Métrique en Ligne
LFT010/LFT010
Jean de LA FONTAINE
1691
ASTRÉE
TRAGÉDIE LYRIQUE
PROLOGUE
ACTEURS DU PROLOGUE
APOLLON
ACANTHE, suivant d'Apollon
LA NYMPHE DE LA SEINE
CHŒUR DES MUSES
NYMPHES, SUIVANTES DE LA SEINE
ZEPHIRE
FLORE et sa suite
Le théâtre représente la vue de Marly dans l'éloignement, et les bords de la Seine sur le devant.
APOLLON descend
LA NYMPHE
Dieu du Parnasse et du sacré vallon 10
Quelle aventure en ces lieux vous attire ? 10
APOLLON
Mars, de tout temps ennemi d'Apollon, 10
Me force à quitter mon empire. 8
LA NYMPHE
5 Notre monarque vous promet 8
Un repos qu'on n'a plus sur le double sommet. 12
APOLLON
Jupiter lui-même aurait peine 8
À calmer aujourd'hui tant de peuples divers : 12
Rien n'impose à présent silence à l'Univers 12
10 Et cependant je vois les Nymphes de la Seine 12
S'occuper à l'envi de musique et de vers. 12
LA NYMPHE
Nous tenons ces faveurs d'un roi plein de sagesse : 12
La Terreur et l'Effroi respectent ces beaux lieux. 12
Des chants les plus délicieux 8
15 Nos bois retentissent sans cesse. 8
La Paix règne dans nos ombrages. 8
Le murmure des eaux, les plaintes des amants, 12
Les rossignols par leurs tendres ramages 10
Occupent seuls l'écho dans ces lieux si charmants. 12
APOLLON
20 Joignons tous nos accords : approchez-vous, Acante. 12
Fille de l'Harmonie, ô Paix douce et charmante ! 12
Comme j'unis les voix, reviens unir les cœurs. 12
Par son retour la saison la plus belle 10
Annonce en mille endroits la guerre et ses fureurs ; 12
25 Fais qu'en ces lieux l'amour se renouvelle. 10
APOLLON, LA NYMPHE, et ACANTE
Ô Paix ! reviens unir les cœurs. 8
Par son retour la saison la plus belle 10
Annonce en mille endroits la guerre et ses fureurs : 12
Fais qu'en ces lieux l'amour se renouvelle. 10
LE CHŒUR
30 Fais qu'en ces lieux l'amour se renouvelle. 10
APOLLON
Et vous, compagnons du printemps 8
Zéphyrs, par qui les fleurs renaissent tous les ans 12
Embellissez ces bords de leurs grâces naïves ; 12
Ramenez ici les beaux jours 8
35 Doux Zéphire, invitez à danser sur ces rives 12
Flore et la mère des Amours. 8
LA NYMPHE
Dans ces lieux les dons de Flore 7
Font accourir les Zéphyrs, 7
Et les larmes de l'Aurore 7
40 Se joignent à leurs soupirs. 7
Les fleurs n'en sont que plus belles 7
Jouissez de leurs attraits : 7
Flore à leurs grâces nouvelles 7
Donne ici de nouveaux traits. 7
45 Toutes saisons n'ont pas ces richesses légères 12
Dont l'émail peint nos champs de diverses couleurs : 12
Bergers, venez cueillir les fleurs, 8
N'y venez point sans vos bergères ; 8
Jouissez des dons du printemps : 8
50 Tout finit, profitez du temps. 8
LE CHŒUR
Jouissons des dons du printemps. 8
Tout finit, profitons du temps. 8
LES CHŒURS
Est-il quelques rivages 6
Qui ne connaissent point l'Amour ? 8
LA NYMPHE et ACANTE
55 Si les bergers lui font leur cour, 8
Les rois lui rendent leurs hommages. 8
LES CHŒURS
Est-il quelques rivages 6
Qui ne connaissent point l'Amour ? 8
LA NYMPHE et ACANTE
Il n'est point de lieux si sauvages, 8
60 De cœurs si fiers, d'esprits si sages, 8
Que ce dieu ne dompte a leur tour. 8
LES CHŒURS
Est-il quelques rivages 6
Qui ne connaissent point l'Amour ? 8
APOLLON
Vos chants sont pour l'amour, ma lyre est pour la gloire 12
65 Du nom de deux héros je veux remplir les cieux, 12
De deux héros que la Victoire 8
Doit reconnaître pour ses dieux. 8
Muses, profitez d'un asile 8
Où tout est paisible et tranquille. 8
70 Représentez, dans ce séjour, 8
Un spectacle où règne l'Amour. 8
Ce dieu récompensa quelques moments de peine 12
Qu'eurent Astrée et Céladon ; 8
Faites voir aux bords de la Seine 8
75 Les aventures du Lignon. 8
LES CHŒURS
Que nos chants expriment nos flammes ; 8
Répandons dans tout ce séjour 8
Le charme le plus doux des âmes 8
Les chansons, les vers, et l'amour. 8
ASTRÉE
Personnages
ASTRÉE bergère
CÉLADON amant d'Astrée
SÉMIRE amant d'Astrée
PHILIS confidente d'Astrée
HYLAS berger
TIRCIS berger
GALATÉE princesse du Forez
LÉONIDE confidente de Galatée
ISMÈNE fée
TROUPE DE DRUIDES
TROUPE DE BERGERS ET DE BERGÈRES
ESPRITS AÉRIENS
NYMPHES
GÉNIES
PEUPLES DU FOREZ
TROUPE DE LA SUITE D'ISMÈNE
LIZETTE
GALIOFFO
GAMBARINI
La scène est dans le Forez.
ACTE I
Le théâtre représente le pays du Forez, arrosé de la rivière du Lignon, sur les bords de laquelle sont plusieurs hameaux et bocages.
