Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_3/LFT352
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES I
1658-1694
POÈME DU QUINQUINA
A MADAME LA DUCHESSE DE BOUILLON
CHANT PREMIER
Je ne voulois chanter | que les héros d'Ésope : 6+6 a
Pour eux seuls en mes vers | j'invoquois Calliope ; 6+6 a
Même j'allois cesser, | et regardois le port. 6+6 a
La raison me disoit | que mes mains étoient lasses : 6+6 b
5 Mais un ordre est venu | plus puissant et plus fort 6+6 a
Que la raison ; cet ordre | accompagné de grâces, 6+6 b
Ne laissant rien de libre | au cœur ni dans l'esprit, 6+6 a
M'a fait passer le but | que je m'étais prescrit. 6+6 a
Vous vous reconnoissez | à ces traits, Uranie : 6+6 a
10 C'est pour vous obéir, | et non point par mon choix, 6+6 b
Qu'à des sujets profonds | j'occupe mon génie, 6+6 a
Disciple de Lucrèce | une seconde fois. 6+6 b
Favorisez cet œuvre ; | empêchez qu'on ne die 6+6 a
Que mes vers sous le poids | languiront abattus 6+6 b
15 Protégez les enfants | d'une muse hardie ; 6+6 a
Inspirez-moi ; je veux | qu'ici l'on étudie 6+6 a
D'un présent d'Apollon | la force et les vertus. 6+6 b
Après que les humains, | œuvre de Prométhée, 6+6 a
Furent participants | du feu qu'au sein des dieux 6+6 b
20 Il déroba pour nous | d'une audace effrontée, 6+6 a
Jupiter assembla | les habitants des cieux. 6+6 b
Cette engeance, dit-il, | est donc notre rivale ! 6+6 a
Punissons des humains | l'infidèle artisan : 6+6 b
Tâchons par tout moyen | d'altérer son présent. 6+6 b
25 Sa main du feu divin | leur fut trop libérale : 6+6 a
Désormais nos égaux, | et tout fiers de nos biens, 6+6 c
Ils ne fréquenteront | vos temples ni les miens. 6+6 c
Envoyons-leur de maux | une troupe fatale, 6+6 a
Une source de vœux, | un fonds pour nos autels. 6+6 a
30 Tout l'Olympe applaudit : | aussitôt les mortels 6+6 a
Virent courir sur eux | avecque violence 6+6 a
Pestes, fièvres, poisons | répandus dans les airs. 6+6 b
Pandore ouvrit sa boîte ; | et mille maux divers 6+6 b
S'en vinrent au secours | de notre intempérance. 6+6 a
35 Un des dieux fut touché | du malheur des humains ; 6+6 a
C'est celui qui pour nous | sans cesse ouvre les mains ; 6+6 a
C'est Phébus Apollon. | De lui vient, la lumière, 6+6 a
La chaleur qui descend | au sein de notre mère, 6+6 a
Les simples, leur emploi, | la musique, les vers, 6+6 b
40 Et l'or, si c'est un bien | que l'or pour l'univers. 6+6 b
Ce dieu, dis-je, touché | de l'humaine misère, 6+6 a
Produisit un remède | au plus grand de nos maux : 6+6 a
C'est l'écorce du kin, | seconde panacée. 6+6 b
Loin des peuples connus | Apollon l'a placée. 6+6 b
45 Entre elle et nous s'étend | tout l'empire des flots. 6+6 a
Peut-être il a voulu | la vendre à nos travaux ; 6+6 a
Peut-être il la devoit | donner pour récompense 6+6 a
Aux hôtes d'un climat | où règne l'innocence. 6+6 a
O toi qui produisis | ce trésor sans pareil, 6+6 a
50 Cet arbre ainsi que l'or | cligne fils du soleil, 6+6 a
Prince du double mont, | commande aux neuf pucelles 6+6 a
Que leur chœur pour m'aider | députe deux d'entre elles. 6+6 a
J'ai besoin aujourd'hui | de deux talents divers : 6+6 a
L'un est l'art de ton fils ; | et l'autre, les beaux vers. 6+6 a
55 Le mal le plus commun, | et quelqu'un même assure 6+6 a
Que seul on le peut dire | un mal, à bien parler, 6+6 b
C'est la fièvre, autrefois | espérance trop sûre 6+6 a
A Cloton, quand ses mains | se lassoient de filer. 6+6 b
Nous en avions en vain | l'origine cherchée. 6+6 a
60 On prédisoit son cours, | on savoit son progrès, 6+6 b
On déterminoit ses effets ; 8 b
Mais la cause en étoit cachée. 8 a
La fièvre, disoit-on, | a son siége aux humeurs. 6+6 a
Il se fait un foyer | qui pousse ses vapeurs 6+6 a
65 Jusqu'au cœur, qui les distribue 8 a
Dans le sang dont la masse | en est bientôt imbue. 6+6 a
Ces amas enflammés, | pernicieux trésors, 6+6 a
Sur l'aile des esprits | aux familles errantes, 6+6 b
S'en vont infecter tout le corps, 8 a
70 Sources de fièvres différentes. 8 b
Si l'humeur bilieuse | a causé ces transports, 6+6 a
Le sang, véhicule fluide 8 a
Des esprits ainsi corrompus, 8 b
Par des accès de tierce | à peine interrompus, 6+6 b
75 Va d'artère en artère | attaquer le solide. 6+6 a
