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6-6 mètre
LOY_1/LOY1
Charles LOYSON
LE BONHEUR DE L'ÉTUDE :
discours en vers et autres poésies
1817
DISCOURS SUR LE BONHEUR
QUE PROCURE L’ÉTUDE DANS TOUTES
LES SITUATIONS DE LA VIE (1)
Me verò primùm dulces ante omnia Musœ.
Non, pour nous séparer,en vain l'on m'importune, 6+6 a
En vain d'un front riantla trompeuse Fortune 6+6 a
M'appèle sur ses pasvers des sentiers fleuris ; 6+6 b
Nous resterons ensemble,ô mes livres chéris ! 6+6 b
5 Tout entier à vous seulsdans cette solitude, 6+6 a
Je veux jouir en paixdes douceurs de l'étude. 6+6 a
Je veux de vos leçonssans cesse me nourrir, 6+6 b
Je veux vivre avec vous,et près de vous mourir. 6+6 b
De la Déesse aveugleécoutant les promesses, 6+6 a
10 Assez d'autres sans moichercheront les richesses ; 6+6 a
Assez d'autres des Grandsbrigueront la faveur, 6+6 b
C'est de vous, de vous seuls,que j'attends mon bonheur. 6+6 b
Plaisirs de la raison !ô voluptés de l'âme ! 6+6 a
Sublime amour du vrai !feu divin dont la flamme, 6+6 a
15 Dans les nobles espritsqui lui servent d'autel, 6+6 b
Brûle pour consumerce qu'ils ont de mortel, 6+6 b
Qui des pertes des sensnourrit l'intelligence, 6+6 a
L'enivre et la ravitde sa propre excellence ! 6+6 a
Dans l'univers entierest-il des biens plus doux ? 6+6 b
20 Qu'il est digne d'envie,ô Muses, près de vous, 6+6 b
Celui qui, dans l'ardeurd'apprendre et de conntre, 6+6 a
De cette nuit confuse le sort nous fit ntre, 6+6 a
Avec de longs efforts,par degrés s'affranchit, 6+6 b
Et de trésors nouveauxchaque jour s'enrichit ! 6+6 b
25 Pour l'homme dépouilléde sa noble nature, 6+6 a
Il n'est point ici basde félicité pure ; 6+6 a
Je le sais : toutefoisce roi dépossédé 6+6 b
De son rang sans retourne fut point dégradé ; 6+6 b
De chaque bien jadisperdu par sa disgrace, 6+6 a
30 Dans son âme inquièteun besoin tient la place, 6+6 a
Et poussant vers ces biensun éternel soupir, 6+6 b
Il met toute sa joieà les reconquérir. 6+6 b
Ainsi l'âme, aspirantà sa clarté première', 6+6 a
Et s'indigne de l'ombre,et cherche la lumière, 6+6 a
35 Et, faite pour savoir,par l'étude à la fois 6+6 b
Retrouve son bonheuret recouvre ses droits. 6+6 b
Dans quel ravissementaprès vingt ans d'absence 6+6 a
Un exilé revoitles lieux de sa naissance ! 6+6 a
Quel bonheur on, éprouveà l'aspect d'un trésor 6+6 b
40 Perdu depuis longtemset qu'on regrette encor ! 6+6 b
De l'homme qui s'instruit,sublime et juste emblême ! 6+6 a
Dans chaque découverteil se trouve lui-même : 6+6 a
Aussitôt qu'à ses yeuxbrille la vérité, 6+6 b
De joie à son aspectet d'orgueil transporté, 6+6 b
45 Il reconnt son bien,et, fier de son partage, 6+6 a
Il sent que sa conquêteétait son héritage. 6+6 a
Volupté ! qu'à l'enviles aveugles mortels 6+6 b
De leurs veux insensésfatiguent tes autels ; 6+6 b
Et, tandis que sans fruitinvoquant leur idole, 6+6 a
50 Ils se tourmenterontpour une ombre frivole, 6+6 a
Puissé-je, seul et libre,habiter à jamais 6+6 b
Ces paisibles hauteurs,ces tranquilles sommets, 6+6 b
Ou, loin des vils soucisde l'humaine faiblesse, 6+6 a
Dans un calme éternelréside la Sagesse ! 6+6 a
55 Ouvrez-vous à mes yeux,ô temples éclatans ! 6+6 b
Solennels rendez-vouset des lieux et des tems, 6+6 b
ces mortels divins,que l'étude rassemble, 6+6 a
Méditent de concert,et s'éclairent ensemble. 6+6 a
Quels sublimes objets !quels spectacles divers ! 6+6 b
60 Le monde et son auteur !Dieu, l'homme et l'univers 6+6 b
Avec ravissement,sur cette vaste scène 6+6 a