SÉMIRE
80 Perfide que je suis ! infortuné Sémire ! 12
Les bruits qu'en ces hameaux je répands tous les jours 12
Soulageront-ils mon martyre ? 8
Que me sert de troubler d'innocentes amours ? 12
J'aime Astrée et je tente un dessein téméraire : 12
85 Je détruis son amant, mais que fais-je pour moi ? 12
Ce qui le rend suspect de violer sa foi 12
Me rend-il capable de plaire ? 8
Au sein d'Astrée en vain j'ai versé cent poisons. 12
L'implacable dépit, les injustes soupçons, 12
90 L'aveugle et la sourde colère, 8
La jalousie, au repos si contraire, 10
Enfants de l'art dont je me sers, 8
M'ont en vain procuré le secours des Enfers. 12
Quel fruit aura ton crime, infortuné Sémire ? 12
95 Les mensonges divers à quoi tu donnes cours 12
Soulageront-ils ton martyre ? 8
Que te sert de troubler d'innocentes amours ? 12
Je me venge, il suffit ; je fais des misérables. 12
N'est-ce pas un bien assez doux ? 8
100 Achevons ; puis retirons-nous 8
En des déserts inhabitables. 8
Amants, heureux amants, dont je détruis la foi, 12
Puissiez-vous devenir plus malheureux que moi ! 12
Je vois déjà cette bergère en larmes 10
105 Ce doit être l'effet des dernières alarmes 12
Par qui mon imposture a séduit sa raison ; 12
Laissons sur son esprit agir notre poison. 12
SCÈNE II
Astrée, Philis
ASTRÉE, donnant à Philis une lettre ouverte
Avais-je tort, Philis ? Tu vois ces témoignages 12
De sa main propre ils sont tracés ; 8
110 Considère de quels outrages 8
Mes feux y sont récompensés ; 8
Ne me parle jamais du traître 8
Céladon, Céladon, il est un dieu vengeur. 12
PHILIS
Ne le soupçonnez pas, ma sœur. 8
ASTRÉE
115 Voici pourtant ses traits, peux-tu les méconnaître ? 12
PHILIS
Je connais encor mieux son cœur ; 8
Tout m'est suspect, tout vous doit l'être 8
Quelque ennemi secret vient d'imiter sa main. 12
ASTRÉE
Dédiras-tu nos yeux, qui l'ont vu ce matin 12
120 Embrasser les genoux d'Aminte ? 8
PHILIS
C'est un reste de feinte ; 6
Vous-même avez pu voir avec quelle contrainte 12
Il feignait des transports qu'il ne pouvait sentir. 12
Qu'un véritable amant a de peine à mentir ! 12
ASTRÉE
Eh ! qu'il ne mente plus.
PHILIS
125 Sait-il votre pensée ?
Il voit, depuis quelques jours 7
Que sa flamme est traversée, 7
Et qu'on trouble vos amours 7
il veut vous ménager, en exposant Aminte. 12
ASTRÉE
Que ne me l'a-t-il dit ?
PHILIS
130 Sans doute il ne l'a pu.
ASTRÉE
Mon cœur à Céladon n'était que trop connu 12
N'aurait-il pas prévu ma crainte 8
Si l'ingrat, d'autres soins occupé, prévenu… 12
PHILIS
Ma sœur, bannissez ces alarmes 8
135 Quel objet vous peut-on préférer sous les cieux ? 12
ASTRÉE
Aminte est engageante, et prévient par ses charmes ; 12
Ton amitié me rend trop parfaite à tes yeux. 12
Hélas ! qui feint d'aimer est toujours téméraire 12
De la feinte à l'effet on n'a qu'un pas à faire ; 12
140 C'est un écueil fatal pour la fidélité : 12
Une première ardeur n'est bientôt plus qu'un songe ; 12
La vérité devient mensonge, 8
Et le mensonge, vérité. 8
PHILIS
Les coquettes les plus belles 7
145 Ne touchent que faiblement. 7
On peut, par amusement 7
Feindre de brûler pour elles ; 7
Et le plus crédule amant 7
Les regarde seulement 7
150 Comme on fait les fleurs nouvelles, 7
Avec quelque plaisir, mais sans attachement. 12
ASTRÉE
Quand il plaît à l'Amour, tout objet est à craindre. 12
Ce dieu met bien souvent sa gloire à nous atteindre 12
Du trait le plus commun et le moins redouté ; 12
155 Une première ardeur n'est bientôt plus qu'un songe 12
La vérité devient mensonge, 8
Et le mensonge, vérité. 8
Il le prévoyait bien, le traître, l'infidèle 12
J'eus peine à l'obliger à feindre ces amours ; 12
160 Il résista longtemps, je persistai toujours 12
Trouvait-il Aminte si belle ? 8
Je lisais dans ses yeux une secrète peur 12
L'ingrat avait raison de craindre pour son cœur. 12
PHILIS
C'était à vous d'avoir de la prudence, 10
165 En l'éloignant du danger 7
De changer. 3
ASTRÉE
C'était à lui d'avoir de la constance, 10
En résistant au danger 7
De changer. 3
PHILIS
170 À vos soupçons je ne saurais me rendre ; 10
Mais voici mon dessein, ma sœur : 8
D'Hylas depuis deux jours je ménage le cœur ; 12
Je veux que pour Aminte il feigne de l'ardeur, 12
C'est le moyen de tout apprendre 8
175 Elle lui dira son secret. 8
Je l'attends ; vous savez combien il est discret. 12
Le voici.
SCÈNE III
Philis, Hylas, Astrée
PHILIS
J'ai besoin, Hylas, de votre adresse.