Toutes nos actions | souffrent un changement. 6+6 a
Le test et le cerveau | piqués violemment 6+6 a
Joignent à la douleur | les songes, les chimères, 6+6 a
L'appétit de parler, | effets trop ordinaires. 6+6 a
80 Que si le venin dominant 8 a
Se puise en la mélancolie, 8 b
J'ai deux jours de repos, | puis le mal survenant 6+6 a
Jette un long ennui sur ma vie. 8 b
Ainsi parle l'école | et tous ses sectateurs. 6+6 a
85 Leurs malades debout | après force lenteurs 6+6 a
Donnoient cours à cette doctrine : 8 a
La nature, ou la médecine, 8 a
Ou l'union des deux, | sur le mal agissoit. 6+6 a
Qu'importe qui ? l'on guérissoit. 8 a
90 On n'exterminent pas | la fièvre, on la lassoit. 6+6 a
Le bon tempérament, | le séné, la saignée ; 6+6 a
Celle-ci, disoient-ils, | ôtant le sang impur, 6+6 b
Et non comme aujourd'hui | des mortels dédaignée ; 6+6 a
Celui-là, purgatif | innocent et très-sûr 6+6 b
95 (Ils l'ont toujours cru tel |) ; et le plus nécessaire, 6+6 a
J'entends le bon tempérament, 8 b
Rendu meilleur encor | par le bon aliment, 6+6 b
Remettoient le malade | en son train ordinaire. 6+6 a
On se rétablissoit, | mais toujours lentement. 6+6 b
100 Une cure plus prompte | étoit une merveille. 6+6 a
Cependant, la longueur | minoit nos facultés. 6+6 b
S'il restoit des impuretés, 8 b
Les remèdes alors | de nouveau répétés, 6+6 b
Casse, rhubarbe, enfin | mainte chose pareille, 6+6 a
105 Et surtout la diète, | achevoient le surplus, 6+6 a
Chassoient ces restes superflus, 8 a
Relâchoient, resserraient, | faisoient un nouvel homme : 6+6 a
Un nouvel homme ! un homme usé. 8 b
Lorsqu'avec tant d'apprêts | cet œuvre se consomme, 6+6 a
110 Le trésor de la vie | est bientôt épuisé. 6+6 b
Je ne veux pour témoins | de ces expériences 6+6 a
Que les peuples sans lois, | sans arts, et sans sciences 6+6 a
Les remèdes fréquents | n'abrégent point leurs jours, 6+6 a
Rien n'en hâte le long | et le paisible cours. 6+6 a
115 Telle est des Iroquois | la gent presque immortelle : 6+6 a
La vie après cent ans | chez eux est encor belle. 6+6 a
Ils lavent leurs enfants | aux ruisseaux les plus froids. 6+6 a
La mère au tronc d'un arbre, | avecque son carquois, 6+6 a
Attache la nouvelle | et tendre créature ; 6+6 a
120 Va sans art apprêter | un mets non acheté. 6+6 b
Ils ne trafiquent point | des dons de la nature : 6+6 a
Nous vendons cher les biens | qui nous ont peu coûté. 6+6 b
L'âge où nous sommes vieux | est leur adolescence. 6+6 a
Enfin il faut mourir ; | car sans ce commun sort 6+6 b
125 Peut-être ils se mettraient | à l'abri de la mort 6+6 b
Par le secours de l'ignorance. 8 a
Pour nous, fils du savoir, | ou, pour en parler mieux. 6+6 a
Esclaves de ce don | que nous ont fait les dieux, 6+6 a
Nous nous sommes prescrit | une étude infinie. 6+6 a
130 L'art est long, et trop courts | les termes de la vie. 6+6 a
Un seul point négligé | fait errer aisément. 6+6 a
Je prendrai de plus haut | tout cet enchaînement, 6+6 a
Matière non encor | par les Muses traitée, 6+6 a
Route qu'aucun mortel | en ses vers n'a tentée : 6+6 a
135 Le dessein en est grand, | le succès malaisé ; 6+6 a
Si je m'y perds, au moins | j'aurai beaucoup osé. 6+6 a
Deux portes sont au cœur, | chacune a sa valvule. 6+6 a
Le sang, source de vie, | est par l'une introduit ; 6+6 b
L'autre huissière permet | qu'il sorte et qu'il circule, 6+6 a
140 Des veines sans cesser | aux artères conduit. 6+6 b
Quand le cœur l'a reçu, | la chaleur naturelle 6+6 a
En forme ces esprits | qu'animaux on appelle. 6+6 a
Ainsi qu'en un creuset | il est raréfié. 6+6 a
Le plus pur, le plus vif, | le mieux qualifié, 6+6 a
145 En atomes extrait | quitte la masse entière, 6+6 a
S'exhale, et sort enfin | par le reste attiré. 6+6 b
Ce reste rentre encore, | est encore épuré ; 6+6 b
Le chyle y joint toujours | matière sur matière. 6+6 a
Ces atomes font tout ; | par les uns nous croissons ; 6+6 a
150 Les autres, des objets | touchés en cent façons, 6+6 a
Vont porter au cerveau | les traits dont ils s'empreignent, 6+6 a
Produisent la sensation. 8 b
Nulles prisons ne les contraignent : 8 a
Ils sont toujours en action. 8 b
155 Du cerveau dans les nerfs | ils entrent, les remuent ; 6+6 a