Mon regard éblouilentement se promène, 6+6 a
Et je trouve partout,dans ces nombreux tableaux, 6+6 b
De nouvelles leçonset des plaisirs nouveaux ; 6+6 b
65 Semblable au voyageur,qui le front dans les nues, 6+6 a
Debout sur l'Appeninou les Alpes chenues, 6+6 a
Contemple au loin l'espace,et d'un œil enchanté, 6+6 b
Se perd dans l'étendueet dans l'immensité. 6+6 b
Ses annales en main,là l'histoire m'appèle, 6+6 a
70 Des siècles fugitifsconfidente immortelle, 6+6 a
J'observe, à son flambeau,de vingt peuples épars 6+6 b
Le berceau, les progrès,les mœurs, les lois, les arts. 6+6 b
Ici croissent les uns,là les autres succombent ; 6+6 a
J'entends le bruit confusdes empires qui tombent ; 6+6 a
75 Memphis, Athènes, Romeont passé tour-à-tour, 6+6 b
Et, brillant un moment,nous passerons un jour. 6+6 b
Heureux quand du milieudes fureurs et des crimes 6+6 a
Je vois jaillir du moinsquelques vertus sublimes ! 6+6 a
A de plus grands objetsélevant ma raison, 6+6 b
80 Là Montesquieu m'enseigne,assis près de Platon, 6+6 b
Quelle loi, tour-a-tourdépendans, nécessaires, 6+6 a
De la société,nous rend tous tributaires ; 6+6 a
Quel besoin réciproqueet quels liens secrets 6+6 b
Des sujets et des roisjoignent les intérêts ; 6+6 b
85 Faisant chérir au peupleune juste puissance, 6+6 a
Placent sa libertédans son obéissance ; 6+6 a
Et, par l'heureux secoursd'un accord mutuel, 6+6 b
Font du bien de chacunle bien universel. 6+6 b
Que vois-je ! pénétronssous cette vte obscure : 6+6 a
90 Là, travaille en secretl'éternelle Nature ; 6+6 a
Là, sous de noirs rochersrayonnent les cristaux, 6+6 b
Ou dans de vastes litss'étendent les métaux. 6+6 b
Là se durcit le fer,qui, sorti de la terre, 6+6 a
Armera la faucilleou le char de la guerre ; 6+6 a
95 Là nt l'or, don funesteet fléau précieux.', 6+6 b
Ah ! qu’exclu pour jamaisde la clarté des cieux, 6+6 b
Ne peut-il dans le seinde la mine profonde, 6+6 a
Renfermer avec luiles maux qu'il fait au monde ! 6+6 a
Sur la terre bientôt,loin de ce noir séjour, 6+6 b
100 L'empire végétalme rappelle à son tour 6+6 b
Quelles plantes sans nombreont peuplé les campagnes, 6+6 a
Croissent dans les vallons,et couvrent les montagnes ! 6+6 a
O Linnée ! apprends-moileurs noms et leurs vertus, 6+6 b
Leur histoire, leurs mœurs,leurs destins, leurs tribus ; 6+6 b
105 Dans ces étroits canauxqui fait monter la sève ; 6+6 a
Pourquoi rampe le lierre,et le cèdre s'élève ; 6+6 a
Comment du même solnaissent en même tems 6+6 b
Et les poisons mortelset les fruits bienfaisans ; 6+6 b
Quel est cet arbrisseauqui végète et respire, 6+6 a
110 Citoyen indécisde l'un et l'autre empire. 6+6 a
Mais dequel mouvementsont animés les airs, 6+6 b
Les champs, les bois, les monts,les fleuves et les mers ? 6+6 b
Ce n'est plus la Natureimmobile et muette, 6+6 a
Ce n'est plus de la vieune ébauche imparfaite ; 6+6 a
115 C'est la vie et l'instinct,et presque la raison, 6+6 b
Venez, guidez mes pas,Aristote et Buffon, 6+6 b
De ce règne nouveaumontrez-moi les merveilles, 6+6 a
Les mœurs de la fourmi,les travaux des abeilles, 6+6 a
L'habitant d'un brin d'herbeet les monstres des eaux ; 6+6 b
120 Montrez-moi les instinctsde ces charmants oiseaux, 6+6 b
Leurs penchans,leurs amours,leurs plaisirs,leurs voyages 6+6 a
Leurs polices, leurs chants,peut-être leurs langages ! 6+6 a
Admirables objets,tableaux intéressans 6+6 b
Toujours plus enchanteurs,toujours plus ravissans ! 6+6 b
125 Toutefois ce sont làde vulgaires miracles ; 6+6 a
La Nature m’inviteà de plus grands spectacles. 6+6 a