Puis-je compter sur vos serments ? 8
Vous me rendez des soins ; mais ces empressements 12
180 Sont-ils des effets de tendresse ? 8
Ou ne sont-ce qu'amusements ? 8
Sans cesse vous allez de bergère en bergère, 12
Jurant de sincères amours : 8
Zéphire n'eut jamais d'ardeur si passagère ; 12
185 Eh ! comment s'assurer qu'une âme si légère 12
Puisse ne l'être pas toujours ? 8
HYLAS
Quoi ! Vous doutez si je vous aime ? 8
Eh ! Qui pourrait, Philis, vous voir sans vous aimer ? 12
Vous avez plus d'appas que n'en a l'Amour même, 12
190 Des traits à tout ravir, des yeux à tout charmer, 12
Et vous doutez si je vous aime ! 8
PHILIS
Déclarer si bien son ardeur, 8
Ce n'est pas ce qui nous engage 8
Les vrais interprètes du cœur 8
195 Ne sont pas les traits du langage. 8
ASTRÉE
Ma sœur, j'ose aujourd'hui te garantir sa foi ; 12
L'Amour ne réservait ce miracle qu'à toi. 12
HYLAS
Si je n'aime Philis, que ce dieu me haïsse ! 12
Qu'il me livre à des cœurs ennemis de ses traits ! 12
200 Qu'à la fin mon bonheur dépende du caprice 12
D'une bergère sans attraits ! 8
PHILIS
J'en croirai vos serments, si votre amour s'applique 12
À m'instruire des feux d'Aminte et d'un berger. 12
HYLAS
N'est-ce pas Céladon ? La chose est si publique 12
205 Qu'à de trop grands efforts ce n'est pas m'engager. 12
PHILIS
Il vient, partez.
HYLAS
Je vole où votre ordre m'appelle.
ASTRÉE et PHILIS
Voyons comment le traître, l'infidèle, 10
Soutiendra son manque de foi. 8
PHILIS
Adieu ; vous pourrez mieux vous éclaircir sans moi. 12
SCÈNE IV
Céladon, Astrée
CÉLADON
210 Hé quoi ! seule en ces lieux, sans songer à la fête 12
Dont vous serez tout l'ornement ! 8
C'est un triomphe qui s'apprête 8
Pour les dieux et pour vous, aux yeux de votre amant. 12
On n'entend en tous lieux que des chants d'allégresse ; 12
215 Bergères, bergers, tout s'empresse 8
De célébrer ce jour charmant. 8
Cependant vous rêvez : d'où vient cette tristesse ? 12
ASTRÉE
Berger, vous paraissez aujourd'hui bien paré 12
De cet ajustement quels yeux vous sauront gré ? 12
CÉLADON
220 Les vôtres, ma déesse. 6
Il n'est rien en ces lieux 6
Qui ne s'efforce de vous plaire ; 8
Et c'est pour attirer vos regards précieux, 12
Que ces prés, que ces bois, et cette onde si claire, 12
225 Étalent ce qu'ils ont de plus délicieux 12
L'astre même qui nous éclaire 8
Ne se montre si beau que pour plaire à vos yeux. 12
ASTRÉE
Céladon, bannissez ces discours d'entre nous ; 12
Je sais qu'en votre cœur une autre est préférée, 12
230 Et vos vœux ne sont pas pour l'innocente Astrée. 12
CÉLADON
Ciel ! Mes vœux ne sont pas pour vous ! 8
Dieux puissants qu'ici l'on révère, 8
Dieux vengeurs des forfaits, je vous atteste tous 12
Si quelque autre qu'Astrée à mes désirs est chère, 12
235 Faites tomber sur moi vos plus terribles coups 12
ASTRÉE
Sois traître seulement, et ne sois pas impie. 12
CÉLADON
Juste Ciel ! vous doutez encore de ma foi ! 12
Mais quel est cet objet dont mon âme est ravie ? 12
ASTRÉE
Va, perfide, va, garde-toi 8
240 D'oser jamais paraître devant moi. 10
CÉLADON
Ah ! du moins…
ASTRÉE
Non.
CÉLADON
Quoi ! sans l'entendre,
Condamner un amant si fidèle et si tendre ! 12
ASTRÉE
Non, perfide, non, garde-toi 8
D'oser jamais paraître devant moi. 10
CÉLADON
245 Mon sort est dans vos mains, il faut vous satisfaire ; 12
Et, puisque votre arrêt me livre au désespoir, 12
J'y cours ; et respectant votre injuste colère, 12
Je me fais du trépas un funeste devoir. 12
Vous me regretterez, j'en suis sûr, et votre âme, 12
250 Au vain ressouvenir d'une constante flamme 12
Se laissant trop tard émouvoir, 8
Me donnera des pleurs que je ne pourrai voir. 12
ASTRÉE
Serait-il innocent ? me serais-je trompée ? 12
Soupçons dont j'ai l'âme occupée, 8
Dois-je donc vous bannir ?
255 L'ai-je à tort condamné ?
En quel trouble me met cette fuite soudaine ! 12
Qu'as-tu fait, bergère inhumaine ? 8
Où s'en va cet infortuné ? 8
Ne le pas écouter ! se rendre inexorable ! 12
260 Ses pas précipités, ses regards pleins d'effroi, 12
Me font craindre pour lui ; que ne dis-tu pour toi, 12
Bergère misérable ! 6
Tu ne l'as pu haïr, quand tu l'as cru coupable ; 12
Que sera-ce, s'il meurt en te prouvant sa foi ? 12
265 Cours, malheureuse, cours, va retarder sa fuite. 12
Céladon ! Céladon ! Hélas ! il précipite 12
Ses pas et son cruel dessein : 8
Il est sourd à mes cris et je l'appelle en vain ; 12
Je n'en puis plus, la force et la voix, tout me quitte. 12
SCÈNE VI
Troupes de druides, de pâtres, sylvains, faunes, bergers et bergères
Un druide conduisant la cérémonie de la fête du gui de l'an neuf, à la place d'Adamas.