C'est l'état de la veille ; | et réciproquement, 6+6 b
Sitôt que moins nombreux | en force ils diminuent, 6+6 a
Les fils des nerfs lâchés | font l'assoupissement. 6+6 b
Le sang s'acquitte encor | chez nous d'un autre office. 6+6 a
160 En passant par le cœur | il cause un battement ; 6+6 b
C'est ce qu'on nomme pouls, | sûr et fidèle indice 6+6 a
Des degrés du fiévreux tourment. 8 b
Autant de coups qu'il réitère, 8 c
Autant et de pareils | vont d'artère en artère 6+6 c
165 Jusqu'aux extrémités | porter ce sentiment. 6+6 b
Notre santé n'a point | de plus certaine marque 6+6 a
Qu'un pouls égal et modéré ; 8 b
Le contraire fait voir | que l'être est altéré ; 6+6 b
Le foible et l'étouffé | confine avec la Parque, 6+6 a
170 Et tout est alors déploré. 8 b
Que l'on ait perdu la parole, 8 a
Ce truchement pour nous | dit assez notre mal, 6+6 b
Assez il fait trembler | pour le moment fatal 6+6 b
Esculape en fait sa boussole. 8 a
175 Si toujours le pilote | a l'œil sur son aimant, 6+6 c
Toujours le médecin | s'attache au battement, 6+6 c
C'est sa guide ; ce point | l'assure et. le console 6+6 a
En cette mer d'obscurités 8 a
Que son art dans nos corps | trouve de tous côtés. 6+6 a
180 Ayant parlé du pouls, | le frisson se présente. 6+6 a
Un froid avant-coureur | s'en vient nous annoncer 6+6 b
Que le chaud de la fièvre | aux membres va passer. 6+6 b
Le cœur le fomentoit, | c'est au cœur qu'il s'augmente, 6+6 a
Et qu'enfin parvenant | jusqu'à certain excès 6+6 a
185 Il acquiert un degré | qui forme les accès. 6+6 a
Si j'excellois | en l'art où je m'applique, 4+6 a
Et que l'on pût | tout réduire à nos sons, 4+6 b
J'expliquerais | par raison mécanique 4+6 a
Le mouvement | convulsif des frissons : 4+6 b
190 Mais le talent | des doctes nourrissons 4+6 b
Sur ce sujet | veut une autre manière. 4+6 a
Il semble alors | que la machine entière 4+6 a
Soit le jouet | d'un démon furieux. 4+6 a
Muse, aide-moi ; | viens sur cette matière 4+6 b
195 Philosopher | en langage des dieux. 4+6 a
Des portions d'humeur grossière, 8 b
Quelquefois compagnes du sang, 8 c
Le suivent dans le cœur, | sans pouvoir, en passant, 6+6 c
Se subtiliser de manière 8 b
200 Qu'il naisse des esprits | en même quantité 6+6 a
Que dans le cours de la santé. 8 a
Un sang plus pur s'échauffe | avec plus de vitesse 6+6 a
L'autre reçoit plus tard | la chaleur pour hôtesse ; 6+6 a
Le temps l'y sait, aussi | beaucoup mieux imprimer. 6+6 a
205 Le bois vert, plein d'humeurs, | est long à s'allumer : 6+6 a
Quand il brûle, l'ardeur | en est plus véhémente. 6+6 a
Ainsi ce sang chargé | repassant, par le cœur 6+6 b
S'embrase d'autant plus | que c'est avec lenteur, 6+6 b
Et regagne au degré | ce qu'il perd par l'attente. 6+6 a
210 Ce degré, c'est la fièvre. | A l'égard des retours 6+6 a
A certaine heure, en certains jours, 8 a
C'est un point, inscrutable, | à moins qu'on ne le fonde 6+6 a
Sur les moments prescrits | à cuire ou consumer 6+6 b
L'aliment ou l'humeur | qui s'en est pu former. 6+6 b
215 Il n'est merveille qui confonde 8 a
Notre raison aveugle | en mille autres effets 6+6 a
Comme ces temps marqués | où nos maux sont sujets. 6+6 a
Vous qui cherchez dans tout | une cause sensible, 6+6 a
Dites-nous comme il est possible 8 a
220 Qu'un corps dans le désordre | amène réglément 6+6 a
L'accès, ou le redoublement. 8 a
Pour moi, je n'oserais | entrer dans ce dédale ; 6+6 a
Ainsi de ces retours | je laisse l'intervalle : 6+6 a
Je reviens au frisson, | qui du défaut d'esprits 6+6 a
225 Tient sans doute son origine. 8 b
Les muscles moins tendus, | comme étant moins remplis, 6+6 a
Ne peuvent lors dans la machine 8 b
Tirer leurs opposés | de même qu'autrefois, 6+6 a
Ni ceux-ci succéder | à de pareils emplois. 6+6 a
230 Tout le peuple mutin, | léger, et téméraire, 6+6 a
Des vaisseaux mal fermés | en tumulte sortant, 6+6 b
Cause chez nous dans cet instant 8 b
Un mouvement involontaire. 8 a
Le peu qui s'en produit | sort du lieu non gonflé, 6+6 a
235 Comme on voit l'air sortir | d'un ballon mal enflé. 6+6 a
La valvule en la veine, | au ballon la languette. 6+6 a
Geôlière peu soigneuse | à fermer la prison, 6+6 b
Laisse enfin échapper | la matière inquiète : 6+6 a