Quel sublime mortel,d'un vol audacieux, 6+6 b
Avec lui tout-à-coupm'emporte dans les cieux ? 6+6 b
C'est Newton : je le voisqui couronne sa tête. 6+6 a
130 De mille astres brillantsdevenus sa conquête. 6+6 a
Dans le centre du monde,un compas à la main ! 6+6 b
D'un air tranquille et fieril s'assied, et soudain. 6+6 b
Tous ces globes, erranssous d’éclatantes vtes, 6+6 a
A sa puissante voixreconnaissant leurs routes, 6+6 a
135 L'un par l'autre attirés,accomplissent leur cours, 6+6 b
Toujours près de le rompreet le suivant toujours. 6+6 b
Bientôt à mes regardsdes cieux inconnus s'ouvrent, 6+6 a
Des régions sans findevant moi se découvrent, 6+6 a
Carrière illimitée,, par les mêmes lois, 6+6 b
140 Mille univers flottansse meuvent à-la-fois. 6+6 b
Je vois de tous côtés,dans ces plaines profondes, 6+6 a
Autour d'autres soleilsgraviter d'autres mondes ; 6+6 a
Et, lorsque pour peuplerles espaces déserts, 6+6 b
Je suis las d'enfanterde nouveaux univers 6+6 b
145 Le vide encor s'étend,et, dans son sein immense, 6+6 a
Par-delà l'infinil'infini recommence. 6+6 a
Éperdu je m'arrête,et j'apeois par-tout 6+6 b
Dieu qui soutient, dirige,enferme et borne tout. 6+6 b
Mais au-dessus des cieuxdans les degrés de l'être, 6+6 a
150 Et plus grand que les cieuxpuisqu'il peut les conntre, 6+6 a
Mon esprit étonné,lui-même s'offre à lui ; 6+6 b
Mystérieux abîme, mon œil ébloui 6+6 b
Sous le voile sacréd'un éclatant nuage, 6+6 a
De la divinitédécouvre encor l'image. 6+6 a
155 Alors j'ose, en tremblant,contempler sa grandeur, 6+6 b
Et de l'éternitésonder la profondeur. 6+6 b
Mais ma faible raisonse confond et succombe, 6+6 a
Et dans un saint effroisur soi-même retombe. 6+6 a
Ainsi, mes livres seulspour mtres, pour témoins, 6+6 b
160 A l'étude en secretje consacre mes soins. 6+6 b
Mais puis-je t'oublier,riante Poésie, 6+6 a
Ma bienfaitrice, Ô toidont l'aimable ambroisie. 6+6 a
M'enivra si souventde célestes douceurs ? 6+6 b
Avec des soins divers,tes immortelles sœurs 6+6 b
165 Cultivent à l'envil'intelligence humaine, 6+6 a
Et se sont du savoirpartagé le domaine. 6+6 a
Chacune a ses travaux,son talent, son emploi, 6+6 b
Mais l'immense Natureest toute entière à toi. 6+6 b
Une lyre à la main,hôtesse passagère, 6+6 a
170 Tu parcours l'Universd'une marche légère ; 6+6 a
Tu vas semant partoutles plus riches couleurs ; 6+6 b
Les déserts sous tes passe couronnent de fleurs ; 6+6 b
Je te vois d'une roseorner le front des Grâces, 6+6 a
Ou parmi les soleilsplaner dans les espaces, 6+6 a
175 Te plonger dans l'abîme,ou, d'une aile de feu, 6+6 b
Sublime, t'élancerjusqu'au trône de Dieu. 6+6 b
Tandis que sur les fleursd'une vaste prairie. 6+6 a
Mille hôtes différensont choisi leur patrie, 6+6 a
Que chacun, à la sienneattaché pour toujours, 6+6 b
180 Voit dans le même lieuntre et finir ses jours ; 6+6 b
N'en habitant aucuneet les visitant toutes, 6+6 a
Et des pleurs de l'Aurorey recueillant les gouttes ; 6+6 a
L'abeille y vient chercherce nectar précieux, 6+6 b
Qui charme les mortelset sert d'offrande aux Dieux. 6+6 b
185 Telle, ô Fille du Ciel,dans ta course brillante, 6+6 a
Les agrémens diversque chaque art nous présente, 6+6 a
Tu sais les recueilliret nous les rends plus doux ; 6+6 b
Chacun donne le sien,tu nous les offres tous. 6+6 b
Combien des faux plaisirs,dont la foule est avide, 6+6 a
190 Les charmes sont bornéset la fuite rapide ! 6+6 a
Ils dépendent du lieu,de l'humeur, du moment ; 6+6 b
La volupté d'un âgeest pour l'autre un tourment. 6+6 b