UN DRUIDE
270 Maîtres de l'Univers, dieux puissants, nos hameaux 12
Vous présentent le don que viennent de nous faire 12
Ces antiques palais qu'habitent les oiseaux : 12
Conservez dans nos bois leur ombre tutélaire. 12
Nous ne vous demandons, en faveur de ce don, 12
275 Ni des grandeurs, ni du renom 8
Ni des richesses excessives ; 8
Que les sources de l'or soient pour d'autres que nous 12
Nos destins seront assez doux 8
Si les bergères de ces rives 8
280 Ne font régner que de chastes désirs, 10
Et d'innocents plaisirs. 6
LE DRUIDE ET LE CHŒUR
Conservez nos troupeaux, arrosez nos prairies ; 12
Faites régner la paix sur ces rives fleuries : 12
Que Mars n'y trouble point les jeux et les chansons ; 12
285 Gardez nos fruits et nos moissons. 8
UN BERGER ET LE CHŒUR
Accourez, bergers fidèles, 7
Célébrez tous, en ce jour, 7
Vos bergères et l'amour ; 7
Chantez vos feux et vos belles. 7
LE CHŒUR
290 Venez, Amours, volez de cent climats divers 12
En ce séjour tranquille. 6
Ces feuillages épais, ces gazons toujours verts, 12
Vous offrent un charmant asile. 8
Venez, Amours, volez de cent climats divers, 12
295 Pour enflammer nos cœurs, seuls dignes de vos fers, 12
Laissez dans un repos languissant, inutile, 12
Tout le reste de l'Univers. 8
UN BERGER
Pour pleurer Céladon cessez vos doux accords ; 12
Du Lignon l'onde impitoyable 8
Vient de l'ensevelir.
LE CHŒUR
300 Ô perte irréparable !
LE BERGER
Nous n'avons pu le trouver sur ces bords. 10
LE DRUIDE
Portons ce sacré don sur un autel du temple, 12
Et que chacun, à mon exemple, 8
À chercher ce berger fasse tous ses efforts. 12
SCÈNE VIII
Philis, Astrée
PHILIS
305 Céladon dans les flots a terminé sa vie ; 12
Comment le dirai-je à ma sœur ? 8
ASTRÉE
Je le sais, Philis ; ce malheur 8
Est l'effet de ma jalousie. 8
Déteste-moi ; c'est peu de me haïr 10
310 Céladon ne périt que pour mieux m'obéir. 12
Il s'est perdu ! je me perdrai moi-même 10
Que me sert la clarté du jour ? 8
Je ne verrai plus ce que j'aime ! 8
Cher amant, as-tu pu me quitter sans retour ? 12
315 Notre bonheur était suprême ; 8
Les dieux nous enviaient du haut de leur séjour. 12
Tu t'es perdu ! je me perdrai moi-même 10
Que me sert la clarté du jour ? 8
ACTE II
Le théâtre représente les jardins de Galatée, et, dans l'éloignement, le palais d'Isoure.
GALATÉE
Je ne me connais plus ; quelle nouvelle ardeur 12
320 Se rend maîtresse de mon cœur ? 8
Un berger cause ces alarmes. 8
Doux et tranquilles vœux, qu'êtes-vous devenus ? 12
Le sort offre à mes yeux un berger plein de charmes, 12
Et depuis ce moment je ne me connais plus. 12
SCÈNE II
Léonide et Galatée
LÉONIDE
325 Princesse, cherchez-vous ici la solitude ? 12
GALATÉE
Je me laisse conduire à mon inquiétude. 12
Mais que fait Céladon ? Dis-moi, qu'en penses-tu ? 12
Je vois qu'en secret tu me blâmes 8
D'avoir pu concevoir de si honteuses flammes ; 12
330 Mais, hélas ! qui n'aurait vainement combattu 12
Contre les traits dont il a su m'atteindre ? 10
Il allait expirer ; l'onde venait d'éteindre 12
Le vif éclat de ses attraits : 8
La pitié lui prêta ses traits. 8
335 L'oracle, les destins, tout lui fut favorable. 12
Rien ne vint s'opposer à ma naissante ardeur. 12
LÉONIDE
Que de raisons ont fait entrer dans votre cœur 12
Un ennemi si redoutable ! 8
GALATÉE
Mes yeux me trompent-ils ? C'est à toi d'en juger. 12
LÉONIDE
340 Princesse, il est charmant ; mais ce n'est qu'un berger. 12
GALATÉE
Par les nœuds de l'hymen le sceptre et la houlette 12
Se sont unis plus d'une fois. 8
L'amour n'est plus amour, dès qu'il cherche en ce choix 12
Une égalité si parfaite. 8
345 Mon cœur est excusable, et Galatée enfin 12
Serait-elle, sans toi, dans cette peine extrême ? 12
Léonide, ce fut toi-même 8
Qui me fis, malgré moi, consulter ce devin. 12
« Princesse, me dit-il, voici votre destin 12
350 Une étoile ennemie autant que favorable, 12
Peut vous rendre en hymen heureuse ou misérable. 12
Dans ce miroir regardez bien ces lieux : 10
Vers le déclin du jour il faudra vous y rendre ; 12
Celui qui s'offrira le premier à vos yeux 12
355 Est l'époux que le Ciel vous ordonne de prendre. » 12
J'aperçus ce berger : résisterai-je aux dieux ? 12
LÉONIDE
Princesse, son Astrée a pour lui trop de charmes. 12
GALATÉE
Eh ! n'ai-je pas les mêmes armes ? 8
N'est-ce rien que mon rang auprès de Céladon ? 12
LÉONIDE
360 Vous ne connaissez pas les bergers du Lignon. 12
Leurs amours sont leurs dieux : l'offense la plus noire 12
Pour eux est l'infidélité. 8
Aimer fait leur félicité ; 8
Aimer constamment fait leur gloire. 8
GALATÉE
365 Toutes les conquêtes d'éclat 8
Flattent la vanité des hommes. 8
Quelque constants qu'ils soient dans les lieux où nous sommes, 12
La beauté dans mon rang ne fit jamais d'ingrat. 12
Je tremble : je le vois. Quoi ! même en ma présence 12
370 Il soupire, il se plaint aux échos d'alentour ! 12
LÉONIDE
Il n'est plein que de son amour 8
Par ses chagrins, jugez de sa constance. 10
SCÈNE III
Galatée, Céladon, Léonide
GALATÉE
Céladon, contemplez nos jardins et nos bois 12
Qui ne croirait que Flore y tienne son empire ? 12
375 De ces oiseaux qu'Amour inspire 8
Écoutez les charmantes voix. 8
À charmer vos ennuis en ces lieux tout conspire 12
Cependant c'est en vain que tout vous fait la cour. 12
Nos soins, nos vœux, ce beau séjour, 8
380 N'ont point d'agrément qui vous flatte. 8
Galatée a sujet de se plaindre de vous : 12