Aussitôt les esprits | agitent sans raison, 6+6 b
240 Deçà, delà, partout | où le hasard les pousse, 6+6 a
Notre corps qui frémit | à leur moindre secousse. 6+6 a
Le malade ressemble | alors à ces vaisseaux 6+6 a
Que des vents opposés | et de contraires eaux 6+6 a
Ont pour but du débris | que leurs fureurs méditent ; 6+6 a
245 Les ministres d'Éole | et le flot les agitent ; 6+6 a
Maint coup, maint tourbillon | les pousse à tous moments, 6+6 a
Frêle et triste jouet | de la vague et des vents. 6+6 a
En tel et pire état | le frisson vient réduire 6+6 a
Ceux qu'un chaud véhément | menace de détruire. 6+6 a
250 Il n'est muscle ni membre | en l'assemblage entier 6+6 a
Qui ne semble être près | du naufrage dernier. 6+6 a
De divers ennemis | à l'envi nous traversent, 6+6 a
Malheureuse carrière | où ces démons s'exercent. 6+6 a
Si le mal continue, | et que d'aucun repos 6+6 a
255 La fièvre n'ait borné | ses funestes complots, 6+6 a
Dans les fébricitants | il n'est rien qui ne pèche 6+6 a
Le palais se noircit, | et la langue se sèche ; 6+6 a
On respire avec peine, | et d'un fréquent effort : 6+6 a
Tout s'altère ; et bientôt | la raison prend l'essort. 6+6 a
260 Le médecin confus | redouble ses alarmes. 6+6 a
Une famille tout en larmes 8 a
Consulte ses regards : | il a beau déguiser, 6+6 a
Aucun des assistants | ne s'y laisse abuser ». 6+6 a
Le malade lui-même | a l'œil sur leur visage. 6+6 a
265 Tout ce qui l'environne | est d'un triste présage ; 6+6 a
Sa moitié, des enfants, | l'un appui de ses jours, 6+6 a
Un autre entre les bras | de ses chastes amours, 6+6 a
Une fille pleurante, | et déjà destinée 6+6 a
Aux prochaines douceurs | d'un heureux hyménée. 6+6 a
270 Alors, alors, il faut | oublier ces plaisirs. 6+6 a
L'âme en soi se ramène, | encor que nos désirs 6+6 a
Renoncent à regret | à des restes de vie. 6+6 a
Douce lumière, hélas ! | me seras-tu ravie ? 6+6 a
Âme, où t'envoles-tu | sans espoir de retour ? 6+6 a
275 Le malade arrivé | près de son dernier jour, 6+6 a
Rappelle ces moments | où personne ne songe 6+6 a
Aux remords trop tardifs | où cet instant nous plonge. 6+6 a
Sur ce qu'il a commis | il tâche à repasser : 6+6 a
En vain ; car le transport | à ce foible penser 6+6 a
280 Fait bientôt succéder | les folles rêveries, 6+6 a
Le délire, et souvent | le poison des furies. 6+6 a
On tente l'émétique | alors infructueux, 6+6 a
Puis l'art nous abandonne | au remède des vœux. 6+6 a
Pandore, que ta boîte | en maux étoit féconde ! 6+6 a
285 Que tu sus tempérer | les douceurs de ce monde ! 6+6 a
A peine en sommes-nous | devenus habitants, 6+6 a
Qu'entourés d'ennemis | dès les premiers instants, 6+6 a
Il nous faut par des pleurs | ouvrir notre carrière. 6+6 a
On n'a pas le loisir | de goûter la lumière. 6+6 a
290 Misérables humains, | combien possédez-vous 6+6 a
Un présent si cher et si doux ? 8 a
Retranchez-en le temps | dont Morphée est le maître ; 6+6 a
Retranchez ces jours superflus 8 b
Où notre âme ignorant son être 8 a
295 Ne se sent pas encore, | ou bien ne se sent plus : 6+6 b
Otez le temps des soins, | celui des maladies, 6+6 a
Intermède fatal | qui partage nos vies. 6+6 a
La fièvre quelquefois | fait que dans nos maisons 6+6 a
Nous passons sans soleil | trois retours de saisons. 6+6 a
300 Ce mal a le pouvoir d'étendre 8 a
Autant et plus encor | son long et triste cours ; 6+6 b
Un de ces trois cercles de jours 8 b
Se passe à le souffrir, | deux autres à l'attendre. 6+6 a
Mais c'est trop s'arrêter | à des sujets de pleurs : 6+6 a
305 Allons quelques moments | dormir sur le Parnasse ; 6+6 b
Nous en célébrerons | avecque plus de grâce 6+6 b
Le présent qu'Apollon | oppose à ces malheurs. 6+6 a
CHANT SECOND
Enfin, grâce au démon | qui conduit mes ouvrages, 6+6 a
Je vais offrir aux yeux | de moins tristes images ; 6+6 a
310 Par lui j'ai peint le mal, | et j'ai lieu d'espérer 6+6 a
Qu'en parlant, du remède | il viendra m'inspirer. 6+6 a
On ne craint, plus cette hydre | aux têtes renaissantes, 6+6 a
La fièvre exerce en vain | ses fureurs impuissantes : 6+6 a
D'autres temps sont venus, | Louis règne ; et les dieux 6+6 a
315 Réservoient à son siècle | un bien si précieux ; 6+6 a