Muses, dans vos faveursvous êtes plus égales ! 6+6 a
Vous les versez partoutde vos mains libérales ; 6+6 a
195 Le moindre des mortelsjouit de vos appas. 6+6 b
Dans toutes les saisonset dans tous les climats, 6+6 b
Sous un ciel sans nuage,au milieu des tempêtes, 6+6 a
Vous nous offrez des fruitset des fleurs toujours prêtes. 6+6 a
Heureux qui dans l'éclatde ses beaux jours naissans, 6+6 b
200 Lorsque tout parle au cour,sollicite les sens, 6+6 b
Lorsque la volupténous tend partout ses chaines, 6+6 a
Qu'en torrens embrasésle sang court dans nos veines, 6+6 a
Et que, de mille feuxnotre âme s'allumant, 6+6 b
Tout en nous est puissance,ardeur et sentiment ; 6+6 b
205 Heureux qui peut alorssavourer vos délices, 6+6 a
Qui de sa vie en fleur,vous offre les prémices, 6+6 a
De loin sème avec vouspour une autre saison, 6+6 b
Et vous donne à réglerson cœur et sa raison ! 6+6 b
Heureux encor, heureux,alors que les années 6+6 a
210 De l'homme déjà mûrfixent les destinées, 6+6 a
Celui qui dans vos brascherchant un doux repos, 6+6 b
Y vient de tems en temsoublier ses travaux, 6+6 b
Son état ; ses projets,les affaires publiques, 6+6 a
Les soins ', peut-être, hélas !les chagrins.domestiques. 6+6 a
215 Plus heureux, le vieillard,dans l'âge des dégts, 6+6 b
Qui, de tout dépouillé,retrouve tout en vous ! 6+6 b
Seul, souffrant, sans appui,réduit à sa faiblesse, 6+6 a
Quel baume adouciraitles maux de sa vieillesse ? 6+6 a
Le tems jusqu'en leur sourcea tari ses plaisirs, 6+6 b
220 Glacé son espéranceet même ses désirs. 6+6 b
De ses sens tour à tourson âme abandonnée 6+6 a
En elle-même enfinlanguit emprisonnée, 6+6 a
Et même avant la mortsemble déjà mourir. 6+6 b
Oh ! que vienne l'étudealors le secourir ! 6+6 b
225 Pour lui le monde entierrentra dans un livre ; 6+6 a
Insensible aux assautsque l'âge en vain lui livre, 6+6 a
Il peut braver l'ennui,le tems et sa rigueur ; 6+6 b
Son âme, en s'exeant,entretient sa vigueur ; 6+6 b
Dans ses veines toujoursun jeune sang bouillonne ; 6+6 a
230 Et Sophocle à cent anspeint encor Antigone ! 6+6 a
Mais voyez vous ce Grand,dans son farouche accès, 6+6 b
Qui fait fuir devant luifemme, enfans et valets ? 6+6 b
Aurait-il éprouvéquelque affreuse disgrâce ? 6+6 a
Le tems ne permet pasde sortir pour la chasse ; 6+6 a
235 Point de bal à la ville,ou de cercle à la cour : 6+6 b
Monseigneur avec luidoit passer tout le jour ; 6+6 b
De là nt en son cœurle soin qui le travaille, 6+6 a
Et chacun doit tremblerlorsque Monseigneur bâille. 6+6 a
Malheureux ! l'eut-on vu,victime de l'ennui, 6+6 b
240 Se tourmenter lui-mêmeet tourmenter autrui, 6+6 b
S'il t, plus studieux,dans sa bibliothèque, 6+6 a
Appris de Cicéron,d'Horace ou de Sénèque, 6+6 a
Qu'on peut seul avec soipasser une heure ou deux, 6+6 b
Et, sans forcer un cerf,quand il pleut, être heureux. 6+6 b
245 En ce moment peut-êtreil verrait dans l'histoire 6+6 a
A l'étude s'unirla grandeur et la gloire ; 6+6 a
Le guerrier renommé,le grave magistrat ; 6+6 b
Le brillant courtisan,le ministre d'état, 6+6 b
Souvent loin du barreau,du conseil et des armes, 6+6 a
250 D'un docte passe-temsvenir gter les charmes, 6+6 a
Oublier leurs emplois,ou, dans un doux loisir, 6+6 b
Même en s'en délassant,s'instruire à les remplir ; 6+6 b
Scipion et Térence,associant leurs veilles, 6+6 a
Richelieu disputantla palme des Corneilles ; 6+6 a
255 Catinat dans sa terre,et Condé recueilli, 6+6 b
Errant, César en main,au bois de Chantilly. 6+6 b
Il verrait jusqu'au seinde la grandeur suprême 6+6 a