Faut-il que sans effet sa présence combatte 12
Cette tristesse ingrate 6
Que vous osez conserver parmi nous ? 10
CÉLADON
385 Princesse, ma douleur n'est pas en ma puissance 12
Je sors, vous le savez, du plus affreux danger ; 12
Puis-je m'empêcher d'y songer ? 8
GALATÉE
Songez plutôt à ma présence ; 8
C'est la seule reconnaissance 8
390 À quoi je veux vous engager. 8
Vous soupirez, vous vous plaignez sans cesse 10
Si c'est d'une ingrate maîtresse, 8
Changez : vous pouvez faire un choix rempli d'appas. 12
À souffrir tant de maux quel cœur peut vous contraindre ? 12
395 Hélas ! le mien ne comprend pas 8
Que vous deviez jamais vous plaindre. 8
Mais quelle est cette Astrée ? Et depuis quand ses coups 12
Tiennent-ils votre âme asservie ? 8
Votre esclavage était-il doux ? 8
CÉLADON
400 Belle princesse, comme à vous, 8
Hélas ! je suis bien loin de lui devoir la vie ! 12
GALATÉE
Du Lignon en fureur dans ce fatal moment 12
Contez-moi l'accident funeste. 8
CÉLADON
J'y tombai, vous savez le reste ; 8
405 Je ne veux vous parler que de vous seulement. 12
GALATÉE
Vous pâlissez ; vous changez de visage. 10
CÉLADON
Nymphe, c'est malgré moi que sous un doux ombrage 12
L'aspect de ce fatal rivage 8
A rappelé les maux que je viens d'endurer. 12
GALATÉE
410 De vos chagrins, de cette triste image 10
Puisse le Ciel vous délivrer ! 8
Divertis ses soins, Léonide ; 8
Fais-lui voir de ces lieux toutes les raretés ; 12
Parle-lui de cet antre, où des flots enchantés 12
415 Faisaient connaître un cœur ou constant ou perfide. 12
SCÈNE IV
Céladon, Léonide
LÉONIDE
Dans le fond de ce bois est un antre sacré. 12
Là, jadis chacun à son gré 8
Pouvait, en regardant dans une onde fidèle 12
Qui coule en ce lieu révéré, 8
420 Connaître si l'objet en son cœur adoré 12
Ne brûlait point de quelque ardeur nouvelle. 10
Cette fontaine a nom la Vérité d'amour : 12
On n'en approche plus ; deux monstres à l'entour 12
Interdisent l'abord d'une source si belle. 12
CÉLADON
425 Léonide, je sais que cet enchantement 12
Nuit ou sert à plus d'un amant. 8
Voyez combien il m'est contraire 8
Sans ces monstres pleins de fureur, 8
Astrée aurait pu lire en cette onde sincère 12
430 Mon innocence et son erreur ; 8
Elle m'aurait trouvé fidèle. 8
LÉONIDE
Vous aimez trop une beauté cruelle : 10
Oubliez-la : cédez à des transports plus doux, 12
Et songez qu'en ces lieux il est une princesse 12
435 Dont les appas et la tendresse 8
Sont dignes d'un amant aussi parfait que vous. 12
Laissez la constance 5
Aux heureux amants. 5
Vous souffrez mille tourments ; 7
440 Vous aimez sans espérance. 7
Laissez la constance. 5
Des plaisirs les plus charmants 7
Amour ici récompense 7
De si justes changements. 7
445 Laissez la constance 5
Aux heureux amants. 5
CÉLADON
Vous voulez m'engager sous un nouvel empire ; 12
Et dans mes premiers feux je veux persévérer. 12
Ce n'est point par conseil que notre cœur soupire, 12
450 Ou qu'il cesse de soupirer. 8
CÉLADON ET LÉONIDE, ensemble
Ce n'est point par conseil que notre cœur soupire, 12
Ou qu'il cesse de soupirer. 8
CÉLADON
Votre princesse est jeune et belle 8
Elle mériterait le cœur d'un souverain ; 12
455 Mais celui d'un berger ! quelle gloire pour elle ! 12
Nymphe, vous combattez en vain 8
La foi que j'ai jurée. 6
Combattez-la quand vous verrez Astrée. 10
LÉONIDE
Sa beauté ne saurait excuser sa rigueur. 12
460 Céladon, il est vrai, votre bergère est belle ; 12
Mais elle est fière, elle est cruelle, 8
Elle abuse de votre cœur. 8
CÉLADON
Ah ! si j'étais dans nos bocages ! 8
Si leurs frais et sacrés ombrages 8
465 Pouvaient servir de temple à l'objet de mes feux ! 12
Si mon cœur y pouvait sacrifier sans cesse 12
Au souvenir de sa déesse, 8
Que je me trouverais heureux ! 8
SCÈNE V
Ismène, Fée, Léonide, Céladon
ISMÈNE
Le Ciel exaucera vos vœux ; 8
470 Il me l'a fait savoir. Je suis la fée Ismène. 12
Ma puissance et mon art vont vous tirer de peine. 12
LÉONIDE
Qui vous rend à ces lieux, Ismène, dites-moi ? 12
ISMÈNE
L'ordre secret des dieux ; j'exécute leur loi. 12
LÉONIDE
Quels biens votre pouvoir ne va-t-il pas répandre 12
475 Dans cet heureux séjour ! 6
ISMÈNE
Mon oracle doit vous l'apprendre 8
Avant la fin du jour. 6
Céladon, mettez fin à vos tristes alarmes. 12
Votre bergère par ses larmes 8
480 Veut elle-même vous venger. 8
Elle croit que de son berger 8
L'âme encor dans les airs, faute de sépulture, 12
Autour de ces hameaux errante à l'aventure, 12
Attend qu'un vain tombeau la vienne soulager. 12
CÉLADON
485 Confidente des dieux, un amant trop fidèle 12
Attend tout de votre savoir ; 8
Faites, par son divin pouvoir, 8
Que, libre et dans nos bois, j'adore ma cruelle. 12
ISMÈNE
Je ferai plus encore et pour vous et pour elle 12
490 Dans ce moment mon art vous fera voir 10
Ses regrets et son désespoir. 8
ISMÈNE, aux ministres de sa puissance
Princes de l'air, Nymphes, Héros, Génies, 10
Calmez de ce berger les peines infinies. 12
Faites-lui voir Astrée, [et] cachez-le à ses yeux. 12
495 Rendez à cet objet l'honneur qu'on rend aux dieux. 12
Et le temple, et l'autel, et les cérémonies, 12
Vous ont été déjà par mon ordre prescrits. 12
Faites votre devoir, purs et légers esprits, 12
Princes de l'air, Nymphes, Héros, Génies. 10
Les esprits aériens descendent sur un tourbillon de nuages, et construisent un temple dédié à Astrée : le jardin se change entièrement en forêt.