A son siècle ils gardoient | l'heureuse découverte 6+6 a
D'un bois qui tous les jours | cause au Styx quelque perte. 6+6 a
Nous n'avons pas toujours | triomphé de nos maux : 6+6 a
Le ciel nous a souvent | envoyé des travaux. 6+6 a
320 D'autres temps sont venus : | Louis règne ; et la Parque 6+6 a
Sera lente à trancher | nos jours sous ce monarque. 6+6 a
Son mérite a gagné | les arbitres du sort ; 6+6 a
Les destins avec lui | semblent, être d'accord. 6+6 a
Durez, bienheureux temps ; | et que sous ses auspices 6+6 a
325 Nous portions chez les morts | plus tard nos sacrifices. 6+6 a
J'en conjure le dieu | qui m'inspire ces vers ; 6+6 a
Je t'en conjure aussi, | père de l'univers. 6+6 a
Et vous, divinités | aux hommes bienfaisantes, 6+6 a
Qui tempérez les airs, | qui régnez sur les plantes, 6+6 a
330 Concourez pour lui plaire, | empêchez les humains 6+6 a
D'avancer leur tribut | au roi des peuples vains. 6+6 a
J'enseigne là-dessus | une nouvelle route : 6+6 a
C'est le bien des mortels ; | que tout mortel m'écoute. 6+6 a
J'ai fait voir ce que croit | l'école et ses suppôts : 6+6 a
335 On a laissé longtemps | leur erreur en repos. 6+6 a
Le quina l'a détruite, | on suit des lois nouvelles. 6+6 a
Arrière les humeurs ; | qu'elles pèchent ou non, 6+6 b
La fièvre est un levain | qui subsiste sans elles : 6+6 a
Ce mal si craint n'a pour raison 8 b
340 Qu'un sang qui se dilate, | et bout dans sa prison. 6+6 b
On s'est formé jadis | une semblable idée 6+6 a
Des eaux dont tous les ans | Memphis est inondée. 6+6 a
Plus d'un naturaliste a cru 8 a
Que les esprits nitreux | d'un ferment, prétendu 6+6 a
345 Faisoient croître le Nil, | quand toute eau se renferme 6+6 a
Et n'ose outre-passer le terme 8 a
Que d'invisibles mains | sur ses bords ont écrit. 6+6 a
Celle-ci seule échappe, | et dédaigne son lit : 6+6 a
Les nymphes de ce fleuve | errent dans les campagnes 6+6 a
350 Sous les signes brûlants, | et pendant plusieurs jours. 6+6 b
D'où vient, dit un auteur, | qu'il enfle alors son cours ? 6+6 b
Le climat est sans pluie ; | on n'entend aux montagnes 6+6 a
Bruire en ces lieux aucuns torrents : 8 a
En ces lieux nuls ruisseaux courants 8 a
355 N'augmentent le tribut | dont, s'arrosent les plaines. 6+6 a
Si l'on croit cet auteur, | certain bouillonnement 6+6 b
Par le nitre causé | fait ce débordement. 6+6 b
C'est ainsi que le sang | fermente dans nos veines, 6+6 a
Qu'il y bout, qu'il s'y meut, | dilaté par le cœur. 6+6 a
360 Les esprits alors en fureur 8 a
Tâchent par tous moyens | d'ébranler la machine. 6+6 a
On frissonne, on a chaud. | J'ai déduit ces effets 6+6 b
Selon leur ordre et leur progrès. 8 b
Dès qu'un certain acide | en notre corps domine, 6+6 a
365 Tout fermente, tout bout, | les esprits, les liqueurs ; 6+6 c
Et la fièvre de là | tire son origine 6+6 a
Sans autre vice des humeurs. 8 c
Que faisoient nos aïeux | pour rendre plus tranquille 6+6 a
Ce sang ainsi bouillant ? | ils saignoient, mais en vain 6+6 b
370 L'eau qui reste en l'éolipyle 8 a
Ne se refroidit, pas | quand il devient moins plein. 6+6 b
L'airain soufflant fait voir | que la liqueur enclose 6+6 a
Augmente de chaleur, | déchue en quantité : 6+6 b
Le souffle alors redouble, | et cet air irrité 6+6 b
375 Ne trouve du repos | qu'en consumant sa cause. 6+6 a
Du sentiment fiévreux | on tranche ainsi le cours ; 6+6 a
Il cesse avec le sang, | le sang avec nos jours. 6+6 a
Tout mal a son remède | au sein de la nature. 6+6 a
Nous n'avons qu'à chercher : | de là nous sont venus 6+6 b
380 L'antimoine avec le mercure, 8 a
Trésors autrefois inconnus. 8 b
Le quin règne aujourd'hui : | nos habiles s'en servent. 6+6 a
Quelques-uns encore conservent, 8 a
Comme un point de religion. 8 a
385 L'intérêt de l'école | et leur opinion. 6+6 a
Ceux-là même y viendront ; | et désormais ma veine 6+6 a
Ne plaindra plus des maux | dont l'art fait son domaine. 6+6 a
Peu de gens, je l'avoue, | ont part à ce discours : 6+6 a
Ce peu c'est encor trop. | Je reviens à l'usage 6+6 b
390 D'une écorce fameuse, | et qui va tous les jours 6+6 a
Rappeler des mortels | jusqu'au sombre rivage. 6+6 b
Un arbre en est couvert, | plein d'esprits odorants. 6+6 a
Gros de tige, étendu, | protecteur de l'ombrage : 6+6 b
