
12 |
|
Dois-tu ne te pas croire indigne de la vie, |
12 |
390 |
Après t'être souillé de cette perfidie ? |
12 |
|
Ô ciel ! Est-il possible ? |
|
|
SGANARELLE |
|
Ô ciel ! Est-il possible ? Il est trop vrai pour moi. |
|
|
CÉLIE |
|
Ah ! Traître ! Scélérat ! âme double et sans foi ! |
12 |
|
SGANARELLE |
|
La bonne âme ! |
|
|
CÉLIE |
|
La bonne âme ! Non, non, l'enfer n'a point de gêne |
|
|
Qui ne soit pour ton crime une trop douce peine. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Que voilà bien parler ! |
|
|
CÉLIE |
395 |
Que voilà bien parler ! Avoir ainsi traité |
|
|
Et la même innocence et la même bonté ! |
12 |
|
SGANARELLE |
Il soupire haut |
|
Hay ! |
|
|
CÉLIE |
|
Hay ! Un cœur qui jamais n'a fait la moindre chose |
|
|
A mérité l'affront où ton mépris l'expose ! |
12 |
|
|
CÉLIE |
|
Il est vrai. Qui bien loin … Mais c'est trop, et ce cœur |
|
400 |
Ne saurait y songer sans mourir de douleur. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Ne vous fâchez pas tant, ma très chère madame : |
12 |
|
Mon mal vous touche trop, et vous me percez l'âme. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Mais ne t'abuse pas jusqu'à te figurer |
12 |
|
Qu'à des plaintes sans fruit j'en veuille demeurer : |
12 |
405 |
Mon cœur, pour se venger, sait ce qu'il te faut faire, |
12 |
|
Et j'y cours de ce pas ; rien ne m'en peut distraire. |
12 |
|
|
SCÈNE XVII |
SGANARELLE, seul
|
|
Que le ciel la préserve à jamais de danger ! |
12 |
|
Voyez quelle bonté de vouloir me venger ! |
12 |
|
En effet, son courroux, qu'excite ma disgrâce, |
12 |
410 |
M'enseigne hautement ce qu'il faut que je fasse ; |
12 |
|
Et l'on ne doit jamais souffrir sans dire mot |
12 |
|
De semblables affronts, à moins qu'être un vrai sot. |
12 |
|
Courons donc le chercher, ce pendard qui m'affronte ; |
12 |
|
Montrons notre courage à venger notre honte. |
12 |
415 |
Vous apprendrez, maroufle, à rire à nos dépens, |
12 |
|
Et sans aucun respect faire cocus les gens ! |
12 |
Il se retourne ayant fait trois ou quatre pas. |
|
Doucement, s'il vous plaît ! Cet homme a bien la mine |
12 |
|
D'avoir le sang bouillant et l'âme un peu mutine ; |
12 |
|
Il pourrait bien, mettant affront dessus affront, |
12 |
420 |
Charger de bois mon dos comme il a fait mon front. |
12 |
|
Je hais de tout mon cœur les esprits colériques, |
12 |
|
Et porte grand amour aux hommes pacifiques ; |
12 |
|
Je ne suis point battant, de peur d'être battu, |
12 |
|
Et l'humeur débonnaire est ma grande vertu. |
12 |
425 |
Mais mon honneur me dit que d'une telle offense |
12 |
|
Il faut absolument que je prenne vengeance. |
12 |
|
Ma foi, laissons-le dire autant qu'il lui plaira : |
12 |
|
Au diantre qui pourtant rien du tout en fera ! |
12 |
|
Quand j'aurai fait le brave, et qu'un fer, pour ma peine, |
12 |
430 |
M'aura d'un vilain coup transpercé la bedaine, |
12 |
|
Que par la ville ira le bruit de mon trépas, |
12 |
|
Dites-moi, mon honneur, en serez-vous plus gras ? |
12 |
|
La bière est un séjour par trop mélancolique, |
12 |
|
Et trop malsain pour ceux qui craignent la colique ; |
12 |
435 |
Et quant à moi, je trouve, ayant tout compassé, |
12 |
|
Qu'il vaut mieux être encor cocu que trépassé : |
12 |
|
Quel mal cela fait-il ? La jambe en devient-elle |
12 |
|
Plus tortue, après tout, et la taille moins belle ? |
12 |
|
Peste soit qui premier trouva l'invention |
12 |
440 |
De s'affliger l'esprit de cette vision, |
12 |
|
Et d'attacher l'honneur de l'homme le plus sage |
12 |
|
Aux choses que peut faire une femme volage ! |
12 |
|
Puisqu'on tient à bon droit tout crime personnel, |
12 |
|
Que fait là notre honneur pour être criminel ? |
12 |
445 |
Des actions d'autrui l'on nous donne le blâme. |
12 |
|
Si nos femmes sans nous ont un commerce infâme, |
12 |
|
Il faut que tout le mal tombe sur notre dos ! |
12 |
|
Elles font la sottise, et nous sommes les sots ! |
12 |
|
C'est un vilain abus, et les gens de police |
12 |
450 |
Nous devraient bien régler une telle injustice. |
12 |
|
N'avons-nous pas assez des autres accidents |
12 |
|
Qui nous viennent happer en dépit de nos dents ? |
12 |
|
Les querelles, procès, faim, soif et maladie, |
12 |
|
Troublent-ils pas assez le repos de la vie, |
12 |
455 |
Sans s'aller, de surcroît, aviser sottement |
12 |
|
De se faire un chagrin qui n'a nul fondement ? |
12 |
|
Moquons-nous de cela, méprisons les alarmes, |
12 |
|
Et mettons sous nos pieds les soupirs et les larmes. |
12 |
|
Si ma femme a failli, qu'elle pleure bien fort ; |
12 |
460 |
Mais pourquoi moi pleurer, puisque je n'ai point tort ? |
12 |
|
En tout cas, ce qui peut m'ôter ma fâcherie, |
12 |
|
C'est que je ne suis pas seul de ma confrérie : |
12 |
|
Voir cajoler sa femme et n'en témoigner rien |
12 |
|
Se pratique aujourd'hui par force gens de bien. |
12 |
465 |
N'allons donc point chercher à faire une querelle |
12 |
|
Pour un affront qui n'est que pure bagatelle. |
12 |
|
L'on m'appellera sot de ne me venger pas ; |
12 |
|
Mais je le serais fort de courir au trépas. |
12 |
Mettant la main sur son estomac. |
|
Je me sens là pourtant remuer une bile |
12 |
470 |
Qui veut me conseiller quelque action virile ; |
12 |
|
Oui, le courroux me prend ; c'est trop être poltron : |
12 |
|
Je veux résolument me venger du larron. |
12 |
|
