Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAP_14/LAP210
Victor de LAPRADE
VARIA
1844-1879
V
A LYON
Si j'ai conduit, souvent, la Muse loin des villes. 6+6 a
Amoureux du désert et des sentiers secrets ; 6+6 b
Si j'enlaçais, hier, dans mes loisirs tranquilles, 6+6 a
L'olivier de Provence au chêne du Forez ; 6+6 b
5 Si j'ai trop écou l'esprit des solitudes ; 6+6 a
Si, du sapin neigeux au myrte sans hivers, 6+6 b
Errant parmi ces bois où j'ai mes habitudes, 6+6 a
J'ai perdu tant de jours et glané tant de vers ; 6+6 b
Si l'oiseau, tout trem de brouillard et de suie, 6+6 a
10 Cherche à baigner sa plume en un rayon vermeil ; 6+6 b
Si pour verdir encore, après nos mois de pluie, 6+6 a
Mes chansons et mes fleurs ont besoin du soleil… 6+6 b
Ne croyez pas, amis, que sa douce lumière 6+6 a
Soit seule à m'apporter la vie et la chaleur. 6+6 b
15 Et que ma poésie, en sa sève première, 6+6 a
Soit le fruit du printemps… et non pas de mon cœur ! 6+6 b
Je n'ai pas tout reçu de la verte nature. 6+6 a
Des champs et des forêts où je me plais encor. 6+6 b
De l'Alpe au front d'argent, à la noire ceinture, 6+6 a
20 Des jardins du soleil semés de pommes d'or. 6+6 b
Non ! je ne dois pas tout, ma pensée et mon rêve, 6+6 a
Même au sol des aïeux où j'ai tant fait moisson, 6+6 b
A ces bois où je vais, quand l'automne s'achève, 6+6 a
De la bise et du pâtre écouter la chanson. 6+6 b
25 J'entends aussi la Muse au pied des toits qui fument, 6+6 a
Autour des flots humains dans la ville endormis. 6+6 b
Dans ces murs où, pour moi, chaque hiver, se rallume 6+6 a
A défaut du soleil tant de foyers amis. 6+6 b
J'y vois la poésie en sa fleur m'apparaître 6+6 a
30 Avec un brin de mousse au front de ce portail, 6+6 b
Avec la giroflée à cette humble fenêtre, 6+6 a
A celte vitre où luit la lampe du travail. 6+6 b
Je la poursuis, sans cesse, au bord de vos deux fleuves. 6+6 a
Elle me souriait, jadis, sous vos tilleuls. 6+6 b
35 La Muse a pris sa part de toutes vos épreuves ; 6+6 a
Dans l'ombre, elle a donné des pleurs à tous vos deuils. 6+6 b
Sur les pas de l'aumône, en sa douce visite, 6+6 a
Elle apporte un sourire aux plus sombres quartiers ; 6+6 b
Dans vos ardents faubourgs, je l'entends qui palpite 6+6 a
40 Avec cent mille cœurs et cent mille métiers. 6+6 b
Souvent, à l'improviste, au détour d'une rue, 6+6 a
Un jour où l'air est plein de brume et de soucis. 6+6 b
Une vieille amitié, devant moi reparue, 6+6 a
Fait rayonner sa flamme en mes yeux éclaircis. 6+6 b
45 De vivants souvenirs partout m'y font escorte ; 6+6 a
La Muse à ses concerts les invite à jamais : 6+6 b
Je la vois, le matin, sortir de chaque porte 6+6 a
Dont j'ai franchi le seuil avec ceux que j'aimais. 6+6 b
Je la découvre, au son des cloches matinales, 6+6 a
50 A la lueur de l'aube et des cierges fumants ; 6+6 b
Partout sur vos coteaux comme dans vos annales. 6+6 a
Ses traits m'ont apparu, sévères ou charmants. 6+6 b
Là soupiraient les vers et le cœur de Louise ; 6+6 a
Ici venait prier et repose Gerson. 6+6 b
55 Le vieux temple d'Auguste a doté cette église 6+6 a
Des piliers où Bayard pendit son écusson. 6+6 b
C'est là qu'eut son autel et son ardente arène, 6+6 a
Là qu'a fleuri chez vous, pour y grandir encor. 6+6 b
Cette éloquence, accent d'une vertu sereine, 6+6 a
60 Qui vient de nous parler avec ses lèvres d'or. 6+6 b
Sous ce ciel vaporeux habité par la fée 6+6 a
Qui dans la paix du rêve endort la passion. 6+6 b
L'harmonieux Ballanche avec l'hymne d'Orphée, 6+6 a
Du prophétique Hébal chantait la vision. 6+6 b
65 Là-haut, Rome a laissé des noms et des ruines : 6+6 a
Le Christ inexpugnable y garde ses remparts, 6+6 b
La poésie, à flots, de ces saintes collines, 6+6 a
Comme la charité, descend de toutes parts ; 6+6 b
Elle y remonte avec l'encens de la prière ; 6+6 a
70 Elle entoure, à jamais, de rayons et de fleurs, 6+6 b
L'autel aérien d'où la divine Mère 6+6 a
Se penche nuit et jour sur toutes nos douleurs. 6+6 b
Des martyrs ont gravé, là-haut, votre épopée ; 6+6 a
Et, dans la plaine, au bruit du Rhône mugissant, 6+6 b
75 Aux lueurs de la bombe, aux reflets de l'épée, 6+6 a
J'ai lu tout un poème écrit de votre sang. 6+6 b
Là, vers cette chapelle où le deuil nous rassemble, 6+6 a
Fiers, léguant aux bourreaux la honte et les remords, 6+6 b
Vos pères et les miens qui reposent ensemble, 6+6 a
80 Vengeaient la liberté par d'héroïques morts. 6+6 b
Ainsi dans votre histoire errant comme l'abeille. 6+6 a
Sur vos grands souvenirs heureux de s'arrêter, 6+6 b
Le poète y moissonne et remplit sa corbeille… 6+6 a
Il y vient pour gémir, il y vient pour chanter. 6+6 b
85 Là fleurit pour mon cœur l'amitié sans épines : 6+6 a
J'y trouve à m'appuyer au chêne, aux arbrisseaux. 6+6 b
J'ai poussé dans ce sol mes plus fermes racines ; 6+6 a
J'y tiens par une tombe et par quatre berceaux. 6+6 b
Là, j'ai connu la vie et le Dieu qui l'envoie, 6+6 a
90 J'ai gté le calice à toute lèvre offert… 6+6 b
J'y tiens par la douleur plus forte que la joie. 6+6 a
Et qui fait que l'on aime autant qu'on a souffert. 6+6 b
J'ai pris de vos penseurs, de vos maîtres mystiques. 6+6 a
Un idéal austère et caché dans les cieux ; 6+6 b
95 Vos échos, tout vibrants de la voix des cantiques. 6+6 a
Ont fait rendre à mes vers leur son religieux. 6+6 b
Quand la Muse a besoin, pour un jour de parure, 6+6 a
D'air vif et de soleil et de chaude couleur, 6+6 b
Elle demande, ailleurs, son luxe à la nature… 6+6 a
100 Mais elle a pris, chez vous, ses vrais biens dans le cœur. 6+6 b
Le cœur ! c'est la lumière et la moisson féconde, 6+6 a
C'est la source d'eau vive où l'on est rajeuni : 6+6 b
Il t'offre à toi, poète, un monde, un vaste monde… 6+6 a
L'univers est borné, le cœur est infini. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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