Apollon a doué | de cent dons différents 6+6 a
395 Son bois, son fruit et son feuillage. 8 b
Le premier sert à maint ouvrage ; 8 b
Il est onde d'aurore ; | on en pourrait orner 6+6 a
Les maisons où le luxe | a droit de dominer. 6+6 a
Le fruit a pour pépins | une graine onctueuse, 6+6 a
400 D'ample volume, et précieuse : 8 a
Elle a l'effet du baume, | et fournit aux humains, 6+6 a
Sans le secours du temps, | sans l'adresse des mains, 6+6 a
Un remède à mainte blessure. 8 a
Sa feuille est semblable en figure 8 a
405 Aux trésors toujours verts | que mettent sur leur front 6+6 a
Les héros de la Thrace | et ceux du double mont. 6+6 a
Cet arbre ainsi formé | se couvre d'une écorce 6+6 a
Qu'au cinnamome on peut | comparer en couleur. 6+6 b
Quant à ses qualités, | principes de sa force, 6+6 a
410 C'est l'âpre, c'est l'amer, | c'est aussi la chaleur. 6+6 b
Celle-ci cuit les sucs | de qualité louable, 6+6 a
Dissipe ce qui nuit | ou n'est point favorable ; 6+6 a
Mais la principale vertu 8 a
Par qui soit ce ferment | dans nos corps combattu, 6+6 a
415 C'est cet amer, cet âpre, | ennemis de l'acide, 6+6 a
Double frein qui, domptant | sa fureur homicide, 6+6 a
Apaise les esprits | de colère agités. 6+6 a
Non qu'enfin toutes âpretés 8 a
Causent le même effet, | ni toutes amertumes : 6+6 a
420 La nature, toujours | diverse en ses coutumes, 6+6 a
Ne fait point dans l'absinthe | un miracle pareil ; 6+6 a
Il n'est dû qu'à ce bois, | digne fils du Soleil. 6+6 a
De lui dépend | tout l'effet du remède ; 4+6 a
Seul il commande | aux ferments ennemis, 4+6 b
425 Bien que souvent | on lui donne pour aide 4+6 a
La centaurée, | en qui le ciel a mis 4+6 b
Quelque âpreté, | quelque force astringente, 4+6 a
Non d'un tel prix, | ni de l'autre approchante, 4+6 a
Mais quelquefois | fébrifuge certain. 4+6 a
430 C'est une fleur | digne aussi qu'on la chante ; 4+6 b
J'ai dit sa force, | et voici son destin : 4+6 a
Fille jadis, | maintenant elle est plante. 4+6 b
Aide-moi, Muse, à rappeler 8 c
Ces fastes qu'aux humains | tu daignas révéler. 6+6 c
435 On dit, et je le crois, | qu'une nymphe savante 6+6 b
L'eut du sage Chiron, | et qu'ils lui firent part 6+6 a
Des plus beaux secrets de leur art. 8 a
Si, quelque fièvre ardente | attaquoit ses compagnes, 6+6 a
Si, courant parmi les campagnes, 8 a
440 Un levain trop bouillant | en vouloit à leurs jours, 6+6 a
La belle à ses secrets | avoit alors recours. 6+6 a
Il ne s'en trouva point | qui pût guérir son âme 6+6 a
Du ferment obstiné | de l'amoureuse flamme. 6+6 a
Elle aimoit un berger | qui causa son trépas. 6+6 a
445 Il la vit expirer, | et ne la plaignit pas. 6+6 a
Les dieux pour le punir | en marbre le changèrent. 6+6 a
L'ingrat devint statue ; | elle fleur, et son sort 6+6 b
Fut d'être bienfaisante | encore après sa mort ; 6+6 b
Son talent et son nom | toujours lui demeurèrent. 6+6 a
450 Heureuse si quelque herbe | eût su calmer ses feux ! 6+6 a
Car de forcer un cœur | il est bien moins possible : 6+6 b
Hélas ! aucun secret | ne peut rendre sensible, 6+6 b
Nul simple n'adoucit | un objet rigoureux ; 6+6 a
Il n'est bois, ni fleur, ni racine, 8 c
455 Qui dans les tourments amoureux 8 a
Puisse servir de médecine. 8 c
La base du remède | étant ce divin bois, 6+6 a
Outre la centaurée | on y joint le genièvre ; 6+6 b
Foible secours, | et secours toutefois. 4+6 a
460 De prescrire à chacun | le mélange et le poids, 6+6 a
Un plus savant l'a fait : | examinez la fièvre, 6+6 b
Regardez le tempérament ; 8 a
Doublez, s'il est besoin, | l'usage de l'écorce ; 6+6 b
Selon que le malade | a plus ou moins de force, 6+6 b
465 Il demande un quina | plus ou moins véhément. 6+6 a
Laissez un peu de temps | agir la maladie : 6+6 c
Cela fait, tranchez court ; | quelquefois un moment 6+6 a
Est maître de toute une vie. 8 c
Ce détail est écrit ; | il en court un traité. 6+6 a
470 Je louerais l'auteur et l'ouvrage : 8 b
L'amitié le défend, | et retient, mon suffrage ; 6+6 b
C'est assez à l'auteur | de l'avoir mérité. 6+6 a
Je lui dois seulement | rendre cette justice, 6+6 a
Qu'en nous découvrant l'art | il laisse l'artifice, 6+6 a
475 Le mystère, et tous ces chemins 8 a
