Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LEG_1/LEG82
Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
EN BRETAGNE
FEUX D’ÉCOBUE
À Maurice Denis.
Quand je mourrai, que ce | soit chez vous, ma Bretagne 6−6 a
Que ce soit à l’automne, | un soir comme ce soir, 6+6 b
Où vos feux d’écobue | étoilent la campagne 6+6 a
Et font d’elle un immense | et mystique encensoir ! 6+6 b
5 Leur fumée un moment | hésite sur la plaine, 6+6 a
Puis se ramasse, oscille | et, soudain s’allongeant, 6+6 b
Des tristes Costankous | à la blanche Molène, 6+6 a
Effile vers le ciel | ses quenouilles d’argent. 6+6 b
De quel nouveau Baal | sont-ils la redevance ? 6+6 a
10 S’évadent-ils sans but | à l’horizon vermeil 6+6 b
Ou faut-il voir en eux | l’antique survivance 6+6 a
Du culte qu’autrefois | vous rendiez au soleil ? 6+6 b
Quand la Tradition, | du monde entier proscrite, 6+6 a
Errante, n’avait plus | un abri sous les cieux, 6+6 b
15 Vous aviez conservé | pieusement son rite : 6+6 a
L’Occident, grâce à vous, | gardait encor des dieux. 6+6 b
Mieux que sur un Thabor | ou sur un Janicule, 6+6 a
Ils rayonnaient du haut | de vos caps. Et voici 6+6 b
Que, sombrant à leur tour | au fond du crépuscule, 6+6 a
20 Nos dieux, nos derniers dieux | vont nous quitter aussi ! 6+6 b
Le geste machinal | qui vers eux vous incline 6+6 a
Pour vaincre le destin | n’est plus assez fervent 6+6 b
Et bientôt, par la lande | à jamais orpheline, 6+6 a
Sur leurs nefs de granit | ils cingleront au vent… 6+6 b
25 Ah ! souffrez qu’oublieux | de ces tristes oracles 6+6 a
Je garde jusqu’au bout | la foi qui m’a bercé ! 6+6 b
Que ce miracle encor | s’ajoute à vos miracles, 6+6 a
Ô Bretagne, mystique | épouse du Passé ! 6+6 b
Je ne veux point vous voir, | comme on vous représente, 6+6 a
30 Prête à vous détourner | de son dernier autel, 6+6 b
Mais fidèle à son culte | et pâle et frémissante 6+6 a
Pressant sur votre cœur | son fantôme immortel. 6+6 b
Et qu’importe s’il n’est | qu’une vaine apparence ? 6+6 a
Le songe de vos soirs | en serait-il moins beau, 6+6 b
35 Ce songe où palpitait | une obscure souffrance, 6+6 a
Faite de nostalgie | et d’effroi du tombeau ?… 6+6 b
Je me suis, comme vous, | laissé prendre à son leurre, 6+6 a
Par dégoût du réel | tout au rêve épuisant, 6+6 b
Et, captif du Passé, | je n’ai pas cru que l’heure 6+6 a
40 Valût d’être cueillie | aux branches du Présent. 6+6 b
Et les jours au pied vif, | changeants fils de l’année, 6+6 a
Ont fui. L’été qui meurt | fait les soleils plus courts, 6+6 b
Et celle dont les mains | filent ma destinée 6+6 a
Avant l’hiver peut-être | en suspendra le cours. 6+6 b
45 Je ne me plaindrai pas | des rigueurs de la Parque, 6+6 a
Ni du néant des dieux | qu’avait créés ma foi, 6+6 b
Si, quand le noir Passeur | me prendra dans sa barque, 6+6 a
Un peu de vous, Bretagne, | y descend avec moi. 6+6 b
Le mal m’aura doué | peut-être dans ma chambre 6+6 a
50 Et je ne pourrai plus | m’accouder devant vous 6+6 b
Au balcon de bois clair | d’où j’aimais, en septembre, 6+6 a
Voir monter dans le soir | vos feux pâles et doux. 6+6 b
C’est assez que mes yeux | vous devinent encore, 6+6 a
Bretagne, et que je puisse, | à travers les volets, 6+6 b
55 Éterniser en eux, | au moment de les clore, 6+6 a
Un coin de lande jaune | et des rocs violets. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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