SCÈNE VI
Philis, Astrée
PHILIS
500 Nous parcourons en vain tous les bords du Lignon. 12
Reposons-nous, ma sœur ; entrons dans ce bocage. 12
ASTRÉE
Ô dieux ! j'y vois un temple.
PHILIS
Il porte votre nom.
Je viens de voir, au fond de cet ombrage, 10
Ces mots écrits par Céladon 8
505 « C'est dans cette demeure 6
Qu'un amant exilé cherche en vain quelque paix. 12
Que, pour le prix des pleurs qu'il y verse à toute heure, 12
Puisse Astrée être heureuse, et n'en verser jamais ! » 12
ASTRÉE
Quoi ! de son ennemie il en fait sa déesse ! 12
510 Au moment que je viens de causer son trépas, 12
Il me consacre un temple, et demeure ici-bas 12
Afin de m'adorer sans cesse ! 8
Dans ce sombre réduit retirons-nous, ma sœur. 12
Pourrais-je, après de tels outrages, 8
515 Sans honte et sans remords jouir d'un tel honneur ? 12
Un tombeau m'est mieux dû qu'un temple et des hommages. 12
SCÈNE VII
Astrée, Philis, Hylas, Tircis, chœur de demi-dieux, de nymphes, et des ministres d'Ismène
UN GÉNIE
N'approchez point, profanes cœurs ! 8
C'est ici le temple d'Astrée : 8
Qu'aucun mortel en ce lieu n'ait entrée, 10
520 S'il ne sent de pures ardeurs. 8
LE CHŒUR
C'est ici le temple d'Astrée 8
N'approchez point, profanes cœurs ! 8
LE GÉNIE
Soyez sensible, Astrée, au sort de votre amant. 12
Pour lui nos voix à tout moment 8
525 Font résonner ici mille plaintes nouvelles. 12
Il ne pense qu'à vous : il n'a pour tous désirs 12
Que de se consoler, en ses peines cruelles, 12
Par de vains et tristes plaisirs. 8
HYLAS
Voilà l'effet que produit la constance ! 10
530 Vantez, bergers, votre persévérance ! 10
TIRCIS
C'est un devoir de persister toujours 10
Dans les mêmes amours. 6
HYLAS
C'est une erreur de persister toujours 10
Dans les mêmes amours. 6
TIRCIS ET HYLAS, ensemble
535 C'est un devoir de persister toujours 10
C'est une erreur de persister toujours 10
Dans les mêmes amours. 6
TIRCIS
Hylas, y songes-tu ? Profaner un tel temple ! 12
LE GÉNIE
N'imitez pas son exemple. 7
540 Régnez, divin objet, et triomphez des cœurs ; 12
Daignez recevoir les honneurs 8
Que le Ciel fait rendre à vos charmes ; 8
Ne les profanez point, ne versez plus de larmes. 12
Régnez, divin objet, et triomphez des cœurs. 12
LE CHŒUR
545 Régnez, divin objet, et triomphez des cœurs, etc. 12
Que sous les pas d'Astrée ici tout s'embellisse ! 12
Que de son nom tout retentisse ! 8
Faisons-le répéter aux échos d'alentour 12
Tous les cœurs lui rendent les armes ; 8
550 Et célébrer ses charmes, 6
C'est célébrer le pouvoir de l'Amour. 10
SCÈNE VIII
Philis, Astrée
PHILIS
Retirons-nous aussi, quittons cette demeure ; 12
La peur m'y saisit à toute heure. 8
Il est tard, et chacun s'en retourne aux hameaux ; 12
555 L'ombre croît en tombant de nos prochains coteaux ; 12
Rejoignons ces bergers : déjà la nuit s'avance, 12
Dans ces lieux règne le silence. 8
Bergers, attendez-nous… Ils ne m'écoutent pas… 12
ASTRÉE
C'est de moi seulement qu'ils détournent leurs pas 12
560 Eût-on dit qu'un jour cette Astrée 8
Serait l'horreur de la contrée ? 8
Tout le monde me fuit ! on a raison, Philis ; 12
Qui ne détesterait mes fureurs excessives ? 12
Ô lieux que mon berger a longtemps embellis, 12
565 Redemandez-moi tous l'ornement de vos rives. 12
ACTE III
Le théâtre représente la fontaine de la Vérité d'amour dans une forêt agréable.