Que suivent aujourd'hui | la plupart des humains. 6+6 a
Nulle liqueur | au quina n'est contraire : 4+6 a
L'onde insipide | et la cervoise amère, 4+6 a
Tout s'en imbibe ; | il nous permet d'user 4+6 a
480 D'une boisson | en tisane apprêtée. 4+6 b
Diverses gens | l'ayant su déguiser. 4+6 a
Leur intérêt | en a fait un Protée. 4+6 b
Même on pourrait | ne le pas infuser. 4+6 a
L'extrait suffit : | préférez l'autre voie, 4+6 a
485 C'est la plus sûre ; | et Bacchus vous envoie 4+6 a
De pleins vaisseaux | d'un jus délicieux. 4+6 a
Autre antidote, | autre bienfait des deux. 4+6 a
Le moût surtout, | lorsque le bon Silène, 4+6 a
Bouillant encor | le puise à tasse pleine, 4+6 a
490 Sait au remède | ajouter quelque prix ; 4+6 a
Soit qu'étant plein | de chaleur et d'esprits 4+6 a
Il le sublime, | et donne à sa nature 4+6 a
D'autres degrés | qu'une simple teinture ; 4+6 a
Soit que le vin | par ce chaud véhément. 4+6 a
495 S'imprègne alors | beaucoup plus aisément, 4+6 a
Ou que bouillant | il rejette avec force 4+6 a
Tout l'inutile | et l'impur de l'écorce : 4+6 a
Ce jus enfin | pour plus d'une raison 4+6 a
Partagera | les honneurs d'Apollon. 4+6 a
500 Nés l'un pour l'autre | ils joindront leur puissance 4+6 b
Entre Bacchus | et le sacré vallon 4+6 a
Toujours on vit | une étroite alliance. 4+6 b
Mais, comme il faut | au quina quelque choix. 4+6 a
Le vin en veut | aussi bien que ce bois : 4+6 a
505 Le plus léger | convient mieux au remède ; 4+6 a
Il porte au sang | un baume précieux : 4+6 b
C'est le nectar | que verse Ganimède 4+6 a
Dans les festins | du monarque des dieux. 4+6 b
Ne nous engageons point | dans un détail immense ; 6+6 a
510 Les longs travaux pour moi | ne sont plus de saison ; 6+6 b
Il me suffit ici | de joindre à la raison 6+6 b
Les succès de l'expérience. 8 a
Je ne m'arrête point | à chercher dans ces vers 6+6 a
Qui des deux amena | les arts dans l'univers ; 6+6 a
515 Nos besoins proprement | en font leur apanage : 6+6 a
Les arts sont les enfants | de la nécessité ; 6+6 b
Elle aiguise le soin, | qui, par elle excité, 6+6 b
Met aussitôt tout en usage. 8 a
Et qui sait si dans maint ouvrage 8 a
520 L'instinct des animaux, | précepteurs des humains, 6+6 a
N'a point d'abord guidé | notre esprit et nos mains ? 6+6 a
Rendons grâce au hasard. | Cent machines sur l'onde 6+6 a
Promenoient l'avarice | en tous les coins du monde : 6+6 a
L'or entouré d'écueils | avoit des poursuivants ; 6+6 a
525 Nos mains l'alloient chercher | au sein de sa patrie : 6+6 b
Le quina vint s'offrir | à nous en même temps, 6+6 a
Plus digne mille fois | de notre idolâtrie. 6+6 b
Cependant près d'un siècle | on l'a vu sans honneurs. 6+6 a
Depuis quelques étés | qu'on brigue ses faveurs, 6+6 a
530 Quel bruit n'a-t-il point fait ! | de quoi fument nos temples 6+6 a
Que de l'encens promis | au succès de ses dons ? 6+6 b
Sans me charger ici | d'une foule d'exemples, 6+6 a
Je me veux seulement | attacher aux grands noms. 6+6 b
Combien a-t-il sauvé | de précieuses têtes ! 6+6 a
535 Nous lui devons Condé, | prince dont les travaux, 6+6 b
L'esprit, le profond sens, | la valeur, les conquêtes, 6+6 a
Serviroient de matière | à former cent héros. 6+6 b
Le quin fera longtemps | durer ses destinées. 6+6 a
Son fils, digne héritier | d'un nom si glorieux, 6+6 b
540 Eut aussi sans ce bois | langui maintes journées. 6+6 a
J'ai pour garants deux demi-dieux. 8 b
Arbitres de nos jours, | prolongez les années 6+6 a
De ce couple vaillant | et né pour les hasards, 6+6 a
De ces chers nourrissons | de Minerve et de Mars. 6+6 a
545 Puisse mon ouvrage leur plaire ! 8 a
Je toucherai du front | les bords du firmament. 6+6 b
Et toi que le quina | guérit si promptement, 6+6 b
Golbert, je ne dois point te taire ; 8 a
Je laisse tes travaux, | ta prudence, et le choix 6+6 c
550 D'un prince que le ciel | prendra pour exemplaire 6+6 a
Quand il voudra former | de grands et sages rois. 6+6 c
D'autres que moi diront | ton zèle et ta conduite, 6+6 a
Monument éternel | aux ministres suivants ; 6+6 b
Ce sujet est trop vaste, | et ma muse est réduite 6+6 a
555 A dire les faveurs | que tu fais aux savants. 6+6 b
Un jour j'entreprendrai | cette digne matière ; 6+6 a