Déjà pour commencer, dans l'ardeur qui m'enflamme, |
12 |
|
Je vais dire partout qu'il couche avec ma femme. |
12 |
|
|
SCÈNE XVIII |
CÉLIE |
475 |
Oui, je veux bien subir une si juste loi : |
12 |
|
Mon père, disposez de mes vœux et de moi ; |
12 |
|
Faites, quand vous voudrez, signer cet hyménée ; |
12 |
|
À suivre mon devoir je suis déterminée ; |
12 |
|
Je prétends gourmander mes propres sentiments, |
12 |
480 |
Et me soumettre en tout à vos commandements. |
12 |
|
GORGIBUS |
|
Ah ! Voilà qui me plaît, de parler de la sorte. |
12 |
|
Parbleu ! Si grande joie à l'heure me transporte, |
12 |
|
Que mes jambes sur l'heure en cabrioleroient, |
12 |
|
Si nous n'étions point vus de gens qui s'en riroient. |
12 |
485 |
Approche-toi de moi, viens çà que je t'embrasse : |
12 |
|
Une telle action n'a pas mauvaise grâce ; |
12 |
|
Un père, quand il veut, peut sa fille baiser, |
12 |
|
Sans que l'on ait sujet de s'en scandaliser. |
12 |
|
Va, le contentement de te voir si bien née |
12 |
490 |
Me fera rajeunir de dix fois une année. |
12 |
|
|
SCÈNE XIX |
LA SUIVANTE |
|
Ce changement m'étonne. |
|
|
CÉLIE |
|
Ce changement m'étonne. Et lorsque tu sauras |
|
|
Par quel motif j'agis, tu m'en estimeras. |
12 |
|
LA SUIVANTE |
|
Cela pourrait bien être. |
|
|
CÉLIE |
|
Cela pourrait bien être. Apprends donc que Lélie |
|
|
A pu blesser mon cœur par une perfidie ; |
12 |
|
Qu'il était en ces lieux sans … |
|
|
LA SUIVANTE |
495 |
Qu'il était en ces lieux sans … Mais il vient à nous. |
|
|
|
SCÈNE XX |
LÉLIE |
|
Avant que pour jamais je m'éloigne de vous, |
12 |
|
Je veux vous reprocher au moins en cette place … |
12 |
|
CÉLIE |
|
Quoi ? Me parler encor ? Avez-vous cette audace ? |
12 |
|
LÉLIE |
|
Il est vrai qu'elle est grande ; et votre choix est tel, |
12 |
500 |
Qu'à vous rien reprocher je serais criminel. |
12 |
|
Vivez, vivez contente, et bravez ma mémoire, |
12 |
|
Avec le digne époux qui vous comble de gloire. |
12 |
|
CÉLIE |
|
Oui, traître ! J'y veux vivre ; et mon plus grand désir, |
12 |
|
Ce serait que ton cœur en eût du déplaisir. |
12 |
|
LÉLIE |
505 |
Qui rend donc contre moi ce courroux légitime ? |
12 |
|
CÉLIE |
|
Quoi ? Tu fais le surpris et demandes ton crime ? |
12 |
|
|
SCÈNE XXI |
SGANARELLE entre armé |
|
Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur |
12 |
|
Qui sans miséricorde a souillé notre honneur ! |
12 |
|
CÉLIE, à Lélie
|
|
Tourne, tourne les yeux sans me faire répondre. |
12 |
|
|
CÉLIE |
510 |
Ah ! Je vois … Cet objet suffit pour te confondre. |
|
|
LÉLIE |
|
Mais pour vous obliger bien plutôt à rougir. |
12 |
|
SGANARELLE |
|
Ma colère à présent est en état d'agir ; |
12 |
|
Dessus ses grands chevaux est monté mon courage ; |
12 |
|
Et si je le rencontre, on verra du carnage. |
12 |
515 |
Oui, j'ai juré sa mort ; rien ne peut l'empêcher : |
12 |
|
Où je le trouverai, je le veux dépêcher. |
12 |
|
Au beau milieu du cœur il faut que je lui donne … |
12 |
|
LÉLIE |
|
À qui donc en veut-on ? |
|
|
SGANARELLE |
|
À qui donc en veut-on ? Je n'en veux à personne. |
|
|
LÉLIE |
|
Pourquoi ces armes-là ? |
|
|
SGANARELLE |
|
Pourquoi ces armes-là ? C'est un habillement |
|
À part. |
520 |
Que j'ai pris pour la pluie. Ah ! Quel contentement |
12 |
|
J'aurais à le tuer ! Prenons-en le courage. |
12 |
|
|
SGANARELLE, se donnant des coups de poings sur l'estomac
et des soufflets pour s'exciter |
|
Hay ? Je ne parle pas. |
|
À part. |
|
Hay ? Je ne parle pas. Ah ! Poltron dont j'enrage ! |
|
|
Lâche ! Vrai cœur de poule ! |
|
|
CÉLIE |
|
Lâche ! Vrai cœur de poule ! Il t'en doit dire assez, |
|
|
Cet objet dont tes yeux nous paraissent blessés. |
12 |
|
LÉLIE |
525 |
Oui, je connais par là que vous êtes coupable |
12 |
|
De l'infidélité la plus inexcusable |
12 |
|
Qui jamais d'un amant puisse outrager la foi. |
12 |
|
SGANARELLE, à part
|
|
Que n'ai-je un peu de cœur ! |
|
|
CÉLIE |
|
Que n'ai-je un peu de cœur ! Ah ! Cesse devant moi, |
|
|
Traître, de ce discours l'insolence cruelle ! |
12 |
|
SGANARELLE |
530 |
Sganarelle, tu vois qu'elle prend ta querelle : |
12 |
|
Courage, mon enfant, sois un peu vigoureux ; |
12 |
|
Là, hardi ! Tâche à faire un effort généreux, |
12 |
|
En le tuant tandis qu'il tourne le derrière. |
12 |
|
LÉLIE, faisant deux ou trois pas sans dessein,
fait retourner Sganarelle qui s'approchait pour le tuer
|
|
Puisqu'un pareil discours émeut votre colère, |
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535 |
Je dois de votre cœur me montrer satisfait, |
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Et l'applaudir ici du beau choix qu'il a fait. |
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CÉLIE |
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Oui, oui, mon choix est tel qu'on n'y peut rien reprendre. |
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LÉLIE |
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Allez, vous faites bien de le vouloir défendre. |
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SGANARELLE |
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Sans doute elle fait bien de défendre mes droits. |
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540 |
Cette action, monsieur, n'est point selon les lois : |
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J'ai raison de m'en plaindre ; et si je n'étais sage, |