Les Muses allégerle poids du diadème, 6+6 a
Le sceptre a ses chagrins ;infortunés soucis 6+6 b
260 Que la tendre amitién'a jamais adoucis ! 6+6 b
Que je plains un monarqueexilé sur son trône, 6+6 a
S'il ne vient quelquefois,déposant sa couronne 6+6 a
Dans ces écrits fameuxd'âge en âge transmis, 6+6 b
Parmi les morts au moinschercher quelques amis ; 6+6 b
265 Oublier des grandeursla triste inquiétude, 6+6 a
Les humains, leur bassesseet leur ingratitude ; 6+6 a
Ou même, environnédes enfans des neuf sœurs, 6+6 b
D'un plaisir partagéconnaitre les douceurs, 6+6 b
Et gter en dépitde l'austère étiquette, 6+6 a
270 La seule égalitéque son rang lui permette. 6+6 a
Qui surpasse un mortelque la Muse chérit ? 6+6 b
L'esprit dans tous les rangsest l'égal de l'esprit. 6+6 b
« Pour les Grands, dira-t-on,rare et beau privilége, 6+6 a
Qui leur donne les gtset les mœurs du collége ; 6+6 a
275 Ainsi, m'offrant partoutdes pédans à galons, 6+6 b
De Vadius titrésvous peuplez nos salons. » 6+6 b
De notre tems au moinsce ridicule est rare : 6+6 a
Que de sots éléganspour un savant bizarre ! 6+6 a
Cléon même sait mieux,magistrat jouvenceau, 6+6 b
280 Nous fredonner Grétryque citer d'Aguesseau. 6+6 b
Eh quoi !d'ailleurs pour plaireet briller dans le monde, 6+6 a
Faudra-t-il de Damisl'ignorance profonde ? 6+6 a
Sur le modèle heureuxd'Horace et d'Hamilton, 6+6 b
Ne peut-on plus unirl'étude et le bon ton ? 6+6 b
285 Socrate quelquefoissoupait chez Aspasie ; 6+6 a
Et le brillant Boufflersfut de l'académie. 6+6 a
Heureux donc à la villeet dans l'éclat des cours 6+6 b
Celui dont les neuf sœursembellissent les jours ! 6+6 b
Bien plus heureux aux champs,qui, dans la solitude, 6+6 a
290 S'est fait de leur commerceune douce habitude ! 6+6 a
Que, portant au hameaules mœurs de Sybaris, 6+6 b
Mondor bâille à Meudon,comme il bâille à Paris ; 6+6 b
Que toujours désœuvré,fuyant l'aspect d'un livre, 6+6 a
Sans le jeu qui l'ennuieil ne sache point vivre, 6+6 a
295 Et qu'un double rideau ;des rayons du soleil ; 6+6 b
Quand midi va sonner,garde encor son sommeil. 6+6 b
Pour moi, si quelque jour,si d'un réduit champêtre, 6+6 a
Au gré de mes souhaits,le destin me fait mtre, 6+6 a
Je veux ; bien plus habileà remplir mes loisirs, 6+6 b
300 Que le temps trop rapidey manque à mes plaisirs. 6+6 b
O mes Auteurs chéris,venez dans mon asile, 6+6 a
Horace, Fénélon,La fontaine et Virgile ! 6+6 a
Quel bonheur dans les champsnous allons éprouver ! 6+6 b
Que vous m'y ravissez !que j'aime à retrouver 6+6 b
305 Ou la nature en vous,ou dans vous la nature ! 6+6 a
Tibulle, est-ce ta Muse,ou cette eau qui murmure 6+6 a
De vos brillans tableaux,de ces brillantes fleurs, 6+6 b
Qui déploie à mes yeuxles plus riches couleurs ? 6+6 b
Que ma ruche me plt,doux chantre des abeilles ; 6+6 a
310 Quand, ton livre à la main,j'en parcours les merveilles ! 6+6 a
Qu'avec plaisir je voisde superbes troupeaux, 6+6 b
Ainsi que dans ces champsbondir sous tes pinceaux ! 6+6 b
Qu'avec joie, à l'abrisous un rocher sauvage, 6+6 a
Au ciel et dans tes versj'entends gronder l'orage ! 6+6 a
315 Le monde est dans l'effroi ;tout tremble, et de ton vers 6+6 b
Le vol s'est arrêté :tout-à-coup dans les airs 6+6 b
Il répète, en tonnant,les coups de la tempête, 6+6 a
Et des monts foudroyésje vois fumer la tête. (2) 6+6 a
Tant la Nature plait,tant l'art imitateur, 6+6 b
320 En peignant ses beautéssait enchanter le cœur ! 6+6 b
Doux plaisirs, eh ! combienvous l'êtes davantage, 6+6 a
Si quelque objet aiméprès de moi vous partage ! 6+6 a