Car pour fournir encore | une telle carrière 6+6 a
Il faut reprendre haleine : | aussi bien aujourd'hui 6+6 a
Dans nos chants les plus courts | on trouve un long ennui. 6+6 a
560 J'ajouterai sans plus | que le quina dispense 6+6 a
De ce régime exact | dont on suivoit la loi : 6+6 b
Sa chaleur contre nous | agit faute d'emploi ; 6+6 b
Non qu'il faille trop loin | porter cette indulgence. 6+6 a
Si le quina servoit | à nourrir nos défauts, 6+6 a
565 Je tiendrais un tel bien | pour le plus grand des maux. 6+6 a
Les muses m'ont appris | que l'enfance du monde. 6+6 a
Simple, sans passions, | en désirs inféconde, 6+6 a
Vivant de peu, sans luxe, | évitoit les douleurs : 6+6 a
Nous n'avions pas en nous | la source des malheurs 6+6 a
570 Qui nous font aujourd'hui la guerre : 8 a
Le ciel n'exigeoit lors | nuls tributs de la terre : 6+6 a
L'homme ignorait les dieux, | qu'il n'apprend qu'au besoin. 6+6 a
De nous les enseigner | Pandore prit le soin : 6+6 a
Sa boîte se trouva | de poisons trop remplie. 6+6 a
575 Pour dispenser les biens | et les maux de la vie, 6+6 a
En deux tonneaux à part | l'un et l'autre fut mis. 6+6 a
Ceux de nous que Jupin | regarde comme amis 6+6 a
Puisent à leur naissance | en ces tonnes fatales 6+6 a
Un mélange des deux, | par portions égales : 6+6 a
580 Le reste des humains | abonde dans les maux. 6+6 a
Au seuil de son palais | Jupin mit ces tonneaux. 6+6 a
Ce ne fut ici-bas | que plainte et que murmure ; 6+6 a
On accusa des maux | l'excessive mesure. 6+6 a
Fatigué de nos cris, | le monarque des dieux 6+6 a
585 Vint lui-même éclaircir | la chose en ces bas lieux. 6+6 a
La Renommée en fit | aussitôt le message. 6+6 a
Pour lui représenter | nos maux et nos langueurs, 6+6 b
On députa deux harangueurs, 8 b
De tout le genre humain | le couple le moins sage, 6+6 a
590 Avec un discours ampoulé 8 a
Exagérant nos maladies : 8 b
Jupiter en fut ébranlé : 8 a
Ils firent un portrait | si hideux de nos vies, 6+6 b
Qu'il inclina d'abord | à réformer le tout. 6+6 a
595 Momus alors présent | reprit de bout en bout 6+6 a
De nos deux envoyés | les harangues frivoles : 6+6 a
N'écoutez point, dit-il, | ces diseurs de paroles ; 6+6 a
Qu'ils imputent leurs maux | à leur dérèglement, 6+6 a
Et non point aux auteurs | de leur tempérament : 6+6 a
600 Cette race pourrait | avec quelque sagesse 6+6 a
Se faire de nos biens | à soi-même largesse. 6+6 a
Jupiter crut Momus ; | il fronça les sourcils : 6+6 a
Tout l'Olympe en trembla | sur ses pôles assis. 6+6 a
Il dit aux orateurs : | Va, malheureuse engeance, 6+6 a
605 C'est toi seule qui rends | ce partage inégal ; 6+6 b
En abusant du bien, | tu fais qu'il devient mal, 6+6 b
Et ce mal est accru | par ton impatience. 6+6 a
Jupiter eut raison, | nous nous plaignons à tort : 6+6 a
La faute vient de nous | aussi bien que du sort. 6+6 a
610 Les dieux nous ont jadis | deux vertus députées, 6+6 a
La constance aux douleurs, | et la sobriété : 6+6 b
C'étoit rectifier | cette inégalité. 6+6 b
Comment les avons-nous traitées ? 8 a
Loin de loger en nos maisons 8 a
615 Ces deux filles du ciel, | ces sages conseillères, 6+6 b
Nous fuyons leur commerce, | elles n'habitent guères 6+6 b
Qu'en des lieux que nous méprisons. 8 a
L'homme se porte en tout | avecque violence, 6+6 a
A l'exemple des animaux, 8 b
620 Aveugle jusqu'au point | de mettre entre les maux 6+6 b
Les conseils de la tempérance. 8 a
Corrigez-vous, humains ; | que le fruit de mes vers. 6+6 a
Soit l'usagé réglé | des dons de la nature. 6+6 b
Que si l'excès vous jette | en ces ferments divers, 6+6 a
625 Ne vous figurez pas | que quelqu'humeur impure 6+6 b
Se doive avec le sang | épuiser dans nos corps. 6+6 a
Le quina s'offre à vous, | usez de ses trésors. 6+6 a
Éternisez mon nom : | qu'un jour on puisse dire : 6+6 a
Le chantre de ce bois | sut choisir ses sujets ; 6+6 b
630 Phébus, ami des grands projets, 8 b
Lui prêta son savoir | aussi bien que sa lyre. 6+6 a
J'accepte cet augure | à mes vers glorieux : 6+6 a
Tout concourt à flatter | là-dessus mon génie ; 6+6 b
Je les ai mis au jour | sous Louis, et les dieux 6+6 a
635 N'oseraient s'opposer | au vouloir d'Uranie. 6+6 b
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