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On verrait arriver un étrange carnage. |
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LÉLIE |
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D'où vous naît cette plainte, et quel chagrin brutal … ? |
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SGANARELLE |
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Suffit. Vous savez bien où le bois me fait mal ; |
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545 |
Mais votre conscience et le soin de votre âme |
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Vous devraient mettre aux yeux que ma femme est ma femme, |
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Et vouloir à ma barbe en faire votre bien |
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Que ce n'est pas du tout agir en bon chrétien. |
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LÉLIE |
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Un semblable soupçon est bas et ridicule. |
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550 |
Allez, dessus ce point n'ayez aucun scrupule : |
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Je sais qu'elle est à vous ; et, bien loin de brûler … |
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CÉLIE |
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Ah ! Qu'ici tu sais bien, traître, dissimuler ! |
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LÉLIE |
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Quoi ? Me soupçonnez-vous d'avoir une pensée |
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De qui son âme ait lieu de se croire offensée ? |
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555 |
De cette lâcheté voulez-vous me noircir ? |
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CÉLIE |
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Parle, parle à lui-même, il pourra t'éclaircir. |
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SGANARELLE |
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Vous me défendez mieux que je ne saurais faire, |
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Et du biais qu'il faut vous prenez cette affaire. |
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SCÈNE XXII |
LA FEMME de Sganarelle, à Célie
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Je ne suis point d'humeur à vouloir contre vous |
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560 |
Faire éclater, madame, un esprit trop jaloux ; |
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Mais je ne suis point dupe, et vois ce qui se passe. |
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Il est de certains feux de fort mauvaise grâce ; |
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Et votre âme devrait prendre un meilleur emploi |
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Que de séduire un cœur qui doit n'être qu'à moi. |
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CÉLIE |
565 |
La déclaration est assez ingénue. |
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SGANARELLE, à sa femme
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L'on ne demandait pas, carogne, ta venue : |
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Tu la viens quereller lorsqu'elle me défend, |
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Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant. |
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CÉLIE |
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Allez, ne croyez pas que l'on en ait envie. |
12 |
Se tournant vers Lélie. |
570 |
Tu vois si c'est mensonge ; et j'en suis fort ravie. |
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LÉLIE |
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Que me veut-on conter ? |
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LA SUIVANTE |
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Que me veut-on conter ? Ma foi, je ne sais pas |
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Quand on verra finir ce galimatias ; |
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Déjà depuis longtemps je tâche à le comprendre, |
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Et si plus je l'écoute, et moins je puis l'entendre : |
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575 |
Je vois bien à la fin que je m'en dois mêler. |
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Allant se mettre entre Lélie et sa maîtresse. |
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Répondez-moi par ordre, et me laissez parler. |
12 |
À Lélie. |
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Vous, qu'est-ce qu'à son cœur peut reprocher le vôtre ? |
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LÉLIE |
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Que l'infidèle a pu me quitter pour un autre ; |
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Que lorsque, sur le bruit de son hymen fatal, |
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580 |
J'accours tout transporté d'un amour sans égal, |
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Dont l'ardeur résistait à se croire oubliée, |