Un beau vers qu'on lit seuln'est gté qu'à demi ; 6+6 b
Mais auprès d'une amante,et surtout d'un ami, 6+6 b
325 Corneille est plus sublime,et Racine est plus tendre. 6+6 a
O mon cher Édouard,combien j'aime à t'entendre 6+6 a
Tout-à-coup m'interrompre,et d'un ton animé, 6+6 b
Répéter après moile vers qui m'a charmé ! 6+6 b
Qui de nous peut comptersur des jours sans nuages ! 6+6 a
330 Eh bien ! si du destinj'éprouve les outrages, 6+6 a
Si je suis par le sort,par les hommes trompé, 6+6 b
De coups plus déchirans,si quelque jour frappé…, 6+6 b
(Contre nos cours, hélas !la fortune a tant d'armes) 6+6 a
Sur un tombeau chérisi je verse des larme 6+6 a
335 Muses, c'est vous encorqui serez mon recours ; 6+6 b
Je viendrai de l'étudeemprunter les secours, 6+6 b
Près de vos favoris,dans vos doctes retraites, 6+6 a
Déposer le fardeaude mes peines secrètes ; 6+6 a
Et, dans leurs entretiens,mon courage abattu 6+6 b
340 Entendra retentirla voix de la vertu. 6+6 b
Eh ! quels soucis cruels,quelles douleurs amères 6+6 a
Ne sauraient adoucirleurs leçons salutaires ? 6+6 a
Voyageurs dans la vie,ils furent avant nous, 6+6 b
Presque tous malheureuxet consolés par vous. 6+6 b
345 Pleurant dans votre seinje vois plus d'un grand homme. 6+6 a
La, Cicéron gémitsur sa fille et sur Rome ; 6+6 a
Ici, Quintilien,vous confiant ses pleurs, 6+6 b
Sent déjà quelque charmeadoucir ses, douleurs ; 6+6 b
J'entends chanter le Danteerrant et sans patrie, 6+6 a
350 Et toi, peintre immorteld'Armide et d'Herminie, 6+6 a
Homme, amant, citoyen,poëte infortuné, 6+6 b
Au fond d'un noir cachotseul, dans l'ombre, enchné, 6+6 b
On dit que les neuf Sœursont daigné le sourire ; 6+6 a
Et quelques sons encoréchappaient à ta lyre. 6+6 a
355 Il est des tems affreuxet des jours meurtriers 6+6 b
le malheur s'étendsur des peuples entiers. 6+6 b
Quand la Discorde, errantdu milieu de nos villes, 6+6 a
Souffle partout la haineet les fureurs civiles, 6+6 a
Ou qu'épuisée enfin,ses efforts expirans 6+6 b
360 Pour couronner son œuvreenfantent les tyrans, 6+6 b
De qui dans l'universimplorer l'assistance ? 6+6 a
L'infortune est partout :nulle part l'espérance. 6+6 a
Le fer ensanglantédemande encor du sang, 6+6 b
La gloire et la vertu,le savoir et le rang, 6+6 b
365 Tout succombe ; mais loinde ces scènes tragiques, 6+6 a
Le sage s'est enfuidans les siècles antiques. 6+6 a
Demain son tour viendra ;mais, attendant son tour, 6+6 b
Il trompe l'infortuneet lui dérobe un jour. 6+6 b
A Sparte, dans AthènesAthène, ou sur les bords du Tibre, 6+6 a
370 Malgré les oppresseursil est heureux et libre. 6+6 a
Il consulte Socrate,il écoute Platon, 6+6 b
Il vit avec Pompée,et Brutus, et Caton ; 6+6 b
Son âme est leur amieet leur concitoyenne, 6+6 a
Au feu de leurs vertusil allume la sienne ; 6+6 a
375 Et, prenant des leçonsde leur noble fierté, 6+6 b
Quand tout rampe ou fléchit,garde sa dignité. 6+6 b
Voyez-vous ce tyran ?la foule en vain l'ençense, 6+6 a
De Ducis, de Delilleil entend le silence ; 6+6 a
Qu'il soumette à ses loisl'Europe et l'Univers 6+6 b
380 De leur muse inflexibleil n'aura pas un vers. 6+6 b
Mais quel spectacle icila Fortune m'étale : 6+6 a
Les sceptres sont briséspar sa rigueur fatale ; 6+6 a
Les peuples sont témoinsde revers inouis, 6+6 b
Et d'exil en exilje vois errer Louis ! 6+6 b
385 O Muses, consolezson illustre infortune ! 6+6 a
Et jusque sur ces bords,favoris de Neptune, 6+6 a
la fière Albionrend au sang de nos Rois 6+6 b
Cette hospitalitéqu'elle en reçut deux fois, 6+6 b