ASTRÉE
Enfin me voilà seule, et j'ai trompé Philis. 12
Venez, monstres cruels : ce n'est pas que j'espère 12
Que ma beauté faible et légère 8
Donne atteinte à des sorts par l'Enfer établis. 12
Je ne veux que mourir.
570 Céladon, tu m'appelles.
Si parmi les choses mortelles 8
Quelqu'une peut encor t'attacher ici-bas, 12
Plains la bergère qui t'adore ; 8
Ce n'est plus pour moi que l'Aurore 8
575 Reparaîtra dans nos climats. 8
Chère ombre, je te suis. Adieu, rives cruelles ; 12
Adieu, Soleil, adieu, mes compagnes fidèles : 12
N'aimez point, ou tâchez de bannir de l'amour 12
Les soupçons, les dépits, les injustes querelles 12
580 Celui que je regrette en a perdu le jour. 12
Je ne vous fuis que pour le suivre ; 8
À ce devoir il me faut recourir 10
Si je vous ai promis de vivre, 8
Aux mânes d'un amant j'ai promis de mourir. 12
585 C'est trop tarder, ombre chérie 8
Viens voir mon crime s'expier 8
Aide mon cœur à défier 8
Ces animaux pleins de furie. 8
Mais d'où vient que je perds l'usage de mes sens ? 12
590 La mort sur mes yeux languissants 8
Étend un voile plein de charmes. 8
Avec quelle douceur je termine mes jours ! 12
Quel plaisir de céder à de telles alarmes, 12
Pour se rejoindre à ses amours ! 8
CÉLADON
595 Sous ces ombrages verts je viens de voir Astrée 12
Bois, dont elle parcourt les détours ténébreux, 12
Ne me la cachez pas sous votre ombre sacrée. 12
Ô dieux ! Je l'aperçois aux pieds d'un monstre affreux ! 12
Des puissances d'Enfer ministre malheureux, 12
600 Par quel droit nous l'as-tu ravie ? 8
Inhumain, devais-tu seulement l'approcher ? 12
Ce dard punira ta furie ! 8
Tous mes efforts sont vains, et je frappe un rocher. 12
Meurs, Céladon : qui me retient la main ? 10
605 Fiers animaux, je vous réclame en vain ; 10
Tout est marbre pour moi, tout est sourd à ma peine. 12
Léonide, est-ce là cette faveur d'Ismène ? 12
Je meurs enfin ; et plût aux dieux 8
Que j'eusse pour témoins de ma mort ces beaux yeux ! 12
SCÈNE III
Tircis, Hylas
TIRCIS
610 C'est ici que se doit accomplir le miracle 12
Que la Fée a prédit aux rives du Lignon. 12
HYLAS
Raconte-moi donc son oracle. 8
Que vois-je, juste Ciel ! Astrée et Céladon 12
De ces monstres cruels ont éprouvé la rage ! 12
TIRCIS
615 Le sort est accompli, ne nous alarmons pas ; 12
Le Ciel en ces amants achève son ouvrage. 12
Pour finir tes frayeurs, entends l'oracle, Hylas 12
« Le plus constant et la plus belle, 8
Pour rendre à l'Univers cette glace fidèle, 12
620 Détruiront un enchantement : 8
On les verra mourir, mais d'une mort nouvelle ; 12
Ils revivront en un moment. » 8
HYLAS
De ces monstres horribles 6
L'aspect n'est plus à redouter. 8
TIRCIS
625 Ne troublons point du sort les mystères terribles ; 12
Sortons : à nos hameaux allons tout raconter. 12
SCÈNE IV
Astrée, Céladon
ASTRÉE
Qui me ramène au jour ? et d'où vient que je vois 12
L'ombre de Céladon se présenter à moi ? 12
Mes yeux me trompent-ils ? Son ombre ! C'est lui-même. 12
630 Quoi ! je reverrais ce que j'aime ! 8
Hélas ! il est sans mouvement. 8
Vains et trompeurs démons, rendez-moi mon amant. 12
Il ouvre enfin les yeux ! il reprend tous ses charmes ! 12
L'ai-je ranimé par mes larmes ? 8
CÉLADON
635 Où suis-je ? Le soleil éclaire-t-il les morts ? 12
Quoi ! je revois les mêmes bords 8
Où ma divinité m'interdit sa présence ? 12
C'est elle-même que je vois. 8
ASTRÉE
Ah ! ne rappelez point une injuste défense 12
640 Mes pleurs ont lavé cette offense ; 8
Deviez-vous suivre cette loi ? 8
CÉLADON
Quoi ! vous m'avez pleuré ! Ces larmes précieuses 12
Auraient arrosé mon tombeau ! 8
Divinités, de mon sort envieuses, 10
645 Avez-vous un destin si beau ? 8
Les yeux de la divine Astrée 8
M'ont vengé de votre courroux ; 8
Vous ignorez les plaisirs les plus doux 10
Descendez en une contrée 8
650 Où de semblables yeux puissent pleurer pour vous. 12
ASTRÉE
N'irritez point les dieux, et craignez leur puissance 12
Vos transports les pourraient contre nous animer. 12
J'ai de vos feux assez de connaissance 10
Vous m'aimez trop…
CÉLADON
Peut-on vous trop aimer ?
ASTRÉE
655 Que je vous ai causé d'alarmes ! 8
Ai-je trop pu les payer par mes larmes ? 10
Ah ! que nous bénirons nos fers, 8
Si l'Amour mesure ses charmes 8
Sur les tourments qu'on a soufferts. 8
ASTRÉE ET CÉLADON
660 Ô doux souvenir de nos peines ! 8
Ô nœuds par qui l'Amour recommence à former 12
L'espoir le plus cher de nos chaînes, 8
Redoublez les plaisirs qui viennent nous charmer ! 12
Ô doux souvenir de nos peines ! 8
SCÈNE V
Ismène, Galatée, Céladon, Astrée
CÉLADON, à Astrée
La Nymphe vient à nous.
À Galatée.