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Mon abord en ces lieux la trouve mariée. |
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LA SUIVANTE |
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Mariée ! à qui donc ? |
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LÉLIE, montrant Sganarelle
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Mariée ! à qui donc ? À lui. |
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LA SUIVANTE |
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Mariée ! à qui donc ? À lui. Comment, à lui ? |
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LA SUIVANTE |
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Oui-da. Qui vous l'a dit ? |
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LÉLIE |
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Oui-da. Qui vous l'a dit ? C'est lui-même, aujourd'hui. |
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LA SUIVANTE, à Sganarelle
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Est-il vrai ? |
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SGANARELLE |
585 |
Est-il vrai ? Moi ? J'ai dit que c'était à ma femme |
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Que j'étais marié. |
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LÉLIE |
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Que j'étais marié. Dans un grand trouble d'âme |
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Tantôt de mon portrait je vous ai vu saisi. |
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SGANARELLE |
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Il est vrai : le voilà. |
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LÉLIE |
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Il est vrai : le voilà. Vous m'avez dit aussi |
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Que celle aux mains de qui vous aviez pris ce gage |
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590 |
Était liée à vous des nœuds du mariage. |
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SGANARELLE |
Montrant sa femme. |
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Sans doute. Et je l'avais de ses mains arraché, |
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Et n'eusse pas sans lui découvert son péché. |
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La Femme de Sganarelle |
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Que me viens-tu conter par ta plainte importune ? |
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Je l'avais sous mes pieds rencontré par fortune ; |
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595 |
Et même, quand, après ton injuste courroux, |
12 |
Montrant Lélie. |
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J'ai fait, dans sa faiblesse, entrer monsieur chez nous, |
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Je n'ai pas reconnu les traits de sa peinture. |
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CÉLIE |
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C'est moi qui du portrait ai causé l'aventure ; |
12 |
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Et je l'ai laissé choir en cette pâmoison |
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À Sganarelle. |
600 |
Qui m'a fait par vos soins remettre à la maison. |
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LA SUIVANTE |
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Vous voyez que sans moi vous y seriez encore, |
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Et vous aviez besoin de mon peu d'ellébore. |
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SGANARELLE |
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Prendrons-nous tout ceci pour de l'argent comptant ? |
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Mon front l'a, sur mon âme, eu bien chaude pourtant ! |
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SA FEMME |
605 |
Ma crainte toutefois n'est pas trop dissipée ; |
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Et doux que soit le mal, je crains d'être trompée. |
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SGANARELLE |
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Hé ! Mutuellement croyons-nous gens de bien : |
12 |
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Je risque plus du mien que tu ne fais du tien ; |
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Accepte sans façon le marché qu'on propose. |
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SA FEMME |
610 |
Soit. Mais gare le bois si j'apprends quelque chose ! |
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CÉLIE, à Lélie, après avoir parlé bas ensemble
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Ah ! Dieux ! S'il est ainsi, qu'est-ce donc que j'ai fait ? |
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Je dois de mon courroux appréhender l'effet : |
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Oui, vous croyant sans foi, j'ai pris, pour ma vengeance, |
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Le malheureux secours de mon obéissance ; |
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615 |
Et depuis un moment mon cœur vient d'accepter |
12 |
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Un hymen que toujours j'eus lieu de rebuter ; |