Muses, suivez ses pas ;d'une aimable princesse 6+6 a
390 Imitez, s'il se peut,les soins et la tendresse ; 6+6 a
Et si, dans l'heureux tems,dans le tems du pouvoir, 6+6 b
Sur les degrés du trôneil vous a fait asseoir ; 6+6 b
Si, près de lui jadis,d'honneurs environnées, 6+6 a
Des rayons de sa gloireil vous a couronnées ; 6+6 a
395 Rendez-lui les présensque vous fit sa grandeur, 6+6 b
Sur son front dépouillémettez votre splendeur ; 6+6 b
Faites que, dans l'éclatde sa noble misère, 6+6 a
De dix Rois ses vengeursil paraisse le père ; 6+6 a
Et, le comblant enfinde vos dons les plus doux, 6+6 b
400 Méritez ce qu'un jouril doit faire pour vous. (3). ; 6+6 b
Tel est de vos bienfaitsl'universel empire ; 6+6 a
Muses, dès le berceau,vous daignez nous sourire ; 6+6 a
En tous lieux, en tous temsvous marchez sur nos pas ; 6+6 b
A la ville, à la cour,au milieu des combats, 6+6 b
405 Dans l'asile des champs,sur de lointains rivages', 6+6 a
Vous savez enchantertous les rangs, tous les âges ! 6+6 a
Douce société,commerce plein d'attraits, 6+6 b
Intéressant toujours,n'importunant jamais ; 6+6 b
Le cœur comme l'espritse forme à votre école ; 6+6 a
410 Par vous crt le bonheur,le malheur se console, 6+6 a
La grandeur s'ennoblit ;vous ornez à la fois 6+6 b
La retraite du sageet le palais des Rois, 6+6 b
Et vous semez enfintout le cours de la vie 6+6 a
De plaisirs sans remordset de biens sans envie. 6+6 a
415 Ah ! si le peuple entierde vos adorateurs 6+6 b
Pour prix de son encensobtient tant de faveurs, 6+6 b
A ces mortels, admisjusqu'en vos sanctuaires, 6+6 a
A ces Pontifes saintsde vos divins mystères, 6+6 a
Qui par vous inspirés,vos flambeaux dans les mains, 6+6 b
420 Du pied de vos autelséclairent les humains ; 6+6 b
Quels dons réservez-vous,et de quelles délices 6+6 a
Savez-vous, doctes Sœurs,payer leurs sacrifices ? 6+6 a
Ineffables plaisirsdu vulgaire ignorés ! 6+6 b
Oh, qui m'élèverajusqu'à ces rangs sacrés ! 6+6 b
425 Que ne puis-je, au milieude leur foule tranquille, 6+6 a
M'abreuver à longs traitsdu bonheur d'être utile ! 6+6 a
Que ne puis-je, à l'écart,sans soins, sans passions, 6+6 b
Oubliant et le mondeet ses illusions, 6+6 b
Voir déjà, s'élançantdes sphères éternelles, 6+6 a
430 Pour couvrir mon bûcherde ses brillantes ailes, 6+6 a
La gloire y recueillirmon immortalité, 6+6 b
Et la répandre au loindans la postérité ! 6+6 b
Infortuné ! ! que dis-je,et quel espoir m'abuse ? 6+6 a
Reine des doux concerts,Calliope, ô ma Muse ! 6+6 a
435 O toi, qui d'un regardhonoras mon berceau', 6+6 b
Que je veux invoquerjusqu'au bord du tombeau, 6+6 b
Viens, ah ! viens, de tes sœursemprunte tous les charmes. 6+6 a
Vous avez, je le sais,essuyé bien des larmes ; 6+6 a
Vous avez soutenudes Grands dans leurs revers, 6+6 b
440 Des sages dans l'exilet des rois dans les fers ! 6+6 b
Pour des maux plus cruelsaurez-vous un remède ? 6+6 a
Voyez ce malheureuxque votre amour possède ; 6+6 a
Jeune encor, et déjàde langueur accablé, 6+6 b
Loin de vos bois chérisses maux l'ont exilé. 6+6 b
445 Souvent son sang s'allume,et son œil étincelle ; 6+6 a
Il prend encor son luth ;mais sa force infidèle 6+6 a
De son enthousiasmea trahi les élans. 6+6 b
Ainsi le voyageur,dans des déserts brûlans, 6+6 b
Couché près d'une source sa soif peut s'éteindre, 6+6 a
450 Dans d'impuissans effortsmeurt sans pouvoir l'atteindre : 6+6 a
Adieu, plaisirs divins !adieu, charmans accords, 6+6 b
Qui de son âme ardenteenflammiez les transports ! 6+6 b
Adieu, chères erreurs !adieu douce fumée ! 6+6 a