665 Princesse, notre sort
Vous doit faire excuser ces marques de transport. 12
GALATÉE
J'ai déjà tout appris d'Ismène ; 8
Tendres amants, vos vœux sont exaucés 10
Venez voir en cette eau la fin de votre peine. 12
ASTRÉE ET CÉLADON
670 Nous la voyons dans nos cœurs, c'est assez. 10
ISMÈNE
Rien ne peut plus troubler une si douce chaîne ; 12
Achevons de remplir les ordres du Destin. 12
Tout obéit à mon pouvoir divin ; 10
Rien ne peut plus troubler une si douce chaîne ; 12
675 Unissons ces tendres amants : 8
Ils n'ont que trop souffert ; finissons leurs tourments. 12
GALATÉE, ISMÈNE, ASTRÉE, CÉLADON
Unissons ces (Unissez de) tendres amants. 8
Ils n'ont que trop souffert, finissons (finissez) leurs tourments. 12
ISMÈNE
Du haut de leur gloire éternelle 8
680 Les dieux ont daigné voir ces amants en ce jour, 12
Et veulent rendre leur amour 8
Heureux autant qu'il fut fidèle. 8
GALATÉE, ISMÈNE, ASTRÉE, CÉLADON
Unissons ces (Unissez de) tendres amants, 8
Ils n'ont que trop souffert, finissons (finissez) leurs tourments. 12
GALATÉE
685 Le printemps, avec toutes ses grâces, 9
Ne nous paraîtrait pas entouré de plaisirs, 12
Si l'hiver, environné de glaces, 9
N'avait interrompu le règne des Zéphyrs. 12
ISMÈNE
Plus on a de tourments soufferts, 8
690 Plus douce est la fin du martyre ; 8
Plus Borée a troublé les airs, 8
Et plus le retour de Zéphire 8
Cause de joie à l'Univers. 8
SCÈNE VI
Galatée, Ismène, Hylas ; Chœur de bergers et de bergères
GALATÉE
Que tout ce que ma Cour a de magnificence 12
695 Accompagne aujourd'hui l'hymen de ces amants ; 12
Inventez tous des divertissements 10
Dignes de ma présence. 6
ISMÈNE ET GALATÉE
Amants, votre persévérance 8
Du sort surmonte les rigueurs ; 8
700 Que l'Hymen et l'Amour, toujours d'intelligence, 12
Vous comblent à jamais de toutes leurs douceurs. 12
LE CHŒUR
Que l'Hymen et l'Amour, toujours d'intelligence, 12
Vous comblent à jamais de toutes leurs douceurs. 12
HYLAS, aux amants qui veulent aller à la Fontaine de la Vérité d'amour
Ces indiscrètes eaux vont vous accuser tous ; 12
705 Vous feriez beaucoup mieux de croire que vos belles 12
Sont fidèles. 3
À quoi sert d'être jaloux ? 7
C'est le moyen de déplaire, 7
Et de faire 3
710 Qu'à l'objet de vos vœux d'autres plaisent que vous. 12
ISMÈNE
Esprits soumis à ma puissance, 8
Venez, et, sous divers déguisements, 10
Faites connaître à ces heureux amants 10
Les surprenants effets de votre obéissance. 12
SCÈNE VII
Troupe de la suite d'Ismène, Lizette, Galioffo, Gambarini
LIZETTE
715 Chi pet mogl' mi vuol pigliar ?
Son Lizetta,
Fanciulletta,
Vezzozetta,
Leggiadretta,
720 Son d'amore la saetta
Fatta pet tutto infiammar.
Chi per mogl' mi vuol pigliar ?
Ogni fior, se non è colto,
Cade, e da gli venti è tolto.
725 Ahi, che tem' ch' al primo fiato
Certo fior troppo guardato
Meco piu non possa star !
Chi pet mogl' mi vuol pigliar ?
GALIOFFO, amante de Lizetta
Di voi sono inamorato.
730 Il fantolin dio bendato
Con un stral avelenato
M' ha per voi ferito il cor.
Rispondete a tanto ardor,
E fate entrar, en sto di fortunato,
735 Il mio vascel' tormentato
Nel dolce porto d'amor.
GAMBARINI, rivale di Galioffo
Tu sci matt' d'amar sta bella.
Speri tu qualche merce ?
Quest' amor convien'a te,
740 Com' all' asino la sella.
Lizetta è fatta pet me,
Com' io son fatto per ella.
Son gioven', le è giovanella ;
Son fedel, le è pien' di fe.
745 Com' io son fatto pet ella,
Lizetta è fatta per me.
LIZETTE
Ô quanti becchi,
Balordi e vecchi !
Qual bruttalacciol
750 Qual nazonaccio !
Non voglio tal servitù,
Ne mi maritaro più.
GALIOFFO
Voi mi sprezatte !
GAMBARINI
Voi mi beffate !
LIZETTE, GALIOFFO, GAMBARINI
755 Non voglio tal servitù,
Ne mi maritaro più.
CHŒUR DE LA SUITE DE GALATÉE
Versons dans tous les cœurs une joie éclatante. 12
Qu'en ces lieux tout rie et tout chante. 8
Fuyez, éloignez-vous d'ici, 8
760 Ennui, chagrin, triste souci. 8
TROUPE DE LA SUITE D'ISMÈNE
Cantiamo,
Balliamo,
Ridiamo,
Sempre viviamo cosi.
TROUPE DE LA SUITE DE GALATÉE
765 Chantons, portons nos voix jusqu'au céleste empire. 12
Que les plus graves dieux, en nous entendant rire, 12
Y soient forcés de rire aussi. 8
SUITE D'ISMÈNE
Su pigliam tutte le gioie,
E mandiam tutte le noie
770 All' inferno in questo di.
TOUS ENSEMBLE
Versons dans tous les cœurs une joie éclatante 12
Qu'en ces lieux tout rie et tout chante. 8
Fuyez, éloignez-vous d'ici, 8
Ennui, chagrin, triste souci. 8
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