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J'ai promis à mon père ; et ce qui me désole … |
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Mais je le vois venir. |
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LÉLIE |
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Mais je le vois venir. Il me tiendra parole. |
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SCÈNE XXIII |
LÉLIE |
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Monsieur, vous me voyez en ces lieux de retour |
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620 |
Brûlant des mêmes feux, et mon ardente amour |
12 |
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Verra, comme je crois, la promesse accomplie |
12 |
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Qui me donna l'espoir de l'hymen de Célie. |
12 |
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GORGIBUS |
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Monsieur, que je revois en ces lieux de retour |
12 |
|
Brûlant des mêmes feux, et dont l'ardente amour |
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625 |
Verra, que vous croyez, la promesse accomplie |
12 |
|
Qui vous donna l'espoir de l'hymen de Célie, |
12 |
|
Très humble serviteur à votre seigneurie. |
12 |
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LÉLIE |
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Quoi ? Monsieur, est-ce ainsi qu'on trahit mon espoir ? |
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GORGIBUS |
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Oui, monsieur, c'est ainsi que je fais mon devoir : |
12 |
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Ma fille en suit les lois. |
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CÉLIE |
630 |
Ma fille en suit les lois. Mon devoir m'intéresse, |
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Mon père, à dégager vers lui votre promesse. |
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GORGIBUS |
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Est-ce répondre en fille à mes commandements ? |
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Tu te démens bien tôt de tes bons sentiments ! |
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Pour Valère tantôt … Mais j'aperçois son père : |
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635 |
Il vient assurément pour conclure l'affaire. |
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SCÈNE DERNIÈRE |
GORGIBUS |
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Qui vous amène ici, seigneur Villebrequin ? |
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VILLEBREQUIN |
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Un secret important, que j'ai su ce matin, |
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Qui rompt absolument ma parole donnée. |
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Mon fils, dont votre fille acceptait l'hyménée, |
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640 |
Sous des liens cachés trompant les yeux de tous, |
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Vit, depuis quatre mois, avec Lise en époux ; |
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Et comme des parents le bien et la naissance |
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M'ôtent tout le pouvoir d'en casser l'alliance, |
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Je vous viens … |
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GORGIBUS |
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Je vous viens … Brisons là. Si, sans votre congé, |
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645 |
Valère votre fils ailleurs s'est engagé, |
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Je ne vous puis celer que ma fille Célie |
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Dès longtemps par moi-même est promise à Lélie ; |
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Et que, riche en vertus, son retour aujourd'hui |
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M'empêche d'agréer un autre époux que lui. |
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VILLEBREQUIN |
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Un tel choix me plaît fort. |
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LÉLIE |
650 |
Un tel choix me plaît fort. Et cette juste envie |
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D'un bonheur éternel va couronner ma vie. |
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GORGIBUS |
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Allons choisir le jour pour se donner la foi. |
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SGANARELLE |
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A-t-on mieux cru jamais être cocu que moi ? |
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Vous voyez qu'en ce fait la plus forte apparence |
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655 |
Peut jeter dans l'esprit une fausse créance. |
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De cet exemple-ci ressouvenez-vous bien ; |
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Et, quand vous verriez tout, ne croyez jamais rien. |
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