Songes de l'avenir,gloire, éclat, renommée, 6+6 a
455 Noble orgueil du talentqui croit sentir son prix ; 6+6 b
Et vous, ô ses travaux,vainement entrepris ! 6+6 b
On arrache sa lyreà sa 'main affaiblie, 6+6 a
Et, pour sauver ses jours,on vent qu'il vous oublie. 6+6 a
Eh ! que lui font sans vousdes jours infortunés, 6+6 b
460 Dans l'éternelle nuiten silence entrnés ? 6+6 b
Lâches avis ! non, non,qu'il brille et se consume ! 6+6 a
C'est pour périr bientôtque le flambeau s'allume ; 6+6 a
Mais il brûle un momentsur les autels des dieux. 6+6 b
Voyez, quand le trépasva lui fermer les yeux, 6+6 b
465 Ce fils de qui l'on veutécarter une mère, 6+6 a
Contre son sein mourantil la tient, il la serre, 6+6 a
Il lui sourit encor,et, tranquille en ses bras, 6+6 b
De la mort qui s'avanceil n'entend plus les pas : 6+6 b
Tel l'enfant d’Apollon,près de la rive sombre, 6+6 a
470 Embrasse encor la gloire,et s'attache à son ombre. 6+6 a
Fuyez, soucis cruels,fuyez, noires terreurs ; 6+6 b
Laissant à l'harmonieendormir ses douleurs, 6+6 b
Il veut, les yeux fixéssur les fleurs de la rive, 6+6 a
Livrer au fier torrentsa barque fugitive,() 6+6 a
475 Et dans l'abîme affreuxmollement descendu, 6+6 b
Y dispartre enfinsans l'avoir apeus 6+6 b
Sous ses doigts défaillans,à l'instant qu'il expire, 6+6 a
Un son mélodieuxanime encor sa lyre ; 6+6 a
Et, bercé par la Muse,à son dernier moment, 6+6 b
480 Dans des rêves de gloireil s'endort doucement. 6+6 b
Ainsi, près des autels,de festons couronnée 6+6 a
La tranquille victime,aux Muses destinée, 6+6 a
Regardant sans effroiles sacrificateurs, 6+6 b
Tombe au milieu des chants,de l'encens et des fleurs. 6+6 b
485 Tel l'immortel oiseaude l'heureuse Arabie, 6+6 a
Lorsque pour la reprendreil va quitter la vie, 6+6 a
Se compose à lui-mêmeun bûcher parfumé, 6+6 b
, des feux du soleilsans douleur consumé, 6+6 b
Il rent tout à coupde ses cendres fumantes, 6+6 a
490 Et, dans des tourbillonsde flammes odorantes, 6+6 a
Rajeuni par la mort,brillant et glorieux, 6+6 b
Il fait loin de la terre,et se perd dans les cieux. 6+6 b
(1)  Ce Discours a obtenu l'accessit du prix de poésie, décerné par l'Académie française, dans sa séance du 25 août 1817.
(2)  Ipse pater, media nimborum in nocte, corusca Pulmina molitur dextrá ; quo maxima motu Terra tremit, fugêreferæ, et mortalia corda Per gentes humilis stravit pavor : Ille flagranti Aut Athori, aut Rhodopen qut elta Ceraunia telo Dejicit. VIRGIL. Georg. Lib. Id(24)
(3)  Après ces vers venait le morceau suivant dans la copie présentée à l'Académie française ; l'auteur a cru devoir les retrancher. C'est, au reste, le seul changement qu'il ait fait à sa pièce.
Tantôt lui présentant les fastes de l'histoire, De ses puissans ayeux retracez-lui la gloire ; Montrez-lui leurs vertus ; héritier de Henri, Que, dans le règne heureux de ce Prince chéri, Et l'amour éternel des Français pour leurs maîtres, Il lise son retour au rang de ses ancêtres ; Que, tantôt occupé de plus nobles objets, Il médite avec vous le bonheur des Français ; Quel frein' le bien commun doit mettre à sa puissance ; Comment de deux sénats la rivale assistance Veillera près du trône à l'équité des lois ; Du monarque et du peuple y maintiendra les droits, Et, de l'état partout assurant l'équilibre, Rendra le Roi puissant, et le Citoyen libre. Ainsi, dans ses loisirs, sage législateur, Que des siècles futurs il soit le bienfaiteur,
mètre profil métrique : 6+6
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